Chapitre 25.
L'éclair qui nous aveuglait disparaît soudainement et je me sens perdre l'équilibre avec violence. Je percute quelque chose ou plutôt quelqu'un de plein fouet et nous nous étalons au sol. Heureusement, mon amortisseur est assez douillet et me rattrape en enserrant ma taille à l'aide de ses deux mains aux larges paumes... Je bats des paupières et écarquille des yeux en remarquant que j'ai atterris... sur Orphée. Celui ci me regarde éberlué tandis qu'un immense élan de joie me parcourt. Tout autour de nous, se dressent les ruines antiques du site de Petra, avec ses arches et ses temples. Ça a fonctionné, nous sommes remontés dans le temps.
Nous nous relevons tant bien que mal et je ne peux que ressentir un sentiment de victoire plus grand en apercevant Seth et Ligie. Une étrange chaleur se diffuse dans mes veines quand je croise le regard de mon protecteur et celui de ma sœur. Poséidon se passe une main dans les cheveux, l'air éprouvé par notre voyage temporel. Assis à côté de lui, Chronos regarde la scène, en souriant, attendrit comme un enfant face à des petits chiots. C'est cela, nous représentons des chiots pour cette entité.
« Qu'est ce qui vient de se passer ? gronde le héro, en regardant tour à tour l'enfant et moi, alors que sa main est encore refermée sur mon poignet qu'il avait saisir lors de la chute.
Seth renchérit, le ton soupçonneux :
- Nous étions en train de marcher, qu'est ce qui a bien pu arriver pour que tu sois projetée de cette manière ?
C'est là que je remarque que je suis retournée dans mon corps du passé. Mon esprit est donc âgé de cinq ans de plus que mon enveloppe charnelle.
Je me tourne vers le dieu qui semble rassuré et je lui souffle :
- Va avec Ligie jusqu'à la crypte. Je saurais vous retrouver.
- Tu te souviens de où elle se trouve ?
Je hoche la tête affirmativement. Un soupire d'exaspération me parvient.
- Pourrait-on avoir des explications ? grommelle l'humain.
Sa question est appuyée par Orphée qui ne me lâche pas du regard, sévère. Je suis pour ma part si heureuse de les retrouver que je ne prête pas attention à leur agacement et chasse d'un geste de la main son interrogation.
- Dès que nous serons seuls.
J'observe la silhouette du dieu s'éloigner en compagnie de celle de la sirène aux cheveux blonds. Il doit lui conter en deux mots l'essentiel de l'histoire. Mais alors que je pensais pouvoir enfin révéler à mes deux compagnons toute la vérité, le Temps, dont j'avais oublié sa présence tant il s'était fait discret, s'approche. Je regarde avec méfiance le petit garçon mais il se contente de sourire d'une manière presque désarmante. Il tient au creux de ses mains la si précieuse clochette d'argent. Tout en souriant d'une innocence déstabilisante, même pour moi, il me tend l'objet et souffle :
- Si jamais tu as encore besoins de mon aide très chère Mélusine, n'hésite pas à faire appel à moi.
Suspicieuse, j'observe son présent. La clochette tinte quand elle roule au creux de ma paume. Le contacte froid de l'argent est presque agréable. Prestement, je fais disparaître l'objet, l'accrochant à ma ceinture, aux côtés de mes multiples dagues, dissimulée sous ma veste. Rassuré quant au fait que je préserverai son cadeau, Chronos recule et m'adresse un signe de la main enfantin :
- J'ai été ravie de te rencontrer. Je chérirai ton écaille et j'en prendrai soin, promis. Adieu.
- Au revoir gamin. »
Une grimace déforme ses traits et brusquement, un tic tac résonne. Son image se dissipe comme le brouillard et le Temps s'en va aussi vite que nous sommes apparus.
Ce n'est que là que je me rappelle la présence de mes deux compagnons. Seth se pince l'arrête du nez, sans doute résigné par rapport à toutes ces folies. Quant à Orphée... Exaspéré, le héro m'interpelle.
« Bon, maintenant Mélusine tu veux bien nous expliquer ? Que vient il de se passer et qui était ce gosse bon sang ?
Je me mords les lèvres. C'est beaucoup trop compliqué d'user des mots pour décrire tout ce qui est arrivé en cinq ans... Je plonge mon regard dans le sien et murmure :
- Laisse moi te montrer.
Avant même qu'il ne puisse réagir je l'attrape par le col et l'attire à moi. Mes lèvres se posent sur les siennes. Il écarquille les yeux de surprise mais j'en profite pour raffermir mon emprise et mes pouvoirs entrent en jeu. En une fraction de seconde les événements qui sont survenus ces cinq dernières années déroulent dans son esprit. Il se crispe et sa main qui s'était posé sur mon avant bras sous le coup de l'étonnement se resserre en un étau. Sa respiration se fait haletante contre mes lèvres mais je ne le lâche pas alors même qu'il faiblit. Tout mon corps me fait souffrir mais je suis trop concentrée à faire fonctionner ma magie. Et je suis bien trop ravie de retrouver le héro pour me défaire de cette étreinte si vite. Son parfum entêtant me monte à la tête.
Brusquement, il se détache et recule en titubant. Livide, Orphée plonge son regard émeraude dans le mien et jure.
- Qu'est ce que c'est que ce foutoir...
Je penche la tête sur le côté en haussant des épaules et me tourne vers mon protecteur. Il semble totalement perdu et un sourire attendri m'échappe.
- À ton tour Seth. »
*
« Alors comme ça nous sommes morts, tués par les dieux ?
- Exact.
- Et tu as remonté le temps ?
Je me tourne vers Seth dont le regard est fixé sur moi. Il semble avoir du mal à assimiler tout ce que je viens de lui montrer. Orphée m'interpelle à son tour :
- Et tu vas me dire que cela faisait cinq ans que nous ne nous sommes pas vu, que tu es arrivée trop tard et que tu m'as trouvé raide mort.
- Encore exact.
Il fronce des sourcils alors que je me fends en un sourire sincère :
- Tu m'as manqué.
- Je t'aurai bien dis moi aussi mais pour moi je t'ai retrouvée il n'y a même pas quelques minutes.
- D'ailleurs tu as une idée de ce que tu as bien pu faire ces cinq dernières années ?
Son expression s'obscurcie et je vois à son regard qu'il est plongé dans ses pensés. Un certain éclat dans ses yeux m'intrigue. J'ai bien l'impression qu'il se souvient de quelque chose. Pourtant lorsqu'il reporte son attention sur moi, il me sourit et lâche :
- Aucune idée.
Je ne suis pas sûre de le croire. Pourtant ça n'est pas ma priorité. Éris est dans le coin avec ses Discordants puisqu'elle n'est plus dans ma tête. Et rien qu'à l'idée de me retrouver de nouveau face à ces horribles monstres un haut le cœur me saisit. Non merci, très peu pour moi. Pourtant je ne peux m'empêcher de savourer la sensation d'être enfin seule maîtresse de moi même et de ne plus accueillir mon ennemie dans les méandres de mon esprit.
Alors je prends la tête du trio pour les mener jusqu'à la crypte. Je ne m'y suis rendue qu'une fois et c'était il y a cinq ans, pourtant le trajet m'est resté gravé en mémoire. Je slalome entre les monuments et lorsque j'arrive enfin devant la crypte j'y retrouve Poséidon et Ligie. Le dieu tient son trident en main et la paroi est déjà effondrée, révélant la cavité.
- Vous en avez mis du temps. me lance la blonde, un sourire aux lèvres.
- Excuse moi, j'avais cinq ans à rattraper.
Elle esquisse une petite moue avant de pénétrer dans la tombe, suivie de Seth et Orphée.
Juste avant que je n'entre dans la crypte, Poséidon me saisit le bras. Je frissonne à son contact tandis qu'il plisse les yeux. Son ton se fait accusateur :
- Tu portes leurs parfums... Tu les as embrassé ?
Je me mords la lèvre inférieur en haussant des épaules et ricane :
- Jaloux?
- Ça ne répond pas à ma question.
Je soupire et consens à lui répondre - après tout, vu les circonstances, nous n'avons plus de temps à perdre.
- C'était le seul moyen d'avoir une excellent prise sur leur conscience.
- Tu as apprécié ?
- Bien sur que oui, je suis une sirène.
Il lève les yeux au ciel. Pourtant la réponse coule de source. Ce n'est pas mon amou... attachement pour lui qui m'empêchera de savourer des baisers. Cependant, je me rends compte d'une chose. Mon corps n'a jamais autant répondu qu'en sa présence. Embrasser Poséidon a quelque chose de plus enivrant, de plus... Parfait. Quelque chose que je n'ai jamais trouvé avant lui. Je ne suis pas sûre d'éprouver autant de plaisir avec quelqu'un d'autre que Poséidon. Et ça m'effraie.
Soudain Poséidon semble se remémorer quelque chose et il m'interroge, la voix grave :
- Je te l'ai déjà donné ?
- De quoi ?
- Le poignard.
Je porte la main à ma ceinture et je frémis en sentant l'argent froid contre mes doigts. Je tire alors la dague et admire le saphir. Les yeux du dieu se mettent à scintiller d'une étrange manière. Je ne peux m'empêcher de penser à ce qui s'est passé. Ces cinq dernières années viennent-elles réellement d'être effacées de cette manière, comme si elles n'avaient jamais existées ? Mais le parfum de l'humain et du héro qui embaume l'air de la crypte et le pas léger de ma sœur suffisent en m'en assurer. L'histoire est encore à écrire.
Alors que j'allais m'engouffrer à la suite de nos compagnons, le dieu me retiens encore un peu, sa main enserrant avec douceur mon poignet alors que ses doigts se mettent à exercer de légers ronds sur ma peau, me faisant frissonner, et il me murmure à l'oreille :
- Puis-je demander un dernier baiser avant de me faire enfermer ?
Un frisson glacial me parcourt la colonne vertébrale et un poids s'abat sur ma poitrine. Je dois croire en son retour. Je dois croire en ma survie et en sa survie. Serrant les poings et luttant contre mon envie de lui céder, je me tourne vers lui. Nos visages se frôlent tant nous sommes proches. Plongeant mon regard dans le sien, je souffle :
- Tu l'auras quand je t'aurai libéré. Et que nous nous retrouverons. »
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