Première danse
A l'image de l'amour ! La consigne, pour ce nouveau défi Pink Lock de , était d'écrire une scène romantique à partir d'une image et de ce qu'elle nous inspire.
J'ai choisi cette image sur Pinterest : "Fishing Under the Stars" , Joseph Feely
On est sur 979 mots. Bonne lecture !
Le silence. Cette nuit avait été si paisible. Je marchais dans la boue avec mes grosses bottes en caoutchouc, mon chapeau sur la tête et mon ciré. Vu mon look, on me prenait certainement pour un homme, enfin si on arrivait à apercevoir ma silhouette dans le noir. Et dans le cas, où je croiserais quelqu'un.
Depuis mes huit ans, je venais avec mon grand-père pêcher au bord du lac du Quanton. On venait ici, chaque dimanche après-midi, et depuis son décès, je venais chaque nuit en été, lorsque je posais mes valises dans sa maison de vacances. Je ne pêchais pas grand-chose, quoi que, ça m'arrivait d'attraper un poisson ou deux, mais je les remettais dans l'eau de toute manière. Cette activité m'apaisait l'esprit, et c'est tout ce que je cherchais.
J'avais déplié un tabouret de fortune et posé mon seau rempli de crochets et d'hameçons. Je m'étais assise en manquant de tomber dans la bouillasse et j'avais sorti ma canne à pêche que j'avais lancée dans l'eau d'un geste sûr après y avoir accroché mon hameçon.
J'attendais que ça morde. Là. Seule face à ce calme. J'entendais un tintement léger et presque inaudible venir de l'autre côté de la rive, entre les arbres immenses. Chaque nuit, ce tintement de cloche résonnait au loin. Je m'étais posée des questions : Qu'était cet étrange bruit et d'où venait–il ? Mais jamais je n'avais été à l'aventure pour le découvrir. Je manquais déjà de me rétamer dans la boue plusieurs fois, rien que sur le chemin à cause de l'obscurité, je voulais éviter tout danger ridicule.
J'avais émis un souffle d'apaisement et fermé les yeux quelques secondes pour m'imprégner de ces lieux, que je connaissais par cœur. Je me rappelais les moments passés avec mon grand-père. Il m'avait appris à pêcher, et même si ici, on ne discutait pas pour attraper les poissons, une conversation avec lui était toujours synonyme d'un savoir immense. Il s'intéressait à tous les sujets et se documentait énormément, dans les livres, mais aussi sur internet. Ça faisait maintenant trois ans qu'il avait disparu... juste avant mon vingt-quatrième noël. Et je pensais à lui très souvent. Le dernier soir de Noël que nous avons pensé ensemble, il m'a raconté une histoire, celle d'une fée. Il me disait qu'au lac du Quanton, lorsqu'il pêchait du haut de ses 22 ans, une forme lumineuse avait volé vers lui. C'était une créature magique et magnifique, avec des ailes dorées. Il l'avait revu plusieurs fois et en était tombé amoureux. Il m'avait même soutenue que cette fée était ma grand–mère, et que plus tard j'en rencontrerais une car dans ma famille une fée venait à nous tous les 50 ans. Une sorte de bénédiction.
– Mamie Mirabelle, une fée ? Je n'ai plus trois ans pour croire à tes histoires..., lui avais–je répondu.
Ma grand–mère ressemblait à une femme âgée tout à fait ordinaire, pas d'ailes dans le dos ou d'aura magique. Mon grand–père n'a pas insisté et nous avions enchaîné par l'ouverture des cadeaux sous le sapin, avec toute la famille réunie. Mamie Mirabelle m'avait tendu un paquet, et pour la première fois, j'avais remarqué une lueur dans son regard.
Je dus sortir de mes songes, un poisson mordillait la ligne. Je le tirai d'un geste bref et l'observais un moment avant de le relâcher. Lorsqu'il avait replongé dans l'eau, le tintement de cloche s'était fait plus fort. Si fort, que j'avais vu un deux, trois oiseaux s'envoler à la hâte du haut des arbres. De l'autre côté du lac, une lueur jaune sortait des feuillages.
Je plissais les yeux pour mieux voir, tandis que cette lumière grossissait, semblant s'avancer vers moi. Je ne bougeais pas et je serais bien allée à sa rencontre si j'avais pu marcher sur l'eau. Le tintement de cloche, plus régulier, s'apparentait à présent à une musique douce et joyeuse. Et cette forme lumineuse... on aurait dit qu'elle dansait. Une jolie ballerine volante entourée d'une poussière d'étoiles. Elle dansait, si délicate que je n'avais pas tout de suite remarqué les ailes dans son dos.
Elle s'était approchée de moi, si près, qu'elle se trouvait maintenant sur ma rive, à côté de mon seau. Elle ne touchait pas le sol. Elle me regardait, intriguée, puis m'avait tendu une main. Je l'avais saisie sans hésitations et elle m'avait emportée dans les airs, au rythme de cette musique enivrante. Nous avions dansé une bonne partie de la nuit, puis elle m'avait ramenée sur la terre boueuse avant de s'envoler.
J'y étais revenue chaque nuit jusqu'à la fin de mes vacances. Toujours au rendez-vous, elle aussi, nous avions dansé encore et encore, tournoyant au-dessus du lac, au clair de lune. Je ne pensais plus qu'à elle. La septième nuit à la fin d'une valse, nous nous étions embrassées. Puis, j'avais dû rentrer chez moi, ne pouvant revenir que trois mois plus tard, pendant les vacances de Noël.
En l'attendant un soir en décembre, sur le rivage, j'espérais la voir. Mais je n'entendais aucun tintement de cloche. Je n'avais pas arrêté de penser à elle, chaque jour et chaque nuit depuis notre première danse. Je rêvais de la revoir, alors j'étais restée là. Une nuit, deux nuits, trois nuits... sans bouger. Un bruit avait enfin retenti, et je vis la lumière au travers des cimes. S'approchant lentement de moi, elle m'avait dit en langue des signes : « Je croyais que tu m'avais oubliée ». Je lui avais souri, avant d'attraper sa main pour nous envoler dans une nouvelle valse.
À sa dernière nuit, à l'hôpital, mon grand–père m'avait dit que moi aussi, je rencontrerai mon premier amour au bord de ce lac car j'y étais destinée, comme lui. Évidemment, j'avais pris ces paroles pour un délire. Je m'étais rendue compte à cet instant, à voler au–dessus de l'eau, qu'il avait raison.
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