Chapitre 7.
Soudain, Poséidon bondit sur moi et me plaque au mur avec une force phénoménale. Un craquement se fait entendre et vu l'éphémère douleur qui me parcourt je crois bien qu'il provient de mon dos. Alors que Seth allait intervenir, le dieu fronce des sourcils et un mur d'eau se dresse alors entre nous et mon protecteur. Ses mains me maintiennent contre le mur, exerçant une pression forte sur mes épaules, si forte que j'ai impression qu'il cherche à me les broyer et je grimace :
« Je suis aussi ravie de te revoir Poséidon...
- Pourquoi est-ce que j'ai du mal à te croire ? Après tout, tu as fuis.
Sa voix parvient à rester neutre. Je sens qu'il se maîtrise, qu'il se retient. Seulement, si il y a une chose que j'ai compris, c'est qu'il est bien plus facile à comprendre lorsqu'il est en colère. Je croise les bras et ricane.
- Je n'ai pas un banc entier à faire vivre. Tu es parti laissant tout derrière toi et pourquoi ?
- C'est toi qui t'en est allée la première, tu n'es vraiment pas la mieux placée pour me faire des reproches.
Je hausse des sourcils mais le maître des océans souffle contre mon oreille :
- Toi et moi, Lorelei, nous devons parler.
- Que me veux-tu ?
- Pourquoi es-tu partie ?
Cette fois ci, il n'y a plus sa colère maîtrisée ni même ses intonations sournoise. C'est un mélange de haine et de désir qui pointe dans sa voix.
- Je devais le faire.
- Comment ça ? Nous venions de vaincre Eris, tu n'avais plus à fuir.
- Plus à fuir ? Je venais de libérer des dieux qui n'ont qu'une idée en tête, me tuer. Et de plus...
Je me tais subitement et tente de me dégager de son emprise. Le dieu semble ne pas vouloir abandonner et attrape mes poignet alors que je tentais de le frapper et les plaque contre le mur. Ses doigts les enserrent avec une telle poigne que je ne peux m'en dégager. Son corps vient se presser contre le mien et je ne peux plus bouger. Il siffle :
- Et de plus ?
- Je ne peux te rejoindre Poséidon.
Il fronce des sourcils et grogne :
- Et pourquoi ça ?
- Ce serait renoncer à ma liberté.
- Renoncer à ta liberté ? Crois tu donc que je t'aurai enfermée à double tour dans une tourelle pour te garder pour moi, crois tu que tu aurais été ma prisonnière?
- Tu aurais finit par le faire !
- Pourquoi diable penses-tu ça ? Je t'aime Mélusine.
J'écarquille des yeux tandis que mon esprit s'embrume et que sa prise sur moi se défait légèrement. Ses mains quittent mes épaules et descendent jusqu'à mes hanches ou ses doigts viennent jouer machinalement avec mes cheveux. L'espace d'un instant mes écailles apparaissent avant de disparaître sous le coup de l'émotion. Puis je reprends mon masque impassible et soupire, posant une main sur son poignet pour éloigner ses doigts de moi et plongeant mon regard dans le sien.
- Je suis une sirène. J'aime séduire puis tuer. J'aime être aguichante et envoûter les hommes. J'aime tout mettre en œuvre pour les faire céder a mes charmes. J'aime parfois même aller jusqu'au bout. Aucun homme sensé n'accepterai ça de la part de sa compagne.
Il me lâche totalement comme si mes mots l'avaient marqué ou blessé et réplique, d'un ton rempli d'orgueil :
- Je ne suis pas un simple homme.
- Ça ne change rien au fait que tu ne me laisserais pas faire tout ça.
Je lui adresse un pauvre sourire et me dégage totalement de sa prise. Je le dépasse sur la gauche et me dirige vers l'imposante muraille aquatique qui nous coupe du reste du monde. Sa voix furieuse s'élève derrière moi.
- Je ne te laisserai pas partir à nouveau, Mélusine.
Je pousse un long soupire et abandonnant mon détachement de façade je souffle :
- Je n'en ai pas l'intention. J'ai besoins de toi pour contrer les dieux. »
Je traverse le mur d'eau avec facilité, laissant le dieu, son amertume et peut être même mon cœur tout nouvellement éveillé en arrière.
*
« Ça ne s'est pas si mal passé...
Ma voix se répercute contre la voûte de l'immense salle du manoir de Poséidon. Profitant du fait que presque toutes les sirènes soient de sortie et qu'il n'y ait plus personne pour me surprendre, je me suis glissée dans l'un des bassins et j'ai laissé ma nageoire de poisson noire remplacer mes jambes d'humaine. Tandis que je profite du contacte avec l'eau Seth, assis en tailleurs sur la bordure du bassin, hausse un sourcil en m'entendant et un rictus vient étirer ses lèvres.
- Tu crois ça ?
- Jusqu'à preuve du contraire, je suis toujours vivante, donc j'en conclu que Poséidon n'a pas rejoint sa divine famille et ne va pas tenter de se venger pour ma fuite.
- Tu crois qu'il va accepter de défier ses frères et sœurs pour toi ?
« J'en suis même sûre ! » se rengorge la Discorde dans ma tête.
Ignorant cette peste, je hoche affirmativement de la tête tout en haussant des épaules. La contradiction dans ma gestuelle ne lui échappe pas et il fronce des sourcils.
- Pourquoi le ferait-il ?
- Je ne sais pas... Soit il reste fidèle à sa famille et dans ce cas, je suis perdue, soit tous ces siècles seul et libre, sans eux, ont fait de lui un être indépendant qui voit en la libération de ses frères une menace.
- Et si ce n'est aucun des deux cas ?
D'un coup de nageoire, j'éclabousse l'humain qui plisse des yeux en ayant un mouvement de recul.
- Ne sois pas pessimiste Seth.
- Je ne suis pas...
Je lui coupe la parole en lui envoyant à nouveau une gerbe d'eau à la figure.
- Si, tu l'es.
Il grimace mais ne réplique pas. Au lieu de cela il s'approche à nouveau en jetant un regard méfiant à mon attribut aquatique comme si j'allais l'arroser de nouveau par simple envie. Ce qui est fort possible au passage. Une moue amusée naît sur mon visage mais mon protecteur garde tout son sérieux :
- T'a-t-on déjà dis que tu es trop sûre de toi ?
- Laisse moi réfléchir ? Une bonne douzaine de fois minimum.
- Et tu n'as toujours pas retenue la leçon ?
Je grogne entre mes dents :
- Je suis lente à la compréhension.
- C'est le cas de le dire. réplique une voix derrière Seth qui se fige automatiquement et recule.
J'esquisse une moue et enfonce mon corps dans le bassin jusqu'à m'immerger jusqu'aux épaules. Impossible de ne pas penser à ce qu'il s'est produit dans ce même carré d'eau cinq ans plus tôt. Agacée, je balaye la surface avec ma nageoire. Ce qui ne semble impressionner nullement le dieu qui se place à côté de mon protecteur. Celui ci s'est raidit comme un piquet et j'aperçois du coin de l'œil ses doigts qui effleures son pistolets. À n'en pas douter, sa tension est bien trop visible. Si Seth n'avait pas été Seth, avec son intelligence hors-norme pour un humain et sa capacité à rester calme et à ne pas écouter ses pulsions secrètes, j'aurai presque pu croire qu'il allait s'attaquer au dieux. Ce dernier semble d'ailleurs n'en avoir rien à faire puisqu'il m'interroge :
- Et bien alors, raconte moi donc plus en détail en quoi mon aide te serais si précieuse Lorelei ?
Je soutiens quelques instants son regard avant de débuter mon récit :
- Tu seras sûrement ravi d'apprendre que ta sœur se trouve dans les limbes. Mais elle a trouvé un moyen de communiquer avec moi. C'est elle qui m'a prévenu que le reste de votre divine fratrie cherchait à me détruire.
- C'est somme toute assez logique puisque tu peux les renvoyer d'où ils viennent.
- Sans rire... Mais si je le faisais, j'y laisserai probablement ma vie, donc je ne vois pas la logique là dedans. Me pensent-ils assez folle pour compromettre ma propre survie ?
Le dieu grimace face à mes paroles. Son regard se pose sur Seth qui nous écoute sans dire un mot. Mon protecteur lui, en revanche, ne détache pas ses yeux de moi, son visage aussi fermé qu'une huître. Si Poséidon n'avait pas été présent, j'aurai sûrement tenté de le dérider un peu. Le maître des océans finit par grogner :
- C'est parce qu'ils ne te connaissent pas. Ils ne savent pas à quel point tu peux être...
- Légèrement égoïste et un peu égocentrique ?
Il hoche raidement de la tête et Seth lâche un ricanement. C'est l'euphémisme du siècle.
- Tout ça pour en arriver au même endroit : ils cherchent à me tuer et je peux dire très vite adieu à la vie si je ne trouve pas de solution. Ils se sont déjà attaqués à nous il n'y a pas moins de quelques heures. Et ils recommenceront. Ils ne me lâcheront jamais.
- Mes frères et sœurs aiment à s'amuser. réplique Poséidon en haussant des épaules. Puis il reprend : Et qu'est ce qui te fais penser que je t'aiderais ?
- Rien sinon le fait que c'est pour ne pas t'enfermer que j'ai ouvert la cage au lion ! je m'emporte.
Cette fois ci un sourire sincère étire ses lèvres. C'est à ce moment que mon cher protecteur se décide enfin à intervenir. Il tourne sa tête vers le dieu et interroge, méfiant :
- Qu'est ce qui empêche les dieux de s'attaquer aux humains ?
Poséidon pince des lèvres. Je soutiens son regard d'une telle manière qu'il finit par céder et lâche du bout des lèvres :
- Nous n'en avons pas vraiment... le droit. Croyez le ou non, en réalité, nous ne sommes pas vos créateurs. Nous sommes d'ailleurs nous même des créations. Et celles qui sont à l'origine de tout avaient dicté des règles bien claires.
Je me redresse violemment alors même que Seth percute enfin tout ce qu'impliquent ces dernières paroles.
- Tu as dis « celles » ?
- C'est ça, oui.
- Qu'entends-tu pas « celles » ?
Ses yeux bleus se mettent à scintiller d'une étrange manière et Poséidon confie alors à voix basse :
- Je parle des seules et uniques entités à l'origine de tout ce qui existe : la Vie et la Mort. »
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