𝄞 Chapitre 29 : Un show pas comme les autres 𝄞
Deux semaines plus tard
Point de vue de Thea :
Cette pause pour se ressourcer ne pouvait pas s'éterniser. Nous repartons aujourd'hui pour une autre destination. Moins exotique que la précédente et sans doute moins dangereuse aussi.
Nous nous envolons cette fois-ci vers l'Allemagne. Sur les réseaux, les fans trépignent d'impatience à l'idée de voir Søren se produire dans leur pays tant aimé. Il s'agira de mon premier festival en tant que membre du staff et compagne du musicien.
Olav et Nils prennent place dans les fauteuils du jet face à moi tandis qu'Even s'assoit à côté de moi pour planifier les derniers éléments concernant la sécurité et actions à mener une fois sur les lieux.
Les yeux rivés sur son ordinateur, Søren prépare quant à lui son set dans son coin. Il est habillé d'un sweat gris chiné et d'un pantalon cargo kaki qui lui sied à merveille.
Ayant conscience que je m'éparpille dès qu'il est question de mon petit ami, je me concentre sur les bribes de conversation qui parviennent à mes oreilles et reporte mon attention sur mes collègues. Ils échangent autour d'un plan détaillé qu'a dû sortir Olav entre temps. Son index longe l'extrémité du côté droit de la carte colorée pour mieux accompagner ses explications lorsqu'il mentionne l'arrivée des artistes près des loges grâce à des véhicules verts conduits par des bénévoles. En revanche, pour atteindre la scène, le reste du chemin se fera apparemment à pied.
J'imagine que la distance restante à parcourir ne sera donc pas trop épuisante ! Et quand bien même, un peu d'exercice physique n'est jamais mauvais pour la santé !
Nous enchaînons ensuite sur nos rôles respectifs. Alors qu'Olav restera dans les coulisses, Nils sera chargé de prendre des photos et vidéos dans la zone dédiée aux journalistes juste devant les fans. Je m'occuperai pour ma part de quadriller le reste à l'arrière pour obtenir une vue globale du concert et couvrirai la scène en long, en large et en travers au plus près de Søren pour des clichés uniques.
Les une heure trente de vol arrivent vite à leur terme. Even se décale pour me laisser rejoindre le DJ après l'atterrissage. Il semble angoissé.
— Hey, ça va ? m'enquiers-je.
— Non, je suis trop stressé. J'ai peur de sortir. Et si on était enlevés à nouveau ? couine-t-il.
Le sourire franc que j'arborais se fane comme une rose au soleil. Son appréhension est légitime. Ses cauchemars réguliers n'y sont pas pour rien. Chaque nuit, il revit notre enlèvement et hurle à pleins poumons. Chaque nuit, je me réveille en sursaut, me tourne vers lui pour le découvrir recroquevillé sur lui-même, en sueur et tremblant de tous ses membres dans l'obscurité. Effrayante. Terrifiante. Et sournoise.
Chaque nuit, j'allume l'applique au-dessus de nous et tente de l'apaiser en le serrant fort contre moi, en lui susurrant des mots rassurants dans le creux de l'oreille.
Les médicaments prescrits par le psychiatre ne font pas effet sur lui. Ils empirent même ses craintes. Surtout au bout du temps imparti. Elles s'intensifient, le rendant encore plus inquiet qu'il ne l'était.
Seule la clarté du jour détend sa mâchoire crispée. Il sait que tout ira bien. Ses cernes ne sont pas du même avis... Et moi non plus. Je m'inquiète de le voir sombrer petit à petit.
Toutefois, ne voulant pas l'alarmer, je ne pipe pas mot. Je me contente juste d'être présente, d'être à ses petits soins pour le soulager du mieux que je peux. Le temps devrait venir me prêter main forte à un moment donné. Je suis confiante.
— Ne te tracasse pas, petit cœur. Even m'a expliqué que la police va nous escorter dans des voitures blindées. Les chauffeurs qui ont été pris pour cette mission sont d'ailleurs blancs comme neige. Si tu veux, tu pourras monter avec les personnes de ton choix.
Et comme si j'avais été entendue, le trajet se déroule effectivement sans encombres. Le paysage qui défile sous nos yeux est comme je l'avais imaginé et représentatif de ces contrées typiques. La forêt que nous traversons est si sombre que la luminosité peine à percer à travers des branches resserrées, enchevêtrées, épaisses et tordues. La route en ligne droite est bordée de sapins immenses et anciens. Puis, l'itinéraire que nous prenons devient plus clairsemé au fur et à mesure de notre avancée et ça y est, nous débarquons sur les lieux du festival avant que je ne m'y sois préparée.
En sortant de la voiture, la mine de Søren est radieuse. Il doit être soulagé d'être arrivé à bon port en un seul morceau. Quant à lui, Olav s'en extirpe en se tenant le bas du dos et jure contre les maudites suspensions et nids de poule présents ça-et-là sur le chemin de terre emprunté pour aller plus vite. À l'évidence il n'est pas ravi et je ne peux que le comprendre.
J'espère qu'il ne s'est pas fait un lumbago...
Raide comme la justice, il avance avec nous jusqu'aux véhicules stationnés à une dizaine de mètres. Les bénévoles nous attendent déjà et sont venus nous accueillir. Ils portent nos sacs, les disposent à nos pieds pendant que nous nous installons sur les sièges gris puis nous emmènent jusqu'à la loge spécialement prévue pour l'artiste et son équipe.
À côté de moi, Søren se trémousse. Il se penche vers moi et murmure dans le creux de mon oreille.
— Tu es toujours d'accord pour l'annonce de ce soir ?
Aussitôt, mon estomac se tord. Bien sûr, je suis prête mais je balise à l'idée de ne pas être acceptée par sa fanbase. Et s'ils préféraient Carmen ? Je n'ai pas de communauté conséquente sur les réseaux sociaux. Je ne suis personne comparé à elle. Ou peut-être suis-je juste en train de me dévaloriser, de trouver des prétextes pour annuler ce que nous avons prévu depuis plusieurs semaines ?
— Oui. Je ne compte pas changer d'avis, chuchoté-je cependant. Ce serait un honneur d'être vue en tant que ta petite amie désormais.
Le sourire irrésistible qu'il m'adresse permet à mes doutes de s'envoler comme par enchantement et dans la plus grande discrétion, il me prend la main et caresse de son pouce ma paume. Il n'y a pas à dire : les mouvements circulaires qu'il institue ont le don de me tranquilliser. Il sait vraiment y faire.
Quelques instants plus tard, signe que nous allons nous arrêter, les roues crissent sur les graviers. Le box en tôle privatisé pour Søren nous tend ses bras. Ce n'est pas très esthétique mais au moins, nous y serons en sécurité jusqu'au show. C'est déjà ça de pris...
Autour, des préfabriqués anthracites identiques s'étendent à perte de vue. Le staff des autres artistes court partout, s'énerve au téléphone. Les plus téméraires lancent leur pied, de rage, dans une canette. Le stress est à son comble. J'imagine que gérer des annulations ou des imprévus de dernière minute n'est pas évident. Surtout lorsque le temps restant n'excède pas les trois heures.
L'odeur de l'herbe fraîchement coupée freine le train de mes pensées pourtant lancé à plein régime.
Tandis qu'Olav imite ses pairs et appelle les différents artistes prévus pour ce soir et fait les cent pas tel un lion en cage, je rejoins pour ma part le reste de l'équipe d'une démarche souple à l'intérieur.
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Alors que la foule l'acclame, Søren monte aux platines. De rares fans ont eu l'autorisation d'assister au set des coulisses. Nul doute que cette expérience VIP, plus immersive, leur plaira. Ils pourront, à la fin du concert, échanger également quelques minutes sous l'œil attentif d'Even avec leur idole et son manager. Nils, qui devait se greffer au petit groupe, m'a cédé sa place.
Je m'ancre à nouveau dans la réalité en douceur et reporte mon attention sur tout élément pouvant à tout moment être le sujet d'une belle photo. Vite, je me mets en position. J'en ai repéré un. Une fille d'une dizaine d'années, sur les épaules de son papa, brandit une pancarte au premier rang. Elle vient de remporter son combat contre le cancer d'après ce que je lis. Son crâne lisse ne laisse aucun doute en effet sur son vécu. Pauvre petite mère.
Un peu plus loin, un jeune homme se déhanche avec ses amis. Nils m'a devancé. Situé dans la zone des journalistes, il pointe déjà l'objectif dans leur direction. Accompagnée d'Even, je fais plusieurs allers-retours de mon côté entre le fond, le milieu et la scène pour prendre un tas de clichés uniques.
Les feux d'artifices qui illuminent le ciel étoilé, les jeux de lumière qui percent les nuages solitaires et les immenses décorations sur les côtés rendent le spectacle encore plus majestueux. Les chanteurs et chanteuses défilent un à un et dévoilent une prestation à couper le souffle. À toute allure, je cours sur scène. Il faut absolument que je capture d'autres instants. D'autant que le show touche à sa fin.
Pour le final, Søren s'installe au piano. Il tourne légèrement la tête vers le public venu l'acclamer ce soir en attendant l'arrivée de l'interprète de Lucky Charm et We were broke, sourit aux fans les plus chanceux. Dès les premières notes, mon cœur se serre. Je me remémore les moments passés chez lui et ce qu'il m'avait promis. Comme s'il avait lu en moi, ses lèvres s'approchent du micro.
— Ces deux chansons sont très spéciales pour moi, déclare-t-il. Je les ai composées à mon retour d'Argentine. Comme vous le savez tous, j'ai vécu un véritable cauchemar là-bas. Cet enlèvement a été une épreuve difficile. Ce que vous ignorez en revanche, c'est que j'ai aussi des souvenirs qui me rendent heureux aujourd'hui qui se sont passés dans ce pays. Thea Løvdahl était là. Elle a été mon rayon de soleil, ma boussole lorsque je n'avais plus d'espoir. Vous la connaissez tous, vous avez pu la voir apparaître sur plusieurs photos sur mon compte Instagram et elle est là ce soir également. Je voudrais lui dédier ces deux morceaux qui représentent tout l'amour que je lui porte.
Des cris enjoués dans le public se font entendre puis un tonnerre d'applaudissements retentit lorsque Søren me fait signe d'approcher et m'embrasse avec tendresse devant des milliers de personnes. Les joues en feu, je réponds avec plaisir à son bisou puis y mets un terme en sentant les doigts d'Ivar sur mon épaule.
Søren reprend alors l'introduction et me regarde comme si j'étais une magnifique créature. La voix profonde d'Ivar charge l'atmosphère d'électricité. Des larmes perlent au coin des yeux de celles et ceux qui ont pu faire le déplacement. Ils découvrent en avant-première deux mélodies qui paraîtront dans le prochain album du DJ. Puis, c'est terminé. Tandis que les feux d'artifice reprennent de plus belle, je quitte la scène avec Søren.
Les fans ayant pu assister au show des coulisses nous attendent, en pleurs. Quand nous parvenons à leur hauteur, ils reniflent bruyamment.
— Alors, ça vous a plu ? s'enquiert mon compagnon.
— C'était génial, Søren ! Un rêve devenu réalité ! En plus, Thea on t'adore ! Ça se voit que tu rends heureux notre idole, ça change de Carmen. On la détestait !
— On peut prendre une photo avec vous ? Franchement, j'ai trop aimé le set. Il y avait tous les hits que je préfère ! Il faisait pas trop chaud avec les projecteurs ?
Søren leur explique qu'à force de faire des concerts, il a pris l'habitude de supporter les différences de températures qui peuvent passer d'une extrême à l'autre. Il poursuit sur les rouages du métier par la suite pendant que nous nous préparons pour faire un selfie. Olav est aux anges tant la rencontre se passe bien. Très intéressés par ce que le musicien raconte, ses admirateurs hochent vigoureusement la tête dès qu'il ouvre la bouche. Pour montrer qu'il s'intéresse à eux, Søren leur pose des questions. Une chose est sûre, ils repartiront avec de merveilleux souvenirs gravés à jamais dans leur mémoire.
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