Un si cruel hiver

La neige tombait à très gros flocons. Elle errait, anonyme et sans volonté, dans les rues animées par la foule qui se pressait par ce froid mordant. Les flocons fondaient sur son visage émacié et se transformaient aussitôt en larmes givrées. Sa tristesse contrastait avec l'ambiance festive qui régnait en cette période de Noël. Personne ne l'attendait. Les sapins aux guirlandes multicolores clignotaient et égayaient la devanture des commerces.

Aussi loin qu'elle remontât dans ses souvenirs, elle n'avait connu d'hiver  aussi rigoureux. Transie de froid, elle se décida à entrer dans un café. Le garçon arriva. Il avait l'air débordé. Il prit sa commande sans même lui accorder un regard. Elle désirait un chocolat chaud. C'était sa madeleine de Proust. Toute petite, elle adorait prendre ses goûters chez sa grand-mère devant le feu de cheminée. C'était le temps de l'insouciance où elle était encore heureuse. Le garçon revint très rapidement et déposa devant elle un mug de chocolat très chaud qui laissait échapper un halo de vapeur. Elle dut souffler dessus pour pouvoir le déguster à petites gorgées. Elle voulait faire durer son plaisir le plus longtemps possible. Plongée dans sa mémoire, elle rêvassait et oubliait le monde autour d'elle qui ignorait sa présence et ne la remarquait pas. Son nectar terminé, elle se mit à scruter les autres consommateurs. La plupart étaient en couple. Elle avait envie de s'attarder dans cet endroit mais le serveur vint pour qu'elle règle sa note. Les places étaient très vite à nouveau occupées dès qu'un client partait.

Elle finit par quitter le café et poursuivit son errance dans les rues en évitant les bousculades des gens qui se hâtaient dans leurs achats de cadeaux à la dernière minute. Elle savait qu'au pied de son sapin, il n'y aurait aucun petit paquet. Elle ne savait où aller. Elle voulait échapper à la solitude de son appartement. Elle entra dans un cinéma. Ils jouaient <<demain tout commence>>. Les critiques qu'elles avait lues sur ce film étaient plutôt bonnes. Elle se décida pour ce choix. Un peu plus de deux heures plus tard, elle ressortit satisfaite. C'était un film émouvant et les rapports humains étaient bien rapportés et intéressants. Elle avait gagné du temps sur son moment d'isolement qui l'attendait. Il était maintenant temps de mettre fin à cette déambulation et de regagner son modeste logement.

En entrant, elle fut accueillie par l'odeur qui y régnait, l'odeur de lessive. C'était encourageant. Elle jeta un bref coup d'œil au poste de télévision. Non, ce soir encore, elle ne l'allumerait pas. La télévision ne lui tenait pas compagnie. Elle l'ennuyait. Elle n'arrivait jamais à se concentrer sur une émission jusqu'au bout sans parler des drames quotidiens que les informations rapportaient.

Elle fila dans sa chambre. Elle étendit avec soin ses vêtements puis se glissa sous sa couette bien au chaud. Le sommeil ne venait pas. Elle repensait à sa journée de boulot identique à toutes les autres. Cette routine finissait par la fatiguer, l'user. Il fallait qu'elle réfléchisse soigneusement au moyen de faire cesser cet ennui. Une reconversion serait peut-être la bienvenue mais dans quel domaine ? Elle avait l'impression de n'avoir aucune autre compétence.

Elle essayait d'oublier la piqûre de l'existence. Le sommeil allait lui permettre d'échapper à la journée qui se préparait dans son dos comme un attentat. Elle sombra enfin dans les bras de Morphée. Si elle pouvait ne pas se réveiller ou dans une autre vie, une vie qu'elle aurait choisie et non qui se serait imposée à elle, songea t-elle juste avant de s'endormir. Mais elle était liée à cette existence solitaire.

Cette nouvelle a remporté le concours de Noël 2016 organisé par Marjoriesk.

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