9 décembre 2012.
Alex a voulu regarder mes dessins. C'est la première personne avec qui je fais ça. Il n'est pas simplement entré dans ma chambre pour jeter un regard d'ensemble.
Non. Il a regardé les pages, mes feuilles volantes, mes projets plus poussés, mes expérimentations avec l'aquarelle, l'encre de chine... il a dit ce qu'il aimait, pas ce qu'il n'aimait pas, il m'a complimenté et a montré ses préférés à Heidi. La gamine m'a demandé si je pouvais lui dessiner quelque chose.
J'ai un peu paniqué, alors j'ai esquissé un nuage triste qui pleuvait sur une marguerite. Elle a adoré. La famille d'Alexy a l'air de bien m'aimer.
Heidi me raconte toujours ses commérages de l'école et du judo. Elle me confie des choses qu'elle ne dit pas à Alexy. Aujourd'hui, elle était triste parce que le mec dont elle est amoureuse n'aime pas ses tâches de rousseurs. Il dit que c'est moche et qu'on dirait qu'elle a bronzé derrière une passoire.
Heidi ne se maquille pas mais elle aimerait bien, juste pour qu'il puisse enfin la trouver jolie.
J'aurais du lui dire. Lui dire que le maquillage, c'est sympa pour un temps mais qu'au final, ça n'aide pas à se rendre plus jolie. Ca aide à rendre son visage plus tolérable face au miroir. J'aurais du lui dire que le maquillage, c'est jouer avec les couleurs et la forme de son visage. J'aurais du lui dire qu'à treize ans, on est trop jeune pour s'inquiéter de la beauté de son visage. J'aurais du lui dire que je la trouvais adorable avec ses tâches de rousseur.
Mais à la place, j'ai sorti ma trousse de maquillage et je lui ai proposé un atelier.
Je me sens tellement conne. J'ai regardé une gamine en détresse et je l'ai laissée se noyer. Je lui ai fait essayer le rouge à lèvres de mon anniversaire, je lui ai prêté mon mascara et mes fards à paupières. Elle a pris les plus clairs pour les étaler sur ses joues et a semblé satisfaite. J'ai cru que j'allais pleurer.
Après, elle a voulu maquiller Alexy. Il était très beau, comme ça, et a semblé très satisfait de voir que le vert pomme sur les paupières lui allait à merveille.
Les parents d'Alex m'aiment bien, aussi. Sa mère s'est intéressée à moi. Elle m'a posé des questions sur l'art. En fait, on en a vraiment beaucoup parlé. Elle m'a demandé pourquoi je ne partais pas dans une filière artistique. Peut-être que je pourrais essayer les Beaux-Arts. Peut-être le graphisme. Peut-être qu'en fait, je pouvais juste faire autre chose qu'une fac pour faire plaisir à maman.
Son père aussi était gentil. Il racontait des tas d'anecdotes sur ses enfants. Avant, ils vivaient sur La Rochelle, mais il avait été muté dans le charmant village à une demie-heure en voiture. Il m'a même proposé de m'y emmener une fois, vu que je n'y ai jamais été.
J'ai dormi dans le même lit qu'Alexy. Ca ne nous a pas dérangé. Je lui fais confiance. C'est étonnant, mais je crois que je n'ai jamais fait confiance comme ça à quelqu'un. On a papoté pendant une heure, dans le noir, et c'était très chouette.
Jusqu'à ce que les cris fendent nos confidences. Que depuis le lit, nous entendions les disputes de ses parent. J'avais déjà entendu mes parents se disputer, mais cette fois-là, c'était violent. Glaçant. Les insultes fusaient et ils n'essayaient même pas d'être discrets. Ils étaient juste terrifiants de violence.
Alexy semblait en avoir l'habitude. Il avait un silence las. Dans le noir, j'ai vu une larme briller sur sa joue. J'ai pris mon téléphone, mes écouteurs, j'ai lancé sa chanson préférée et nous nous sommes enlacés pour étouffer ces cris. C'était le moment le plus intime que j'ai vécu avec quelqu'un qui n'était pas Louise.
nb : bonne année dans une ambiance phénoménale encore.
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