3- Braquage [corrigé]
Ce n'est clairement pas un feu d'artifice. Toute couleur disparait de mon visage tandis que je me replie sur moi-même. Bon dieu, que se passe-t-il ? Accroupie au sol et tremblante comme une feuille, je me déplace légèrement dans l'alignement entre deux rayons. Mon regard se dirige vers la caisse et je m'immobilise, horrifiée.
La femme qui mourait d'ennui il y a deux minutes est désormais debout, les bras levés au-dessus de la tête et secouée par des sanglots hystériques. En face d'elle, j'aperçois tout d'abord l'arme. Un pistolet, noir, simple, braqué sur la tête de la pauvre caissière. Puis mes yeux se détachent difficilement du canon glacial pour se poser sur son propriétaire. Une silhouette massive, une capuche sur la tête cachant son visage et une main qui ne tremble pas.
Ho. Mon. Dieu. Bordel de merde, c'est quoi ça ? Je retourne dans ma cachette, le souffle court et les larmes aux yeux. J'entends l'homme s'écrier d'une voix grave :
« Vides moi la caisse. En vitesse ! Y'a quelqu'un d'autre dans le magasin ? »
Je ferme les yeux une minute, priant le saint Dieu, s'il existe, pour que la caissière ne me trahisse pas. Pourtant, un silence suit sa question et je me doute vite que, si elle ne dit rien, son attitude a dû la trahir. Il sait. Oh merde. Bordel de merde. Ce type est armé. Je suis en danger.
Soudainement, je fais le rapprochement. Le bandit annoncé hier à la télé. C'est forcément lui. Tremblante et recroquevillée sur moi-même, je dégaine le plus silencieusement possible mon téléphone portable. Vite, vite... je commence à taper le numéro. 4... Mes doigts tremblent tellement ! 1... Un silence infernal règne dans le magasin. 2. Vite bon sang, vite ! Je suis au point d'appuyer sur le bouton d'appel quand un bruit résonne près de moi. Vraiment près.
Je relève les yeux et les pose sur une paire de bottes noires boueuses. Mon regard s'élève faiblement devant des jambes athlétiques, moulées dans un jean sombre puis sur une veste noire et un visage glacial. C'est bien le type de la télé, ses yeux verts et ses cheveux châtains me le confirment. Son visage, caché dans l'ombre de sa capuche, dévoile une dureté qui me rends incapable du moindre mouvement. Ses yeux verts, brillants et calculateurs, sont fixés sur moi. Je plante mon regard dans le sien et le temps semble reprendre son cours. Un grognement s'échappe de la gorge de l'homme comme de celle d'un animal sauvage.
« Tu croyais vraiment pouvoir te planquer ? »
Heu... oui ? Il donne un brusque coup de pied dans mon poignet et je laisse tomber mon téléphone au sol en gémissant. Aussitôt, l'homme m'attrape par le bras et me fait me relever de force. J'ai l'impression de n'être pour lui pas plus lourde qu'un pigeon, ce qui est peut-être le cas d'ailleurs. Il me pousse en direction de la caisse et pointe son arme sur moi.
« Va avec l'autre. Vite ! »
Trébuchant sur mes pieds, j'obéis sans rechigner. Que puis-je faire d'autre ? Je tremble de tout mon corps et une frayeur sans nom embaume mon esprit, m'empêchant de réfléchir correctement. Bon sang, pourquoi est-ce que ça doit m'arriver à moi ? Un craquement sourd retentis derrière moi et je me crispe. Est-ce qu'il vient vraiment d'écraser le portable qui m'a coûté toutes mes économies ? Je m'approche de la caissière, échangeant un regard terrifié avec elle. Je n'en mène désormais pas plus large qu'elle, tremblante et au bord des larmes. Notre agresseur revient vers nous, pointant le canon de son arme dans notre direction. Il ne dégage pas un soupçon de peur ou de doute. Il n'est qu'assurance, froideur et dureté. De toute évidence, ce n'est pas la première fois qu'il fait ça. Il désigne la caissière d'un signe de tête :
« Toi, vides moi la caisse. Toi, continue-t-il en pointant l'arme sur moi, prends ça. Récupère le plus de produits médicaux possibles. En vitesse ! »
Il me fourre mon sac à dos dans les mains. Sans réfléchir, j'obéis et me dirige vers le rayon pharmacie. Je récupère tout ce que je trouve -pansements, médocs, bandage, désinfectant...- et les jette dans le sac sans distinction. Je n'arrive pas à me rendre compte de ce qui se passe. Tout ce que je sais, c'est que j'ai tout intérêt à être obéissante pour ne pas mourir.
Alors que je remplis le sac, mon attention est attirée par la caissière. La femme croise mon regard et hoche doucement la tête. Je fais doucement bouger mon visage de gauche à droite en comprenant ce qu'elle veut faire. Non ma pauvre fille, ne fais pas ça. Bordel, arrête-toi !
Mais elle détourne les yeux et je ne n'ose rien dire, au risque d'attirer l'attention sur elle. Je m'immobilise, terrifiée et observe la suite comme hypnotisée. J'ai l'impression que tout se passe au ralenti. La caissière lâcha le sac qu'elle tient à la main, laissant tomber les billets à terre, avant de littéralement plonger de l'autre côté du comptoir, où doit se trouver le bouton d'urgence. Le bandit se retourne vers elle en voyant du mouvement et n'a pas un instant d'hésitation.
Son doigt presse la détente et un bruit sourd retentis. Je pousse un cri perçant, un bourdonnement résonnant dans mon crâne. Devant mes yeux effarés, la vendeuse s'affale sur le comptoir dans une flaque de sang, le doigt juste à côté de la sonnette. Je pousse un nouveau cri et lâche mon sac, les yeux écarquillés. J'accoure vers le comptoir et, sans prêter attention aux ordres du bandit qui résonne dans le magasin, je m'agenouille devant la femme. Je la retourne fébrilement. Ses yeux grands ouverts percutent les miens tandis que mes doigts, sur son cou, trouvent son pouls. La balle lui est arrivée dans l'épaule mais elle est encore vivante. Si elle a des soins rapidement, elle s'en sortiras. Elle essaye d'émettre un son mais rien ne sort tandis qu'elle s'agrippe à moi, la bouche grande ouverte.
Le bourdonnement résonne toujours dans mes oreilles, m'empêchant d'entendre d'autres sons. Je suis scotchée sur le corps de la femme blessée, incapable de faire le moindre geste ou de dévier mon regard du sien. Soudain, un poids me tire en l'air et je me retrouve face au bandit, les yeux écarquillés. Brusque retour à la réalité.
« Mais bordel t'es complètement bouchée ou quoi ? Je te cause ! »
Je le dévisage avec de grands yeux, incapable de réagir. Bouchée, non. Mais sonnée, ça oui. Quelqu'un va me sortir de là, ce n'est pas possible autrement... En grognant une injure, l'homme me fourre les deux sacs entre les mains, avant de m'attraper par le bras et de me tirer jusqu'à l'extérieur du magasin. Ma vue se brouille, je ne saisis rien de ce qui se passe à l'extérieur. Beaucoup de bruits, des hurlements...
« Je suis à un concert. Octobre 2013. La musique perce mes tympans, les cris hystériques des fans me font frémir. Partout du bruit, de l'agitation, des cris. Des gens me bousculent, me poussent, personne ne semble me voir. Je tombe à terre et me fais marcher dessus.
Je pousse un cri que personne n'entend. Je tente de me relever, retombe. Je rampe, rampe, me fais écraser les mains, les pieds. J'arrive enfin à m'extirper de la foule. J'inspire une goulée d'air comme un naufragé qui sort de l'eau. Je tremble de tous mes membres. J'ai mal aux oreilles, je crie mais personne ne m'entend. J'ai l'impression d'être invisible, écrasée par la vie. »
Je suis dans une voiture. La réalité me revient à la tête comme un boomerang fou. J'ai les yeux qui me piquent mais les larmes refusent de tomber. Je tourne la tête. À côté de moi, l'homme qui m'a menacée. Le criminel. Il est au volant, son arme posée sur ses genoux. Il jette un coup d'œil vers moi. Je me rends soudain compte du silence pesant, qui est presque aussi douloureux que le vacarme de ce jour-là. Mes poignets sont attachés ensemble par une corde dure. L'homme se reconcentre sur la routes, ses mains serrées contre le volant. Il regarde droit devant lui :
« Tiens, te voilà de retour parmi les vivants. Il te manque une case ou quoi ?
C'est son ton sarcastique qui me fait réagir. Je lui lance un regard furieux où dois perler toute ma peur et m'écrie d'une voix trop tremblante pour être crédible :
— Si... S'il me manque une case ? Tu viens de... oh merde ! Tu as tiré sur cette fille ! Tu... tu... oh mon dieu ! Qu'est-ce que je fais là ... ?
Je cache mon visage dans mes mains, le souffle court. L'homme fronce les sourcils, toujours sous sa capuche. Il serre les poings en prenant un virage brusque et je me rends alors compte que nous roulons au beau milieu de la forêt. Nous sommes sur un chemin cabossé perdu au milieu des bois. Il me jette un regard perplexe.
— Tu es devenue mon otage, explique l'homme avec agacement. La police ne m'as pas laissé le choix. C'est quoi ton nom ?
La seule réponse qui lui parvient est mon mutisme. Moi, un otage ? Comment est-ce possible ? Pourquoi, bon sang ? L'homme fronce les sourcils en me jetant un regard. Ses jointures blanchissent sur le volant.
- Je te conseille de ne pas m'énerver. Tu ne sais pas qui je suis.
- Tu es Tyron, constaté-je d'une voix tremblante. Tu oublies que tout le monde te connaît ?
Le bandit me jette un regard interdit, avant de concentrer à nouveau son attention sur la route, silencieux. Je pose ma tête contre le dossier du siège et prends une longue inspiration. La peur tiraille chacun de mes muscles et un brouillard vague entoure mon cerveau. Au bout d'un moment, Tyron arrête la voiture dans un crissement de pneus. Je ne dis rien, ne savant pas comment réagir. Tout ce à quoi je peux penser est la réaction de ma mère, qui m'attend depuis un mois et qui ne me verra pas arriver. Je n'ai encore jamais loupé un seul de nos rendez-vous. Jamais.
Mon ravisseur attrape les deux sacs et les balance sur son épaule avant de descendre et de faire le tour du véhicule. Sans un mot, il ouvre la portière, me détache puis me tire dehors. Surprise, je trébuche et il me remet debout, agacé. Je regarde autour de nous, le cœur battant. Nous sommes au beau milieu de la forêt où règne un calme apaisant, ponctué par les bruits délicats de la nature. Devant nous se trouve une grande cabane en bois. L'homme s'y approche en me tirant derrière lui, avant d'ouvrir la porte et de me pousser dedans. J'émet un cri en manquant de finir encore une fois par terre, mais je réussis à rester debout. Derrière moi, j'entends Tyron refermer la porte derrière moi et le bruit de la clé qui tourne dans la serrure me fait froid dans le dos.
Ok, me voilà enfermée avec ce sociopathe. Super.
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