Un ballon rouge
Et voilà le dernier texte pour le concours Pink Lock organisé par @apprenti0auteur! Nous sommes 3 en finale de concours de romance qui m'a aidée à sortir de ma zone de confort. (Et j'ai adoré même si ce n'était pas facile d'être assidu tout le long).
Le thème de ce dernier challenge : Écrire une scène visant à conclure de manière originale, une longue histoire d'amour.
Une liste de lieux était imposée, j'ai décidé d'écrire cette dernière scène dans un port.
On est sur 1079 mots.
Bonne lecture !!!
*****************************************************************************
Catherine était assise le long de la promenade du port, songeuse. Elle était en pleine réflexion sur sa vie amoureuse, cet homme qu'elle avait toujours connu et cet inconnu qui lui ressemblait en tout point. Partie pour le commissariat, elle avait soudain hésité à entrer. Faisant alors demi-tour, elle avait fini par se perdre face à la mer qui la rendait rêveuse. Que faire ? Tout venait de se bousculer dans sa tête.
Avant de prendre sa décision, elle devait mettre les choses au clair. À 55 ans, elle avait vécu une longue vie heureuse avec son époux Gérard, mariés depuis 28 ans et en couple depuis 32 ans, ils avaient eu trois beaux enfants, dont un avait fondé sa propre famille au Canada, le second suivait des études dans le nord de la France, et le dernier vivait encore à la maison. Comment l'apprendraient-ils d'ailleurs ? Ils seraient sûrement anéantis, anéantis de savoir que leur mère n'ait rien fait et accepté cette nouvelle vie. Mais pourquoi hésitait-elle à aller voir la police ? Se pouvait-il qu'elle aime ce nouvel homme? Possible. Elle-même en cet instant se trouvait perdue.
Elle posa ses mains sur le bord du quai et inspira profondément l'air marin.
– Gérard, je t'aime tu le sais ?
Elle parlait à haute voix, les yeux fermés. Elle pensait à tous les beaux moments passés ensemble : leur rencontre au bar. Aucun d'eux n'avait bu d'alcool, elle avait la voiture et lui n'aimait pas ça. Ils avaient commencé à discuter, puis au fil des jours et des semaines ils s'étaient revus. Elle repensa aussi au jour où elle l'avait demandé en mariage. Elle savait qu'il n'oserait pas faire le premier pas, alors elle l'avait pris au dépourvu un jour d'été ici, sur ce quai. Il avait répondu oui sans hésitation. Et non le mariage ne fut pas le plus beau jour de sa vie, celui qu'elle gardait et qu'elle garderait en mémoire jusqu'à son dernier souffle c'était cette réponse, ce « oui » suivi d'une longue embrassade et de pleurs de joie alors que le soleil commençait à se coucher.
Une larme se déversa en songeant à ce précieux moment. Et ses enfants ! Qu'ils eussent bien grandi aujourd'hui, Gérard en serait fier !
– Alexis vit avec son chéri depuis trois ans, ils sont très heureux, Maëlla a eu son diplôme de Licence l'an dernier et poursuit en Master. Et notre petite dernière, Lilas est en passe d'avoir son bac, elle l'aura j'en suis sûre, même si elle en doute.
Les lunettes de Catherine s'embuaient légèrement, elle les retira, les accrochant à la poche de son chemisier. Pourquoi n'allait-elle pas dénoncer cet homme au commissariat ? Son mari était mort et c'était la faute de cet inconnu. Et pourtant, elle était bien avec lui. Avec Paul. Il demeurait doux et attentionné avec elle, lui préparant de bons plats le soir, lorsqu'elle rentre du travail, lui couvrant les pieds avec un plaid lorsqu'elle a froid, la laissant se coller contre lui la nuit pour un peu de chaleur, et ses massages quand elle est fatiguée en revenant de ses journées de dix heures à l'hôpital.
Mais Paul l'a privé de Gérard. De son grand amour. Et sans qu'elle ne s'en rende compte pendant quatre ans. Ni elle, ni ses enfants n'avaient remarqué la différence. Et aujourd'hui, c'était limpide. Paul venait de lui avouer la vérité, ce midi-même en déjeunant au restaurant sur le port un peu plus loin. Partie en courant, elle l'avait abandonné là pour le dénoncer au commissariat. Elle l'entend à nouveau lui raconter ce qui s'était passé :
– Catherine, il faut que je te dise quelque chose d'important. Je te le dois.
– Oh, mais tu as pris ton air bien sérieux.
– Ne souris pas, où je n'y arriverai pas... Voilà, je... euh, je ne m'appelle pas Gérard. Je ne suis pas ton époux. Gérard était un de mes collègues et je l'admirais beaucoup. Je l'admirais tellement que j'ai commencé à m'imaginer à son bureau, avec sa coupe de cheveux et ses habits. Je me suis mis à le copier puis à une soirée d'entreprise, il est venu à ton bras. Je t'ai parlé et je t'ai tout de suite aimé. Je suis vite devenu jaloux de son poste à responsabilité et de sa famille aimante. J'ai voulu prendre sa place. Et c'est ce que j'ai fait, à force de chirurgie esthétique pour lui ressembler.
– Tu vas bien, Gérard ?
– Paul, je m'appelle Paul, et j'ai pris la place de Gérard, il y a de ça quatre ans.
Catherine, ébahis, était restée muette.
– Où est Gérard ?
– Mort d'un accident de voiture.
– Tu as tué mon mari ?
– Je t'aime Catherine.
– Et je ne me suis pas rendue compte...
Elle s'était levée d'un bond, avait fait valser les assiettes et était partie en courant.
Que faire ? Cet inconnu n'était plus vraiment un inconnu, il était bon avec elle, et au fond oui elle l'aimait. L'aimait-elle simplement parce qu'il ressemblait à son mari ou pour lui-même ? Pourquoi hésitait-elle à le dénoncer à la police ? Un criminel voilà ce qu'il était !
– Gérard, je ne sais pas si j'y arriverai seule...
À cet instant, un chariot rempli de ballons de baudruche passait à côté d'elle. Elle se leva en revoyant son mari lui tenant les épaules pour la réconforter lorsqu'ils avait 20 ans et qu'elle venait de louper son premier concours d'infirmière. Gérard lui avait alors acheté un ballon rouge et le lui avait tendu.
– Avance au bord de l'eau, ferme les yeux et pense à ce concours que tu réussiras l'an prochain, parce que tu es une battante et que tu ne lâcheras rien. Tu es forte et indépendante ! lui avait-il affirmé.
Elle s'était donc avancée, ballon en main, avait fermé les yeux et levé le menton en se répétant ces mots.
– Lâche le ballon maintenant, avait-il murmuré à son oreille.
Le ballon s'envola dans les airs, poussé par l'air marin.
Boostée par ce souvenir, elle avança et paya un ballon rouge, le même qu'à cette époque. Puis, elle se plaça devant l'océan et prononça les mots « battante », « forte », « indépendante ». Elle sentit son mari près d'elle. Elle pourra s'en sortir seule. Gérard le savait. Elle lâcha le ballon en le regardant prendre son envol jusqu'à ce qu'il disparaisse derrière les nuages. C'était le courage qu'il lui fallait. Il n'y avait plus qu'une seule chose à faire à présent.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top