Namjoon frémit en quittant sa chaise. Peu à l'aise devant le policier face à lui, il s'inclina puis fila sans demander son reste.
Le jeune homme, en vérité, n'avait rien à se reprocher. S'il se trouvait dans le bureau d'un des fonctionnaires du commissariat de Séoul, c'était pour la seule et bonne raison qu'il était venu attendre son frère aîné à la sortie du travail. On l'avait fait patienter dans le bureau de ce dernier jusqu'à ce qu'un des collègues de Seokjin entre pour annoncer à son cadet que celui-ci ne reviendrait pas avant un moment, occupé avec une affaire qui risquait bien de le retenir jusqu'à la tombée de la nuit... comme d'habitude, avait alors songé Namjoon en quittant la pièce.
Depuis que Seokjin avait aidé à résoudre une enquête complexe alors qu'il avait à peine intégré ce prestigieux service, il était demandé sur nombre de dossiers. Aussi perspicace que psychologue, il possédait un talent inné pour comprendre les coupables et leur mettre le grappin dessus. Namjoon l'admirait, malheureusement son métier lui prenait désormais tant de temps qu'il ne lui accordait plus une seconde, à lui qui l'avait soutenu contre vents et marées quand d'autres riaient en prétendant que Seokjin ne parviendrait jamais à rien.
Il s'était accroché, et il leur avait prouvé, à ces langues de vipères, qu'elles pouvaient aller cracher leur venin ailleurs. Premier de sa promotion, Seokjin était à présent un jeune homme respecté, et si Namjoon était plus fier de lui que jamais, il se sentait malgré tout peiné de vivre seul dans une chambre équipée de deux lits.
Après avoir repoussé derrière son oreille une mèche un peu trop longue de ses cheveux bruns, il enfila sa veste qu'il s'était contenté d'attraper en partant à la va-vite. Le vêtement soulignait sa silhouette impressionnante, taillée par des années de sport, et qui contrastait avec son visage d'une incomparable douceur - et les deux adorables fossettes qui creusaient ses joues dès lors qu'il souriait.
La mine chagrinée, il traversa les couloirs qu'il connaissait par cœur et regagna l'entrée du commissariat. Il s'apprêtait à franchir la porte devant lui quand des éclats de voix le tirèrent de ses songes.
« Et vous n'allez rien faire !
- Je suis désolée monsieur, mais on ne peut rien faire sans preuve.
- J'ai des bleus partout ! Je saigne encore !
- Oui, mais on n'a aucune preuve concernant le fait que le coupable est bien la bande que vous accusez.
- Ils ont encore mon sang sur leurs phalanges !
- Ils ne sont pas avec vous.
- Bah c'est l'idée, quand je vous dis qu'ils doivent être arrêtés : bougez-vous, faut pas qu'ils puissent s'en prendre à d'autres !
- Je n'apprécie pas ce ton, jeune homme.
- Putain mais ça fait cinq fois rien que ce mois-ci que je viens ! Chaque fois y a un truc qui va pas ! Quand je crèverai, ma dernière volonté sera que mon putain de cadavre mutilé reste en plein milieu de cette pièce pendant toutes les années que votre incompétence a ajoutées à mon calvaire !
- Monsieur, je vais vous demander de sortir.
- Allez vous faire foutre, salope. »
Bouche bée, Namjoon observa l'inconnu passer devant lui, l'air courroucé. C'était un garçon d'une vingtaine d'années, à peu près son âge, donc. Son visage paraissait tracé par un artiste : des traits fins, sublimes, des yeux en amande, un nez parfait qui menait jusqu'à une bouche qui retenait l'attention par son épaisseur. Plus petit que Namjoon, ce jeune homme néanmoins s'avérait si furieux que sa beauté ne se remarquait plus. Ses prunelles noires brillaient d'un éclat tel qu'on jurerait que des éclairs allaient en jaillir pour frapper le commissariat.
Mais que dire de sa beauté, quand la violence la bouleversait de cette manière ? La lèvre inférieure fendue, un hideux coquard à l'œil gauche, un bleu à la pommette, et du sang qui s'échappait par gouttelettes. Aucun doute : des brutes venaient de le passer à tabac.
Outré par les propos de la femme qui avait accueilli - si le mot convenait - ce pauvre innocent, Namjoon n'hésita qu'un bref instant avant de se lancer à sa suite. Il marchait d'un pas rapide, si bien que l'autre peina à le rattraper.
« Eh, attends ! »
L'inconnu se retourna et le dévisagea. Sa colère ne s'était pas encore estompée, si bien que Namjoon ne sut pas comment l'aborder.
« J-Je suis désolé, commença-t-il d'un ton hésitant, je... au commissariat, elle... de toute façon, je l'ai jamais appréciée, elle est toujours... enfin... je... »
Namjoon s'interrompit quand, face à lui, l'autre le fixa avec une mine ahurie avant d'exploser de rire. Et son rire, ciel, il fallait l'enregistrer pour ne jamais perdre une telle merveille.
« Oui, bien sûr, j'ai tout compris, gloussa-t-il après plusieurs secondes passées à s'esclaffer. T'es toujours aussi éloquent ou c'est mon visage qui te perturbe ?
- N-Non, c'est... désolé, soupira Namjoon en rassemblant ses idées. Je voulais juste te dire que cette femme est un monstre. Les jours où elle bosse, on sait que ça finira au moins une fois comme ça avec un plaignant. Tu serais arrivé avec un couteau planté dans le cœur qu'elle aurait répliqué que t'aurais très bien pu te l'enfoncer toi-même. »
Le garçon gloussa à ces mots, son regard pétillait de malice.
« T'es flic, toi ? Tu peux m'aider ? demanda-t-il avec dans la voix un espoir que Namjoon fut peiné de décevoir.
- Moi, non, admit-il, mais mon frère, oui.
- Est-ce que tu pourrais lui parler ? Il y a ces garçons qui vivent dans ma rue, et... quand on se croise... ça finit toujours comme ça, soupira-t-il en retrouvant une moue peinée tandis qu'il baissait la tête. J'en ai marre, mais je peux pas me défendre...
- Ils sont combien ?
- Quatre.
- Et ils t'attendent devant chez toi ?
- Non, ils traînent dans un parc pas loin, mais je suis obligé de passer devant pour aller prendre mon bus.
- T'habites où ?
- À deux rues d'ici, par là-bas, indiqua-t-il en tendant l'index.
- Et t'es à la fac ?
- Ouais.
- J'habite un peu plus loin, c'est un pote qui m'amène à la fac le matin et on s'attend pour rentrer ensemble, le soir. On pourrait passer te prendre, et dès ce soir je demande à mon frère de se renseigner sur cette bande.
- C'est vrai ? Ce serait possible ? Ça te gêne pas ?
- T'es sur notre chemin, ça nous fera pas faire un grand détour, et mon frère s'est déjà disputé plein de fois avec cette sorcière à l'accueil, alors il t'aurait pas laissé partir sans rien faire. Je lui en parlerai, sois-en sûr.
- Merci beaucoup ! Euh... c'est quoi ton nom ?
- Namjoon, et toi ?
- Jimin, j'ai vingt-deux ans ! se présenta-t-il.
- Moi vingt-trois, enchanté. Je peux te raccompagner, pour aujourd'hui ?
- T'inquiète, ça ira.
- T'es sûr ?
- Ils me frappent jamais deux fois dans la même journée. Et puis, au pire, je suis solide... et habitué.
- Comme tu le sens. Je te laisse mon numéro, envoie-moi ton adresse, que je la donne à mon pote.
- Merci beaucoup, Namjoon, vraiment. »
La reconnaissance et la douceur que portait sa voix réchauffèrent le cœur de l'aîné qui lui accorda son plus charmant sourire. Les deux jeunes gens se saluèrent et se séparèrent. À peine son cadet parti, Namjoon sortit son smartphone de son sac de cours qu'il avait gardé en passant au commissariat. Il sélectionna un premier contact.
Namjoon - Salut mon frère adoré ! Faudra qu'on discute quand tu rentreras ce soir.
Puis il en changea pour ouvrir une seconde conversation.
Namjoon - Hyung, tu pourrais me rendre un tout mini service ?
Il ne s'étonna pas de recevoir la réponse de son ami très vite - Seokjin en revanche ne répondrait que d'ici quelques heures, pas avant.
Yoongi - Si le service est vraiment tout mini, ouais, pas de souci.
Namjoon - Un petit détour et un passager en plus dans ta voiture tous les jours, ça te dérange ?
Yoongi - Ça dépend qui est le passager supplémentaire...
Namjoon - Un gars que j'ai rencontré au commissariat. Y a une bande pas loin de chez lui, quand il passe prendre son bus, qui le harcèle. T'aurais vu son visage...
Yoongi - Et t'es sûr qu'il dit vrai ?
Cette question lui rappela la sorcière qui avait presque viré Jimin du commissariat.
Namjoon - Il aurait pas menti aux flics auxquels il a parlé, faudrait être super con pour faire ça. Je resterai à côté de lui dans la voiture, si ça peut te rassurer.
Yoongi - Mouais, on peut tenter, mais c'est bien parce que c'est toi. Et tu garderas un œil sur lui.
Namjoon - Promis, hyung, t'es le meilleur !
Le jeune homme savait que si Yoongi détestait une chose, c'était bien de laisser monter des étrangers à bord de son véhicule. Peu à l'aise avec autrui, Namjoon aurait même juré qu'il se serait montré plus réticent. Une chance qu'il ne parvienne pas à lui résister !
À peine quelques instants plus tard, Namjoon reçut d'un numéro inconnu une adresse. Il enregistra Jimin dans ses contacts et lui répondit avec joie. Ce garçon au sourire adorable le mettait de bonne humeur avec son optimisme.
Rentré chez lui, Namjoon s'installa dans son lit avec un soupir. Il partageait un charmant studio avec son aîné qui finançait le loyer complet. De cette façon, le cadet se concentrait sur ses études de littérature sans chercher de travail. Son frère lui assurait la réussite, et s'il lui en était reconnaissant, Namjoon regrettait malgré tout que son métier l'accapare à ce point.
Tout à ses cours, il ne vit pas le temps passer, et quand il entendit la porte s'ouvrir sur Seokjin, il s'aperçut qu'il n'avait toujours pas dîné.
« C'est moi ! lança avec un ton théâtral le nouveau venu. Comment s'est passée la journée ?
- Hyung ! »
Namjoon, ravi de le retrouver enfin, fila l'étreindre. Seokjin, du haut de son mètre quatre-vingt-deux, s'avérait pourtant à peine plus grand que son cadet, toutefois ses épaules larges et son physique sportif lui donnaient un air plus imposant en dépit de la silhouette musclée de Namjoon. Comme lui en revanche, il arborait un visage angélique, des traits d'une douceur inouïe, et s'il n'avait pas hérité des fossettes de leur père, il possédait néanmoins les lèvres charnues de leur mère. Sa beauté délicate lui avait valu maintes critiques et expliquait en partie le harcèlement qu'il avait subi : un garçon si élégant et efféminé, personne ne l'imaginait rejoindre la police. Son unique soutien, son petit frère, lui avait permis de ne jamais perdre son objectif de vue.
Une brève accolade plus tard, Namjoon lui résuma sa journée sans oublier de lui parler de Jimin. Son aîné grimaça.
« Quelle conne, cette hôtesse d'accueil. J'aurais été là, elle se serait pris une de ces pluies d'insultes !
- Franchement, dans la salle, plus personne ne parlait, on savait pas quoi dire tellement on était choqués, opina Namjoon. Mais du coup, le pauvre est reparti sans aucune aide, et il peut pas se défendre face à quatre mecs. Il est pas très grand et plutôt frêle, c'est pour ça que j'ai proposé que Yoongi-hyung l'amène, le temps que tu trouves une solution.
- Aucun problème, je m'en charge. Faudra que tu me donnes son numéro, que je puisse le contacter, et je verrai avec un collègue s'il peut prendre sa plainte. De mon côté, je m'arrangerai pour qu'elle soit traitée au plus vite. Je supporte pas les gens qui s'en prennent à plus faible qu'eux, » rumina Seokjin - et il en savait quelque chose, lui qu'on avait harcelé pendant des années dans le silence le plus total.
Namjoon sentit ses yeux briller d'admiration, et il adressa un large sourire à son frère, reconnaissant pour son soutien. Enchanté par cette promesse, il se hâta d'annoncer la bonne nouvelle à Jimin qui, ravi, le gratifia de mille remerciements et en vint même à bénir la sorcière de l'avoir jeté du commissariat.
« Tu parles avec qui ? s'enquit Seokjin.
- Avec Jimin, » répondit Namjoon sans écarter son regard de son écran.
Désormais tous les deux à table, ils dînaient en silence devant la télévision qui diffusait les vidéos YouTube choisies par les deux jeunes gens. Seokjin laissa un rictus malicieux poindre sur son visage.
« Ah, je comprends mieux, maintenant...
- Hein ? demanda Namjoon en relevant une mine surprise sur lui.
- Dis-moi, Joon, il est mignon, ce Jimin ?
- P-Pourquoi tu demandes ça ?
- T'as bégayé ! Je le savais ! s'exclama Seokjin d'un air victorieux. Oh mon dieu, un coup de foudre au commissariat, un garçon fragile que mon puissant Joonie doit défendre ! Je fonds, j'adore ! C'est trop mignon ! Il est gay aussi, il...
- Stop ! » l'arrêta son frère d'une voix forte mais dépourvue de colère.
Namjoon mordit son sourire pour s'éviter un embarras supplémentaire. Bien sûr que Seokjin savait qu'il était attiré par les garçons. Son frère était même le seul au courant, le jeune homme n'avait jamais osé en parler à qui que ce soit, mortifié à l'idée qu'on le rejette pour ce que certains considéraient comme une immense humiliation. Seokjin représentait la fierté de la famille, il ne souhaitait pas jeter une telle honte sur lui qui s'était donné tant de mal pour réussir. Namjoon préfèrerait encore ne jamais connaître l'amour plutôt que de réduire à néant les efforts de Seokjin.
Il avait d'ailleurs hésité un long moment avant de lui avouer cette orientation dont il ne décidait pas. Parce qu'il vivait depuis déjà deux ans avec son aîné qu'il avait beaucoup soutenu - ce qui les avait rapprochés -, un jour il avait admis sa sexualité, le suppliant ensuite de ne pas lui en vouloir pour ce secret. Seokjin, bouleversé par la peur qui émanait de son cadet, l'avait enlacé sans attendre en lui assurant qu'il se moquait bien du sexe de la personne qu'il aimerait, tant que leur affection serait sincère et lui apporterait le bonheur.
Fragilisé par sa crainte qui s'envolait tout à coup, Namjoon avait versé quelques larmes en le remerciant.
« J'attends ma réponse, jubila Seokjin.
- Oui, il est mignon, et alors ?
- À peu près ton âge, plutôt mignon, de type damoiseau en détresse... j'aime beaucoup ce début d'histoire, on dirait un conte !
- Hyung, tu racontes n'importe quoi, tu me fais honte...
- Oh allez, déride-toi un peu, Nam ! Mais du coup, tu sais pas si lui aussi aime les mecs ?
- Aucune idée, non.
- Et il est vraiment si mignon que ça ? C'est pas fréquent, chez toi, un coup de cœur...
- Je sais pas, il dégage un truc vraiment spécial. Sa façon de bouger, son visage magnifique même tuméfié, son sourire à se damner... et il a l'air super gentil. J'aimerais beaucoup le connaître un peu mieux.
- Je vois... eh bien dans tous les cas, je ferai ce que je peux pour lui venir en aide, compte sur moi ! Ton copain ne risque plus rien !
- C'est pas mon copain, c'est même pas mon ami, c'est à peine une connaissance, râla Namjoon.
- Oh la la, toi et ton petit caractère. »
Le cadet retrouva sa bonne humeur à ces mots et roula des yeux d'un air faussement dépité. Seokjin se chargea de la vaisselle, de sorte qu'il retourne au plus vite à ses révisions.
Au matin du lendemain, Namjoon s'apprêta en vitesse afin de ne pas risquer de mettre Yoongi en retard. Ce dernier arriva à l'heure habituelle et se gara en bas de l'immeuble habité par les deux frères. Namjoon salua Seokjin et fila sans attendre rejoindre son ami qu'il salua à son tour. Yoongi lui adressa un sourire et le laissa monter à l'arrière.
Plus âgé que lui d'un an, c'était un jeune homme calme, discret, mais toujours très doux. Son honnêteté n'avait d'égal que sa gentillesse. Plus petit que Namjoon, sa stature fragile s'oubliait très vite dès lors qu'il parlait : sa façon de s'exprimer très franche, son ton parfois sec voire cassant, et le charisme qui émanait de sa personne suffisaient à lui permettre de s'imposer, même face à des garçons plus massifs que lui. Plus d'une fois certains avaient tenté de l'intimider, et chaque fois Yoongi avait réussi à les écraser comme les misérables fourmis qu'ils représentaient à ses yeux. Son caractère affirmé plaisait beaucoup à son ami qui, pour sa part, ne s'était jamais risqué à le mettre en colère.
« J'ai envoyé un message à Jimin pour le prévenir qu'on allait bientôt arriver, indiqua Namjoon. Il commence pas à huit heures, mais ça l'arrange, il ira sûrement bosser à la bibliothèque.
- D'acc. »
Toujours aussi peu loquace qu'à son habitude, Yoongi redémarra et, à peine quelques minutes plus tard, s'arrêta de nouveau. Il se trouvait devant une charmante demeure dans le jardin de laquelle un jeune homme jouait avec un doberman. Namjoon le reconnut aussitôt, et son cœur bondit dans sa poitrine face à la joie qui se dégageait de cette scène attendrissante. Jimin le serrait dans ses bras, chahutait avec lui, et l'animal poussait des jappements ravis.
En apercevant la voiture, Jimin leva la tête et, en découvrant Namjoon à l'intérieur, il se redressa en tendant l'index vers la maison pour ordonner à son chien de rentrer. Le doberman obéit et, quelques instants plus tard, son sac sur l'épaule, Jimin ouvrait la portière pour s'installer aux côtés de son nouvel ami. Yoongi reprit le chemin de l'université sans un mot, et Namjoon se chargea des présentations.
« Yoongi-hyung, je te présente Jimin. Jimin, je te présente Yoongi, mon aîné et ami qui, accessoirement, me sert de chauffeur.
- Tss, ingrat, marmonna ledit chauffeur avant de continuer un peu plus fort. Enchanté, Jimin.
- Moi de même, merci beaucoup d'avoir accepté de m'accompagner à l'université. En guise de remerciements, ma mère vous a préparé des mochis, tenez ! »
Il sortit de son sac une boîte en carton similaire à celui d'une boulangerie et qui débordait presque de petites pâtisseries. Le couvercle paraissait prêt à exploser tant on avait forcé pour tout faire entrer.
« C'est super gentil ! se réjouit Namjoon. Ils sont à quoi ?
- Les blancs, c'est ceux à la pâte de haricots rouges, les roses, c'est ceux à la fraise, et les verts, ils sont au thé matcha. Ma mère prépare toujours des mochis quand elle veut remercier quelqu'un, et elle est très douée pour les faire, si ça peut vous rassurer. Elle est pâtissière !
- J'en doutais pas, affirma Namjoon.
- J'espère que ça vous plaira ! »
L'enthousiasme du jeune homme tira un sourire à Yoongi qui lui jeta un bref regard à travers le rétroviseur. Son sourire cependant s'évanouit devant les hématomes encore visibles sur le visage de Jimin.
Il fallait vraiment être une bande de sales merdes pour s'attaquer à un garçon seul et sans défense, telle fut l'exacte pensée de Yoongi alors qu'il emmenait ses deux cadets à l'université. Jimin, au contraire du conducteur, se montra bavard. Il parlait de tout et rien, posait beaucoup de questions à Namjoon - il avait essayé d'en savoir plus sur Yoongi mais avait vite compris qu'il se sentait peu à l'aise à l'idée de discuter.
Namjoon se réjouissait de le découvrir aussi enjoué. Jimin lui apparaissait comme un véritable feu d'artifice : à partir d'un unique sujet de conversation, il prenait mille directions confuses mais qui illuminaient la matinée de son nouvel ami. Namjoon fut presque déçu que leur trajet ne dure qu'un quart d'heure. En descendant, Jimin remercia encore ses aînés et fila sans demander son reste, après leur avoir adressé un large sourire accompagné d'un signe de la main.
« Il est lumineux, ton Jimin, remarqua Yoongi en refermant sa portière. On va pas s'ennuyer avec lui dans la voiture.
- Je te le fais pas dire. C'est un sacré personnage. »
Namjoon ne lâcha sa silhouette du regard qu'une fois son cadet disparu au détour d'un bâtiment. Il salua son meilleur ami et se dirigea à son tour jusqu'à l'amphithéâtre dans lequel se déroulait son premier cours. Il profita de son court trajet pour avaler le mochi à la fraise qu'il avait pris en quittant la voiture - Yoongi pour sa part en avait attrapé un à la pâte de haricot rouge, plus curieux du goût qu'affamé, car il avait mangé avant de partir.
Trois jours étaient passés, le weekend débutait enfin pour les étudiants. Namjoon s'écroula sur son lit en rentrant et sortit son portable de sa poche. À peine dix minutes qu'ils s'étaient séparés et il avait déjà reçu un message de Jimin.
Jimin - Hyung, je viens juste de me rappeler que je voulais t'inviter à la maison demain ! Ça te dirait de venir ? On pourrait jouer à la console, et ma mère a promis de nous préparer une tarte aux pommes et à la cannelle ! ^^
Namjoon - Oh c'est super gentil, mais t'es sûr que ça la dérange pas ?
Jimin - Bah non, c'est elle qui a proposé. :3
Namjoon - Dans ce cas, c'est d'accord ! Tu préfères que je vienne vers quelle heure ?
Jimin - Trop bien ! Vers 14h, ça te va ? Comme ça on aura tout le matin pour bosser tranquilles, et tout l'après-midi pour profiter du weekend ! ^o^
Namjoon - D'acc, j'y serai, compte sur moi !
Ravi, Namjoon passa sa soirée et la matinée suivante à étudier, afin de s'aérer l'esprit sans éprouver la moindre culpabilité. Il avait prévenu Seokjin avant que ce dernier ne parte au travail, en ce paisible samedi matin, et en début d'après-midi, il se rendit à la maison de Jimin, trajet qu'il commençait désormais à bien connaître. Il se planta devant le petit portail de bois qui menait au jardin et sonna. La porte de la demeure s'ouvrit aussitôt sur Jimin. Son visage avait retrouvé toute sa beauté, enfin débarrassé de ses bleus, et son sourire rayonnait plus encore que le soleil de ce chaud mois de mai.
« Hyung, entre, c'est ouvert ! »
Et alors que Namjoon poussait le portillon, une ombre fila, bousculant Jimin sans y prêter attention. Ce dernier écarquilla les yeux.
« Bam ! hurla-t-il. Calme, au pied ! »
Le chien, prêt à se lancer sur l'intrus qui avait osé franchir la limite de son territoire, s'arrêta tout de suite. Il considéra un instant Namjoon et, comprenant qu'il ne s'agissait ni d'un ennemi, ni de son repas, il retourna sur ses pas pour prendre place auprès de Jimin.
« Désolé, s'excusa Jimin quand son ami arriva à sa hauteur pour le saluer. C'est encore un jeune chien, et faut croire que mon frère l'a un peu trop bien dressé. Dès que quelqu'un qu'il connaît pas encore entre, il vient se planter devant lui, grogne et aboie pour lui faire peur. Il croit bien faire, c'est tout.
- Aucun souci, sourit Namjoon, je...
- Bam ! Faut arrêter de partir au quart de tour ! »
Jimin se retourna et Namjoon tendit la tête sur le côté pour découvrir le nouvel arrivant, frère cadet de Jimin. Le jeune garçon gagna l'entrée où son doberman patientait, assis, son attention focalisée sur celui qu'il considérait encore comme un potentiel intrus. Or, dès que son maître le rejoignit, l'animal se redressa sans attendre, ravi à l'idée de reprendre leur jeu.
« Désolé, j'ai tourné la tête une seconde et il m'a échappé, s'excusa le benjamin.
- T'en fais pas, on va aller jouer à la console dans ma chambre, indiqua Jimin. Il aura pas l'occasion de nous déranger. »
Jungkook - car Jimin avait parlé de lui à Namjoon qui connaissait déjà son nom - opina avec un sourire reconnaissant et décida d'aller au jardin avec son chien qui poussa un jappement enchanté en le suivant.
Les deux amis montèrent à l'étage qui s'ouvrait sur trois pièces : les chambres de Jungkook et Jimin, ainsi qu'une salle de bains qu'ils se partageaient. En entrant dans la chambre de son cadet, Namjoon ne s'étonna pas de découvrir un lieu sobre mais charmant, à l'image de Jimin. Un lit, un bureau, une bibliothèque, une commode et une armoire. Il s'agissait d'un petit espace organisé de manière à ce qu'en dépit du peu de place qu'il possédait, il puisse se sentir ici dans un endroit agréable. Sur la commode se trouvait une télévision reliée à une console auprès de laquelle traînaient deux manettes. Jimin en attrapa une et tendit l'autre à son invité.
« Jeu de course, ça te va ?
- Carrément, approuva Namjoon en s'asseyant à ses côtés sur le matelas.
- D'ailleurs, je sais pas si ton frère t'a dit, mais hier, après les cours, j'étais convoqué au commissariat pour déposer plainte.
- Oh, c'est vrai ? s'étonna son aîné en sélectionnant son personnage. Non, il m'a pas dit. Faut dire, hier soir, je dormais quand il est arrivé, et on s'est à peine croisés ce matin comme il partait tôt. Et ça s'est bien passé ?
- Je pense, opina Jimin. En tout cas, quand je suis arrivé à l'accueil, y avait la sorcière, et quand j'ai donné mon nom, t'aurais vu comme elle avait l'air bête ! Elle m'a indiqué d'une voix misérable lu bureau où me rendre, et rien que ça, ça a refait ma journée ! Le type qui m'a reçu était super gentil, et il m'a dit qu'il ferait son possible.
- Je suis content pour toi, alors, j'espère que ça s'arrangera.
- Je pense que oui, et dans tous les cas, le seul fait que pour une fois, on m'écoute... c'est déjà énorme. Vraiment merci pour ton aide, je t'en suis infiniment reconnaissant.
- C'est bien normal. Faut croire que je suis comme mon frère : je supporte pas l'injustice.
- Je suis heureux, dans ce cas, d'avoir quelqu'un pour me protéger ! » se réjouit Jimin en lui adressant un sourire.
Il concentra de nouveau son attention sur l'écran devant lui quand la course commença. Namjoon l'imita, et les deux garçons s'amusèrent un long moment avant qu'on ne frappe à la porte. Jimin lança un « entrez » plein d'entrain en mettant le jeu en pause. Sa mère alors ne se fit pas prier et leur indiqua que la tarte venait de sortir du four et avait eu quelques minutes pour refroidir. C'était l'heure de s'en régaler !
Jimin remercia sa mère, et Namjoon remercia à son tour cette femme dont la ressemblance avec son fils aîné sautait aux yeux. Ils la suivirent jusqu'au salon où Jungkook patientait déjà, assis devant la table basse où attendait une tarte au fumet savoureux. Une fois chacun installé, ce fut Jimin qui servit tout le monde pendant que Jungkook s'occupait de remplir les verres de ce que chacun souhaitait.
En bref, Namjoon se régala, et il discuta avec Jungkook qui s'émerveilla de découvrir qu'il étudiait la littérature, filière que lui-même espérait rejoindre à l'université. Les deux garçons conversèrent un long moment avant que Jimin n'insiste pour retourner jouer à la console - et Namjoon ne résista pas à son petit air boudeur.
« Allez, on y repart ! s'exclama Jimin avec joie en appuyant sur le bouton pour relancer la partie.
- T'avais tant envie que ça de jouer ? s'amusa son aîné.
- Pas spécialement, j'en avais juste marre de jouer le pot de fleurs. Que tu discutes avec Kook, c'est chouette, mais là ça n'en finissait plus.
- Oh, alors t'étais juste ennuyé que je lui accorde plus d'attention qu'à toi ? le taquina Namjoon
- Je suis un garçon très possessif, faut croire, plaisanta Jimin dans un éclat de rire. Et puis j'avais aussi un peu envie de jouer. »
Son ami ne répondit que par un sourire. Installés tous deux sur le lit, ils étaient concentrés sur l'écran et la course. Namjoon était assis en tailleur, Jimin pour sa part s'était allongé sur le ventre, les coudes appuyés sur le matelas et le buste relevé.
Après quelques minutes, le plus jeune poussa un soupir : il venait de perdre sa deuxième partie consécutive. Dépité, il laissa son visage s'écraser dans les couvertures, et Namjoon s'esclaffa devant son désarroi exagéré. Il tourna les yeux sur lui, prêt à tenter de le réconforter, quand son regard fut attiré par sa silhouette.
Ses courbes étaient sublimes, masculines mais élégantes.
Une culpabilité soudaine l'envahit : comment osait-il fixer de cette manière un garçon aussi gentil et bienveillant que Jimin ? Il l'invitait chez lui, et Namjoon le remerciait par un regard appuyé sur sa taille et ses fesses. Quel manque de respect...
« On peut jouer à autre chose, si tu veux, » proposa-t-il donc pour fuir ses pensées.
Et, dans l'espoir d'apaiser le faux chagrin de son ami, il passa la main dans ses cheveux pour les lui caresser avec douceur. Jimin à ce geste se raidit avant de se détendre dans un soupir chargé de bien-être. Amusé par cette réaction immédiate, Namjoon poursuivit ses mouvements, et l'autre ne chercha pas à l'en empêcher, trop heureux de cette affection pour la repousser. De longues minutes s'écoulèrent.
« J'aime trop, marmonna Jimin sans bouger. Arrête jamais...
- Jamais ? Ça risque d'être compliqué.
- Fais un effort, un peu... »
Namjoon gloussa à cette réplique.
Après quelques minutes supplémentaires, cependant, leur moment de douceur fut coupé quand l'aîné reçut un message.
« Ah, je vais devoir y aller, constata-t-il en jetant un regard à son portable.
- Déjà ?
- Mon frère finissait plus tôt aujourd'hui, alors on a prévu d'aller se promener ensemble et de se commander un truc à manger. Il est tellement occupé en ce moment, ça me manque de ne plus le voir autant...
- Oh, je comprends. Ça me ferait mal, à moi aussi, de ne plus avoir d'occasions de voir mon frère. Passe une bonne soirée, profite bien.
- Merci beaucoup, Jimin, passe une bonne soirée aussi. »
Namjoon quitta le lit de son cadet qui s'y agenouilla de manière paresseuse.
« Hyung... »
L'appelé se retourna pour s'enquérir de ce qu'il voulait, et Jimin tendit les deux mains vers lui avec sa moue boudeuse - oui, celle à laquelle Namjoon ne résistait jamais. Il se rapprocha pour lui demander ce qu'il désirait, quand sans le prévenir, le plus jeune lui attrapa le bras et le tira à lui sans brutalité... puis il lui embrassa la joue.
« Bonne soirée, hyung ! » lança-t-il avec son habituel sourire rayonnant.
Déstabilisé par ce petit baiser, Namjoon bafouilla un « merci, toi aussi » qui ne ressemblait à rien, et il partit sans un mot de plus, les pommettes rouges et le cœur battant.
Il ne s'était pas attendu à un geste pareil, mais... ciel, comme ça lui plaisait !
Namjoon rentra chez lui comme s'il se dirigeait vers le paradis. Léger, il lui semblait marcher sur des nuages. Tout à ses songes, il ne revint sur terre qu'une fois arrivé dans son studio. Seokjin s'y trouvait déjà, occupé à ranger quelques affaires.
« Salut ! lança son petit frère en entrant. Comment tu vas ?
- Bien, bien, et toi ? s'enquit son aîné sans cesser sa tâche. C'était bien avec Jimin ?
- Ouais, on a passé un super bon moment. Et toi, ça a été, le boulot ?
- Ouais, comme d'habitude. D'ailleurs... j'ai profité de ma pause de midi pour aller me balader près de chez Jimin. J'ai trouvé le parc dont il parlait dans sa plainte.
- Ah ?
- Et y avait effectivement une bande de quatre types qui y traînaient. Des sacrés gaillards, si tu veux mon avis. Y avait quelques familles, des gamins, et des ados autour, mais ils avaient pas l'air d'y prêter la moindre attention. Ils avaient l'air plutôt calmes. J'y reviendrai de temps en temps pour les surveiller.
- Et la plainte de Jimin, ça avance comment ?
- Elle a été prise au sérieux : on a retrouvé les vidéos de surveillance du jour où vous vous êtes rencontrés, et sur la bande, on voit clairement ses hématomes et son sang. On l'a gardée comme preuve. Dès qu'on pourra, on convoquera ces quatre mecs, et une fois qu'ils auront avoué, on pourra appliquer la peine pour ce genre de délit. J'essaie de faire en sorte d'accélérer les choses, mais je reste un nouveau, alors c'est pas évident de se faire écouter, et pour une « simple » affaire de harcèlement, y a pas grand monde qui accepte de se bouger le cul.
- Je vois... tant que tu fais ton possible, c'est déjà énorme. Jimin est très reconnaissant, et moi aussi. »
~~~
Lorsque son réveil sonna, Namjoon le coupa et poussa un gémissement dépité. Il détestait les lundis...
« Debout, fainéant, le rabroua gentiment Seokjin qui avait déjà attrapé son portable pour vérifier ses mails. Une nouvelle semaine commence !
- Ouais, ouais...
- Pense au trajet jusqu'à la fac avec Jimin.
- Pourquoi ?
- L'amour donne des ailes, non ? se moqua Seokjin en riant.
- Très drôle...
- Oh allez, sois pas grincheux. Je vais te préparer un bon truc pour bien commencer la journée. »
Décidé, l'aîné quitta son lit, alluma (Namjoon gémit à cette brusque luminosité), et se rendit à leur coin cuisine concocter un succulent petit déjeuner. Son cadet râla mais, une fois qu'une odeur appétissante s'éleva, il céda et abandonna ses couvertures chaudes ainsi que son oreiller moelleux. Il s'habilla, mangea avec son frère qui venait de terminer sa préparation et, les deux garçons prêts, il était déjà l'heure pour le plus jeune de partir. Seokjin le salua, et Namjoon fila.
Une fois en voiture, il garda le silence jusqu'à ce qu'un petit soleil monte, quelques minutes après.
« Bonjour ! lança Jimin en grimpant à côté de son ami. Comment vous allez ?
- C'est lundi, comment tu veux que ça aille ? grommela Yoongi qui arborait d'inquiétants cernes.
- Ah, longue nuit ?
- J'ai fait que bosser, je suis claqué...
- Et toi, Namjoon-hyung, ça va ?
- Ça va, opina-t-il. D'ailleurs, je voulais te demander si ça te dirait de manger avec moi à midi : j'ai pas cours de onze à quatorze heures, alors si tu veux, on peut aller prendre un truc dans un restau, ou quelque chose comme ça.
- Oh, c'est gentil, mais j'ai jamais trop de temps lors de mes pauses de midi, refusa-t-il. Désolé...
- C'est rien, on aura d'autres occasions.
- Oui, j'espère. »
Yoongi leur jeta un regard à travers le rétroviseur, et un rictus naquit sur ses lèvres sans pour autant qu'il prononce le moindre commentaire. Leur amitié le touchait.
En rentrant ce soir-là chez lui, Namjoon ne se sentait pas aussi joyeux que ces derniers temps : si voir Jimin l'avait ravi, surtout maintenant qu'il n'arborait plus de blessures, il était malgré tout navré de savoir que le pauvre ne pouvait toujours pas prendre le bus en toute tranquillité. Il aurait aimé agir, le défendre comme il le méritait... mais que faire ? Il lui semblait que sa faiblesse le piégeait. Face à quatre garçons décidés à en harceler un, il doutait que discuter serve à quoi que ce soit.
Dans la lune, Namjoon peina à se concentrer sur son travail, qu'il abandonna après une heure perdue à observer les mêmes feuilles sans les lire. Dépité, il préféra encore se coucher. Il ne s'endormit cependant pas tout de suite. Il resta là, dans son lit, à fixer le plafond, plongé dans ses songes. Son affection pour Jimin ne cessait de croître à mesure que les jours passaient, et avec elle grandissait également son envie de prendre soin de lui et de l'aider.
Il s'assoupit, habité par un désagréable sentiment d'impuissance.
~~~
Ça faisait très exactement une semaine que Namjoon et Jimin s'étaient rencontrés. Ce soir-là, ils avaient prévu de manger ensemble dans un restaurant près de l'université avant de rentrer à pied pour profiter de la douceur du printemps.
Le dîner leur permit de faire encore plus ample connaissance, et plus Namjoon en apprenait sur Jimin et sa famille, plus il les appréciait. Il découvrait un garçon entouré de personnes formidables et qui, pourtant, peinait à se rapprocher d'autrui, trop timide pour ouvrir le dialogue. Ses amis se comptaient sur les doigts d'une main, mais il s'agissait d'amis qu'il était convaincu de garder jusqu'à la fin de ses jours, si bien que ces seuls liens suffisaient à son bonheur. Il recevait tant d'amour qu'il s'en sentait submergé et n'en souhaitait pas plus. Sa vie le rendait heureux.
Impossible pour Namjoon de se voiler la face plus longtemps : il aimait Jimin, il chérissait le moindre de ses sourires, et il considérait chaque éclat de rire comme un précieux trésor. Il lui semblait que des cœurs illuminaient son regard dès lors que ses prunelles se posaient sur ce garçon qu'il avait appris à aimer en même temps qu'il avait appris à le connaître.
Ainsi, tandis qu'ils se promenaient pour rentrer, Namjoon songeait à ses sentiments, et la crainte le dévorait peu à peu : il adorait Jimin, mais... Jimin ne le percevait que comme un ami de plus. Inutile d'attendre quoi que ce soit de plus de sa part. Il l'étreignait et lui embrassait la joue de la même façon qu'à Jungkook. La veille en effet, alors que Yoongi venait de se garer devant la maison du cadet, c'était Jungkook qui se trouvait dans le jardin en train de jouer avec son chien, et pour saluer son frère, en partant, Jimin l'avait enlacé et avait abandonné un chaste baiser sur sa pommette.
Peu surpris que ce geste ne lui soit pas réservé (il n'aurait jamais imaginé un tel privilège), Namjoon s'était étonné de constater qu'il aurait pourtant aimé être le seul à qui Jimin offrait cette petite attention.
Arrivés devant la demeure du plus jeune, les deux amis s'arrêtèrent et échangèrent un regard.
« Bon... eh bah bonne nuit, et à demain, sourit Namjoon.
- Merci encore d'avoir proposé un dîner au restau ! J'y suis pas allé depuis longtemps, ça me manquait plus que je l'aurais imaginé !
- Heureux de t'avoir fait plaisir, dans ce cas. »
Et, sans réfléchir, ce fut ce soir-là Namjoon qui se pencha pour appuyer un chaste baiser sur la pommette de Jimin. Il se sentit rougir aussitôt et s'écarta sans attendre. Il se racla la gorge pour camoufler sa gêne et recula d'un pas, timide. Le sourire de Jimin s'agrandit et, après un bref signe de la main, il fila. Namjoon esquissa un rictus attendri lorsque, son cadet ayant franchi la porte, les aboiements de Bam s'élevèrent.
À son tour Namjoon s'en alla, l'âme aussi légère que ces derniers jours. Il brûlait d'affection pour ce garçon...
~~~
Yoongi - Salut, Nam. Je suis malade comme un chien, j'ai passé une nuit de merde et j'ai juste envie de crever. Je pourrai pas vous amener, Jimin et toi, je suis désolé.
En découvrant ce message lundi matin, Namjoon bondit de son lit. Seokjin s'étonna de le voir pour une fois debout avant qu'il ne l'oblige à se lever. Le jeune homme tapa une réponse rapide à son ami.
Namjoon - Merde, tu vas vraiment si mal ? T'as appelé un médecin ? Repose-toi bien, et oublie pas de manger un peu, ça te fera du bien. Tu voudras que je passe après les cours ?
Yoongi - Du calme, Nam, j'ai de la fièvre et j'ai vomi, mais je suis pas au bord de la mort. Je voulais juste te prévenir pour être sûr que tu partes à l'heure et que tu loupes pas le bus. Mais moi, ça va déjà mieux que cette nuit. Je vais sûrement passer ma journée à somnoler.
Namjoon - Oh, je vois. Alors prends soin de toi, j'essaierai de passer te voir demain, j'ai une journée pas très lourde ! ^^
Yoongi - Merci, t'es le meilleur. :3
« Il se passe quelque chose ? demanda Seokjin.
- Yoongi-hyung est malade, je passerai sûrement le voir demain, histoire de m'assurer qu'il va bien et qu'il se rétablit. Mais du coup y aura personne pour nous amener, Jimin et moi, à la fac. »
Car si Seokjin avait son permis, il ne possédait en revanche pas encore de voiture, et Yoongi habitait trop loin pour proposer la sienne.
« Tu vas prendre le bus ? s'enquit-il.
- Ouais, mais je vais aller chercher Jimin, histoire d'être sûr qu'il risque rien. Du coup, vaut mieux que je parte tout de suite si on veut pas être en retard. Je lui envoie un SMS et je m'habille.
- D'acc, faites attention à vous. »
Namjoon se prépara à la hâte, balança son sac sur son dos et quitta au pas de course l'appartement. Il lui suffit d'une dizaine de minutes de course entrecoupée d'un peu de marche pour arriver devant chez Jimin, qu'il salua en haletant.
« T'étais pas obligé de te presser, remarqua Jimin, je pouvais patienter.
- Je voulais pas... être en retard... à la fac, souffla Namjoon en reprenant peu à peu sa respiration.
- T'es bien trop ponctuel. Mais... merci d'être venu me chercher quand même. »
L'aîné releva la tête à ces mots et croisa le regard brillant de reconnaissance de son ami. Ensemble, les deux se dirigèrent vers l'arrêt de bus le plus proche. Jimin enfila la capuche de son gilet sans quitter le chemin des yeux, et Namjoon s'apprêtait à l'interroger à ce sujet lorsqu'il aperçut, dans le petit square à sa droite, quatre garçons qui discutaient, une cigarette à la bouche. Ils paraissaient à peine plus âgés - et Namjoon songea qu'ils avaient sans doute le même âge, mais qu'ils semblaient juste plus adultes.
Les deux amis passèrent rapidement, Jimin ne tourna pas la tête, et ils gagnèrent sans encombre l'arrêt près d'ici. Un banc s'y trouvait, sur lequel ils s'assirent. Namjoon observa d'un regard peiné son cadet quand ce dernier retira sa capuche, mais il n'osa pas la moindre remarque de peur de raviver de mauvais souvenirs. À la place, il enroula un bras autour des épaules de Jimin qui, tout à coup rassuré par cette étreinte, posa la joue contre lui et ferma les paupières.
Cette chaleur contre lui remua l'estomac de Namjoon, qui néanmoins demeura impassible.
Ils ne se croisèrent pas à l'université, mais ils échangèrent quelques messages pour savoir où ils comptaient s'attendre pour rentrer et quand. Ainsi, une fois leur journée terminée, les étudiants se rejoignirent devant l'entrée du bâtiment des lettres pour retourner ensemble chez eux. Fatigués par leurs cours et peu enclins à marcher une heure, ils prirent le bus en discutant.
Namjoon ne racontait que les moments heureux ou drôles qu'il avait connus, de sorte qu'il voyait Jimin sourire et rire. Et puis Jimin lui racontait toujours tout avec optimisme : il exultait à chaque bonne nouvelle et transformait chaque échec en une réussite prochaine. Namjoon admirait ce caractère et désirait se montrer aussi positif que lui.
Lorsqu'ils descendirent et se rendirent jusqu'au domicile de Jimin, ce dernier était occupé à narrer à son aîné la gaffe commise par un de ses camarades... et il ne remarqua pas les quatre regards posés sur eux, du moins il les remarqua, mais trop tard. Namjoon fronça les sourcils quand son cadet s'arrêta et pâlit, observant quelque chose par-dessus son épaule. Il fit volte-face pour découvrir que les quatre garçons qu'il avait repérés ce matin étaient revenus squatter le parc et approchaient désormais.
Le plus grand arborait un sourire mauvais, il se planta à moins de deux mètres de Namjoon qu'il toisa quelques secondes durant. Jimin s'aperçut alors que, dans un réflexe sans doute involontaire, son ami s'était placé devant lui.
Son héros...
« T'es qui ? lança l'inconnu d'un ton hautain.
- Pourquoi cette question ? rétorqua Namjoon avec une assurance qui surprit son ami.
- Je te retourne la question. T'es son mec du moment ?
- Pardon ? »
Incapable de dissimuler sa surprise, Namjoon sentit son corps s'affoler. Son cœur s'emballa du fait de la stupeur, et il se trouva tout à coup aphasique, comme bloqué par cette question si brutale. Son « mec du moment » ? Mais que racontait-il ?
« On aime pas beaucoup les gays, ici, surtout quand ils se tapent n'importe qui et viennent embrasser leur mec sous les yeux des gosses. Mais quoi, t'étais pas au courant ? minauda le serpent qui se délectait du venin injecté à Namjoon.
- Tu mens. »
La tension dans le corps de l'aîné s'effondra quand Jimin osa élever la voix pour affirmer avec aplomb la calomnie qu'il subissait.
« Donc t'as jamais embrassé un mec dans ce parc ? le défia l'intrus.
- C'est tout à fait légal, lui opposa Jimin, et on savait pas qu'il y avait des enfants, on les avait pas vus, ils sont arrivés après nous. Dès qu'on les a vus, on a arrêté.
- Tss, tu me dégoûtes, t'es dégueulasse.
- Tu mens, tu fais que ça. Quoi que je fasse de ma vie, t'as pas à t'en mêler. Et pour ta gouverne, je sors pas avec n'importe qui, je ne suis sorti qu'avec deux garçons, avec lesquels je suis resté plusieurs années. Faudrait peut-être que tu t'occupes de ta bite avant de penser à la mienne, parce que si ça continue, je vais finir par croire que tu veux la sucer. »
Devant cette phrase si magistralement tournée, Namjoon éclata de rire. Il n'avait pas l'habitude de l'entendre parler de cette manière, et une telle férocité de la part de son innocent et joyeux Jimin lui paraissait impensable. Au plus grand dam de leur adversaire, même un des trois garçons derrière lui ne put retenir un gloussement moqueur.
« T'as vraiment envie de te manger mon poing, espèce de petite merde ! vociféra l'inconnu.
- Ne le touche surtout pas, ordonna Namjoon, ou on ira porter plainte ensemble et je lui servirai de témoin.
- Pauvre chou, ricana-t-il, mais la justice, elle va rien faire pour toi. Elle s'en fout que quelqu'un se prenne quelques coups. Ça aboutira jamais et tu continueras d'aller pleurer dans les jupons de ta salope de mère qui a même pas su t'élever correctement. »
Jimin bouillonnait. S'il s'écoutait, il leur aurait déjà bondi dessus.
« Excuse-toi immédiatement, sinon j'appelle les flics tout de suite, » le menaça Namjoon.
Or, plutôt que de répondre, l'inconnu lui balança son poing dans le visage. Namjoon tenta de s'écarter, mais ça ne lui permit pas d'échapper au coup qui le fit chuter. Sa pommette le brûlait, il y posa la main en grognant de douleur.
« Hyung !
- Deux pour le prix d'un, on va s'amuser... »
Jimin recula, horrifié, alors que Namjoon, étourdit tant par la surprise que par la violence du choc, peinait à reprendre ses esprits.
« Hyung, faut qu'on s'en aille, geignit Jimin en s'agenouillant auprès de lui, tu peux pas rester ici, vite... »
Il tenta de tirer son ami en arrière, mais parvint juste à s'éloigner quelques mètres. À cette heure, la rue était trop peu fréquentée, inutile d'espérer une quelconque aide salvatrice. Il ne réussirait pas à rentrer chez lui avec Namjoon, impossible de fuir. Les quatre garçons s'approchèrent et Jimin poussa un soupir vaincu. Il prit dans les siennes l'une des mains de Namjoon contre laquelle il posa la joue.
« Pardonne-moi, » murmura-t-il.
Il se redressa face aux délinquants qui le toisèrent d'un œil amusé.
« Oh la la, le petit gay va se défendre, gloussa l'un d'eux.
- Je peux toujours essayer... »
Et sur ces mots, Jimin s'élança sur celui avec lequel il avait dialogué quelques instants plus tôt. Dans un geste maîtrisé à la perfection, il abattit son pied dans le ventre du garçon qui fut projeté en arrière et tomba. Il attrapa ensuite par les cheveux un second inconnu et souleva un genou contre lequel il lui écrasa le visage. Le tout avait demandé à peine quelques secondes, et ce ne fut qu'après ce bref instant que les deux autres réagirent : tous deux attaquèrent en même temps. Or, du fait de la position de leurs jambes, Jimin en déduisit sans mal leur intention. Il esquiva et riposta par un uppercut dans la mâchoire de l'un, enchaînant avec un coup de coude dans le nez de celui qui s'était coulé derrière lui dans l'espoir stupide de le prendre par surprise.
De nouveaux assauts s'ensuivirent, tous menés par Jimin qui se déplaçait avec une grâce et un talent inouïs. Il termina avec un coup de poing impressionnant qui atteignit sa cible : le premier garçon qu'il avait frappé, celui qui l'avait mis dans une telle colère. Le jeune homme s'effondra, et à peine relevés, ses trois compagnons s'enfuirent. L'autre, à terre et ahuri, poussa un glapissement pathétique quand Jimin posa le pied sur son thorax, mais il n'osa pas bouger.
« Alors, le petit gay s'est bien défendu ? le nargua Jimin avec un sourire carnassier. T'en veux encore ou tu vas me laisser tranquille ?
- Je pourrais porter plainte ! feula l'autre.
- Mais la justice... elle va rien faire pour toi, répéta-t-il dans un rire sardonique. Alors écoute-moi bien. La prochaine fois que tu poses tes sales pattes sur quelqu'un de plus faible que toi... »
Son adversaire gémit quand Jimin appuya un peu plus fort sur sa poitrine.
« C'est compris ? »
Bien malgré lui, l'inconnu acquiesça. Après un petit coup dans ses côtes, Jimin le laissa partir. Ce misérable avait le nez en sang et plusieurs bleus sur le visage. Pathétique. Victorieux, Jimin jubilait : depuis le temps qu'il rêvait d'enfin riposter !
Puis sa joie s'évanouit quand il se tourna vers Namjoon qui le fixait encore, sidéré du spectacle auquel il avait assisté. Son innocent Jimin, le Jiminie qu'il désirait protéger plus que tout...
Il venait de massacrer à lui seul quatre gaillards bien plus imposants que lui.
Oh putain !
Ahuri, Namjoon cligna des paupières quand son cadet lui tendit la main. Il s'attrista de lire sur son visage angélique la crainte du rejet et la honte. Ainsi, sans un mot, l'aîné accepta cette main tendue et se redressa.
Jimin, désormais face à lui, se racla la gorge, gêné.
« Tu devrais mettre de la glace sur ta joue, souffla-t-il. Viens, on en a à la maison. »
Son ami opina, ils se mirent en route pour quelques brèves minutes de marche qui demeurèrent silencieuses. Jimin s'enfonça dans son anxiété, incapable de trouver comment entamer la conversation. Il espérait que Namjoon trouverait, lui.
Jimin poussa d'un geste mou le portail puis la porte de la maison. Sa mère passait à cet instant dans le couloir et, découvrant son fils aux phalanges ensanglantées avec Namjoon qui présentait un bleu frappant sur la pommette, elle ouvrit des yeux scandalisés et sa mâchoire tomba.
« Mon dieu, qu'est-ce qui vous est arrivé ? s'exclama-t-elle.
- Ils ont essayé de s'en prendre à hyung... je suis désolé, marmonna Jimin.
- Filez à la salle de bains, je vous apporte de la glace.
- Merci, maman. »
Ils montèrent à l'étage et entrèrent dans la petite pièce. Namjoon, dont les paumes s'étaient un peu écorchées lorsqu'il avait chuté, se lava les mains à l'eau froide, et Jimin l'imita ensuite, retirant de ses poings le sang de leurs assaillants. La porte s'ouvrit peu après sur sa mère qui tendit à l'aîné une poche bleue qu'il plaqua contre sa joue. Après une brève conversation, elle s'éclipsa et les deux garçons se rendirent à la chambre de Jimin qui s'assit sur son lit. Namjoon en fit de même.
Un long silence s'étira, et le plus jeune décida de le couper.
« Tu m'en veux ? s'inquiéta-t-il.
- Je sais pas... pourquoi tu m'as menti ?
- Je t'ai menti ?
- Tu m'as dit que tu pouvais pas te défendre, lui rappela Namjoon en roulant des yeux.
- C'est la vérité : avec mon niveau, j'ai pas le droit de frapper quelqu'un qui est désarmé, c'est pas considéré comme de la légitime défense puisqu'on n'est pas à armes égales. Alors... je peux me protéger comme je veux, mais pas en répliquant.
- Tu te laissais faire, en somme.
- Ouais, mais je me protège toujours le visage et j'essaie de filer dès que j'en ai l'occasion.
- Le jour où t'es venu au commissariat, t'étais bien amoché...
- Je m'étais peut-être laissé faire un peu plus que d'habitude dans l'espoir qu'on m'écouterait, admit Jimin qui ne quittait plus du regard ses doigts entremêlés.
- Ça fait longtemps que tu pratiques des arts martiaux ?
- J'ai commencé le taekwondo à cinq ans, puis à treize ans le MMA, et il y a deux ans je me suis aussi mis au krav maga avec un club à la fac qui se réunit tous les midis. J'adore me défouler en compétition.
- T'as fait des compétitions ?
- J'en ai même gagné un paquet.
- Pourquoi me l'avoir caché ? demanda Namjoon.
- On est devenus amis parce que tu pensais me protéger, souffla Jimin, et... j'avais peur qu'en apprenant que j'étais capable de me défendre seul, tu m'abandonnes. J'ai pas beaucoup d'amis, et... excuse-moi, j'ai été stupide.
- Que tu saches te défendre seul ou non, le problème restait le même : t'en avais la capacité, mais pas la possibilité. Je t'aurais pas laissé tomber.
- Je vois... pardonne-moi.
- C'est rien, Jimin, et puis je devrais te remercier de m'avoir défendu, je te dois une fière chandelle.
- C'est vrai ? Tu m'en veux pas de les avoir frappés ?
- T'en vouloir ? Attends, mais c'était dingue ! rit Namjoon. Avec ce que tu leur as mis, t'es tranquille pour toujours, et ces crétins n'iront plus embêter d'autres garçons, c'est certain ! C'était carrément mérité ! Ils te harcelaient : ils cherchent, ils trouvent, c'est eux qui ont commencé, merde.
- Je t'aurais pas cru comme ça, gloussa Jimin en relevant pour la première fois la tête. J'aurais pensé que t'étais du genre pacifiste.
- Même ma patience a ses limites. Je crois que... s'ils t'avaient frappé, j'aurais essayé de te défendre aussi, même si je sais pas me battre aussi bien que toi. S'il suffit de quelques bleus qui guériront vite pour qu'ils retiennent la leçon... et de toute façon, ce qui est fait est fait. Ils t'ont attaqué sans raison valable, t'as riposté, un point c'est tout. »
Le regard de Jimin s'illumina de soulagement.
« Par contre, reprit Namjoon, après ce qui vient de se passer, je pense que je demanderai à mon frère de laisser tomber la plainte : inutile d'aller plus loin, ils risqueraient de répliquer en portant plainte à leur tour.
- Oui... et puis ils ont compris qu'il valait mieux pas se fier aux apparences et ne pas s'attaquer à plus faible que soi. »
Namjoon acquiesça avec un rictus malicieux avant qu'autre chose ne lui effleure l'esprit.
« Mais dis-moi, tu... enfin...
- Oui ? l'encouragea son cadet.
- T'es attiré par les garçons ? »
Jimin rougit soudain à cette révélation qu'il avait déjà oubliée.
« J-Je... enfin...
- Eh, Jimin-ah, ça me gêne pas. Au contraire, je suis heureux de rencontrer quelqu'un comme moi, et... de ne plus me sentir aussi seul.
- Toi aussi ?
- Oui, opina son aîné, mais... moi j'ai jamais rencontré qui que ce soit qui aime aussi les garçons.
- Oh, je vois... je pourrai te présenter mes amis ! Je les ai rencontrés sur un site internet ! Je suis sorti avec Taehyung au lycée puis avec Hoseok à la fac, mais les sentiments finissaient chaque fois par s'estomper. Aujourd'hui, d'ailleurs, ils sont ensemble et super heureux ! Je suis sûr que tu les apprécierais, c'est des gars incroyables et super gentils ! Oh, faudrait qu'on se fasse un karaoké, un soir ! »
L'enthousiasme retrouvé de Jimin réchauffa le cœur de Namjoon qui accepta d'un hochement de tête, ravi à l'idée de rencontrer des garçons que Jimin présentait en des termes si élogieux.
Une bouffée de bonheur le fit frémir.
~~~
Yoongi poussa un soupir las tandis que tous les passagers s'esclaffaient. La discussion animée entre Jimin, Namjoon, Taehyung et Hoseok l'épuisait, mais... peut-être qu'il aimait bien ça. Lui qui savourait le calme le plus parfait, conduire chaque jour cette bande d'énergumènes l'amusait, le changeait de sa routine, et il aimait se sentir entouré ainsi. Il s'arrêta devant chez Jimin qui le remercia en descendant, accompagné par Namjoon qui salua les autres garçons.
Un mois s'était écoulé, les vacances d'été approchaient, et les températures extérieures en témoignaient déjà, étouffantes ces derniers jours.
Après les évènements advenus quelques semaines auparavant, sa mère avait forcé Jimin à aller s'expliquer avec les brutes qu'il avait frappées. Aussi surprenant que ça puisse paraître, si au début la bande s'était montrée hostile, elle avait finalement consenti à écouter Jimin, et tous avaient discuté de manière posée. Après avoir subi ce qu'eux-mêmes lui avaient fait subir, les jeunes gens avaient compris leur tort, et ils s'étaient excusés pour leur comportement. Jimin avait préféré oublier sa rancœur, si bien qu'il leur avait souri en acceptant leurs excuses... ajoutant ensuite avec ce même large sourire que s'il apprenait qu'ils recommençaient à tabasser et insulter des garçons plus faibles qu'eux, il reviendrait et risquait de ne pas s'en tenir à quelques coups de poing - des paroles en l'air, bien sûr, mais qui avaient fait leur petit effet.
Rentrés chez Jimin, les deux amis montèrent directement à sa chambre. Ils s'échouèrent sur le lit et poussèrent un soupir de bien-être. Après quelques instants et une fois qu'il eut trouvé le courage de bouger, le plus jeune se traîna jusqu'à son aîné au point de se coller à lui qui l'enlaça sans hésiter. Chacun approcha son visage, et au terme de longues secondes passées à effleurer les lèvres de l'autre, ils s'embrassèrent avec tendresse.
Bientôt une semaine qu'ils étaient ensemble...
Les bouches se taquinèrent, en dès lors qu'elles s'ouvrirent, les langues prirent le relais tandis que la température paraissait monter en flèche dans la pièce pourtant climatisée. Jimin glissa ses doigts sous le t-shirt de son compagnon qui, pour sa part, se plaça à quatre pattes au-dessus de lui et lui caressa la joue. De lourds soupirs leur échappaient entre deux baisers passionnés, ils appréciaient, paupières closes, ces contacts brûlants. Jimin n'avait jamais senti son cœur battre aussi fort, et Namjoon se régalait de ce qu'il découvrait avec celui qu'il avait aimé dès leur rencontre. Chaque fois que Jimin passait la main sur sa peau, il y parsemait aussitôt une myriade de frissons agréables, et son estomac se retournait sous l'effet de toutes ces sensations jusque-là inconnues.
La porte claqua, ils sursautèrent voyant débouler une masse noire qui leur bondit dessus.
« Bam ! »
Jungkook arriva à son tour dans la pièce et ouvrit des yeux ronds en découvrant la position de son frère et son petit ami, que l'animal était venu saluer quand il était rentré avec son maître de leur moment de jeu au jardin.
« Maman ! s'exclama Jungkook avec une moue écœurée. Namjoon et Jimin-hyung s'apprêtaient à faire des bébés dans sa chambre !
- Maman ! Kook est entré sans permission ! se plaignit à son tour Jimin de qui Namjoon s'écartait déjà, mort de honte.
- Jungkook, cria leur mère depuis la cuisine. T'as intérêt à aller réviser tes cours de SVT au lieu de raconter n'importe quoi ! »
Jimin gloussa et l'autre, vaincu, ordonna à son chien de le suivre. Ils quittèrent la pièce, laissant enfin seul le petit couple qui échangea un regard circonspect.
« Tu commences à connaître ma famille, maintenant, soupira le cadet en haussant les épaules.
- Eh ouais...
- On en était où, déjà ?
- Je crois me souvenir... »
Et sur ces mots, Namjoon reprit sa position sans hésiter avant de coller de nouveau ses lèvres à celle de son copain qui accueillit ce contact avec bonheur. Ainsi allongé sous son aîné, il se sentait presque... protégé par lui.
Et il adorait ça.
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