Chapitre 4.
Depuis que nous sommes arrivés dans l'aéroport français, Seth se frotte la nuque toutes les cinq minutes, signe de sa nervosité. Et c'est compréhensible. Je sens sur moi de nombreux regards lourds de sens. J'y suis habituée, ma nature de sirène rend cette situation habituelle. En revanche ça plaît beaucoup moins aux protecteurs en général car ça leur complique énormément la tache. Le jeune homme me glisse :
« Te sens-tu obligée à toujours être aussi... séduisante ?
- Qu'est ce qu'il y a Seth ? Tu as un problème avec ma manière d'être ?
- Je te rappelle qu'il y a un dieu à notre poursuite, ainsi qu'un meurtrier qui s'en prends à ton espèce et tu n'es vraiment pas la plus discrète possible !
Je pousse un long soupire mais finis par céder. Je lui dois bien ça.
- Très bien, donne moi mes affaires.
Il me passe un sac de voyage et je me dirige vers les toilettes de l'aéroport. M'assurant qu'il n'y ait personne, je retire la courte robe noire à regrets et l'échange par des vêtements beaucoup moins séduisants mais tout aussi pratique. Quand à mon visage, même dénué de tout artifice, il est beaucoup trop remarquable. Tant pis, on ne change pas de face comme on change de tenue. Je me contente de relever mes cheveux en queue de cheval. C'est alors que je remarque quelque chose d'inhabituel dans mon reflet : un étrange symbole semblant marqué à même la peau et luisant d'une douce lumière bleue orne mon front... Instinctivement, j'y porte la main mais je ne sens rien. Et lorsque je pose de nouveau mon regard sur le miroir, le symbole a disparut. Je fronce des sourcils mais rien ici ne pourra m'expliquer sa provenance. Lorsque je rejoins Seth il lève les yeux sur moi avant de soupirer.
- Pourquoi faut-il que quoique vous fassiez, les sirènes restent sexy ?
- Tu n'as qu'à t'en prendre à notre créateur.
Il hausse un sourcil l'air de se demander si je me moque de lui.
- Dis moi Seth, est-ce que j'ai quelque chose sur le front ?
Il se passe une main dans ses cheveux bruns et plisse des yeux, réfléchissant. Puis ils secouent la tête.
- Tu n'as rien Mel'. Rien de rien, une peau à faire pâlir d'envie blanche neige.
Je lui raconte alors l'étrange apparition sur mon reflet. Une ombre traverse son regard.
- Un mauvais coup de dieu tu crois ?
- Ce serait possible... Mais ce n'est pas ici que j'aurai mes réponses.
- En effet.
Il se passe une main dans les cheveux. Ses yeux bruns parcourent le grand hall de l'aéroport. Avisant un café déjà bien rempli, il se tourne vers moi :
- J'ai besoins de caféine.»
Je hoche la tête et nous nous y rendons. Il s'installe sur un tabouret du comptoir et passe commende. Je m'éclipse quelques instants pour piquer du sucre. Lorsque je reviens, mon regard se pose automatiquement sur la femme qui s'est assise en face de Seth. Ses longs cheveux d'un blond scintillant font ressortir étonnamment bien ses deux yeux d'un bleu océanique. Une sirène. La mer transparaît à chacun de ses mouvements semblables à des vagues. Elle discute avec mon protecteur l'air de rien. Je ne sais si il a deviné qu'il s'agit d'une sirène. Je l'espère pour lui. Et puis l'envie de m'amuser refait surface et, décalant une mèche de mes cheveux qui tombait devant mes yeux, je m'avance vers eux. M'interposant, j'attrape le visage de mon ami et l'embrasse soudain. Il a l'air surpris mais je murmure contre ses lèvres.
« Une sirène mon vieux, c'est une sirène. Laisse moi m'amuser...
Je le lâche soudain et recule de quelques pas, toute guillerette, et d'un ton enjoué je m'exclame :
- Je reviens, je vais aux toilettes.
Puis sans autre explications, je fais volte face et me dirige vers le fond du café pour rejoindre la salle de bain. De loin j'entends la jolie petite sirène glisser de sa voix de charmeuse :
- Excusez moi, je reviens...
Je pousse la porte et m'approche du lavabo pour me rincer le visage. L'odeur de l'océan envahi la salle de bain. Et alors que le scintillement du reflet de la lumière sur une lame me parvient, je me retourne vivement et attrape la sirène à la gorge. Je la plaque contre le mur, lui encerclant le cou de ma main. Elle lâche un grognement et tente de me repousser à l'aide d'un petit poignard mais je lui attrape de mon autre main son poignet et le lui tord. Elle lâche son arme et la pression que j'exerce sur sa trachée se fait plus fort.
- Qui es-tu et que veux tu ?
- Ligie. Ligie d'Eveer.
- « Celle au cris perçant », une sirène de la deuxième génération.
Elle hoche la tête. Une lueur effrayée danse dans ses yeux marins mais elle est vite dissimulée derrière sa détermination.
- Tu es Mélusine de Longborn ? « Celle qui envoûte » ?
- Qui d'autre veux-tu ? Poséidon t'envoie n'est ce pas ?
Cette fois ci elle reste mutique. Son entêtement m'agace au plus haut point et je la décolle du mur pour l'y plaquer à nouveau plus violemment que la fois précédente. Le mur craque sous le poids de l'impacte et un peu de poussière de plâtre tombe sur sa tête. Un petit grognement lui échappe et elle montre ses canines dans un geste furieux.
- Je t'en prie, n'essaye pas d'avoir l'air menaçante avec moi, ça ne servira à rien d'autre qu'à m'énerver. Combien êtes vous à ma poursuite ?
Je suis si furieuse que je ne me contrôle plus et tous les robinets de la pièce explose, nous arrosant. Son regard se plante dans le mien. Elle hésite. Poséidon a du les prévenir que j'étais plus dangereuse que la plupart d'entre elle. Ligie sait que je n'hésiterai pas ni à la torturer, ni à la tuer. Pour appuyer ces dires, je plante mes ongles dans la peau de sa nuque et elle grimace de douleur.
- Tu ferais mieux de me répondre.
- Je ne sais pas.
- Tu mens. Tu mens et tu sens la peur. Elle empeste ces toilettes. Si tu répondais à mes interrogations tu aurais une chance de sortir d'ici vivante.
- Je ne sais pas. Peut être un peu plus d'une dizaine... Il... Il a envoyé ses meilleurs traqueuses...
Je pousse un profond soupire et la jette par terre. Elle s'affale de tout son long tandis que je me frotte les mains. La sirène se redresse difficilement sur ses avants bras et je la toise de haut.
- Vous ne parviendrez pas à m'arrêter, peu importe votre nombre, vos pouvoirs et votre âge.
- Tu ne pourras rien contre Poséidon Mélusine.
- Je ne crains pas Poséidon, contrairement à toi et à tout le banc.
- Tu devrais, sinon tu mourras.
Je lui jette un regard méprisant avant de me tourner vers la sortie. Seulement, Ligie m'interpelle alors et je me fige en entendant ses mots :
- Il nous a demandé de te ramener vivante.
- Pardon ?
- Il te veut vivante. Je ne sais pas pourquoi. Mais il te veut vivante.
Je ricane. Tout ceci n'est que mensonge. Ou folie. Sincèrement, c'est impossible qu'il ai réclamé une telle chose.
- Me mentir ne sert à rien, tu le sais n'est-ce pas ?
- C'est pour cela que je ne le fais pas. Ce n'est pas un mensonge.
D'accord, ça se tient. Je m'accroupis face à elle et questionne :
- Qu'a-t-il dit d'autre ?
- Peu importe ce que diras, peu importe les illusions que tu créeras, il mettra la main sur toi et alors tu verras.
- Je verrai quoi ?
Ses mots m'intriguent vraiment.
- Il n'a pas jugé bon de nous en dire plus.
La sirène tremble légèrement, je le perçois. Cette peur m'amuse. Cela faisait des années que je n'avais pas croisé de créatures surnaturelles. Si on oublie le dieu bien évidemment. Mais après tout, la plupart des créatures sont mortes lorsque les dieux ont disparus sans que l'on ne sache ce qui est advenue. L'une des chimères restantes est le patron de Seth. Les fée et nymphes, créatures de la vie, sont cachées depuis tant de temps qu'elles sont introuvables. Les maîtres du vent n'ont pas repris leur forme humaine depuis si longtemps que je doute qu'ils puissent encore le faire. Quant aux Gorgones... Les trois sœurs et leurs pouvoirs maléfiques vivent loin des humains et c'est mieux ainsi. Il y en a encore de nombreuse mais elles sont encore tant dissimulée dans la population humaine qu'il est impossible de les en différencier. Seth dit que j'évite les miens comme on éviterai la peste de peur de perdre mon indépendance. Peut être mon ami n'a-t-il pas tort mais je ne lui donnerai jamais raison ouvertement. Surtout maintenant qu'une sirène se trouvait devant lui sans qu'il ne s'en rende compte. La fatigue, pretextera-t-il sûrement. Je me relève et m'étire.
- Tu vois, je vais me montrer sage et ne pas te tuer. Retourne vite auprès de ton maître lui porter mon message. A savoir qu'il ne m'aura jamais. Morte ou vive. »
Et je tourne les talons, sortant des toilettes du bar en recoiffant rapidement mes cheveux. Seth m'attend à la sortie, sa main caressant la cross de son pistolet discrètement. Avisant mon sourire satisfait il me rejoint et nous nous dirigeons vers l'extérieur.
« Tu as appris des choses intéressante ?
- Oh que oui...
Il hoche la tête, l'air de réfléchir. Puis d'un léger coup d'œil il désigne les toilettes.
- Et la sirène ?
- Je ne l'ai pas tuée. Elle ne représente pas une menace, elle n'est que de la deuxième génération. Je n'arrive pas à croire que sa nature t'ait échappée. On aurait pu croire qu'avec le temps tu aurais su deviner qui étaient les prédatrices...
- Sûrement la fatigue. Nous sommes debout depuis plus de vingt quatre heures.
Je secoue la tête amusée et nous quittons l'établissement.
- Puis-je savoir où nous allons.
- A la gare cher ami.
- Donc notre voyage n'est pas finit...
- Bientôt Seth.
- Où allons nous ?
Jusque là je ne lui ai rien dit. Il me suit sans dire mot mais je me doute qu'à un moment il aura besoins d'explication. Je me contente pour l'instant de secouer la tête et je lui souffle :
- Devine, c'est toi le policier américain. Et en plus je croyais que tu avais du sang égyptien.
- Ça ne fait pour autant de moi un magicien.
- Peu importe. »
Je chasse d'un geste de la main toute réplique, déterminée à avoir le dernier mot.
*
Le voyage en train n'aura pas duré très longtemps. Quelques heures tout au plus. Les montagnes se découpent dans la nuit, leurs sommets se perdant dans les nuages. Je suis loin de mon élément, la mer, cependant, il faudra m'y faire. Un taxi nous dépose devant un vieil immeuble, à l'extérieur de la ville.
« Nom d'un chien, où nous as-tu emmené Mélusine ?
- Attends de voir. »
Nous traversons le hall de l'immeuble désert avant de pousser une porte de service. Dans une grande cour, cernée par des bâtiments dans un état de délabration si aggravé que plus personne n'y vit, presque des ruines, se tient une petite maison. D'un pas assuré, je m'en approche. Armant mon bras de force, je me met à taper contre le boit de la porte du plat de la mains en hurlant de toutes mes forces de vieilles injures.
Elle s'ouvre alors et un homme aux cheveux cuivrés et à la balafre striant la joue, ayant l'air d'avoir dépassé de quelques années la trentaine apparaît, une bouteille d'alcool à la main. Un sourire apparaît alors sur ses lèvres et il s'exclame :
« Regardez ce que la marée nous amène ! »
Et il boit d'un coup toute sa bouteille, cul sec, sous le regard surpris de Seth.
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