46 - Chantal Masson
Il fallut bien quatre heures à Tyron pour retrouver la trace de cette femme. Quatre longues heures où je me plongeais dans les livres en l'écoutant taper sur les touches d'un ordinateur, inlassablement. Pour ma part, j'étais une quiche en informatique, alors je n'avais même pas essayé de l'aider. Au final, il finit par relever les yeux de mon écran :
- Freeman ? Viens voir.
Je me relevai aussitôt et accourut. Sur son écran étais affichés les profils et photos de quatre femmes, ainsi que des informations sur elles. Je restai silencieuse un moment. J'étais certaine de n'en connaître aucune.
- J'ai trié toutes les informations et les profils sur Chantal Masson. Dans un réseau de moins de 100 kilomètres, voilà celles que j'ai trouvées. Ces deux-là habitent en ville, et les autres dans la périphérie.
- Comment sais-tu que celle qu'on cherche vis dans le coin ?
Il me lança un regard désabusé comme si j'étais totalement stupide, avant de répondre :
- Ça parait logique. Ta mère sait que nous sommes recherchés, elle ne nous aurait pas envoyés à l'autre bout du monde.
En admettant qu'il avait raison, il allait falloir faire le tri entre toutes ces femmes. Et la moindre erreur pourrait être fatale. En suivant son raisonnement, ma mère ne nous aurait pas envoyés vers quelqu'un qui nous dénoncerait. Seulement, les trois autres inconnues le feraient assurément.
- Est-ce qu'une de ces femmes t'interpelle ? J'affiche leur profil.
Tour à tour, il afficha les profils et toutes les informations qu'il avait pu récolter. Il passa la première femme puis la deuxième sans aucune réaction de ma part. Ce fut la troisième qui me fit sursauter. Une ligne en particulier.
- 11 rue Victor Hugo, répetais-je à voix basse.
J'avais déjà entendu ça avant. Bien avant...
« - Comment va ta mère ?
La voix de mon père résonnait quelque part à ma gauche. Moi, enfermé dans mon berceau, je pleurais à chaude larme mais personne ne faisait attention. Je n'avais que quelques mois, et les bébés pleurent toujours à cet âge-là. Ma mère répondit calmement, de l'autre côté :
- Ça va. Elle est contente de sa nouvelle maison. Elle est contente d'être un peu plus éloignée du centre-ville, et de nous.
- Je vais lui envoyer le dernier carton, marmonna mon père. À quelle adresse ?
- Le 11 rue Victor Hugo. C'est pas loin du parc en bordure de la ville. Tu sais, en descendant l'avenue avec le grand rondpoint.
Ils continuèrent à déblatérer un moment avant que je ne pleure un peu plus fort pour attirer leur attention. J'avais faim moi. »
Bien sûr, à cette époque-là, je ne comprenais rien de ce qu'ils disaient. Mais leurs paroles étaient restées gravées dans ma tête, comme le reste. Soudain livide, je m'appuyais sur la table et fermai un court instant les yeux avant de les rouvrir.
- Chantal Masson est ma grand-mère.
- Quoi ? s'étonna Tyron. Mais tu ne l'as jamais rencontrée ?
- Non. Je n'ai jamais connu personne de ma famille excepté mes parents et ma tante. Ils n'en parlaient jamais en ma présence.
Je tirai une chaise et m'assis, la tête entre mes mains. Un soupir m'échappa. Ma grand-mère. Elle habitait en ville, et je ne l'avais jamais rencontrée. Était-elle aussi tarée que ma mère ? Pire encore ? Pourquoi ma mère voulait-elle que je la rencontre maintenant ? Je levais les yeux vers le garçon :
- Il faut aller la voir.
- Qu'est-ce qu'on attend alors ? Il faut qu'on se...
- Non, tranchai-je. Il faut qu'elle puisse me reconnaitre. Pas de déguisements.
Bien que cette idée ne semblât pas lui plaire, Tyron acquiesça. Nous nous préparâmes rapidement. Il enfila un sweat à capuche noir, me passa un bonnet à passer au-dessus de mes cheveux. Au final, nous ressemblions plus à des membres d'un gang qu'autre chose.
Nous montâmes jusque la voiture sans un mot. J'étais perdue dans mes pensées.
Ma grand-mère. J'allais rencontrer ma grand-mère. Je n'en revenais pas. Je m'assis sur le siège passager et repliait mes jambes sous moi. Tyron démarra et nous fit lentement quitter la forêt.
- Tu sais où aller ? questionna t-il.
- Il faut... aller à l'avenue principale. La descendre, jusqu'à un parc un peu plus bas ou un truc comme ça. Ce sera dans le coin.
- Ok.
Sans un mot, il reporta son attention sur la route. Il nous fallut une dizaine de minutes avant de rejoindre le centre-ville. Nous aperçûmes au loin mon université, et une puissante nostalgie me pris. Dire que ce temps-là était révolu. Je ne pourrais jamais y retourner. Comment avaient réagis mes professeurs ? Les autres élèves ? Je vivais désormais dans un autre monde.
Au bout d'un moment, nous arrivâmes devant le parc indiqué par ma mère. Nous tournâmes autour un moment, cherchant la bonne rue, avant de nous engager dedans.
C'était une grande rue droite, encadrée de chaque côté par les mêmes maisons. De petits bâtiments aux briques rouges, aux petits jardins et à l'aspect monotone.
- Stop ! criais-je en apercevant le numéro 11.
Tyron se gara sur le côté de la route en zieutant à droite et à gauche, mais la rue était déserte. Il posa son regard émeraude sur moi :
- Ça va le faire ?
- Oui.
Sans un mot de plus et excitée à l'idée de rencontrer la génitrice de ma mère, je descendis de la voiture et avançai jusque le porche de la maison. En apparence, rien ne la différenciait des autres maisons voisines, si ce n'était un long chat roux sur le palier. Je m'immobilisai devant, la bouche grande ouverte, avant de m'accroupir :
- Salem ? appelais-je d'une petite voix.
Le gros chat releva rapidement la tête à l'entente de son prénom et me dévisagea un moment, avant de se lever, de trottiner jusque moi et de se frotter contre mes jambes.
- Salem c'est toi !
Des larmes de joie m'échappèrent et j'attrapai le chat dans mes bras. Il se mit aussitôt à ronronner comme lui seul savait le faire, et je le serrais contre moi. Mais qu'est-ce qu'il faisait ici ?! Je poussai un soupire de soulagement. Dieu sait qu'il aurait eu le temps de mourir de faim dans mon appartement.
- Tu m'explique ? s'étonna Tyron.
- C'est mon chat ! m'extasiai-je. Il... je ne sais pas ce qu'il fait ici.
- Et bien on va le savoir.
Sans hésiter, Tyron avança, et appuya son doigt sur la sonnette. Je me relevais, soudain moins euphorique, et avançai à ses côtés. On entendit du mouvement à l'intérieur, puis une clé tourna dans la serrure, et enfin la porte s'ouvris. Je retenais mon souffle.
Sur le pas de la porte se trouvait une femme âgée. Dans les 70 ans, elle semblait pourtant encore bien en forme. De courts cheveux blancs encadraient un visage ridé, des pommettes hautes, des yeux en amande d'une couleur verte semblable aux miens. Loin d'être habillée d'un peignoir où d'une robe à fleur comme on aurait pu l'imaginer, elle était vêtue d'un pantalon et d'un débardeur de sport, et semblait essoufflée.
Dire que j'étais surprise était un faible euphémisme. Ma grand-mère était une sportive, de toute évidence, et loin d'être la mamie gâteau traditionnelle. Sans la quitter des yeux, j'enlevais mon bonnet.
Elle en eu le souffle coupé. Son regard se posa à peine sur Tyron mais pris le temps de bien me détailler. Je vis ses yeux s'écarquiller, sa main se serrer contre la poignée sans me lâcher du regard. Un long moment se passa où nous échangeâmes un regard fort en émotion, plus puissant que n'importe quel mot.
Soudain, elle sembla reprendre conscience de la réalité et jeta un rapide coup d'il aux alentours, avant d'ouvrir la porte en grand :
- Vite, chuchota-t-elle, entrez !
Je jetais un regard perdu à Tyron, qui me poussa rapidement à l'intérieur. Nous pénétrâmes dans la maison sur les pas de la femme, qui s'empressa de refermer la porte. Je laissai Salem par terre et me tournai vers elle.
- Tu es Morgane, n'est-ce pas ? La fille de Sandie. J'ai récupéré ton chat quand la police m'a appelée.
J'hochai la tête en silence, perdue dans son regard si identique au mien. Puis elle avança d'un pas vers moi :
- Ça fait si longtemps que je veux te rencontrer, lança-t-elle d'une voix pleine d'émotion.
Elle parcourut la distance nous séparant et posa ses mains sur mes joues, les yeux remplis de larmes. Pour ma part, je restais statique, embarquée dans un tourbillon d'émotions que je n'arrivais pas à saisir.
- Tu es tellement grande. Tellement jolie ! Je suis tellement désolé. Tout ce qui t'arrive est ma faute. Si j'avais insisté j'aurais pu... t'aider. J'aurais pu tellement t'aider !
Je fronçai les sourcils et reculai d'un pas, perplexe. Comment ça, m'aider ? Je vis dans ses yeux qu'elle était blessée de mon recul. Mais à quoi s'attendre d'autre ? Cette femme était une inconnue pour moi.
- Je... venez dans le salon. Vous devez avoir soif. Ensuite vous pourrez m'expliquer... ce que vous faîtes là.
Elle nous fit signe d'avancer à sa suite, jusqu'à un petit salon à la décoration sympathique. Une cheminée, un canapé moelleux, une table basse orange foncée. Je me plus immédiatement dans cet endroit. Je me retournai et cherchai le regard de Tyron, qui me fis un sourire rassurant.
- Asseyez-vous, s'empressa de dire Chantal. Je vous prépare du thé.
Elle partit dans la cuisine et je m'assis sur le bord du canapé, tout le corps tendu. Tyron s'assit à mes côtés :
- Tu es sûre que c'est elle ? Peut-être qu'elle est partie téléphoner à la police ou...
- Non. Je suis sûre. Fais moi confiance, elle ne le fera pas.
J'avais lu dans ses yeux qu'elle n'avait aucunement l'intention de nous dénoncer. D'ailleurs, la vieille femme revint rapidement avec deux tasses de thé entre les mains. Elle s'assis sur un fauteuil face à nous, déposant les tasses sur la table. Il y eut un moment de silence où elle ne me quitta pas des yeux, et je finis par perdre patience :
- Écoutez... je suis aller rendre visite à ma mère. Je l'ai questionné sur le meurtre qu'elle a commis. Et elle m'a répondu... de venir vous voir. Apparemment, vous avez des réponses.
Un voile passa devant les yeux de Chantal, et elle hocha doucement la tête :
- En effet, j'en ai beaucoup qu'il te manque, il me semble. Mais j'espère juste que... tu ne me détesteras pas quand tu sauras. Je suis tellement émue de te rencontrer et en même temps... tellement désolée.
Bonjour bonjour 😉
Que de mystères ! Qui est prêt à découvrir l'histoire de notre chère Sandie ?
La croyez vous innocente ou coupable ?
Er que pensez vous de la grand mère ? Qu'à t'elle bien put faire ?
Autrement, je tenais juste à vous dire que je viens d'écrire la toute fin de l'histoire. Il me manque plus qu'à écrire les chapitres entre 🤣😅
En tout cas, vous allez adorer. Et vous allez sans doute me détester aussi. Après tout, ce serait beaucoup moins drôle si je n'étais pas sadique, non ?
Bon dimanche à vous 😊🤗
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