𝄞 Chapitre 5 : La tournée 𝄞

Quelques jours plus tard

Ça y est : c'est le grand départ ! Aujourd'hui, je m'envole avec l'équipe de Søren Hedgeland vers l'Écosse. Visiter cet endroit est un rêve d'enfant. Bien sûr, j'ai conscience que si nous y allons pour le travail, ce n'est pas pour rigoler mais je sais déjà que quelques occasions pourront se présenter. La première, lorsque j'accompagnerai le DJ pour un point presse. La seconde, quand nous nous rendrons sur les lieux du show pour faire les derniers arrangements. J'ai si hâte d'y être !

Mais avant que je ne m'emballe, ma mission, si je l'accepte, est de rejoindre les garçons à l'aéroport et ça, c'est une autre paire de manches...

— Bonjour, Mademoiselle. Excusez-moi, cette zone est réservée aux propriétaires de jet privé et est donc strictement interdite aux autres passagers, m'arrête un employé. Je vais vous demander de bien vouloir aller ailleurs.

— Bonjour, Monsieur. Sans vouloir vous offenser, je ne me suis pas trompée. Je fais partie du staff de Søren Hedgeland. Je suis sa chargée de communication.

— Vous m'en direz tant... Ne vous payez pas ma tête, je vous prie.

— Mais, Monsieur... J'vous jure...

— N'insistez pas ou j'appelle la sécurité sur le champ.

Thea, reste calme. Sortir de tes gonds ne mènera à rien.

— Vous ne me croyez pas ? Très bien.

Agacée, je ressors une pochette à élastiques de mon sac à main et l'ouvre devant le quarantenaire. Un sourcil épais arqué, il me surplombe de son mètre quatre-vingt dix, la figure sévère, et attend que je lui présente la preuve irréfutable de mes dires.

— Voici mon contrat signé.

Balayant d'un rapide coup d'œil le document que je viens de lui tendre, il relève la tête vers moi, l'air sincèrement navré.

— Pardonnez-moi, Mademoiselle Løvdahl. Habituellement, une photo m'est remise par Monsieur Varvik pour éviter ce genre d'erreurs. J'essaie juste de bien faire mon travail. Vous savez, des jeunes femmes ont déjà cherché à inventer une histoire à dormir debout au personnel pour approcher Monsieur Hedgeland. On n'est jamais trop prudents...

— Je comprends votre position délicate. Ne vous tracassez pas, c'est oublié.

— Une voiture vous attend en bas de l'escalier métallique. Vous pouvez y aller.

Cette fois-ci satisfaite, je lui adresse un sourire poli et le remercie.

Il n'a pas menti. D'une démarche décidée, je foule l'asphalte gris et gagne le SUV noir. En véritable gentleman, le chauffeur sort du véhicule, me salue, me débarrasse de mon bagage et m'ouvre la portière. Comme c'est appréciable ! J'aurais presque l'impression d'être importante. Sans un mot, il parcourt ensuite les quelques mètres qui nous séparent de la rampe d'embarquement.

Qui aurait cru que je finirais par arriver à bon port, après toutes ces péripéties ?

Jurant comme un charretier, je porte mes affaires encombrantes jusqu'à l'intérieur luxueux. En bois exotique, les parois près des hublots et dans l'entrée paraissent laquées. La cabine semble avoir été élaborée de sorte que l'on se sente comme chez nous. Tout au fond, un lit, séparé par un rideau pour plus d'intimité, est même calé en cas d'extrême fatigue. Affalés dans des fauteuils en cuir larges et blancs, mes collègues m'observent avec une lueur malicieuse dans les yeux.

— Alors, Thea ? Tu as fait la grasse mat' ? me charrie Nils.

— Tu sais qu'on a failli partir sans toi ? plaisante Olav.

N'y tenant plus, je lâche mon sac. Un bruit sourd retentit lorsqu'il tombe au sol. Heureusement pour moi, je ne pense pas y avoir glissé de choses précieuses et fragiles.

— Vous ne devinerez jamais ce qui s'est passé... soupiré-je.

— Oh ? Raconte ?

— On m'a prise pour une groupie... Le gars n'en démordait pas, il a voulu prévenir des renforts... leur expliqué-je, déjà éreintée alors que la tournée n'a pas commencé.

Les voilà maintenant qui rient aux éclats... Même Even, le garde du corps imposant du DJ, dont les biceps font a minima trois fois les miens et qu'on ne se risquerait pas à chatouiller. C'est pour dire. Je suis sûre que cette histoire n'est pas prête d'être oubliée. Dès que l'occasion se présentera, ils prendront un malin plaisir à me la ressortir sur un plateau d'argent... Malgré tout, cela ne me dérange pas. Comme j'aime le répéter : qui aime bien, châtie bien. Et puis, c'est moi qui ai tendu le bâton pour me faire battre aussi.

Le visage fermé, la petite copine de Søren me toise. Elle est la seule à ne pas se dérider à l'entente de la situation grotesque que je viens tout juste de vivre. Bien que je ne lui aie rien fait, elle semble ne pas me porter dans son cœur. Je croise les doigts pour qu'elle ne complique pas les choses, une fois à l'étranger...

— Thea, j'aimerais te briefer si tu le veux bien sur le point presse qui va avoir lieu peu après notre arrivée. Je t'ai gardé une place face à moi. Viens, m'impose le manager.

Alors que les portes se referment derrière moi, je comble l'espace qui nous sépare l'un de l'autre et m'assois à mon tour. Mes prunelles se posent sur Nils, situé à quelques mètres de moi, qui couvre d'attentions sa petite amie, Klara. Déposant à plusieurs reprises de tendres bisous sur son front, il semble la dorloter.

Elle est si chanceuse...

J'ai l'impression de contempler tous ces couples dans une rue passante, main dans la main, qui transpirent l'amour. Un bras autour de son épaule, il prend garde à ce qu'elle ne manque de rien. J'aurais donné un rein pour qu'Einar se comporte de la même façon avec moi. Malgré mon souhait très clair d'être cocoonnée, Einar a toujours refusé ces gestes pouvant témoigner son affection. Peut-être n'était-il simplement pas tactile ? Je l'ignore. À la place, j'étais rouée de coups selon ses humeurs et j'essuyais sans cesse des insultes blessantes et rabaissantes. Tout compte fait, peut-être que Søren et Diana n'avaient pas tort lorsqu'ils m'assuraient qu'Einar n'est pas quelqu'un de bien ? Peut-être m'a-t-il manipulée dès le début en me faisant croire que le problème venait de moi ? C'est une théorie que je ne peux plus rejeter maintenant que des retours m'ont été faits en ce sens.

La voix du pilote qui m'arrache un sursaut m'empêche de me pencher sur le sujet plus longuement. Dans son micro, il nous prévient que le moteur a été mis en route et nous demande de nous attacher.

« Mesdames et Messieurs, bonjour. L'ensemble de l'équipage et moi-même avons le plaisir de vous accueillir à bord. Nous nous assurerons de votre sécurité et de votre confort tout au long de ce vol à destination d'Édimbourg. Nous vous souhaitons un très bon voyage. »

Paré au décollage !

Excitée comme une enfant qui découvre ses cadeaux au pied du sapin le jour de Noël, je regarde avec grand intérêt notre montée abrupte dans le ciel. Bien qu'ayant le cœur au bord des lèvres, je me réjouis. D'ici deux heures, nous y serons. Je n'arrive pas à y croire. C'est un rêve qui se réalise.

— Thea, tu m'écoutes ?

— Oh, non. Pardon. Tu disais ?

— Les sujets à aborder concerneront les shows et la tournée à venir, l'album sur lequel Søren bosse en ce moment également. Si les journalistes tentent d'avoir d'autres informations, tu interviens et empêches Søren de parler.

— Pas de problème. Il sait aussi ce qu'il doit dire ?

— Oui. J'ai eu une discussion avec lui déjà mais si tu vois qu'il est trop stressé, n'hésite pas à lui en reparler pendant le trajet qui vous mènera là-bas. Je sais que tu sauras trouver les bons mots.

— Comment tu peux en être sûr ?

— Je t'observe depuis plusieurs jours. Tu fais de très belles choses, Thea.

Reconnaissante, j'esquisse un sourire timide.

— Et si des paparazzis vous suivent à votre sortie, tu appliques le Code, reprend-il. 


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