41 - Action ou vérité
- J'ai une idée.
Je bus de longues gorgées de la bouteille presque vide, avant de la tendre aux deux garçons :
- Finissez-là.
James haussa les épaules, l'air de se dire qu'il n'était pas à ça près, et bus lui-même à la bouteille, avant de la tendre à son frère, lui laissant les dernières gorgées. Sans me quitter des yeux, Tyron l'imita. Je récupérai ensuite le contenant vide et me levai. Je vacillai, me redressai, et avançai jusqu'au milieu de la pièce, où je m'assis lourdement. Les deux frères me regardaient en fronçant les sourcils :
- On va faire ce jeu vous savez... Ce truc auquel jouent les ados normaux. Ceux pour qui tout va bien dans leur vie, qui vont à l'école comme les autres, sont aimés, ont une famille géniale et dont le seul problème est de savoir qui est le plus populaire et non quand est-ce qu'ils vont finir en prison s'ils ne se font pas tués avant.
Il y eut un silence, et James se leva :
- Morgane, tu es sûre que...
- Ça va, aboyais-je ! Venez. Vous m'êtes redevables vous vous rappelez ?
Avec un soupire résigné, James vint s'asseoir en face de moi, et Tyron fit de même. Je regrettai déjà que la bouteille soit vide.
Je posais ledit contenant sur le sol entre nous, en position allongée, avant de le faire tourner. La bouteille tourna, avant de s'arrêter, le goulot en face de James. J'eus un sourire satisfait :
- Parfait. James, action ou vérité ?
- On va pas vraiment jouer à ce jeu pourri ? râla-t-il.
- Si. J'ai pas le droit de faire semblant d'être normale au moins une fois dans ma vie ?!
- Ok ok. Vérité.
Je gloussai de rire. Qu'est-ce que j'allais bien pouvoir lui demander ? La réponse me parvint comme une évidence et je plantai mon regard dans le sien.
- Raconte-nous ta première fois.
James rougis légèrement et j'éclatais de rire, sans vraiment savoir pourquoi. Ça faisait juste du bien, de rire. Tyron se redressa, subitement intéressé, et dévisagea son frère avec intensité.
- Et bien... répondit l'intéressé en se frottant le crâne. C'était il y a trois ans. Nous n'étions pas encore recherchés par la police, mais nous nous cachions déjà dans les bois. Le monde extérieur avait toujours été un danger pour nous. Un soir, j'ai convaincu Thomas de sortir. On est allés en ville, et on est entrés en douce dans une boîte de nuit. On voulait juste s'amuser un peu. Thom' était parti boire et heu... un type m'a accosté. Il était bien plus jeune que moi. On a pas parlé longtemps.
- Quoi ? s'étonna son frère. Mais on s'est revu pas longtemps après. À peine vingt minutes...
Je pouffai de rire. C'était du rapide ça. James rougit de plus belle :
- On s'est dépêché. Il m'a emmené à l'étage, y'avait des chambres et... enfin bon je passe les détails. Puis je suis redescendu, et j'ai fais comme si de rien n'était.
Il y eut un silence que je ne réussis pas à tenir et je gloussai à nouveau de rire en me penchant en deux, sans en comprendre la raison profonde.
- Tu ne l'as plus jamais revu ? questionna Tyron.
- Non. Je savais que tu réagirais mal, et comme tu as tendance à t'énerver facilement, je me suis dit... enfin bon. Voilà.
Sans plus attendre et considérant s'être assez étendu sur le sujet, James avança le bras et fit tourner la bouteille, qui s'arrêta dans le vide. Il recommença en râlant, et l'objet finit par s'arrêter dans ma direction. James eut un sourire arrogant en prévoyant déjà sa vengeance :
- Morgane... action ou vérité ?
- Action.
Je n'avais aucune envie qu'il me fasse parler à nouveau de Ryder. Le jeune homme pencha la tête, réfléchissant en remuant silencieusement les lèvres. Finalement, il eut un sourire victorieux.
- Tu dois chanter une chanson devant nous.
J'en arrivait à l'idée qu'il devait être au moins aussi alcoolisé que moi. Ce n'était pas sorcier de deviner que je chantais presque aussi bien que je dansais. À comprendre : vraiment mal.
- Mauvaise idée, ricana Tyron.
- Et pourquoi ? m'agaçai-je tout en sachant qu'il avait raison.
- Quand on jouait à Just Dance la dernière fois, tu chantonnais en même temps. Et ça m'a largement suffi.
- C'est ce qu'on va voir.
Je me levais avec un sourire de défi. Je préférais mourir plutôt que de m'incliner devant lui. Et puis, l'alcool coulant dans mon sang me faisait presque croire que c'était une bonne idée. Alors je me levais, légèrement chancelante, et entrepris de chanter à tue-tête du Cindy Lauper, me déhanchant sur ma scène imaginaire.
- Girls, chantai-je d'une voix la plus fausse possible, just want to have fun. Oho...
Je finis par me rasseoir à ma place, les cheveux en bataille et le souffle rapide. J'aperçus les deux garçons hilares, pliés en deux, et je me joignis vite à eux en pouffant, avant de faire tourner la bouteille, qui s'arrêta cette fois sur Tyron.
- Vérité, me devança-t-il.
- Je veux savoir la suite de votre histoire, rétorquai-je. Pourquoi votre mère ne t'a pas eu avec le père de James ?
La partie de mon cerveau encore lucide se faisait de plus en plus petite, mais j'en restais néanmoins consciente. Je voulais vraiment savoir. Tyron resta un moment les yeux perdus dans le vide avant de souffler :
- Il est mort. Il a été dénoncé. La police est arrivée et... ils ont crus qu'il sortait une arme. Ils l'ont fusillé. James était caché, sous ses ordres. La police ne l'a jamais trouvé mais... il a vu son père mourir sous ses yeux.
Je fronçai les sourcils et jetai un coup d'il vers l'intéressé. Sans dire un mot, il se leva, alla ouvrir un placard et en sortis une autre bouteille. Silencieux, il revint s'asseoir, but une longue gorgée au goulot, avant de me tendre la bouteille. Je fis de même, et la passa aux mains de Tyron. Celui-ci but à son tour, avant de reprendre :
- Notre mère s'est retrouvée seule, à devoir gérer son boulot, sa maison, et un gosse illégal de deux ans. Elle n'y arrivait pas. Elle était près de la dépression quand elle a rencontré mon... géniteur. Il était riche, puissant, capable de la protéger... elle n'a pas put refuser son aide. Il a emménagé un an chez elle, et c'est là qu'ils m'ont... conçus. Il ne savait pas pour mon frère, ma mère avait trop peur de lui avouer. Puis ce connard l'a convaincue de le suivre jusqu'en France, ou sinon il l'abandonnait avec son fils. Elle n'imaginait pas quel avenir elle réservait à ses deux enfants, seule et pauvre dans son Irlande natale.
- Elle a accepté ... ?
J'étais figée, pendue aux lèvres de Tyron. Il était de ces personnes qui avaient le don de te faire avaler n'importe quoi. Il pourrait parler des heures d'un sujet au possible inintéressant sans perdre un seul instant l'attention de son auditoire. Exactement comme Ryder, à ce titre.
- Bien sûr, rétorqua le bandit en portant à nouveau la bouteille à sa bouche. Que faire d'autre ? J'avais à peine un an, James en avait quatre. Elle l'a emmené illégalement dans le bateau, et ce n'est qu'une fois perdus au milieu de la mer, quand il n'y avait pas de retour en arrière, qu'elle lui a avoué sa présence. Elle se disait qu'il ne pourrait rien faire. Elle a été naïve de le croire.
Un frisson d'horreur me parcourut. L'alcool embrumait mes esprits et me projetais dix fois plus dans le récit. D'une voix éteinte, Tyron continua :
- Il... Il a ...
- Il m'a jeté dans la mer, compléta James. Il a jeté le gosse de quatre ans que j'étais dans une mer glacée, violente, aux courants contraires et bien plus profonde que ce qu'on ne pourrait imaginer. Je ne savais pas nager bien sûr. Et là... ma mère a sauté dans l'eau pour me sauver. Sans la moindre once d'hésitation. Elle a plongée vers une mort quasi certaine pour sauver son fils. Le père de Thom' l'a ensuite aidée à remonter et...
- Il a accepté que notre mère nous garde tous les deux, compléta Tyron avec un rictus, mais James ne devait pas vivre à la maison. Il vivait dans une cabane à l'écart.
- Je n'étais pas digne de vivre avec eux, reprit sarcastiquement son frère. Je ne portais pas son nom, j'étais un batard... je ne méritais pas plus de respect qu'un chien.
Je les dévisageais tour à tour, incrédule quant à leur histoire. Comment pouvait-on être aussi méchant face à un enfant ? Ce n'était même plus de la méchanceté, mais de la cruauté pure.
- Enfin bon, finit James. À qui le tour ?
Nous jouâmes ainsi un moment, dans une ambiance bien plus détendue. La bouteille passait de main en main, nous commencions à être tous bien alcoolisés, et moi en particulier. Étant donné que je ne buvais jamais, ça avait un effet dévastateur sur mon esprit et mon corps. Les gages étaient de plus en plus stupides. Nous avions chanté, dansé, couru de partout, sauté en l'air... plus rien ne semblait avoir de sens, ici sous terre.
Cependant, au bout d'un énième tournage de bouteille, celle-ci s'arrêta sur Tyron et une idée me vint à l'esprit. Quelque chose que, lucide, je n'aurais sans doute jamais pensé. Et je l'ignorais, mais cette chose allait me sauver la vie. En fait, ça allait me changer, définitivement. J'ignorais si cela était positif, mais l'alcool le rendait comme une chose merveilleuse. J'ignorais également que c'était une limite qui allait tout changer. La bascule entre ma vie d'avant, et cette nouvelle que j'étais en train de me construire. Entre celle que j'ai put être, et celle que je devenais.
Je me levais difficilement, retombait par terre sous les rires de James, et me levais à nouveau, chancelante. Je finis par réussir à aller jusque Tyron qui, la tête en bas, avait un sourire stupide sur le visage. Il était en poirier contre le mur depuis presque deux minutes, son visage devenait rouge et ses bras tremblaient. Je lui fit signe, et il se laissa tomber par terre. Il se redressa en s'appuyant sur le mur, hilare, mais s'interrompit en voyant mon air.
- Action ou vérité ? Lançais-je.
- Action.
Depuis que nous lui avions demandé comment était son caleçon préféré et qu'il nous avait avoué qu'il était jaune avec des fleurs bleues, il fuyait les vérités et enchainait les gages que nous lui donnions. Je croisai les bras en lui lançant un regard déterminé.
- Apprends-moi à me battre.
J'hésitais quelques instants avant de rajouter :
- Et à tirer avec une arme. Alors, cap ou pas cap ?
Hellooooo 😊😉
Comment allez vous aujourd'hui ?
J'étais pas trop d'humeur, mais je vous devais bien un chapitre haha 😘
Qu'en avez vous pensé ? Il ce passe pas grand chose, mais en apprends de plus en plus sur les deux frères, petit à petit.
Bon je m'adresse aux terminales parmi vous. Comment vivez vous Parcoursup ? Vous avez eu ce que vois vouliez ?
Perso je suis en mode déprime, le site bug et j'ai cru être acceptée quelque part alors que en fait non. J'espère que ce n'est pas votre cas 😶
Bref j'arrête de parler de ma vie Et je vous laisse tranquilles. Bonne journée à tous 😍😘
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