Chapitre 16.

Les galeries sont sombres et se ressemblent toutes. Or, j'ai horreur de me retrouver piégée sous terre. J'ai assez donné par le passé, et il n'y a rien de mieux que de se retrouver à l'air libre. Les tunnels sont humides, pas ou peu éclairés et exiguës. Le rêve pour moi qui possède quelques tendances à la claustrophobie... J'aurai mieux fais d'attendre à l'extérieur... Seulement, la prêtresse possède des réponses qui me concernent. Impossible de rater ça. Alors je fais de mon mieux pour ignorer ma crainte de me retrouver coincée ici suite à un éboulement. Voyons le bon côté des choses, cette fois ci, je ne serais pas seule... Et il y aura un humain. Même si me servir de Seth comme repas me répugne de tout mon cœur, une fois la folie s'emparant de moi, je ne pourrais rien faire d'autre.

Par ailleurs, ça fait bien trop longtemps que je n'ai pas mangé... Mon ventre se charge de me le rappeler par un gargouillis qui se répercute dans les galeries. Le regard noir que je jette à mon protecteur le dissuade de dire quoique se soit et je jurerai avoir entendu Ligie glousser.

À force de marcher l'ennui me gagne. Je sors mes lames et commence à en vérifier le tranchant. Je ne sais depuis combien de temps je les ai à vrai dire. Les dagues ont toujours été mes armes de prédilections : il faut dire qu'elles sont discrètes, faciles à dissimuler dans les époques ou posséder une arme était interdit aux femmes, dangereuses et mortelles. Un coup bien placer peut ôter la vie mieux qu'un sabre ou une hache. Les aiguilles tranchantes qui maintiennent le chignon de Ligie sont également une bonne idée : plus discrète, plus facile à conserver sur soit, mais elles sont moins mortelles lors d'une attaque.

Seth, à côté de moi pousse un long soupire. Il est tendu et ne cesse de jeter des coups d'œil inquiets à notre guide qui nous ouvre la voie, nous illuminant grâce à une torche enflammée. Je ne peux que comprendre. Ces tunnels sont flippants, dans le genre angoissants. Si le maître des océans n'avaient pas été si sûr de lui, j'aurai pu croire que nous tournons en rond. Et je pense que mon avis est partagé. Mon protecteur, sûrement lassé du silence qui s'est installé, me murmure sur le ton de la confiance :

« Je crois que je sais ce que je vais faire après tout ça.

- Pour ça il faudrait déjà que tu survives ! je rétorque, sarcastique.

Il lève les yeux est grogne :

- Tais toi et écoute. Et je m'en fiche de savoir si ça t'intéresse ou non.

J'esquisse une petite moue amusée et je ricane :

- Très bien, agent Kepner. Je vous écoute.

- Tu te souviens mon nom ?

- Bien sûr : agent Seth Kepner, originaire du Dakota, père américain, mère égyptienne. Je t'ai entendu me raconter ton enfance chaque fois que tu étais bourré dans les années 80.

L'humain hausse des épaules et réplique :

- Oui, mais ça c'est le passé.

- Et bien parle de futur. Qui t'en empêche ?

- Toi, sale vipère.

- C'est bon, je t'écoute là ! Tu vas faire quoi, arrêter de travailler pour la police ?

Il secoue la tête, visiblement amusé tout en se penchant pour éviter un rocher. Le plafond des souterrains s'abaisse.

- J'aime beaucoup trop mon métier Mel. Je vais demandé à être muté en Grèce. Il est temps que la S.S.C. se développe vu qu'il est clair qu'elle n'est, pour l'instant, pas assez compétente pour gérer des situations de ce genre.

- Pourquoi la Grèce ?

- J'aime bien ce pays... répond-il évasivement.

Je fronce des sourcils mais ne relève pas. L'entendre faire des projets m'est désagréable. Il ne survivra peut être pas, comme chacun de nous, même si je me suis faite la promesse de battre les dieux. Prévoir l'avenir... Ça ne sert à rien quand on est pas sûr de le vivre. Mais je suppose que pour les mortels c'est une manière de réagir habituelle... Après tout, lorsqu'on est constamment habitué à l'idée de mourir, on doit avoir une autre manière de faire. Sûrement les conséquence de se retrouver en bas de la chaîne alimentaire. Mais à bien regarder les animaux, ils se savent condamnés et pourtant ils font ce qu'ils ont à faire sans remettre à demain. C'est l'instant présent, la survie de l'espèce qui compte.
Et puis, à bien y réfléchir, chaque type d'être vivant a une manière différente de réagir face à la mort... Ou son absence. Ça ne définit pas le bonheur.

Je grimace ! Dieux que ces pensés sont morbides et sans intérêts. La seule chose qui compte c'est la survie.

- Si tu parviens à faire ça Seth, je te promets de dégager pour toujours de ta vie.

- Je m'ennuierai très certainement...

- Alors même que ton métier consiste à assurer la paix entre le surnaturel et les humains et à maintenir le secret ? Laisse moi rire ! »

Nous nous engouffrons dans un passage très étroit et pendant un instant je passe devant lui. La roche saillante rend l'avancée difficile et à cause d'un visage, la lumière que produit la torche de Poséidon s'affaiblit trop. Je saisis le bras de Seth pour le guider dans l'obscurité. Nous rejoignons le dieu et Ligie qui nous attendaient et nous reprenons la route.

Je hais réellement ces tunnels. Poséidon ne pouvait pas l'enfermer dans un endroit moins profond, moins... Sous terre.

« Mélusine...

Je ralentis un peu afin de me retrouvée seule quelques instants et laisse Seth rejoindre Ligie.

- Éris ?

- Peu importe ce que te dira la prêtresse, ça ne te sera d'aucune utilité, tu le sais ?

- Tu es venu simplement pour me dire ça ?

Un soupire résonne dans mon esprit. La présence de la Discorde est à la limite de l'insupportable. Je ne sais comment elle fait pour vivre avec elle même depuis tant de temps... Tous les dieux sont ignobles mais elle, elle défie la chronique.

- Je lis chacune de tes petites pensés, jolie sirène. Et je me fiche bien de ton avis sur moi. Je t'aurais prévenu pour la prêtresse. »

Et aussitôt, elle se fait de nouveau muette. Ses incessantes allées et venues commencent à m'agacer et à me rendre folle.

Alors que nous nous enfonçons toujours plus dans les souterrains et que je commence sincèrement à croire que Poséidon nous a perdu, le dieu se retourne.

« Avant toute chose... Il serait peut-être préférable que vous me laissiez lui parler. nous prévient-il alors.

- Pourquoi ?

Il esquisse une petite moue. Si j'en crois son expression, il n'apprécie absolument pas cette prêtresse. Intriguée, je lève un sourcil et l'incite à répondre. Il cède et lâche du bout des lèvres :

- Vous le découvrirez bien assez vite.

Ça n'est pas la réponse attendue mais ça ne change pas grand chose à d'habitude. Des mystères, toujours des mystères...

Devant nous, Seth s'arrête soudain.

Un cul de sac.

Ou du moins, pas totalement. Ce n'est pas un mur qui nous barre le chemin mais des barreaux aussi épais que mon bras, ce qui n'est pas rien. Lorsque je pose ma main sur l'un d'eux, son contacte me brûle immédiatement. Je me recule d'un bond en lâchement une série d'injure. Des cloques se sont formées sur ma paume qui semble calcinée comme si j'avais plongé mes mains dans l'acide. Des tremblements agitent mes mains et je serre les dents, fusillant du regard Seth qui tente de s'approcher pour m'aider. Les blessures finissent par disparaître et cicatriser, laissant mes paumes intactes, et je me tourne vers le dieu, bien décidée à lui demander des explications. Mais celui ci fixe la pénombre, derrière les barreaux, un plis soucieux sur le front. Quelque chose ne va pas.

Je suis son regard. Une silhouette se découpe dans l'ombre, avançant dans la lumière que dégage le flambeau. Je fronce des sourcils, intriguée par cette forme gracieuse qui se dirige vers nous.

- Qu'est ce que...

Mon interrogation se meurt dans ma gorge et je reste bouche bée.

Une femme à la beauté saisissante – et je n'exagère pas du tout – s'approche de nous. Ses cheveux coulent le long de son corps comme une rivière d'or, attachés en une tresse complexe et parsemée de joyaux. Son corps est recouvert de tissus orientaux de la teinte du soleil couchant, légers, s'envolant aux moindres mouvements, découvrant son ventre plat et ses fines jambes. Elle scintille de milles feux, comme un astre à la lumière du flambeau, comme un joyau.

Quand à son visage... Ses traits sont d'une douceur infinie tandis que ses grands yeux dorés brillent d'une intelligence et d'un savoir certains. Une pointe d'espièglerie y brûle même. La manière de se mouvoir de la créature, si élégante, me rappelle celle d'un serpent. Je suis saisie par son aspect divin. Sa beauté égale celle des sirènes et surpasse même certaines...

Je m'attendais à tout sauf à ça, mais en cet instant, il m'est impossible de décrocher mon regard d'elle. Comment peut-elle être d'une telle beauté alors que, d'après les dires de Poséidon, elle vient de passes plus d'un millénaire enfermé ici ?

La femme pose sa main sur les barreaux sans se faire brûler, ses doigts glissant sur l'objet m'ayant blessée, et elle penche la tête sur le côté. Les ombres dansent sur son visage, accentuant son teint halée improbable. Un sourire vient étirer ses lèvres tandis qu'elle balade ses yeux sur nous. En cet instant, je me demande qui est le plus surpris : nous ou elle ? Elle bat des paupières puis, d'une voix mielleuse à l'excès et langoureuse, elle sussurre :

- Mais que vois-je donc ? De la visite ! Nous allons bien nous amuser... »

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