43 -Entraînement

Je suivis Tyron à l'extérieur, perplexe, tenant soigneusement l'arme dans ma main comme si c'était une bombe mortelle. Mes doigts tremblaient autour de la crosse.

La femme de l'épicerie... coup de feu. John. La banque. La police. Coups de feu. J'avais vu les ravages que pouvaient causer une telle arme. Cela m'effrayait, la puissance d'un si petit objet. Un geste maladroit, et c'était fini.

Mais Ryder... son sourire me revint en tête. Son attitude invincible. Je ne pouvais pas rester impuissante face à lui. Ma main se resserra sur l'arme tandis que je m'enfonçais dans la forêt, suivant Tyron, James sur mes pas. Ils semblaient savoir où aller puisqu'ils s'arrêtèrent presque spontanément dans une grande clairière. James se tourna vers moi :

- On venait s'entrainer ici quand on était gamins. Dès qu'on le pouvait. On était loin d'imaginer que ça nous servirait autant.

- Oui, souris nostalgiquement Tyron. Je sortais en douce de chez moi pour te rejoindre dans la forêt. C'étaient les seuls moments qu'on passaient ensemble, au milieu de la nuit. On avait l'impression d'être invincibles, à cette époque.

Ils échangèrent un regard complice, et je me frottais les bras. Qu'est-ce que je faisais ici déjà ? James haussa les épaules :

- Ouais. Et le jour où tu nous as ramenée cette arme de ton père...on aurait pu conquérir le monde. Plus aucun obstacle ne nous paraissait infranchissable.

Il fit un signe de tête en direction de l'arme à feu entre mes mains. Je fronçai les sourcils en relevant des yeux perdus vers Tyron.

- C'est l'arme de ton père ?

Il leva les yeux vers moi et planta son regard dans le mien.

- Non. Ça l'était. C'était même son arme favorite. Avant que je ne le tue avec.

Je me figeai, les yeux écarquillés d'horreur. Je clignai plusieurs fois des yeux face à son attitude neutre, et la bombe qu'il venait de lâcher. Vu son expression, il ne plaisantait pas. Je laissais tomber l'arme par terre, figée d'effroi. Il avait... tué son père ? J'avais bien compris qu'il ne l'aimait pas, mais de là à en arriver à un tel geste... J'étais horrifiée.

- Pourquoi ? m'exprimais-je d'une voix glacée. Comment tu as pu...

- Tirer sur mon propre père ? C'est très simple. J'ai visé, et j'ai appuyé sur la détente.

Ok, je n'étais pas rassurée. Ça faisait un moment que j'étais devenue à l'aise avec James et Tyron. J'avais compris, ou tout du moins cru comprendre, qu'ils n'étaient pas profondément mauvais. Que, comme moi, ils étaient baladés par la vie.
Mais la lueur qui brillait à cet instant dans les yeux de Tyron dépassait tout ce que j'avais vu. Une telle violence brillait dans ses pupilles que ma seule envie était de partir en courant. Comme devant une bête sauvage prêt à égorger qui que ce soit sur son chemin. Je fis un pas en arrière, tremblante.

Tyron ne me quittait pas des yeux, comme s'il s'attendait à cette réaction de ma part. Subitement, James posa sa main sur l'épaule de son frère et murmura quelques mots à son oreille. Tyron resta immobile une seconde, sans me quitter du regard, avant de détourner les yeux vers son frère. Quand il les releva, la lueur avait disparu, si bien que je cru avoir rêvé. Il secoua la tête.

- C'est une trop longue histoire, Freeman. Crois-moi, celle-ci tu ne veux pas l'entendre. On va commencer, à moins que tu ne te sois dégonflée. On peut toujours annuler. On fait des choses stupides sous le coup de l'alcool et...

- Par quoi on commence ? le coupai-je.

- T'es sûre ? me sonda-t-il.

- À moins que tu ne te dégonfle, repris-je avec une lueur de défi.

Il me sonda des yeux un moment avant de hocher la tête, sous le regard de James :

- Très bien. Par quoi veux-tu commencer ?

- Pas ça, rétorquai-je en poussant l'arme du pied. Apprends-moi à me battre.

- Je pense qu'on va commencer par l'auto-défense, avança James.

Je fronçai les sourcils. C'est pas en me défendant que j'allais venir à bout de Ryder, c'était certain.

- Non. La meilleure défense c'est l'attaque non ?

- Non, rétorqua Tyron. Si tu ne sais pas te défendre, tu ne survivras pas cinq secondes dans un combat au corps à corps. Cette phrase est stupide. Alors sois tu fais ce qu'on te dit, sois on arrête tout de suite.

Je roulai des yeux. Bien sûr que j'allais faire ce qu'il disait, et il le savait. Il retroussa les manches de sa chemise, puis fit signe à son frère.

- James ?

Le concerné hocha la tête et vint se poster devant son frère, face à lui et dos à moi. D'un geste rapide, il leva le poing dans l'optique de frapper Tyron au visage. Je me figeai, attentive. Rapidement, Tyron attrapa le bras de son frère, lui faucha les jambes et le mit à terre, avant de s'appuyer contre lui de manière à l'empêcher de bouger. Le temps sembla se figer puis Tyron se releva, libérant son frère. Il releva les yeux vers moi.

- Compris ? me lança t-il.

- Non, râlai-je. C'était trop rapide.

Les deux garçons échangèrent un regard, communiquant silencieusement, puis Tyron hocha la tête. Il s'avança jusque moi, avant de soupirer.

- Désolé Freeman. Tu sais bien qu'on apprend jamais autant qu'en pratiquant.

- Que... ?

Je n'eus pas le temps de finir ma question que Tyron leva la main et me gifla. Sa paume s'abattit sur ma joue sans que je ne m'y attende, et je poussai un cri de surprise. Certes, ce n'était pas énormément violent, mais il avait encore levé la main sur moi ! Je fulminai immédiatement et me jetai sur lui avec hargne. C'est ce qu'il attendait, non ? Cependant, j'avais à peine fait un pas vers lui qu'il fit lui-même un pas de côté, m'attrapa le bras avant de me le tordre dans le dos, me collant contre son torse.

Je poussai un cri de colère et essayais de me débattre, mais chaque mouvement ne faisait qu'accentuer la pression sur mon bras et je finis par m'immobiliser, furieuse, essayant de ne pas faire attention au contact entre mon dos et le torse brulant du bandit.

- Tu vois ? lança-t-il. Je n'ai pas eu à faire la moindre tentative d'attaque. Je me suis juste défendu, et tu ne peux plus bouger. As-tu besoin de savoir autre chose ?

- Lâche-moi, grognai-je entre mes dents. Tu m'as giflée.

Avec un soupir, Tyron libéra sa poigne et je m'éloignai d'un pas en secouant mon membre engourdis. Je le foudroyai du regard, et James vint à la rescousse de son frère :

- Écoute Morgane, on était d'accord sur le fait qu'on ne voulait pas plus te blesser. Mais tu n'apprendras rien si tu te contente de regarder. Apprendre à te battre et te défendre, ça veut dire prendre des coups, en donner, en baver et faire baver.

Je fronçai les sourcils. D'un côté, il n'avait pas tout à fait tort. Mais ce geste était gratuit. Avait-il vraiment besoin de me foutre une gifle ? Je roulai des yeux :

- Ok. Je suis prête.

- Peut-être qu'on devrait... commença Tyron.

- J'ai dit que j'étais prête, le coupais-je.

Je voulais évoluer. Je ne pouvais pas stagner à ce stade de victime auquel j'errais depuis un moment. Je ne pouvais plus supporter ces regards de pitié sur moi, comme si j'étais une fragile petite chose. Je voulais prendre ma vie en main. Résister à celui qui régnait sur mes cauchemars. Dire qu'autrefois, il était le seul rempart entre moi et mon enfer ! Dire que j'avais... confiance en lui.

« - Lolita, tu as fait un cauchemar ?

- Oui...

Je me blottis contre le corps chaud de Ryder, qui caressa doucement mes hanches du bout de ses doigts. Je fermai les yeux, respirant l'odeur de tabac qui s'échappait de lui, et à laquelle je m'étais habituée.

- Raconte-moi.

Ryder était, comme bien souvent, entré en douce chez moi une fois la nuit tombée. Mon père ne se doutait de rien, ivre comme il devait l'être. Je posai mon visage au creux du cou du Ryder.

- J'étais en train de tomber. Comme quand on a fait de l'escalade, la dernière fois. Mais cette fois-ci, je tombai du ciel. Il y avait... des tas de corbeaux qui m'attaquaient, et la chute ne finissait jamais. Je tombai, je criais, et les corbeaux m'ont ouvert le ventre pour venir arracher mon cur. J'ai eu si mal et je... je...

Je fondis en larme dans les bras de Ryder, qui se resserrèrent autour de moi dans un intense sentiment de sécurité. Il caressa mes cheveux, mon cou, puis laissa un baiser au coin de mes lèvres.

- Ça va bien se passer. Il faut vaincre cette peur Lolita.Une bonne fois pour toute.

- Non ... !

Je me figeai dans ses bras et voulu m'éloigner, mais il ne relâcha pas sa poigne sur moi, m'immobilisant. Je tremblai de tout mon corps, et balbutiai :

- La dernière fois que... tu as dit ça, tu es parti. Je suis tombée. Je suis restée deux semaines à l'hôpital !

- Je te l'ai dit, ma belle. Je ne peux pas toujours être là pour toi. C'est à toi seule de vaincre ta peur, je ne le ferais pas à ta place. Le problème vient de ta tête. Je peux te pousser à aller de l'avant, à passer outre. Mais le changement doit venir de toi avant tout.

Je restai silencieuse et relevai les yeux. À travers l'obscurité de la chambre, je vis ses yeux briller et je me détendis dans ses bras. Ce n'était pas faux après tout.

- D'accord, acquiesçai-je, hésitante. Tu... tu as raison.

- Bien sûr que j'ai raison. Demain, tu n'iras pas au collège, tu n'as pas de cours important. Tu me rejoindras à l'endroit habituel. D'accord Lolita ?

- D'accord."

Bien évidemment, j'aurais tout accepté pour lui.

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