1)
Une nuit. Agréable. Pleine de quiétude. Et pourtant si agressive. Si violente.
Un piano. Perdu dans une rue. Égaré. Une envie. Une mélodie. La seule que je connaisse. De où? Je ne sais plus. De mon humanité peut-être.
Mes doigts tremblent sur les touches. Mais je commence quand même. Pour oublié. Pour m'échapper. Je commence cette mélodie que en connais par cœur. Cette mélodie rayonnante. Cette mélodie qui m'allège.
Je joue. Doucement. Je joue. Cette mélodie à peine audible. Je joue. Calmement. Le sourire aux lèvres. Je joue. Machinalement. Sans entendre les pas qui se rapprochent. Je joue. Jusqu'à avoir mal aux doigts. Jusqu'à ce que la lune soit haute. Jusqu'à ne plus pouvoir. Jusqu'à ça que mes larmes m'en empêchent.
Elles affluent. Silencieuses. Sans casser le charme de cet instant. Petit à petit. Elles dévalent sur mes joues. Simples cristaux de sel. Qui ont pourtant un poids étouffant.
Mes mains, incapables de continuer, viennent s'échouer sur mon visage. Essayant de cacher ces démons d'eaux. Essayant de les stopper. Même si je sais bien que c'est impossible. Alors, dans un ama de notes désordonnées, je laisse ma tête glisser sur les touches. Mes pleurs se glissent alors entre les noirs et les blanches. Tâchent ces dernières de mascaras. Glissent dessus avec facilité.
Plus rien n'avait de sens. Cette vie. Ce métier. Cette nuit. Cette mélodie. Plus rien ne comptait. Plus rien ne m'aiderait à surpasser ça. Ni la drogue. Ni l'alcool. Et encore moins le sex. Pour la première fois depuis mon arrivée en enfer, j'abandonne. J'abandonne l'idée de pouvoir me sauver. J'abandonne l'envie de faire quoi que ce soit. Je m'abandonne. Ici. Dans cette nuit. Avec cette mélodie qui résonne dans le silence.
Mais, alors que mes sanglots emplissent de plus en plus la ruelle, une main se pose sur mon épaule dénudée. Une veste se glisse sur mon dos. Réfrénant les tremblements que j'avais pris pour des pleurs. Et, calmement. Avec douceur. Des bras viennent entourés mon corps secoué par les spasmes. D'abord juste posés. Puis m'étréniant plus fort. Sa chaleur se répandait en moi. Tranquillement.
Voyant que mes sanglots ne sont plus que des murmures, le démon inconnu caresse ma tête avec gentillesse. Et d'un coup, la honte s'empare de moi. Après tout, je ne suis qu'une minable prostituée. Je ne vaut rien. Pourquoi pleurer alors qu'il s'agit de mon métier. Pourquoi vouloir m'en dégager alors qu'il s'agit ma vie. Pourquoi. De plus, pourquoi a-t-il fallut que quelqu'un me trouve. Je dois être ridicule. Je vois bien la une des journaux : « la star du porno des enfers retrouver en pleurs ». Si je dois connaître la honte jusqu'à la fin de mes jours, je préfère ne pas savoir qui m'a dénoncer.
Je reste donc là. Avec ce démon attaché à moi. Mes idées se mélangent. Pourquoi me réconforter si c'est pour me descendre après. Perdu, je relève la tête. D'abord sans vouloir connaître la source de mes songes. Puis, intrigué, je jette un coup d'oeil. Rapidement.
– Osez-vous enfin me regarder en face Darling ?
Je connaissais que trop bien cette voix. Grésillante. Grave. Habituellement moqueuse. Cependant, ce soir, elle était juste réconfortante.
– Avez-vous encore froid ?
Je secoue la tête. Me sentant trop faible pour parler.
– Regardez-moi Darling. Il faut que je essuie les yeux. Mon pauvre, nous n'avons pas l'habitude de vous voir dans cette position.
Je lui obéis. Incapable d'en faire autrement. Mais, le voyant accroupi devant moi. Un mouchoir en dentelle dans la main. De l'inquiétude et de la sévérité dans les yeux. J'eus de la difficulté à soutenir son regard.
– Pourquoi jouer cette triste mélodie?
Je ne compris pas tout de suite. Triste. Oui. Effectivement. Ce n'est que moi qui me voilais la face. Cette musique que je connais. Que je me chante quand je vais mal. Cette musique que j'ai crus joyeuse. Ce n'est en fait qu'une mélodie mélancolique.
Le démon habillé en rouge se releva. Puis me tendit la main.
–Venez Darling. Ne restez pas là dans le froid.
Il m'aida à me relever sur des jambes flageolantes. Et, passant une main derrière ma hanche, on avance sur le chemin de pavés.
Le silence règne. Froid comme la nuit. Je resserre la veste contre moi. Mes habits cours de travails ne me suffisent plus. Mal adapté à la situation. Je me sens nu. Mon corset qui affirme habituellement mes formes m'étouffe désormais. Mon collier de chien que j'apprécie habituellement m'étrange désormais. Ma mini jupe qui fait ressortir habituellement mes jambes me dégoûte désormais.
– Allons Darling, ne faites pas cette tête. Souriez, nous ne sommes jamais complètement habillés sans un sourire.
Cette phrase. Normalement taquine. Avait était dite sur le ton le plus doux possible. Mais malgré tout. Ce sont des larmes qui ont fait place.
– Angel. Non. S'il te plaît. Ne pleure pas. Je... je vais t'emmener quelque part. Tu pourras te reposer.
La dernière vision que j'eus de lui avant d'être téléporté fut un visage triste. Apeuré. Inquiet.
21 août 2022
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