Chapitre 6.

L'impacte de la foudre projette sur nous de la roche et de la poussière. Lorsque enfin l'éboulis semble s'être calmé, je me relève difficilement et Seth lâche un grognement. À l'endroit même où nous nous tenions il y a à peine quelques seconde, le sol est calciné et un petit cratère marque l'impacte de la foudre. Aucun de nous deux, même en étant une sirène immortelle, n'aurait pu y survivre.

Profitant d'être partiellement dissimulée dans la corniche, je grogne :

« Mais fais attention Seth ! C'est toi, le protecteur ! Pas moi. C'est à toi de me sauver la vie et non l'inverse espèce d'imbécile !

- Je ne t'ai pas demander de me sauver.

Je le fusille du regard mais il le soutient et grimace :

- Comment fait-on pour sortir de là ?

Il est vrai que nous sommes réellement serrés l'un contre l'autre dans cette minuscule cavité. La falaise nous protège pour l'instant mais il nous faudra bien sortir et quelque chose me dit que les dieux ont tout leur temps. L'orage gronde, menaçant. Je tente d'ignorer le sang qui coule des écorchures sur sa peau et l'appréhension qui monte en moi dû à l'espace exiguë dans lequel nous nous trouvons. Foutue claustrophobie, même légère... J'ai l'impression qu'on comprime ma poitrine.

Je me décide à répondre à mon protecteur :

- Mes illusions ne fonctionnent pas sur eux.

- Dommage...

Nous restons pensifs quelques secondes. Cette position devient de plus en plus inconfortable. Je prends alors ma décision, et secouant la poussière qui me recouvre, je grogne :

- La mer est à l'autre bout de la plage. Je suis rapide.

- Plus que les dieux ?

- Ai-je le choix ?

- Pas vraiment... Tu veux attirer leur attention ?

Je hoche affirmativement de la tête.

- Reste ici. Si tout se passe bien, je serais de retour dans quinze à trente minutes. Les dieux ne penseront pas que je retournerai ici.

- C'est risqué comme pari.

- Alors, je reviendrais quand cet étrange nuage de sang aura disparut. Penses-tu être capable de survivre sans moi ?

Un rictus étire ses lèvres et il recule un peu plus dans le renforcement, histoire de rester bien dissimuler.

- Le doute dans ta voix me blesse Mel. Il est temps que je te prouve à nouveau ma valeur je crois.

Je me mords la lèvre et lui adresse un sourire. Pour éviter de me retrouver nue par la suite, je trouve soudain nécessaire de me dévêtir en majeur partie maintenant. De toute façon, si tout se passe bien, dans moins de deux minutes, je serais couverte d'écailles. Puis je me prépare à courir de toutes mes forces en direction de l'océan, là où les dieux ne pourront pas me poursuivre. Jetant un dernier coup d'œil à mon protecteur, je gronde entre mes dents :

- Quand faut y aller... Faut y aller ! »

Je m'élance hors de notre cachette et le tonnerre rugit avec violence. Sans y prêter la moindre attention, mes pieds foulent le sable et je ne détache pas mon regard de mon objectif. Je crois que jamais je n'avais courut aussi vite, essayant d'éviter chaque coup de foudre qui me talonne. La mer se rapproche, l'étendue bleue est à ma portée. Il faut que j'y parvienne... Les éclairs s'approchent de plus en plus. Brusquement, l'un d'eux projette des roches et du sable dans les airs. Je me jette au sol pour éviter de me faire toucher. L'effroi me gagne et malgré la soudaine douleur due à l'impacte et le sable que j'ai avalé en glissant au sol, je me relève sur mes pieds et reprend ma course. L'éclair frappe l'endroit où je me tenais une demie-seconde plus tôt...

Et lorsque j'ai la certitude que le prochain m'atteindra, je me rends à l'évidence. Je n'ai plus la choix. D'une ultime propulsion je me jette dans l'océan. Au moment même où mon corps rencontre l'eau, ma nageoire apparaît et je m'enfonce dans les profondeurs de manière à disparaître.

C'était moins une.

*

Lorsqu'enfin, le nuage rouge sang qui indiquait la présence du roi des dieux se dissipe, je peux rejoindre Seth. Le regard qu'il me lance est assez éloquent quant à sa manière de considérer ce qu'il s'est passé il n'y a même pas une heure mais il se retient. Nous reprenons alors notre chemin, tout en restant prudent. Mais être resté dans une même position pendant de si longues minutes a tant courbaturé mon cher protecteur qu'il ne fait que de se plaindre durant tout le trajet, et ce, même une fois que nous arrivons à Athènes.

Heureusement pour lui, je ne suis pas d'humeur à le rembarrer.

Encore moins maintenant. Pourtant, je l'écoute tout de même lorsqu'il me parle alors que nous avançons dans les rues de la ville grecque.

« Pendant ces quinze très longues minutes, j'ai pu communiquer avec la S.S.C.. Ce nuage rouge n'est pas passé inaperçu... Les gens se posent des questions. Mon patron a comprit ce qu'il se passait. J'ai du lui apporter des détails puisqu'il était profondément persuadé que j'étais au courant de quelque chose. Je ne sais pas comment il a pu s'en douter.

- Ton patron est une chimère. Bien sûr qu'il sait ce que signifie tout ce bazar. Et puis... Les chimères sont très perspicace. Étonnant qu'il n'a pas sentit ton affiliation avec une sir... »

Je me tais brusquement et mon visage se renfrogne.

Nous y sommes.

Il y a des lieux qui restent chers à nos cœurs. D'autre qu'on ne voudrait jamais revoir. Il y en a qui, pour des raisons particulières, nous marquent. Par exemple, je ne peux pas mettre un pieds dans le Poitou, en France, sans ressentir une certaine nostalgie. Tout comme retourner à Rome provoque en moi un étrange sentiment. Mais je crois que je n'avais jamais ressentis autant d'émotion contradictoire qu'en me tenant devant l'immense manoir aux allures de temple que Poséidon possède à Athènes. Une envie terrible de fuir me prend aux tripes et seule le poids de la menace des dieux m'empêche de prendre mes jambes à mon cou.

Cependant, je ne pense pas avoir vraiment le choix. Alors, échangeant un regard avec Seth, je pénètre dans l'immense bâtisse. L'odeur de la mer qui y règne et le parfum envoûtant de mes sœurs me frappe en pleine figure. Pourtant le manoir semble être vide. Les sirènes doivent être de sortie...

Sans me laisser déstabilisée, j'avance avec prudence jusqu'à parvenir à l'immense salle principale où se situe les bassins d'eau et le trône de Poséidon.

Des bruits de pas dans mon dos me font me retourner vivement.

Je reconnais cette silhouette élancée et fine qui se découpe derrière Seth. Je reconnais aussi ces cheveux d'or. Aucun doute, cette sirène aux allures angélique mais à la voix mortelle est reconnaissable entre milles. Et quand celle-ci nous aperçoit enfin, ses yeux d'un bleu océan s'arrondissent de stupeur. Elle semble avoir vu un revenant. Ou plutôt, une revenante... Mon nom s'échappe d'entre ses lèvres, comme un murmure :

« Mélusine...

Un sourire étire mes lèvres et je redresse mon menton.

- Bonsoir Ligie.

Son regard s'assombrit soudain et elle interroge, sèche :

- Que fais-tu ici ?

- Et bien, moi qui pensais que tu serais ravie de me revoir..

- Ça aurait pu être le cas si tu n'étais pas partie comme une voleuse.

Même si le reproche perce dans sa voix, je suis presque ravie de la revoir. Je crois bien m'être attachée à cette petite sirène durant notre dernière aventure... Son aide a été précieuse. J'ai presque envie de lui frotter les cheveux comme le ferais une sœur aînée à sa cadette. Brrr... Voilà que j'en deviens amicale... Elle doit s'en rendre compte puisque son regard s'adoucit et elle finit par soupirer :

- Je suppose que tu n'es pas revenue simplement parce que je te manquais...

- Tu supposes très bien.

- Alors que veux tu ? Interroge Ligie en ignorant ma remarque.

- Tu ne saurais pas où se trouve ce bon vieux Poséidon ?

Son expression semble se figer et une étrange lueur s'anime dans son regard. Je pourrais passer des heures à contempler son magnifique visage se désintégrer mais je n'ai pas tout ce temps devant moi. Je penche la tête sur le côté dans l'attente d'une réponse. Ligie plisse des yeux et lâche, d'une voix basse :

- J'en ai aucune idée. Il a disparut.

Un frisson me parcourt et me glace. Puis le doute survient. Je fronce des sourcil et crache :

- Et qui me dis que tu ne me mens pas ? Qui est-ce qui m'assure que ce n'est pas une ruse ?

- Je te l'ai déjà dit par le passé Mélusine... Te mentir ne me servirai en rien. Voilà cinq ans que Poséidon n'a pas rejoint le banc. Ni ici à Athènes, ni en Crète, ni même dans ses autres manoirs en Grèce où se trouvent nos sœurs. Il parcourt le monde à ta recherche et nous ne recevons son énergie plus qu'à distance. Je serais incapable de te dire où il est.

C'est tout Poséidon ça. Il passe cinq année à me rechercher en vain. Et lorsque je décide enfin qu'il est temps de me retrouver, il est incapable de me mettre la main dessus. Il faut vraiment tout faire soit même.

Je plonge mon regard dans celui de Ligie, et, lui adressant un grand sourire, je grogne :

- Très bien, dans ce cas, je n'ai pas le choix. Tu m'excuseras...

Et d'un geste à la vivacité extrême, je lui tords la nuque. La pauvre n'a pas le temps de réagir. Elle s'effondre au sol. Incroyable, même dans les vapes, sa beauté reste envoûtante.

Heureusement pour elle, ça ne lui sera pas fatale. Et c'était nécessaire. Même si j'avoue qu'il s'agissait tout de même plus ou moins d'un coup tordu - sans mauvais jeux de mots.
Seth écarquille des yeux avant de gronder :

- Pourquoi as tu fais ça Mélusine ?

- J'en ai marre Seth. Je tiens à te rappeler qu'une bonne dizaine d'êtres divins surpuissants sont à ma poursuite. Je n'ai pas de temps à perdre et tu sais quoi ? Elle n'est pas morte. Donc tout va bien. Mais Poséidon aura sûrement sentit le danger et si il est toujours aussi... Empressé à sauver ses sirènes, il se pointera. Et vite. Ses dons de téléportation peuvent être pratiques...

- De là à assommer Ligie ?

- Une remarque à faire peut-être ?

- Elle t'a aidé à combattre Éris.

- Et je l'ai gentillement remercier. D'autant plus qu'elle y était obligée, c'est tout de même son peuple qui était menacé.

- C'est aussi ton peuple.

- Ce n'est qu'un détail Seth.

Il lève les yeux au ciel.

- Je croyais que tu l'appréciais ?

- Mais c'est le cas. Seulement, ça ne veut pas dire que je vais être gentille avec elle.

- Ta logique défie la chronique Mel.

Je mime un signe du baiser avant de baisser mon regard sur Ligie. Elle semble déjà sortir de l'inconscience. Bon et bien voilà une bonne chose de réglé.

- Seth, il me semblait t'avoir prévenu : je ne suis clairement préoccupée que par une chose : ma survie. Et peut-être la tienne au passage. Mais pour ça, il faut que l'autre dieu de pacotille décide de faire son apparition. Sinon, nous ne ferons pas deux pas que nous finirions griller par la foudre du divin Zeus ou bien transpercé par une flèche d'Artémis.

- Qui te dit que ton ancien amant viendra ?

- Il me cherche.

- C'est peut-être pour te tuer...

- Qu'il essaye un peu pour voir ! Je dois le trouver. C'est tout. Il n'y a pas d'autre solution !

Je commence à m'agiter. La colère et l'amertume ont fait leur retour en moi. Mais c'est alors qu'une voix s'élève alors de derrière nous :

- C'est moi que tu cherches, Mélusine ?

Je me fige avant de faire volte-face. Le sang se retire de mon visage et je bats des paupières afin de m'assurer que je ne suis pas victime d'une illusion. Il se tient debout, son regard marin plus intransigeant et pénétrant que jamais posé sur moi et son allure divine toujours aussi présente. Son aura surnaturelle prend une aisance effarante, empiétant sur tout autour de nous comme une vague océane et l'espace de quelques secondes je voudrais me laisser emporter et céder à la violence de mes désirs. Cependant je reste de marbre et le dieu des mers, d'une voix mi-narquoise mi-furieuse, reprend :

- Alors, Lorelei... Je t'ai manqué ? »

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