Chapitre 8.

« Pardon ?

Je romps le silence qui a suivit la déclaration du maître des océans. Même Seth, qui à force de vivre dans un univers rempli de surprise, devrait être habitué, reste sans voix. Non mécontent de son effet, Poséidon esquisse un sourire de satisfaction et entreprends ses explications.

- C'est un peu compliqué à saisir alors je vous demanderais de ne pas m'interrompre. Au commencement, il y avait la Vie et son alter ego, la Mort. Deux sœurs qui sont bien loin de se détester. Car sans la Vie, la mort ne peut exister et sans la Mort, la vie n'aurait aucun sens.

- Pourtant, vous êtes des créatures immortelles, vous les dieux.

- Exactement. Nous fumes l'une des première créations de la Vie. Elle nous donna d'innombrables pouvoirs et des capacités inimaginables. Mais elle créa également les hommes, leur donnant à eux la possibilité de recevoir le baiser de la mort, de mourir et donc, de pouvoir vivre la vie avec plus d'intensité. La Vie laissait ses créations se débrouiller, et c'est ainsi que nous, les dieux, régnâmes sur les humains. Chaque peuple nous donnait ses propres appellations. Égyptiens, Grecs, Romains, Scandinaves même Inca... Nous existions chez tous mais possédions des noms différents. Jusqu'à que cette foutue clé du passé vienne nous enfermer.

Je ne peux m'empêcher de m'exclamer :

- Hé ! Je tiens à rappeler que vous êtes loin d'être blanc comme neige dans cette histoire Poséidon. Vos frères et vos sœurs ne sont pas des anges.

- Non en effet. Ce sont des dieux.

Il m'adresse un clin d'œil avant de se détourner. C'est le moment que choisit Seth pour poser une question à la pertinence impressionnante :

- Vous avez parlé de règles un peu plus tôt ?

- Oui. La Vie et la Mort on érigé une série de règle pour que toutes leurs créations ne finissent pas par s'entre-détruire. Ils existaient des dieux bons et mauvais. Mais toujours dans une notion d'équilibre. Puis tout a dégénéré. Forts de leur puissance, les dieux se sont mis à transgresser les règles. Ils ont alors commencé à abuser du pouvoir qu'ils exerçaient sur les humains, pensant pouvoir les détruire comme bon leur chantait. Je n'éprouve aucune honte à avoir agit de cette manière mais il est vrai que nous avions exagéré. L'équilibre n'était plus conservé. J'imagine que l'apparition de la première clé, l'enchanteresse, fut un fait de la Vie pour le rétablir. Elle a créé une magie capable de nous enfermer à tout jamais puisqu'elle nous avait doté de la capacité de ne jamais recevoir le baiser de son alter ego.

Je ne réponds pas tout de suite, encore un peu abasourdie par toutes ses nouvelles informations. Lorsque mon esprit parvient à se tirer de sa torpeur, je m'indigne :

- Comment cela se fait il que personne n'en ai jamais rien su ?

- Ce fut un secret jalousement gardé par les dieux. Rares étaient les créatures qui le savaient et cela représentait un danger pour notre autorité. Les autres auraient alors su que nous n'étions pas les tout puissants... De quoi déplaire à mon frère aîné plus qu'aux autres.

J'échange un regard avec mon protecteur. Tout ça n'était pas prévu... Si à présent nous devions encore avoir à faire à des entités tel que la Mort ou la Vie, les choses étaient loin de pouvoir se régler. Mais à bien y réfléchir, elles semblent être justes... Tout le contraire des divinités. Ce qui n'échappe pas à Seth. L'humain se relève et fait craquer les muscles de sa colonne vertébrale avant de cracher, hargneux :

- Vous dites qu'ils n'ont pas le droit de s'attaquer à nous. Mais si ils l'ont déjà fait une fois, rien ne les empêche de recommencer. Vos frères et sœurs s'en prendront de nouveau à nous pour récupérer les pleins pouvoirs. réplique Seth.

- Oui, mais avant cela, ils voudront se débarrasser de la seule personne capable de les stopper. La clé.

- C'est à dire moi. Ce qui explique leur cinq années de passivité absolue. Je suis la seule chose qui empêche les dieux de passer à l'attaque et de s'emparer du monde pour le réduire en bouillie. Rien que ça. On en revient donc au point de départ. Tout ce que tu viens de dire dans ta dernière phrase, nous le savons déjà.

À la force des bras, je me hisse du bassin et laisse à nouveau apparaître mes jambes. Seth me passe par réflexe son manteau pour que je puisse couvrir ma nudité. Je le remercie d'un signe de la tête. Son regard soutient le mien et ses traits d'une froideur soudain implacable exprime parfaitement sa pensé.

- Je vais devoir appeler les directeurs de la S.S.C.. Des dieux qui risquent de s'en prendre aux hommes, ça ne s'ignore pas. C'est trop dangereux. Je suis navré si il s'agissait d'un secret absolu mais je ne peux pas garder ça pour moi. Peut être qu'ils pourront même nous donner des informations les concernant ou concernant leurs actes. »

J'approuve d'un signe de la tête et il quitte la salle. Je me retrouve donc seule avec Poséidon. Nous ne disons rien et nous contentons de nous fixer. Jugeant que la situation devient vraiment gênante, je me dirige vers la sortie à mon tour. Les couloirs sont vides. Les pas du dieu résonnent derrière moi. Une main se saisit alors de mon bras et m'oblige à faire volte face.

J'ai un mouvement de recule face à l'expression de Poséidon. Un mélange de rage et de désir à l'état brut.

« Tu as conscience que tu me demandes de trahir mes frères et sœurs ? Ma propre famille ?

- Ta propre famille décime ton peuple en me recherchant. Elle tue tes sirènes.

- En te cherchant toi. Si je te livrais, tout s'arrêterait.

- Pourtant, tu ne le fais pas ! Tu ne rejoins pas les tiens, ni ceux que tu chérissais.

Il plisse des yeux tandis que le sang pulse dans mes tempes. Son expression est si sérieuse qu'elle pourrait presque m'intimider. Presque.

- Non, je ne le fais pas. Je ne le ferais pas. Cette décision, nous l'avons prise ensemble. Nous sommes alliés, rappelle toi.

- Des alliés qui cherchent soit à se tuer, soit à s'embrasser.

Il chasse ma réplique d'un geste de la main, ses yeux lançant de furieux éclairs, avant de grogner :

- Cependant, puisque je te prête mon aide, je ne te demande qu'une chose en échange.

Je me raidis immédiatement et serre le poing. Évidemment, il y a une contrepartie. Aucun service n'est gratuit apparemment... Méfiante, j'interroge :

- Laquelle ?

- Reste.

Je fronce des sourcils et me dégage de sa poigne. Que je reste ? Comprenant soudain mon geste, le dieu se redresse et lâche d'une voix sans appel :

- Lorsque tout sera finit, lorsque nous aurons enfin réglé et bouclé toute cette histoire, reste. Ne rejoins pas forcément le banc. Mais ne t'en va pas. Ne fuis plus. Sois ma compagne. C'est ma seule condition.

Je m'apprête à répliquer quand je me rends compte que je ne peux pas refuser. Pas maintenant en tout cas. Mais rien ne m'empêchera de partir si je le désire. Rien ne m'empêche de mentir. Pourtant m'engager à le faire m'est impossible. J'ai l'impression que les mots m'écorcheraient la gorge. Je pousse un soupire et tourne les talons pour m'en aller. Ce qui n'est pas au goût de Poséidon.

Je me retrouve dos au mur. Ses yeux plonge dans les miens et je me surprends à fuir son regard. Ah, gène, quand tu nous tiens...

Pourtant je reconnais vite le sentiment qui agite mon corps entier. Le désir... Je ne suis pas sûre de pouvoir me contrôler si je laisse autant libre court à mes émotions. Poséidon se dresse dans toute sa splendeur face à moi. Ou plutôt contre moi. Je crois que nous avons trop souvent tendance à nous affronter en présence des murs. Encore heureux que ceux-ci tiennent mais un jour viendra où ça ne sera plus le cas.

Mes pensés reviennent vite au vif du sujet. Le dieu. Son regard vrille le mien avec une telle puissance que mes jambes pourraient en trembler. Mon corps se liquéfie et une chaleur surprenante s'empare de moi.

- Qu'est ce qui se passerait si l'espace d'un instant, nous cédions ?

- Le barrage se briserait sûrement Lorelei. Et je parviendrais à te faire céder...

- Je suppose que ça serait une erreur.

Si seulement il n'avait été qu'un simple humain que j'aurais pu entraîner dans les fonds des mers à tout jamais...

- À quoi est-ce que tu penses ? murmure Poséidon, l'air captivé par moi.

Sans que je ne m'en sois rendue compte, mon visage s'est approché du sien. Trop. Je mords la lèvre. La tentation de l'embrasser devient trop forte. D'ailleurs je crois que la même idée traverse l'esprit du dieu. Il se peut même que j'entende ses battements de cœur s'accélérer – chose que je croyais impossible jusqu'à il y a peu. Mais au moment même où nos lèvres allaient enfin se rencontrer, mon esprit hurle un non puissant et tout son désaccord envers cet acte qu'il juge dangereux. Poussée par l'instinct, j'agis au quart de tour et repousse avec violence Poséidon avant de le gifler.

La fureur s'enflamme alors dans son regard. Et je suis consciente que je suis fautive... Dans un accès brusque de colère, la main du dieu enserre ma gorge et me soulève du sol. Il grogne comme un bouledogue, menaçant :

- Cesse de jouer avec moi, Lorelei. Je ne plaisante plus.

Tout en grimaçant, je ricane :

- Je suis... pétrifiée de peur, vraiment. Tu ne me... tueras pas, tu en es... Incapable.

Ma voix a beau être hachée, mes mots sont distincts, et son regard se voile encore plus. Cette fois ci, je crois bien l'avoir poussé à bout. Je commence légèrement à étouffer mais je lutte pour conserver mon regard dans le sien et ne pas le lâcher. Ses doigts sont venu tant de fois se serrer autour de ma gorge que je n'y prends plus peur.

Et soudainement, je me retrouve dans ses bras, tandis qu'il s'empare de mes lèvres. Je réponds instinctivement à son baiser, et aussitôt le voilà qui devient ardant, dévorant, passionné. Mon cerveau se déconnecte et seul mes instincts me guident. Ses bras encerclent ma taille et il me soulève tandis que mes jambes s'enroule autour de sa taille. Mes doigts pressent ses épaules. Un grondement sourd s'échappe de sa gorge tandis que mes griffes s'enfoncent dans sa chaire tant je m'accroche à lui.

La vérité me frappe alors à la figure. Il m'a manqué. Tout en lui m'a manqué. Ses yeux, sa voix, son parfum, ses lèvres... Foutu dieux.

Ses mains s'entortillent dans mes cheveux sombres tandis que j'inspire vivement son parfum marin si envoûtant. Mon être entier se consume.

Brusquement, il me lâche et je me réceptionne plus ou moins habilement au sol. Un sourire satisfait aux lèvres, je croise les bras tandis qu'il se passe une main dans les cheveux argenté :

- Tu me rends fou Mélusine. Vraiment fou.

- Et moi donc ? Tu ne penses pas que tu es en train de complètement me faire péter les plombs ? je crache avec hargne.

- Je suis le coupable à présent ?

- Il faut cesser de se bercer d'illusions, nous sommes autant coupable l'un que l'autre. Je ne joue pas plus avec toi que tu ne le fais avec moi.

- Sais-tu à quel point c'est difficile de t'aimer ?

Son ton de reproche m'agace. Je plisse des yeux et réplique :

- Je ne t'ai jamais demandé de le faire.

Une ombre voile son regard et il secoue la tête. Je crois qu'il vient de se rendre compte d'une chose plutôt importante. Il s'éloigne alors, imposant une distance de sécurité nécessaire pour éviter que ce qu'il s'est produit plus tôt ne survienne à nouveau.

- Tu es au courant que l'on tourne en rond, n'est ce pas Lorelei ?

- Je crois même l'avoir compris avant toi.

- J'imagine que tu n'as pas vraiment envie d'arranger les choses. »

Je blêmis. En ai-je envie ? Je ne sais plus ce que je veux... Ou tout du moins si. Je désire vivre ou à défaut, survivre. Les dieux sont une menaces. Et Poséidon est un dieu. Un dieu qui m'aime... Peu importe. Et même alors, je n'ai pas le temps de penser à ça. Je dois, avant toute chose, me débarrasser de ceux qui désirent si ardemment me détruire. Le reste n'a pas d'importance. Le reste ne compte pas.

J'entre ouvre la bouche, à la recherche d'une quelconque réponse. C'est alors qu'une voix s'élève à l'autre bout du couloir, appelant le dieu. Nous tournons simultanément la tête vers l'origine de ce son si cristallin. Ligie. Dieux merci, cette sirène arrive à point nommé. Voilà la diversion qu'il me fallait. Profitant que l'attention de Poséidon soit détournée, je m'éclipse discrètement. Je m'éloigne dans le couloir, reprenant mon souffle et redressant la manche du manteau, qui avait glissé durant notre semi-dispute semi-embrassade.

Si il y a bien une chose dont j'ai presque honte, c'est de ce traître de cœur qui bat à un rythme effréné dans ma poitrine et la chaleur qui se propage dans mes veines.

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