10 | Combattre le feu par le feu

Le soleil se lève rapidement et nous ne voulons en aucun cas être vues.

- Nous aurions du partir dans la nuit ! dis-je en continuant de courir.

- Marley n'a pris sa décision que vers deux heures du matin, m'explique Maura en chuchotant. Je n'ai eu ma vision qu'à l'aube.

- Où est-elle maintenant ? haletais-je sans m'arrêter.

- Toujours à l'école. Elle compte aller aux cours du matin puis prétendre être malade pour partir à midi sans éveiller les soupçons.

- Alors pourquoi partons-nous maintenant ?

- Nous devons absolument arriver chez les druides bien avant elle afin de prévenir les prêtresses.

Nous courons depuis environ 30 minutes et je commence à penser que ceux qui travaillent tôt vont bientôt nous voir.

- Ce n'est qu'une question de temps avant que quelqu'un nous voit ! fais-je remarquer. Nous sommes au beau milieu d'un chemin très emprunté.

- Nous sommes encore dans le Royaume, me répond Maura. Il y a très peu d'habitations. Nous avons encore une dizaine de minutes.

Pendant ma course endiablée, je remets à plusieurs reprises mon ample capuche noire sur mon visage afin que même à la lueur du matin, personne ne puisse me reconnaître. Nous arrivons enfin à la frontière. Je ne sais pas du tout dans quel pays nous allons débarquer mais une chose est sûre, Maura le sait.

- Nous arrivons chez les filles et fils de la terre, me prévient la sibylle comme si elle lisait dans mes pensées - et c'est d'ailleurs sûrement le cas- aussi aisément que si je pensais à haute voix.

- Il n'y aurait pas une forêt qui pourrait rendre notre course plus discrète ? demandais-je.

- Il y a un bois pas très loin d'ici... pensa Maura tout haut. Mais il est très dangereux.

- C'est le seul ?

- Il y en a un autre, plus prudente mais il nous fera perdre beaucoup de temps, soupire Maura.

- Alors allons dans le premier. Je ne sais pas ce que veut faire Marley mais il ne faut pas perdre une seconde de plus ! affirmais-je.

- Tu es sûre de toi ? Le Bois Des Enchantements est pleins de mauvais sorts et de pièges.

- Allons-y.

Nous nous remettons à courir quand soudain, Maura s'arrête d'un coup. Je me cogne contre elle et murmure :

- Qui a t'il ?

- Des chevaux ! s'exclame-t-elle.

Je tourne la tête vers la direction qu'elle m'indiquait avec son index et je vois effectivement deux magnifiques chevaux de la couleur du charbon.

- Vite ! reprend Maura. Nous arriverons plus rapidement grâce à eux.

Bien que je n'ai jamais monté de ma vie, je m'y habitua vite. Sûrement à cause de l'abondance d'adrénaline qui courait dans mon corps. Les deux animaux galopent à toute vitesse, Maura et moi sur chacun d'eux. Sachant que Maura n'est pas fille de la terre et que quand à moi, ce pouvoir ne s'est toujours pas développé, nous ne savons pas tout à fait comment nous y prendre pour faire comprendre aux chevaux quelle était notre destination, Maura décide finalement de les guider avec son pouvoir de la pensée.

Les quelques mèches qui dépassent de mon chignon me fouettent le visage et les pends de la cape en laine sombre dansaient au gré du vent.

Comme l'a dit Maura, cette forêt n'est pas des plus accueillantes. Les arbres ont tous l'air morts et éteints, leurs branches semblent à deux doigts de se briser, les feuilles tombent, virevoltent et se posent sur le sol meurtri. Ce spectacle est très inhabituel dans le monde des éléments, et encore plus dans le pays de la terre car normalement, les arbres sont tellement magiques qu'ont les entends presque respirer. Quand aux fleurs, il n'y a que des squelettes de plantes sauvages, quelques roses noires de temps en temps mais rien de coloré. Des corbeaux croassent, les chouettes chantent des mélodies inquiétantes, les ombres des branches s'étendent tels des bras qui essaient de s'accrocher les uns aux autres. Toute forme de vie est engloutit par les ténèbres.

Tout à coup, nous entendons un craquement. Les chevaux se cabrent, effrayés. Maura arrive à rester assise sur sa monture mais ce n'est pas mon cas. Je glisse en arrière et j'atterris lourdement sur le dos. Mon cheval s'enfuit à toute vitesse et la brume épaisse consume sa silhouette jusqu'à ce que je le perde de vue. Maura saute de son destrier et l'attache au tronc d'un arbre avant de s'élancer vers moi pour m'aider à me relever.

- Qu'est-ce que c'était ? demandais-je.

Elle allait ouvrir la bouche pour me répondre mais elle fut projetée sur le côté. Elle tombe au beau milieu d'un buisson d'orties et elle pousse un cri strident. J'essaie de me redresser pour aller l'aider mais une créature démoniaque me plaque au sol à l'aide de sa patte aux griffes acérées. C'était un lion noir aux canines aiguisées et aux yeux injectés de sang. Je pousse un hurlement, terrorisée par cet étrange animal. Maura est toujours allongée sur le sol, ses longs cheveux blonds étalés autour de son visage blême et sans vie.

- MAURA ! m'égosillais-je.

Alarmé par mon cri, le lion au pelage sinistre plante ses griffes tranchantes dans mon bras. Je me tords de douleur et la plainte qui sort de mes lèvres est si forte que j'en ai mal aux poumons. Quand l'animal éloigne sa patte de mon avant-bras, du sang sombre coule petit à petit de quatre entailles profondes. J'essaie de repousser ma souffrance du mieux que je peux et je la canalise pour la transformer en magie. Je commence par bloquée ses pattes arrières avec de la glace mais il la brise en un rien de temps. Je grimace de douleur mais je réessaie. Des flammes commencent à l'encercler et il est rapidement pris au piège. Il pousse un rugissement assourdissant et je profites de cette diversion pour me relever tant bien que mal et me diriger vers Maura.

- Réveille toi, réveille toi ! suppliais-je en la secouant. Je t'en pris Maura...

J'approche mon oreille de sa poitrine et, accueillit d'un grand soulagement de ma part, j'entend son coeur battre. Je la porte avec le peu de forces qu'il me reste, je la dépose en travers du cheval qui était toujours accroché à un sapin. Je dirige ma paume de main en direction du lion et un mur de glace plus solide que la précédente se forme tout autour de lui. Je coupe les liens qui retenait la monture de Maura et je grimpe sur son dos. Le destrier part à toute allure, deux blessées sur son dos.

Sans les précieux pouvoirs de la sibylle, j'étais perdue. Elle n'était toujours pas éveillée et je devais me débrouillée seule pour retrouver mon chemin. Tous les sentiers se ressemblaient et cette forêt se transformait petit à petit en un vrai labyrinthe. Je décide de fouiller les poches de nos capes, à Maura et à moi, en quête de quelque chose d'utile tel qu'une boussole ou une carte. Dans la pèlerine de Maura, je n'ai trouvé deux gourdes et une dague et dans la mienne, il n'y avait strictement rien. Bon... et bien au moins je sais qu'on ne va pas mourir de soif.

J'avance dans les ténèbres du bois et je pris pour qu'aucune autre bête sauvage ne vienne nous attaquer. Le cheval se calme peu à peu et nous reprenons une course moins rapide mais tout aussi efficace. Je suis peut être entrain de tourner en rond... Ou peut être que je vais dans la direction opposée. J'aperçois une petite ombre entre deux buissons de ronces. Je plisse les yeux pour mieux voir et je découvre un petit bonhomme aussi haut que quatre pommes, un bonnet sur le crâne, des bottes en piteux état et une fourche à la main.

- Qu'est-ce que vous faites là vous ? s'exclame-t-il d'une petite voix criante.

- Moi ? m'étonnais-je.

- Ah qui voudriez vous que je parles si ce n'est vous, sombre idiote ? Aux plantes ?

- Rien ne m'oblige à vous répondre, répliquais-je en gardant mon sang froid.

- Vous n'êtes ni un gnome, ni un dragon, ni une femme-papillon, encore moins une fée... Ni aucune autre créature qui pourrait se trouver dans les parages.

- Je suis une fille de la terre, mentis-je. Mon amie est malade, je l'emmène chez les druides pour qu'ils la soigne.

- Vous aussi vous êtes blessée je me trompe ? remarque-t-il en se perchant sur la pointe des pieds pour examiner mon bras.

- Ce n'est rien du tout, répondis-je en recouvrant mon bras ensanglanté de ma manche.

- Si vous étiez vraiment une fille de la terre, vous sauriez qu'on peut avoir confiance en nous autres, gnomes. Et que nous possédons des pouvoirs de guérison, me dit le petit être d'une voix soupçonneuse.

- Oh... bredouillais-je. Rassurez-vous, je vous l'aurez demandé si c'était grave. Mais cela ne l'est pas.

- Ah, ricane le gnome, donc vous allez me faire croire que votre amie fait une petite sieste et que vous, vous avez trempé votre bras dans du jus de tomate ?

- Je suis pressée, m'impatientais-je.

- Laissez moi donc voir ce bras, jeune tête de mule.

J'hésite un instant mais je penses immédiatement à Maura. Je serais bien plus efficace et disposée à l'aider si je suis moi même en bonne santé. Je tend mon bras vers le petit homme et ce dernier s'empresse de prendre mon poignet entre ses menottes grassouillettes. Ses lèvres bougent lentement comme s'il récitait une incantation et quand il lâche mon bras, une puissante douleur s'empare de tout mon être et me fait tourner la tête. Je m'agrippe au cheval pour ne pas tomber et je serres les dents pour retenir un hurlement. Je jette un coup d'œil à mon bras et je remarque tout de suite que la blessure s'est aggravée. Le sang coule à flot et les entailles sont béantes. J'observe le gnome, un sourire machiavélique aux lèvres et ses mains rougis par mon sang.

- Reprenez votre route jeune menteuse. Votre naïveté fut délicieuse.

J'avais tellement mal qu'il m'était impossible de faire avancer le cheval. Alors, le gnome, en proie à un autre fou rire, frappa le flan de l'animal qui partit au galop. Je manque de m'évanouir et de tomber à plusieurs reprises mais la perspective de laisser Maura sans surveillance m'est insupportable. Elle a tenu tête à Marley pour moi, elle fait tout pour m'aider et me protéger. Elle est sans aucun doute devenue une grande amie pour moi et il était tout bonnement hors de question que je l'abandonne à cause d'une simple égratignure. Je me sens honteuse et stupide d'avoir fait confiance à ce vilain personnage alors que Maura m'avait bien mise en garde que cette forêt était infestée de créatures démoniaques.

Les branches les plus basses me griffent le visage et des ronces s'accrochent à ma pèlerine, la déchirant un peu plus à chaque fois. Je commençais à perdre espoir et à me sentir complètement perdue. Maura, ce serait le bon moment pour te réveiller, si ce n'est pas trop te demander, pensais-je ironique.

Quand enfin, je vis de la lumière au milieu de toute ce paysage peu rassurant, je cru que mon esprit des tours. Comme les mirages dans la terrible chaleur des déserts. Mais plus je m'approche, et plus un sentiment d'espoir grandit en moi. L'excitation de découvrir ce qui se trouve derrière cette lumière est si forte que j'en oublie presque ma blessure. Le cheval a l'air du même avis que moi, il accélère la cadence et nous arrivons en un rien de temps devant ce qui a tout l'air d'être la sortie de cet enfer.

Quand je traverse la lumière, mes yeux mettent un moment à s'habituer à la lumière. Quand je commence à voir correctement, je lève la tête et je reconnais les arbres immenses qui servent de maisons et de bâtiments aux fils et filles de la terre. Je vois des petites cabanes, des jolis immeubles, et sur les plus gros troncs, des manoirs de bois et de branchages. Tout cela reliés par des ponts de bois, de sève et de cordes. J'arrêtes mon cheval pour observer le paysage et j'essaie de trouver une route sur le sol car ici, elles sont manifestement toutes ne hauteur.

- Tu es perdue ? me demande une voix enfantine qui me parvient d'au dessus.

Je lève le regard vers la petite fille, habillée d'une robe verte et coiffée d'une couronne de fleurs. Elle m'a l'air tout à fait inoffensive et de plus, elle n'est pas dans le bois. Je veille à ce que ma capuche couvre bien la majorité de mon visage et je réponds faiblement :

- Je crois.

Puis je tourne de l'œil et je heurte le sol.

Quand j'ouvre les yeux, je suis allongée dans un lit fait de bois flotté. Le matelas est fait de mousse verdoyante et la couverture est un assemblage de feuilles cousues les unes aux autres. Je sors de la petite chambre dans laquelle j'étais et je vois Maura, assise à une table basse, entourée d'une famille à qui, je suppose, la maison appartient. Je me précipite vers mon amie et je la prend dans mes bras.

- Maura ! m'exclamais-je. J'avais peur que tu ne te réveilles jamais.

- Il faut plus qu'un matou pour me vaincre, rigole-t-elle.

Je me tourne vers la famille qui nous a accueillit. La petite fille qui m'a parlée est assise sur les genoux de sa mère, une belle femme aux yeux bruns. Un garçon un peu plus grand que la petite fille se tient près de sa mère et sa sœur. Leur père doit sûrement être au travail.

- Vous vous sentez mieux ? me demande affectueusement la mère de famille.

- Oui merci beaucoup, dis-je.

- Je suis navrée, je n'ai rien pu faire pour votre bras, mis à part éponger le sang.

- Vous en avez déjà fais beaucoup pour nous, la rassurais-je. Merci infiniment. Vous êtes des gens très généreux.

- C'est dans notre nature, explique le garçon.

Maura lui sourit et la femme se tourne de nouveau vers moi pour me dire :

- Votre amie nous a tout expliqué.

- Tout ? déglutis-je en regardant Maura.

- Que nous allions chez les druides pour rendre visite à ma grand-mère, dit la sibylle.

- Oh oui... mentis-je. Ta grand-mère !

- Vous devez y être avant midi c'est ça ? demande la femme aux yeux bruns.

- Oui, dis-je.

- Votre cheval a été nourrit à l'écurie de notre ville, Flos. Vous avez encore une heure de route avant la frontière druidique. Je vous ai tracé le chemin à suivre sur cette carte. Si vous partez maintenant, vous serez même en avance.

Tout en m'expliquant tout cela, elle me tendit une carte, une besogne remplie de fruits sauvages et une autre gourde pleine d'eau de source.

- Comment vous remercier ? demande Maura.

- Il y a bien quelque chose... avoue la mère des deux enfants.

- Tout ce que vous voudrez, l'invitais-je à continuer.

- Notre communauté est constitué de divers métiers mais, notre contribution dans ce monde est centré sur les récoltes de fruits, de légumes, de plantes et de toutes sortes d'autres choses. Mais nous manquons d'eau pour que les récoltes soient bonnes... D'habitude, des ouvriers du pays de l'eau viennent nous aider mais le ministre Campbell limite les transitions de pays.

- Nous reviendrons, promit Maura. Avec des élèves de Elémenta aillant la capacité de l'eau.

- Merci, sourit la femme.

Nous ramassons nos affaires, remettons nos capes et nous partons en remerciant une nouvelle fois la famille Smith.

N'ayant plus qu'un seul cheval, nous montons toutes les deux sur le même. La petite fille, Piper, nous fait de grands signes. Nous partons à toute allure.

- Je ne savais pas que Marley était ta grand-mère, ironisais-je.

- Il fallait bien trouver quelque chose ! rit Maura. Au fait, merci de ne pas m'avoir laissée dans la forêt.

- Jamais je n'aurais fais ça ! m'exclamais-je.

- Je sais bien. Tu n'as pas besoins de me prouver que tu es une bonne personne Mélissa. Il n'y a qu'à toi même que tu dois le prouver.

Nous arrivons enfin dans le pays des druides, un peu avant midi. Des dizaines de gardes se dressent devant nous.

- Qui êtes vous ? nous demandent-ils.

- Maura Blake et Mélissa Ward, annonce la sibylle en soulevant sa manche droite.

Intriguée, je dirige mon regard vers le bras droit de mon amie. Une sorte de tatouage se dessine au creux de son coude, un symbole constitué de trois spirales qui se rejoignent au milieu de dessin. J'entends un des gardes chuchoter à son collège "Ce sont L'Elue et La Sibylle

Après un petit instant, les sentinelles druidiques nous laissent passer. Je sentais un respect infini dans leurs yeux quand Maura passa devant eux. En observant plus attentivement, je remarque que tous les druides que je croisent ont le même tatouage gravé sur leur bras.

Toujours sur le dos de notre cheval, Maura nous guide jusqu'à l'intérieur de la ville tout en m'expliquant certaines choses :

- Tous les druides ont ce symbole que tu as vu. Nous naissons avec. On l'appelle le Triskel. C'est un symbole druidique, il représente les éléments, le passé présent et futur et le cycle de la vie. Notre pays est une immense étendue. Officiellement, c'est le Royaume, le pays le plus grand de notre monde. Mais en réalité, c'est le pays druidique car nous avons des dizaines de forêts, un océan entier, des rivières et bien d'autres lieux qui ne sont pas mentionnés sur les cartes. Le centre du pays est l'Arbre de vie. C'est l'arbre le plus vieux de tout notre monde. Nous le vénérons et nous venons souvent y prier. C'est un endroit sacré et précieux, il est le coeur de notre communauté. 

Nous arrivons devant une sorte d'écurie et nous y laissons le cheval. Une fois sur le sol, Maura me prend le bras et m'entraîne dans un sentier tout en continuant à me parler de son pays :

- Les prêtresses de l'ancien temps vivent en recluses. Notre communauté est comme une grande famille. Bien que nous soyons très très nombreux, nous nous connaissons tous. Mais, les prêtresses ont fait le vœu de vivre exilées de tout ça. Elles habitent un petit village où j'ai grandis. 

- Comment ce fait-il que certaines pratiquent la magie noire ? demandais-je en rajustant ma cape. 

- Cela va te paraître étrange mais pour que notre monde soit équilibré, nous avons besoins du bien et du mal. Mais les prêtresses pratiquants la magie noire sont retenues prisonnières dans un donjon gardé par des gardes.

- Alors comment Marley a-t-elle pu y accéder ? 

- Le père de Marley lui a transféré une partie de ses pouvoirs, m'explique Maura d'une voix grave. Elle a le pouvoir de tromper l'esprit. C'est comme ça qu'elle a pu entrer chez les druides, passer devant les gardes et s'en sortir. 

- Mais les sibylles, les prêtresses n'avaient pas vu le coup venir ? m'étonnais-je. 

- J'en ai parlé avec Morgane et Serena et nous sommes tombées d'accord. La quatrième sibylle est entre la vie et la mort, ce qui brouille nos visions. 

- Je n'aurais jamais pensé que Marley deviendrait comme ça... soupirais-je.

- Dépêchons-nous ! me dit Maura hâtivement. Nous devons aller au temple pour parler aux prêtresses. Il faut les avertir.

- Tu ne m'as toujours pas dis ce que comptait faire Marley ! lui rappelais-je. 

- Tu le sauras en temps voulu.

 Je n'insiste pas et je me laisse entraîner par mon amie dans ce monde qui m'est inconnu. Nous arrivons enfin devant une colline verdoyante. 

- Le temple est en haut de cette colline, m'explique Maura. 

Nous nous hâtons de la gravir et nous déboulons devant un temple d'ivoire, aux colonnes de marbre et au toit de verre. Nous nous engouffrons toutes deux dans le lieu sacré et je découvre à l'intérieur des dizaines de femmes habillées d'une longue robe noire et d'une pèlerine tout aussi sombre. Elles sont assises en cercle, des bougies au centre de leur ronde. 

Quand Maura s'avance, toutes les femmes stoppent leurs prières et tournent les yeux vers nous.

- La sibylle vous salue, récite Maura solennellement. 

- Nous saluons la sibylle, répondent en chœurs les prêtresses.  

- Pardonnez moi d'interrompre vos incantations, s'excuse mon amie en abaissant sa capuche pour dégager son visage. Mais j'ai une information de la plus haute importance à vous livrer.

- Nous t'écoutons, Maura, dit l'une d'entre elles. 

- Marley Reyes, fille d'une femme du feu et d'un fantôme, a demandé l'aide des prêtresses déchues afin d'entre dans les terres maudites. 

- Nous le savons, malheureusement, répond une autre femme. 

- Mais ce que je m'apprête à vous délivrer est bien plus grave. Le Sombre Seigneur lui a assigné une tâche... 

- Laquelle ? l'encourage la jeune fille. 

- Tuer l'Elue... De la pire façon qui soit. 

Je manque de m'évanouir en entendant ces mots. Le Sombre Seigneur, celui qui retient Diana, a donné pour mission de me tuer... De plus, Marley a des pouvoirs puissants et si en plus elle obtient l'aide des prêtresses déchues, alors ma vie est sur le point de se terminer. 

Mes jambes flanches et Maura me rattrape à temps avant que je m'effondre sur le sol. Elle me soutient en glissant son bras autour de ma taille. 

- Ne t'en fais pas, jeune héritière du trône. Nous ne laisserons pas Marley Reyes toucher à un seul de tes cheveux, m'assure une vieille femme au visage chaleureux.

- Il y a autre chose, la coupe Maura. Marley m'a menacée de révéler à tout le monde que j'étais la troisième sibylle. Si cela venait à se savoir, les fantômes me captureraient pour me soutirer des informations sur l'Élue. 

- Alors ça y est ? s'étonne une autre fille. Le Sombre Seigneur sait que Diana n'est pas la future reine ? 

- Oui, dit Maura d'un ton très grave. Mais il ignore encore le nom de l'héritière et le lieu où elle se trouve. Mais Marley a les moyens de le savoir. Avec son pouvoir de tromper les esprits, elle pourrait soutirer des informations à Morgane, Serena ou... 

- Tranquillises toi Maura, la rassure une druidesse. Le pouvoir de Marley marche sur les gardes, soit, mais il est loin de fonctionner sur des sibylles ou des prêtresses. Nous sommes mille fois plus puissante que cette jeune fille. 

- Nous devons faire quelque chose... continue mon amie. Tant que Marley ne sera pas hors d'état de nuire, Mélissa ne pourra pas être en sécurité à Elémenta. 

La vieille dame qui m'avait rassurée tantôt reprend la parole :

- Mélissa peut rester ici le temps qu'il faudra. 

- Mais Marley va arriver ici d'une minute à l'autre, proteste Maura.

- Quelles sont ses intentions ? 

- Elle veut une potion pour endormir Mélissa pendant quelques heures afin de fouiller sa chambre et de lui voler sa pierre de pouvoir.

- Oh ! s'exclame la druidesse, choquée. 

- Qu'elles seraient les conséquences ? demandais-je faiblement. 

- Tu t'éteindrais à petit feu. Quand un magicien est privé de sa magie, il n'y a plus de raison qu'il reste en vie. Alors, il meurt. Et dans d'affreuses souffrances.

J'ai la tête qui tourne mais je refuses catégoriquement de m'évanouir une nouvelle fois. Me sentant faible, Maura tourne la tête vers moi, son visage est cadavérique, rongé par l'anxiété. 

- L'Élue est blessée, remarque une prêtresse.

- Emmène la voir Gaïus, ordonne une autre sorcière à l'intention de Maura. Nous nous occupons de Marley. Cachez vous dans la tente de notre cher guérisseur et ne vous montrez pas avant que Marley soit partie !

Maura et une prêtresse nommée Kiara m'aident à marcher jusqu'à une tente. Nous nous glissons à l'intérieur et les deux jeunes filles me lâchent. Un vieil homme trapu mais au visage rassurant nous accueil :

- Bonjour Maura, Kiara. Oh ! Ne serait-ce pas notre princesse ? 

J'envisageais un sourire mais une puissante douleur me prit. Ma tâche de naissance recommençait à me brûler comme si elle était en feu. Je tombe à genoux en étouffant un cri et en appuyant sur ma hanche avec mes paumes. Kiara et Gaïus se précipitent vers moi pour m'aider à m'allonger sur le lit d'appoint. Je jette un regard vers Maura qui a le regard embrumé. Elle a une vision !

- Marley vient d'arriver... déclare-t-elle d'une voix lointaine. Elle n'a pas réussi à soudoyer les gardes mais ils l'ont laissé entrer de leur pleins gré sous les ordres des grandes prêtresses de l'ancien temps.

- Quoi ? s'exclame Gaïus.

- Rassurez-vous, le tranquillise Kiara. Nous avons un plan. Nous allons donner une fausse potion à Marley, afin que Mélissa ne soit pas endormie. Puis, nous échangerons son diamant contre un faux. Ainsi, Marley rapportera au Sombre Seigneur une fausse pierre. 

- Mais alors, le Sombre Seigneur pensera qu'elle est morte ! comprend Gaïus. 

- Exactement, conclut Kiara. 

Quand enfin, les yeux de Maura perdent leur lueur étrange, elle secoue la tête en se massant les tempes.

- Arg... gémit-elle. Mes visions me donnent toujours d'affreuses migraines. 

- Je vais te donner des onguents, lui dit le guérisseur. Quand à toi Mélissa, c'est une vilaine entaille ! Comment est-ce arrivé ?

- Un lion des ténèbres, répond Maura en continuant à presser ses doigts sur son front. 

- Je vais faire de mon mieux mais tu auras sûrement une cicatrice pendant un certain temps.

- Ce n'est rien, répondis-je faiblement mais reconnaissante. Merci beaucoup pour tout ce que vous faites pour moi. 

Le vieil homme aux cheveux blancs presse un morceau de tissu imbibé d'un ingrédient que je ne reconnais pas. Dès que la compresse est en contact avec ma peau, je grimace de douleur et je dois me mordre la lèvre pour ne pas pleurer. Il continue de soigner mon bras en utilisant plusieurs bandages, des fils et une aiguille. 

Nous avons attendu des dizaines de minutes, cachés dans la tente en attendant que Marley s'en aille avec la potion. Mais cela ne se passa pas exactement comme prévu...


Marley se trouvait seulement à quelques mètres de la tente de Gaïus quand nous l'entendons pousser un cri de rage.

- Cette potion est verte ! s'exclame-t-elle. 

- Quelle perspicacité... ironise une femme - Maura m'apprend quelques secondes plus tard qu'elle s'appelle Lara et qu'elle est une puissante druidesse chargée des potions en tous genres - d'une voix légère. 

- Mes informateurs m'avaient prescris une boisson jaune, réplique Marley sèchement. Si tu mens, je te promets que tu ne reverras jamais le jour !

Les menaces de la jeune fille du feu me font froid dans le dos. 

- Vos informations étaient sûrement fausses, propose Lara.

- Alors bois la potion.

- Faites le vous même.

- Et si tu voulais m'empoisonner ? Non, c'est toi qui boira.

- Ce n'est pas du poison ! proteste la druidesse. 

- Alors pourquoi es tu réticente ? 

- Heu... Je...

- Parfait. Prenons quelqu'un d'autre. Pourquoi pas cet enfant qui est assis sur l'arbre juste à côté de nous ?

Je l'entends aller chercher le petit garçon et le ramener. L'enfant était terrifié et il pleurait. 

- Sam... murmure Kiara. C'est mon petit frère ! 

Elle veut sortir pour aller le sauver mais Gaïus la retient.

- C'est trop dangereux Kiara ! lui dit-il.

Elle se débat mais le guérisseur lui tient les poignets fermement. Je me concentre à nouveau sur ce qui se passe à l'extérieur de la tente. Les ombres de Lara, Sam et Maura se dessinent et j'entends parfaitement leurs voix. Marley sort une dague de sa poche et la place en dessous du menton du frère de Kiara. Cette dernière se pétrifie et gémit. 

- Je vais t'expliquer Lara, retentit la voix de la fille du feu. Ce garçon va boire la potion. Si il s'endort, alors je vous laisserais sains et saufs. Dans la cas contraire, tu auras entraîné un innocent dans ta mort. Plutôt simple non ?

- De grâce... Ne fais rien à Sam, l'implore Lara en tombant à genoux. 

- Je dois avouer que j'aime assez le fait que tu te prosternes devant moi, ricane-t-elle. Mais ça se passera comme je l'ai décidé. 

Le couteau se rapproche du cou de Sam et Kiara tremble comme une feuille à côté de moi. Marley débouche la fiole et la dirige vers les lèvres de Sam. Si je ne réagis pas, Lara va mourir en aillant essayé de me protéger. Et Sam passait par là au mauvais moment. Comment je vais pouvoir respirer pour le restant de ma vie avec deux morts sur la conscience ?

Je ne réfléchis pas un instant de plus. Alors que Sam était sur le point d'avaler la mixture, je sors en furie de la tente. Maura essaie de me retenir mais je ne peux pas faire machine arrière. Marley m'aperçoit. Je me tiens bien droite devant Lara et je lui dit de rester derrière moi. 

- Marley... ne fait pas ça, la suppliais-je. 

- Oh, notre chère princesse a essayé d'arriver ici avant moi afin de m'empêcher d'agir ? Comme c'est courageux...

- Je t'en conjure... continuais-je. 

- Ce que je vais t'expliquer Mélissa, me coupe-t-elle, tu ne vas pas le comprendre. Mais quand un de tes parents de t'aime pas, alors tu essaies de faire tout ce qui est en ton pouvoir pour lui faire changer d'avis.

- Je te le garantis Marley, si ton père dit t'aimer davantage après que tu ais tué deux innocents, alors ce n'est pas de l'amour. Certainement pas. 

- Et qu'est-ce que tu en sais ?

Elle marque un point. La seule personne qui m'ait aimé de toute ma vie, c'est ma grand-mère. Comment je pourrais comprendre ne serait-ce qu'un soupçon de l'amour paternel alors que j'en ai été privée depuis toujours. 

- Je peux comprendre que tu essaies de le rendre fière de toi, admis-je. Mais tuer, ce n'est en aucun cas la bonne manière. 

J'allais m'approcher d'elle mais elle crée un cercle de flammes autour de Sam et elle. Le petit garçon arbore des yeux écarquillés où brille une terrible lueur de panique. Je tend mon bras vers elle et je rassemble tout ma magie pour calmer le feu ardent. Elle enrage encore plus ! Tenant d'une main l'enfant, elle dirige l'autre vers moi, imitant mon geste. Des boules de feu sont projetées en ma direction. Je réagis au quart de tour, je me retourne et j'empoigne la cape de Lara pour la tirer sur le côté avec moi. Les missiles de Marley ne nous atteignent pas et j'entends Lara me remercier d'une voix faible. 

J'indique à la druidesse de s'enfuir immédiatement. Elle hésite un instant mais je crois qu'elle a assez confiance en moi pour savoir que je ne laisserais pas Marley tuer Sam.

- NON ! hurle Marley a l'intention de Lara qui courait dans la direction opposée. RESTES ICI !

Elle retente son sortilège mais je l'en empêche.

- Aller, dis-je, arrête. Tu sais que je suis plus puissante.

- Ah oui ? ironise-t-elle en éclatant d'un rire machiavélique.

- Oui. Sinon, pourquoi voudrais-tu voler mes pouvoirs ?

- Je n'en ai strictement rien à faire de ta magie, rétorque-t-elle. En revanche, le Sombre Seigneur en a besoin pour monter sur le trône.

- Dis lui ça de ma part tant que tu y es : Jamais il ne sera roi. 

- On verra ça. 

Elle m'envoie une pluie de charbons mais j'arrive à tous les glacer avec mon pouvoir de l'eau alors qu'ils étaient encore en l'air. Ils s'écrasent sur le sol sans même me toucher. 

- Fais encore un geste, prévient Marley, et je lui tranche la gorge.

Je sens une sueur froide me glisser le long de la colonne vertébrale. Je dois à tous pris agir. Je réfléchis un moment mais une seule solution s'offre à moi : lui donner exactement ce qu'elle veut.

Je m'approche légèrement et cette fois ci, la lame effleure la peau du garçon qui me regarde avec un air suppliant. Et je sais à cet instant que son regard paniqué restera à jamais dans ma mémoire. 

Je plonge ma main dans ma poche et j'en sors mon diamant aux reflets turquoises. Quand Marley pose les yeux sur ma pierre de pouvoirs, elle ouvre de grands yeux.

- Tu te rends compte que tu vas mourir dans d'atroces souffrances si tu fais ça ? me rappelle-t-elle bouche bée.

Le fait qu'elle me le dise me fait penser qu'il y a peut être encore un peu bonté dans son coeur même si je sais que c'est impossible car c'était le prix à payer pour entrer à sa guise dans les terres maudites : elle devait perdre tout ce qui pouvait entraîner au bonheur, à l'amour, à la compassion et tout autre bon sentiment. 

- J'en suis consciente. 

Après tout, rien ne me retient ici. Je déteste le destin qui m'est destiné, je ne veux pas être une puissante magicienne ni être reine, je ne veux pas rester constamment terrifiée d'être simplement moi même. Cela fait maintenant un moment que je veux m'en aller de ce monde. Mourir, n'est-ce pas le meilleur moyen de le faire ? Après tout, une vie à un début et une fin, c'est ainsi. J'y fais honneur.

De plus, depuis l'exercice de Mr Harris, je sais que je suis une mauvaise personne. L'occasion de me prouver le contraire le temps d'un instant ne se représentera pas deux fois. Je dois le faire. 

- Une seule chose, continuais-je. La seule chose que je te demande c'est de faire en sorte que mon sacrifice de soit pas vain. Je voudrais que mon acte te fasse réfléchir à la personne que tu veux devenir. Et je sais, j'espère en tout cas, qu'une partie de toi est encore pleine de bonté et que cette partie là n'a pas envie de faire du mal à qui que ce soit. Je suis prête à mourir pour sauver la vie de cet enfant mais aussi pour peut être te sauver toi. 

Son visage reste impassible. Je me trompes peut être. Mes paroles glissent peut être sur elle tels des gouttes d'eau sur une fenêtre. Son coeur est sombre désormais et même mes belles paroles ne peuvent pas arranger ça. 

Je m'avance vers elle et, d'une main tremblante mais tout de même déterminée, je lui donne ma pierre de pouvoirs. 

Elle lâche Sam et elle s'en va sans même me jeter un regard. Kiara se précipite vers son frère pour le prendre dans ses bras. Quand à Maura, elle vacille jusqu'à moi et elle me tombe dans les bras. Je ne sais pas si elle pleure ou si elle est simplement un peu sonnée mais je sens de la peine dans son coeur. Quand au mien, je le sens seulement un peu vide. Mais je sais qu'il n'en a jamais été autrement.  


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Wow, quel rebondissement ! ^^

J'ai vraiment hâte d'avoir vos avis sur ce loooooooong chapitre qui fait 5600 mots ! *-*

J'ai beaucoup travaillé dessus, en plus en sachant que j'ai du réécrire la fin deux fois à cause d'un bug... Mais bon !

Merci à tous pour vos messages adorables, vous êtes géniaux.

La Tortue ^^

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