Chapitre 10

Je m'écarte d'un bond pour me précipiter vers le lac dans l'espoir d'échapper au dieu mais il se trouve soudain devant moi et me saisit vivement les épaules.

« Où penses-tu fuir Lorelei ?

- Le plus loin possible de vous.

- Je viens pourtant de te sauver. Encore.

J'écarquille les yeux. La surprise passée, l'incompréhension me gagne à nouveau. C'est la fois de trop. Je ne comprends vraiment pas ses actions.

- Pourquoi ?

- Je me le demande aussi parfois. J'avais pourtant l'intention de te laisser mourir.

- Et puis quoi ? Vous vous êtes dis que vous préfériez me tuer vous même ? Vous ne vouliez pas vous faire voler la vedette ?

Poséidon lève un sourcil, l'air plus amusé qu'agacé. Il me relâche et je recule de quelque pas. Je croise les bras et soutiens son regard si pénétrant.

- Ton idée sur moi est bien tombée jolie sirène. Mais tu es désarmée face à moi. Pas de poignard, pas d'arme et des dons qui ne fonctionnent pas sur les dieux. Tu devrais peut être faire plus attention.

- Je ne vous crains pas Poséidon.

- Tu me l'as bien fais comprendre. Qu'as-tu dis ? Ah oui : je ne t'aurai jamais, morte ou vive.

Ligie a donc bien fait passé mon message. Je dois retenir mon rictus au souvenir de la jeune sirène. Mon regard bleu croise celui du dieu. Brusquement j'ai l'impression de plongé dans un lac bouillant. Mon corps se réchauffe de manière anormale tandis que mon cœur semble faire de terribles loopings. Ces yeux... ces yeux me paraissent beaucoup trop familiers. Ils semblent venir d'une autre époque. Une époque si lointaine... Je serre les poings tandis que ma respiration se coupe. Et si un flot de lave circule dans mes veines, mon esprit lui, semble s'être figé dans la glace. Le maître des océans s'approche alors et me souffle :

- Morte ou vive. Soit l'un soit l'autre. Et je pense que je crois bien t'avoir fais comprendre que je désire que tu rejoignes le banc. Vivante.

Ses mots me tirent de cet étrange état. Je bats des paupières et recule avant de cracher, peu amène :

- Et je pense vous avoir fait comprendre que je n'avais nullement l'intention d'agir selon vos désirs.

- En effet. Et plutôt assez clairement. Mais je ne baisse pas les bras.

- Vous êtes l'homme le plus illogique du monde.

Son sourire s'étire, illuminant son visage d'une manière surprenante.

- Pas un homme. Un dieu. Ton dieu.

- Jamais.

Il s'approche de moi et je recule. Mes ongles poussent alors pour s'enfoncer dans ma paume.

- Tu as peur Lorelei ?

- Je me méfie simplement de vous Poséidon. La méfiance et la peur sont deux choses différente et vous semblez l'oublier assez souvent.

- Tu as bien raison. Tu as toujours eut raison.

A force de reculer je sens soudain quelque chose sous mes pieds. Je me tourne et aperçois le corps mort de la bête qui m'avait attaqué. Je me fige et le dégoût m'emplit à la vue de la créature.

Le dieu m'enlace soudain par derrière, ses bras m'encerclant et emprisonnant les miens. Je tente de me dégager seulement sa poigne est trop forte. Je sens son buste si rigide dans mon dos et son souffle s'échouer dans mes cheveux. Il me force à regarder la chose qui s'en prend aux sirène et me murmure :

- De ça, en revanche, tu as peur. N'est ce pas Lorelei ?

- Ce n'est pas de la peur mais de l'intelligence. Je serais folle de ne pas craindre ces... choses ! Alors même qu'elles ont la capacités de tuer les sirènes.

- N'as tu pas remarqué que la seule manière de la tuer était de la toucher en plein cœur comme pour les sirènes ?

- Et n'avez vous pas remarqué que cette créature peut nous tuer sans même nous toucher en plein cœur ?

- C'est un tout autre problème.

- Il devrait être votre priorité. Au lieu de ça vous me poursuivez moi, une simple sirène.

Poséidon rit contre mon oreille et je tente de me défaire de ses bras. Il me tourne alors, pour m'obliger à lui faire face, ses doigts serrant avec force mes épaules. Ses cheveux d'argent scintillent légèrement au soleil. Mon regard se détourne vers le lac. Orphée et Seth doivent être à ma recherche. Quand ils me retrouveront, et je sais qu'ils le feront, je n'ose imaginer ce que fera le dieu. Mes yeux se posent sur le dieu et, une nouvelle détermination ayant prit racines en moi, j'interroge d'un ton fier :

- Vous n'avez eut de cesse de me répéter que nous nous sommes déjà rencontrés voilà quelques millénaires.

- C'est la vérité.

- Je n'en garde aucun souvenir.

- C'est une longue histoire.

Je plisse des yeux, fouillant ma mémoire de fond en comble. Recherche vaine car tout reste sombre. Je reporte mon attention sur le maître des océans. Son expression me frappe : un mélange de nostalgie et de rage. Puis autre chose. Une flamme que j'ai vu tant de fois et qui me semble pourtant renouvelée dans ce regard si insistant. Poséidon me détaille, comme si il cherchait quelque chose, une chose qui aurait longtemps disparut. Je reste immobile. Il serre tant mes épaules qu'ils pourraient les briser.

- Que s'est-il donc passé ?

- Certaines choses.

- C'est à dire ?

Il me lâche soudain et s'éloigne. Je reprends mon souffle. Je ne m'étais pas rendue compte que je le retenais. Mais l'air s'engouffrant dans mes poumons me semble être une bénédiction. Sa voix rauque me parvient :

- Tu ne peux même pas t'imaginer. Toute cette haine, toute cette violence... Non, tu ne peux pas t'imaginer.

Mais son ton dément ainsi que la flemme dans son regard m'entraînent sur une toute autre piste. Je recule, pénétrant dans le lac. Il tourne son visage vers moi et tend sa main dans ma direction pour tenter de me rattraper. Je me dérobe et souffle :

- Il n'y avait pas que de la haine n'est-ce pas ?

Ses yeux s'agrandissent et après un instant de silence où la tension a atteint son point d'orgue il secoue la tête. Négativement.

La surprise me fige quelques secondes sur place avant que je ne reprenne le contrôle de mes sens. Je fais volte face et d'un mouvement trop rapide pour être intercepté, je plonge dans le lac. Ma nageoire apparaît. Dans un désir primaire de fuir, je m'enfonce vers les profondeurs du lac. Mais alors que je m'éloigne à toute vitesse, un obstacle se dresse sur ma route. Poséidon se tient debout, au milieu du lac, face à moi. L'eau agite sa chevelure lumineuse. Mon cœur se serre dans ma poitrine. Il souffle alors et une bulle d'air nous entoure. Je tombe sur le fond de la bulle. De ma nageoire, je frappe la paroi du globe d'air, mais cela ne sert à rien. Je reste emprisonnée. Le dieu me lance :

- Tu ne peux plus fuir Mélusine.

- Je vous ai refusé. Vous ne pouvez me retenir.

- On ne renie pas son peuple.

- Racontez moi !

Il secoue négativement la tête. Son expression est intransigeante. Il s'approche de moi et s'agenouille pour être à ma hauteur.

- Nous allons nous allier Lorelei. Nous allons trouver qui se trouve à l'origine de cette attaque. Nous allons mettre fin à tout ceci. Tu ne fuiras plus et je ne chercherai pas à te nuire.

- Pas de mensonge ? Pas de trahison ?

Il relève le menton. Le verdict tombe.

- Si tu en fais de même. »

Il me tend la main. Mes yeux se pose sur sa paume. Je fronce des sourcils. Une ombre s'empare de mon regard. Je le fais pour sauver ma vie. Sauver d'autres sirènes. Pour aider Seth dans son enquête. Pour mettre fin à tout cela.

Je lève mon regard sur son visage, une expression déterminée et sombre marquant sur le mien. Je saisis alors sa main, scellant notre alliance.

*

« Tu as fais quoi ? s'exclame Orphée en apprenant mon alliance nouvelle avec Poséidon.

- Tu m'as très bien entendue.

Seth intervient alors :

- Je croyais qu'il désirait te tuer.

- On dirait bien que ça a changé...

Je range un poignard dans une poche intérieur de ma veste en cuire et me tourne vers les deux hommes qui m'observent comme si j'avais soudain perdu l'esprit. Je ne peux que les comprendre. Il y a à peine quelques heures, nous devions absolument fuir le dieu, il était l'ennemi. Et voilà qu'il devient notre allié. Je m'approche d'eux, les poings sur les hanches.

- Nous aurons besoins d'aide. Si Poséidon est de notre côté, nous arriverons peut être à trouver qui est à l'origine de tous nos problèmes.

- Pas tous non. Aux dernières nouvelles, Poséidon était un problème.

Je lui fais de gros yeux, lui intimant de parler moins fort. Le dieu est dehors, il nous attend.

- Il ne l'est plus. Pas pour l'instant.

Mon protecteur pousse un soupire résigné et range son arme dans son étui.

- Que fait-on alors ?

Le héro répond à ma place :

- Ce n'est pas évident ? On retourne en Grèce. N'est ce pas, Mélusine ? »

Je hoche affirmativement de la tête. Il est temps que commencent les choses sérieuses.

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