Chapitre 9 : Blue and Grey
Alejandro (parlant anglais) : Chelsea et Ha-Neul sont mortes !!
Elles étaient mortes. Ha-Neul et Chelsea étaient mortes. Je ne les reverrais plus. Jamais. Dans le fond, je crois que je l'ai toujours su. Je restai statique, aucune émotion n'émanait de moi. Je n'étais plus que l'ombre de moi-même, un corps sans vie. Je ne répondis rien, écoutant les pleurs de mes amis, restant impassible. Comment étais-je supposer réagir ? Je ne savais plus qui j'étais. Je voulais seulement dormir, fermer les yeux sans jamais avoir à les rouvrir. Je voulais partir, m'évader, dans cet endroit calme et apaisant. Peut-être qu'avec un peu de chance j'aurai pu revoir leurs visages là-bas.
Lyana (parlant anglais, très calmement) : Merci d'être venue et de m'avoir répondu... Je crois que vous ferriez mieux de rejoindre Mathilda et Yuan. J'ai besoin d'être seule... Je suis désolé.
Alejandro (parlant anglais et continuant de pleurer) : On comprend, vient Harry.
Harry et Alejandro s'approchèrent de moi pour me faire une accolade. Je sentais toutes leurs tristesses dans leurs larmes qui me tombaient dessus. Puis ils partirent, me laissant seule. Je regardai vers le ciel. Pouvaient-elles me voir ? Je souris en direction du plafond, au cas où leurs regards s'arrêteraient sur moi. Je voulais qu'elles me voient souriante, comme on avait l'habitude de l'être quand on était ensemble. Je restai ainsi quelques minutes, peut-être bien des heures, peu importait. Tout s'était déjà arrêté pour moi ce jour là.
Le lendemain, 9h.
Infirmier (parlant anglais) : Mademoiselle Côme ? Vous pouvez rentrer chez vous, il n'y a plus rien à craindre pour votre santé maintenant.
Je lui souris et m'extirpai de mon lit sans dire un mot. Je marchais dans l'hôpital, sans conviction, jusqu'à atteindre la sortie. Un taxi m'attendait pour me ramener. Je laissai le conducteur m'ouvrir la porte puis m'introduisis dans le véhicule. Je lui donnai l'adresse de Mathilda et continuai à me murer dans le silence pendant tout le trajet. Après l'avoir remercier pour sa course, je commençai à gravir chaque marches de l'immeuble de Mathilda. Cet exercice me semblait insurmontable, mon corps était lourd, aucune énergie ne résidait en moi. Je poursuivis, malgré tout, jusqu'à l'appartement de Mathilda. Je restai quelques instants devant la porte, aucune pensée n'habitait mon esprit. Mon âme entière s'était éteinte, comme pour ne pas affronter ce qui était à venir. Je me décidai finalement à ouvrir la porte. Mathilda m'attendait, blottie dans le sofa.
Mathilda (parlant anglais) : Lyana, tu vas bien ? Comment tu te sens ? Tu veux que je te fasse quelque chose à manger ? Couler un bain ?
Lyana (parlant anglais) : Je vais bien merci.
Je m'assis auprès d'elle ne disant aucun mot. Je ne voulais pas discuter, seulement oublier. Que quelqu'un efface ma mémoire ! Que cette souffrance cesse ! Laissez moi vivre ou périr ! Je ne pouvais rester à mi-chemin, entre les deux.
Mathilda (parlant anglais) : La semaine prochaine, il y a un hommage de prévu pour toutes les victimes de l'attentat. Tu viendra ?
Lyana (parlant anglais) : Evidemment.
Nous restâmes ainsi, dans ce silence accablant, un moment, je crois. Je ne savais plus très bien, la notion du temps me paraissait de plus en plus abstraite. Mathilda finit, néanmoins, par nous sortir de notre stupeur.
Mathilda (parlant anglais) : Et si nous regardions un film d'humour ? Ca nous ferait du bien. Je pense que c'est important qu'on se change l'esprit.
Tout mon être fonctionnait au ralentit, tout de moi était actuellement à changer, et aucune comédie, aussi bonne soit elle, n'avait ce pouvoir. J'acquiesçai, toutefois. Cela ne pouvait en rien, empirer ma situation.
C'est ainsi que la journée passa. Après, 2, peut-être 3 films et la première saison d'une nouvelle série, Mathilda partit se coucher. Je restai là, blottie sous mes draps, mes paupières commençaient à être lourde. Je me laissai m'assoupir, mes rêves ne pouvaient pas être pire que la réalité.
Samedi après-midi, premier rdv chez la psychiatre.
Je m'installai dans la salle d'attente, ne sachant pas vraiment ce que je faisais ici. Je n'avais pas envie de mettre des mots sur ce que je vivais, peut-être car j'avais peur que ça n'en devienne que plus réel. Je voulais juste qu'on m'abandonne là, ramassée sous mes draps, entre le sommeil et l'éveil.
Dr Razak (parlant anglais) : Mademoiselle Côme ? Vous pouvez me suivre.
Je m'exécutai sans prononcer un mot.
Dr Razak (parlant anglais) : Installez-vous je vous pris. Je vais commencer par vous poser quelques questions sur vous d'abord. Quel est votre nom, prénom, age, date de naissance et lieu de naissance.
Lyana (parlant anglais) : Je m'appelle Lyana Côme, je vais avoir 25, je suis née le 28 avril 1994 en France.
Dr Razak (parlant anglais) : Oh vous êtes français ? Pourquoi être venue en Corée ?
Lyana (parlant anglais) : Pour mes études.
Et nous continuâmes ainsi pendant bien 40min, elle me posait des questions sur ma vie quotidienne sans jamais aborder le sujet de l'attentat. Je prenais ça comme une vraiment perte de temps. Je n'avais aucune envie d'introduire ma vie à une parfaite inconnue, encore moins en ce moment. De plus, aucun de ses propos n'approchait de près ou de loin la raison de mon mal-être. Alors quel était l'intérêt ? Je répondais de manière évasive à chaque question posée. Celles-ci se faisaient de plus en plus ouvertes, m'obligeant a étayer mon propos.
Dr Razak (parlant anglais) : Bien mademoiselle, est-ce qu'il y a quelque chose dont vous aimeriez me parler ?
Je lui fis signe de la tête que non. Elle me fixa dans les yeux et me proposa de nous revoir la semaine prochaine. J'acceptai et partit.
Cérémonie d'hommage de l'attentat.
Nous étions tous là, vêtus de noir, le regarde baissé, après tout, seul le sol nous portait encore. Le vice-président Kim Boo-kyum prononça ses sincères condoléances auprès des proches touchés par l'attentat. Un long discours dont personne ne portait attention. Aucun mot ne pouvait soulager la douleur que l'on ressentait. Je cherchais du regard, si j'y arrivais, à reconnaitre les parents de Ha-Neul et Chelsea. Il n'en fût rien, la foule était trop dense. Autour de moi, il n'y avait que pleurs et désespoir. Mes amis ne faisaient pas exception. Alors, pourquoi moi je me murais dans le silence ? La peine m'emprisonnait le cœur mais je ne pouvais pleurer. Réalisais-je vraiment le drame que nous vivions ? Etais-je devenue insensible ? Pourtant je n'imaginais pas ma vie sans elles, alors pourquoi ? POURQUOI ? Je m'en voulais. Depuis quand étais-je devenue si froide ? Ha-Neul ! Chelsea ! Je m'éloignai quelques instants du reste de la bande, pour m'assoir. Comme d'habitude depuis leur disparation, je me sentais extenuée. Rester debout, ou marcher était devenue un exercice. Je restai là, un moment sans bouger, sans penser, sans exister... Quand Yuan arriva.
Yuan (parlant anglais avec les yeux rouges) : Tu viens ? On va déposer les bougies qu'on leur a pris devant l'édifice.
Yuan me tendis une bougie que je saisis. Je rejoignis le groupe et déposai délicatement l'objet. J'entendis Alejandro, prononcer à voix basse, les mots adieu et à bientôt. Etait-ce ça ? Un adieu jusqu'à notre jour venu ?
Les jours passèrent, devenant fades et dénués d'intérêt. Mes amis essayaient de reprendre leurs vies petit à petit, mais moi je restais vide et insipide. Le monde était le même qu'hier, le même qu'il y a des semaines, mais le mien avait sombré. J'enviais le voisin qui sortait son chien tous les matins, ou encore la vieille dame du 2ème étage qui arrosait ses fleurs. Leurs âmes avaient l'air si apaisées.
Je pris mes affaires et décidai d'aller faire un tour dans le quartier. Il y avait une boutique d'instruments de musique au coin de la rue. J'y rentrai, un homme d'un certain âge m'accueillit.
Homme (parlant coréen) : Bonjour, puis-je vous aider ?
Lyana (parlant coréen) : Bonjour, avez-vous une rayon piano ?
L'homme m'indiqua la direction.
Homme (parlant coréen) : Vous pouvez essayer tous les modèles que nous avons en exposition. N'hésitez pas si vous avez besoin de renseignements.
Mon regard s'arrêta sur un magnifique piano à demi-queue. Un Yamaha C3XPE Grand Piano.
Cela faisait une éternité que je n'avais pas touché cet instrument. Mais, à cet instant précis, j'en avais envie. Comme si lui seul pouvait me comprendre et me soulager. Je m'installai devant le piano, hésitai un instant et me mis à jouer. "Supermarket flowers - Ed Sheeran"
https://youtu.be/0WdOuQDDSSw
Ce moment n'appartenait qu'à moi, je m'évadais au rythme de la mélodie que je jouais. Dans le fond, je crois que je la jouais pour elles. M'entendaient-elles ? Je continuais mon interprétation, mon cœur se serrait de plus en plus fort, jusqu'à ce que mes larmes finissent par couler et percuter les notes du piano. Je me sentais soulagée, comme libérée d'un poids. J'avais mal, mais j'étais bien. J'esquissais un sourire, tout en poursuivant mon jeu... Quelle délivrance...
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