Chapitre 11.

Le manoir de Poséidon, à Athènes, est bien plus grand que celui dans lequel je m'étais réveillée la fois précédente et prend des allures de temple grec. Le dieu nous a devancé, il est déjà à l'intérieur.
Un raclement de gorge de la part d'Orphée attire mon attention.

« Sommes nous vraiment obligés d'être là ?

Je hausse des épaules et soupire :

- Croyez moi, si ça n'était pas le cas, nous serions à cent lieues d'ici... »

J'échange un regard avec mes deux compagnons. Seth garde ses mains près de son arme tandis qu'Orphée se tient sur ses gardes. Ils ne sont pas fous. Ils savent qu'ils entrent dans la gueule du loup, un manoir rempli de créatures avides de sang, de prédatrices qui n'auront qu'une idée, les tuer. Qu'elles n'osent même pas s'approcher.

Je fais craquer ma nuque, pousse la porte d'entrée d'un geste des mains et avance de quelques pas, l'air hautain et respirant la suffisance.
Derrière se tient l'une des plus grandes salles que j'ai pu voir, une réplique parfaite du Naos, salle principale d'un temple. Des colonnes se dressent sur les côtés tandis qu'à leurs pieds se situent de profonds bassins d'eau. D'eau salée... Des sirènes se trouvent ça et là : transformées dans les bassins, assises sur des bancs à discuter, jouer aux cartes ou à brosser leurs longs cheveux. Elles tournent toutes leur tête dans notre direction, leurs sens en alertes. Mais je reste captivée par ce qui se situe au fond de la salle.

Là où se situe d'ordinaire l'autel, se tient un majestueux siège à l'allure de trône. De marbre aux veines bleues, il se dresse haut, comme si il désirait atteindre la voûte. Et assis sur lui, se trouve Poséidon. Ses vêtements humains laissent transparaître sa musculature saillante. Ses courts cheveux argentés décoiffés lui donnent un air plus ou moins sauvages. Il est divinement attirant. Je pourrai tant me laisser tenter...

Je secoue la tête pour chasser ses pensés incongrues. Ce n'est ni le moment, ni adéquat. Comment puis-je ne serait-ce que penser ça ? Alors même qu'il s'agit de l'homme, que dis-je du dieu, le plus orgueilleux, prétentieux et antipathique que je connaisse. J'avance jusqu'à lui et le défie du regard. Le sien se fait brillant sans trop que je ne comprenne pourquoi. Cependant c'est d'un ton sérieux qu'il annonce :

« Bienvenue à toi, Lorelei.

Son expression se fait moqueuse quand il pose ses yeux sur le héro et mon protecteur et il souffle, narquois :

- Je vois que tu as apporté tes deux toutous.

- À eux deux ils valent mieux que toutes tes sirènes. je réplique avec véhémence.

Je sens dans mon dos le regard méfiant de l'humain et celui, vraiment amère du héro. D'une manière anormale, mon assurance se renforce, comme si leur présence me rendait invincible... Je ne devrai pas, je devrai dépendre de personne, ne pas me sentir plus forte simplement parce qu'ils sont là...

Mon regard fait le tour de la pièce et je siffle, moqueuse :

- C'est donc ça que vous essayez à tout prix de me faire rejoindre ? Dieux du ciel, que je suis heureuse d'avoir refusé.

Les sirènes présentes semblent s'en offusquer. Elles me jettent toutes des regards à la fois pleins de reproches et légèrement craintifs.

C'est cela, craignez moi mes sœurs, vous ne savez pas à quel point je peux me révéler dangereuse, peu importe ce que vous a dit votre dieu. Ce dernier semble plutôt amusé par ma remarque. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il se lève et se retrouve face à moi.

- Je pense t'avoir fais comprendre que tu ne pourras pas m'échapper.

- À ce qu'il paraît je suis vraiment très lente à la compréhension... C'est terriblement dommage.

- Pour une fois, nous sommes d'accord.

Nous nous défions encore quelques instants du regard. Ses yeux si bleus exercent toujours cette terrible et étrange attraction sur moi mais je joue si bien l'indifférente qu'il finit par annoncer en désignant une sirène qui se tient non loin :

- Voici Abysse, une de mes meilleurs secondes.

Je me tourne vers la-dîtes Abysse. Grande, ses yeux bleus ressortent sur sa peau pâle mise en valeur par ses cheveux blancs ondulés. Aussitôt je ressens la puissance de son aura, signe bien distinctif du fait qu'en tant qu'aînée, elle a du pouvoir sur moi. Et je lui dois du respect.
Seulement respect et moi, ça ne colle pas. Mais alors là pas du tout. Je lève un sourcil, la regardant de haut en bas avant de laisser un rictus narquois étiré mes lèvres. Lors d'un combat cette sirène ne pourra sûrement rien contre moi. Je suis bien trop forte. Une illusion et le tour est joué. Ce serait même presque trop facile. Je repose mon regard sur le dieu et lâche d'un ton morne :

- Et alors ?

Poséidon retient son sourire et lâche d'un ton sans appel :

- Bien, retrouve moi derrière, je crois que nous avons des monstres à retrouver.

Alors qu'il s'éloigne, fièrement, sortant par une porte sur la gauche, je ne peux m'empêcher de cracher à voix basse :

- Bon débarras !

Je me tourne vers Orphée et Seth. Ce dernier me coupe la parole avant que je n'ai pu dire quelque chose et grogne :

- Si tu penses un seul instant que je vais te laisser seule avec lui, tu peux rêver Mélusine.

- D'accord, d'accord. Tu peux venir.

- Je n'avais pas besoins de ta permission.

Je souris et porte mon attention sur le héro. Celui ci hausse des épaules son habituel air nonchalant posté sur son visage. Il est dur à croire qu'il fut considéré comme le premier des poètes et pourtant sous un apparence hautaine et envoûtante pour le commun des mortels, se cachent une âme poétique et presque... sensible. Une âme que peu ont l'occasion d'admirer. Mais comme toujours, il se dissimule et grogne :

- Sans façon, merci. Si l'humain désir t'accompagner, tant mieux pour lui. Mais moi j'ai deux petites choses à vérifier avant.

- Tant que tu ne fais pas de bêtise...

Je lui adresse un clin d'œil auquel il répond en levant les yeux au ciel :

- On se trouve dans un nid de vampires des mers. Je crois qu'il y neuf chances sur dix pour qu'elles s'en prennent à nous. Crois moi, je n'ai aucune envie de faire des bêtises.

Je fronce des sourcils. J'avais oublié ce détail. Je me tourne vivement vers toutes mes sœurs qui prêtent attention à nos paroles. Une étrange hargne naît en moi et je montre mes canines avant de cracher d'une voix assez forte pour être entendue partout.

- Écoutez moi bien, filles de la mer. Si l'une de vous ose s'en prendre à mon protecteur ou au héro je vous jure que je vous le ferai payer de la pire des manières. Vous regretterez de ne pas pouvoir mourir si jamais je commençais. »

L'écho porte ma voix et mon ton véhément suffit à me faire comprendre. Elles reprennent toutes leurs occupations. Seul pèse encore sur moi le regard de cette Abysse. L'ignorant et adressant un dernier regard à Orphée, j'emprunte la même porte que le dieu, suivit de Seth.

*

Poséidon feuillette le dossier tandis que Seth monte et démonte son arme. Je ne lâche pas le dieu du regard. Ses yeux s'assombrissent de plus en plus et brusquement, il lance le dossier contre le mur, à quelque centimètre de ma tête. Les feuilles et photos s'envolent brusquement tandis que je lève le menton, esquissant une moue ennuyée.

« Puis-je savoir ce qui met sa sérénissime divinité dans un tel état ?

- Tu le peux Lorelei. Mais le veux-tu ?

Son ton est neutre. Son visage respire l'impassibilité seulement l'éclat dans son regard démontre le contraire. Je m'approche de Poséidon et croise les bras sur ma poitrine.

- Je n'ai pas accepté de venir ici pour que vous me cachiez des choses.

Il me lance un regard mi-amusé mi-intrigué.

- Ce qu'il se passe, Lorelei, c'est que ces créatures sont une toute nouvelle création, de nouveaux nés.

Je lance un regard au cadavre du monstre qu'a tué Poséidon qui repose dans un coin de la pièce. Reportant mon attention sur le dieu, j'interroge :

- Que voulez-vous dire par nouveau-né ?

- C'est simple pourtant. Ils ont été créés il y a moins d'une lune.

- Je pensais que seul les dieux avaient le pouvoir de création.

Le dieu pose alors ses yeux sur moi et son regard me pétrifie :

- C'est le cas.

- Alors... c'est un dieu qui en est à l'origine ?

- Tu as tout compris. Reste à savoir lequel...

Je fronce des sourcils. Tout cela n'annonce rien de bon.

- Je croyais les dieux disparus. Voilà plus de trois millénaires qu'on ne les a pas vu.

Poséidon me lance alors un tel regard que je me fige et frémis. Un mélange de reproche, d'aversion et de rage pure auquel je ne m'attendais pas y flambe. Je redresse la tête et soutient son regard, bien que je n'en comprenne pas l'origine et qu'un frisson glacé me parcourt l'échine.

- Ils n'ont pas disparut Lorelei, ils ont été enfermés dans une prison inviolable peu après votre naissance à vous, sirènes. Aucun d'eux ne peut l'ouvrir, moi y compris.

Seth, resté silencieux jusque là, intervient alors et demande :

- Qui les y a enfermé ?

- Une enchanteresse.

Je fronce des sourcils. Les enchanteresses ne sont plus nombreuses, elles ont pratiquement toutes périt dans des conditions terribles. Certains murmurent que les dieux sont les responsables mais certaines communautés étaient encore présentes même après leur disparition. Ce sont les chasses aux sorcières du moyen âge qui ont eut raison des enchanteresses. Le feu est leur seul faiblesse.

- Où se cache-t-elle ?

- Elle est morte. La seule raison pour laquelle je n'ai pas été enfermé est qu'elle n'avait plus une once d'énergie et qu'elle en est décédée. Le secret de l'enfermement et de la libération s'est perdu avec elle.

- Vous n'avez jamais cherché à les libérer ?

- Je viens de te dire que j'en suis incapable. ricane-t-il en passant une main dans ses courts cheveux argentés.

Mon regard se tourne à nouveau vers le monstre et je fronce des sourcils. Il reste un point à éclaircir et non des moindres. Je m'enquiers :

- Si les dieux ont été enfermés, qui a créé cette chose ?

- Ça Lorelei, c'est ce que nous allons découvrir ensemble. »

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