Mémoire d'un brin d'herbe mélancolique



00:02

Impossible de me reposer. Philippe-André, mon voisin de diagonale avant-droite, n'arrête pas de chanter. Mais... un brin d'herbe doit-il dormir? Vais-je me sentir fatigué demain? Qu'est-ce la fatigue..?


00:23

En fait je vais simplement arrêter de me poser cette stupide question. Vu comme j'ai mal au bout le plus haut de la tige, la réponse est évidente.

Philippe-André doit arrêter de chanter.


01:17

Déjà une heure que Michelin donné un coup de tige a Philippe-André pour que celui-ci se taise enfin. Je dois bien dire que le résultat dépasse tout bonnement mes espérances!


05:35

J'ai finalement réussi à m'endormir.


06:12

Le soleil commence à se lever. Comme je suis plutôt mal placé, je l'ai dans la figure le matin et dans le dos l'après-midi. Les réveils sont difficiles.


07: 32

Le bouleau du champ a commencé à raconter son histoire du matin. Il se fait vieux, notre bouleau. Son écorce blanche est tapissée de tâches sombres. Enfin, si mes souvenirs sont bons, il a toujours été comme ça.

Je n'entends pas bien. Je suis trop loin, les autres brins sont des voisins bruyants. J'arrête définitivement d'écouter à partir du moment où j'entends "Bernadette la grand-mère au furet, candide et frivole, maraboute une chèvre en dansant et chantant comme une enfant possédée par Satan."


07:56

C'est une belle journée. Un peu trop belle, j'ai le soleil dans les yeux depuis ce matin et impossible de me tourner, ma tige est paralysée par d'affreux rhumatismes.


08:08

Dure vie que la vie d'un brin d'herbe.


08:47

Le bouleau a terminé son histoire. D'après Bernard, qui est plus proche, ça parlait d'une vache arc-en-ciel amatrice de miel.


09:00

Le vent se lève.


09:02

Nous entendons, mes confrères et moi, les agréables vocalises d'un moineau, vite remplacées par la voix rauque et dérangeante d'un humain.


09:05

J'espère que l'humain n'est pas un enfant! Il n'y a rien de pire qu'un enfant humain.


09:12

Fausse alerte, c'est un simple et inutile humain adulte. Un mâle, je crois.

M-mais! Il ne va quand même pas!


09:17

Sa vile besogne terminée, le mâle humain émet un étrange bruit en remontant son organe génital. J'ai d'ailleurs pu observer à mon aise qu'il ne possédait pas de pollen. Étrange.

Il a également clamé haut et fort à qui voulait l'entendre avec une voix tout à fait tonitruante "au bain les fourmis!".


09:23

J'espère que je vais vite sécher. Au moins il a eu le mérite de m'abreuver. Stupides mâles, toujours a marquer leurs territoires. Les femelles sont moins sales.


10:12

 Le soleil passe derrière le bois. Je suis maintenant à l'ombre.


10:45

Philippe-André se remet à chanter.


11:02

On se fait vraiment chier quand on est un brin d'herbe. J'aimerais parcourir le monde, découvrir de nouvelles cultures..!..Mais non.

Je suis enraciné dans le sol putride, avec comme seuls compagnons les pires voisins imaginables. Philippe-André refuse de la fermer, je suis trop loin pour le faire taire par la force.


12:34

Il fait trop chaud, je crois que je vais me dessécher. Remarque, j'aurais un teint halé et sexy.


12:56

Tous mes voisins sont des mecs, pas moyen d'espérer un avenir aux côtés d'une femme.

En passant, il fut un jour où une jolie pissenlit avait poussé à côté de moi. Elle s'appelait Bernadette. Elle était belle. Elle m'aimais comme je l'aimais.

Mais une de ses saletés de gosse humain l'a arraché à notre terre-mère et l'a décapitée sous mes yeux, baignés de mille larmes.


13:13

Je suis mauvaise langue. Il y a une autre femme à proximité, mais c'est une vieille tige qui a perdu tout ses pétales, tellement âgée qu'elle doit avoir un exemplaire de l'Herbier Biblique dédicacé.

Puis elle a complètement perdu la tête, elle fait parfois au milieu de la nuit des invocations. Un fois elle a hurlé pendant des heures qu'elle prenait feu.

Si seulement...


14:01

Le bouleau a commencé à hurler au meurtre ou au viol. Ah, non.

Michelin, mon voisin d'avant droite, m'informe qu'il chante.

Autant pour moi.


14:48

Le soleil se voit cacher par des nuages. J'espère qu'il ne va pas pleuvoir, j'ai déjà été arrosé aujourd'hui, merci le mâle humain.


15:23

Raté, je suis encore trempé. Pas moyen d'être au sec lorsqu'on rase la sol.


16:34

Parfois je pense au suicide. Mais un brin d'herbe peut-il forcer la mort? Comment agir pour mourir?


17:12

J'élabore une stratégie lorsque Philippe-André déclare haut et fort son mariage avec sa voisine la tulipe.

Il a vraiment décidé de pourrir ma journée, lui.


18:46

Le discours cérémonial prend fin. Pas trop tôt, je me suis endormi. Mais Michelin me tapait quand je ronflais. Dommage, j'aurais pu gâcher la journée Philippe-André autant qu'il gâche toutes les miennes.


19:11

Que faire, que faire...


19:34

Philippe-André parle de ses projets d'avenir avec la tulipe. Si seulement j'étais télépathe, je pourrais lui dire à quel point il ne sert à rien sans embêter les autres.

Mais, c'est dommage, je ne suis pas télépathe.


20:48

J'aimerais hurler mon désespoir, mais dès que j'ouvre la bouche, tout mes voisins se retournent.

Vraiment, dur vie.


21:23

C'est quand même fou, Philippe-André s'est endormi sans nous chanter son agréable berceuse!

Notez bien l'ironie.


21:34

Je me suis encore trompé dans mes prévisions météorologiques, une averse s'abat pleinement sur nous avec une violence inouïe.

Philippe-André, qui s'est réveillé, s'est mit à émettre un son guttural des plus dérangeants, qu'il ose appeler "musique".

Satané pluie. Satané monde.


22:47

Je crois que je vais enfin, ENFIN, pouvoir dormir. Cette journée était finalement aussi pénible que les autres.


Et je continuerais de me demander ce que la tulipe trouve à Philippe-André. Peut-être qu'il s'est marié à elle de force?




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Ne jugez pas cette OS s'il vous plait, je me suis vraiment donnée à fond pour l'écrire.

Et nous pouvons noter l'aide d'AnanasC8 qui a sûrement A-DO-RÉ m'aider.

J'espère que ça vous a plu, et j'ai réussi (chose étrange) à faire 1006 mots juste pour une OS s'appelant quand même "Mémoire d'un brin d'herbe mélancolique".

Je ne comprendrais jamais l'inspiration.


A plus les concombaffes invertébrés


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