Chapitre 33 : And the days go by
Le lendemain.
Mon réveil sonna, interrompant ma seule heure de sommeil. Pour rien au monde je n'étais décidée à me lever. Mes yeux collés et gonflés me piquaient encore de la vieille. Mon premier réflexe fut de prendre mon téléphone, mais je n'y vis que mon propre reflet. Aucune notification n'apparaissait, même pas de mon groupe Facebook sur le piano, habituellement si actif... J'abandonnai mon portable dans l'étendu de mon lit puis me laissai m'engouffrer sous ma couette. Il faisait si chaud là-dessous, ça contrastait parfaitement avec le gèle de mon cœur. Elle était ma forteresse impénétrable, familière et rassurante mais demeurait également le temple de ma solitude. J'avais tout perdu, en commençant par mes très chères amies. Rien ne pouvait soigner cette entaille, les ténèbres persistaient à vagabonder dans mon horizon.
Vrr Vrr
Soudain, une lumière jaillit de cette obscurité ! Mon téléphone vibrait, je le sentais à travers le matelas. Où avait-il pu disparaitre ? Je me précipitai sur celui-ci, ranimée par l'espoir. Malheureusement, la seule lueur que j'aperçus fut cette clarté bleuté causée par une pauvre notification pour une réduction UberEat. Me rappelant qu'en plus d'être seule, j'étais bien trop faignante pour me faire ma propre nourriture. Mon amour propre commençait à en prendre un sérieux coup. Après tout, si j'avais été moins moi, j'en serais certainement pas là. Avec le peu d'énergie restant, je me trainai jusqu'à ma salle de bain, espérant qu'une douche fasse dégonfler mes yeux asséchés. Je n'avais plus de larmes, plus d'envies, à part le désire que le temps fasse son travail. Midi. La faim m'avait quitté tout comme mon sommeil la nuit dernière. Mon téléphone n'arrivait pas à quitter ma main, ou à défaut, mes yeux. J'attendais, sans grand espoir, pourtant je ne pouvais m'en empêcher. Ce petit écran noir était tout ce qu'il me restait, tout ce qu'il me liait encore à eux. Les heures défilaient, me rendant de plus en plus accro à ce gadget rectangulaire. J'avais beau patienté toute la soirée durant, réfléchir à ce que je pouvais encore faire, le sommeil finit par avoir raison de moi, le téléphone en main, aussi silencieux qu'un moine trappiste.
Le surlendemain.
Lyana (parlant anglais) : Chelsea ??? Ha-Neul ? Les filles vous êtes où ?
Je ne voyais le plus rien, la fumée épaisse nous encerclait, me piquant les yeux et obstruant ma respiration. Je commençais à haleter, hurler leurs prénoms devenaient de plus en plus difficiles, mais je persistais malgré tout.
Lyana (parlant anglais) : HA-NEULLLL, CHELSEA !???
C'était éprouvant j'avais de plus en plus de mal à marcher à travers ce brouillard.
Ha-Neul (parlant anglais) : Lyana, on est là !
Des silhouettes familières se dessinèrent dans cette brume toxique, dévoilant mes deux amies bien vivaces.
Chelsea (parlant anglais) : Bah qu'est ce que tu fais Lyana ? On dirait que tu es au bord de l'essoufflement. Relève toi !
Lyana (parlant anglais) : Comment ça qu'est ce que je fais ? C'est cette fumée, elle attaque mes bronches. Allons-nous en d'ici.
Ha-Neul (parlant anglais) : Je ne sens rien moi.
Chelsea (parlant anglais) : Oui moi non plus, et pis j'ai encore envie d'aller m'amuser. Allez vient Ha-Neul.
Lyana (parlant anglais et haussant le ton) : NON ! Vous ne comprenez pas c'est dangereux vous devez venir !!
Chelsea (parlant anglais) : Arrête de dire n'importe quoi, moi j'y vais.
A peine avait-elle eu le temps de finir sa phrase que je vis son sang coulé à mes pieds, son corps tranché par une longue lame argenté. Je jetai un œil à Ha-Neul, mais sa tête avait quitté ses épaules, roulant à ses pieds. J'hurlais d'horreur devant tant de barbaries. La peur me figea, laissant l'opportunité à l'assassin de s'approcher de moi. Fuit Lyana, tu dois fuir. Je suis tétanisée, impuissante. Son visage se rapprochait, devenant de plus en plus distinct dans l'épais nuage gris. Je connaissais ce visage. V !?
Je me réveillai dans un sursaut, moite, le lit trempé de ma transpiration. Je n'avais pas fait de cauchemar aussi violent depuis un certain temps. Cette vision d'horreur resta imprégnée dans mon esprit, me perturbant pour le reste de ma nuit. Le visage de mes amies demeuraient un manque que je n'arriverais plus jamais à combler. Si seulement je pouvais les voir sans que cela finisse dans une bain de sang. Je quittai mon lit pour me préparer une tisane aux fruits rouges empreinte de nostalgie. C'était notre boisson préféré quand l'une d'entre nous n'avait pas le moral. Je contemplai l'eau qui se teignait d'un rouge vif. Je croupis si longtemps dans ma réflexion, que ma tasse eut le temps de refroidir avant que je la porte à ma bouche. Les premiers rayons du soleil commencèrent à se faire sentir sur le grain de ma peau. Quelle heure était-il ? Combien de temps étais-je restée éveillée ? Le soleil demeurait bas dans le ciel, caché par les buildings de mon voisinage. Peu importait que moi j'arrête d'avancer, car lui il continuerait de se lever. J'aurais adoré être un soleil, toujours briller sur un monde empli d'obscurité. Au lieu de quoi, mon humanité me traina jusqu'à ma faculté pour m'empêcher de me laisser mourir.
Il n'y avait personne. La lumière rosée des premières lueurs matinales traversant les bâtisses millénaires donnait un aspect féérique au lieu. Quelqu'un avait-il déjà vu de telles couleurs s'harmoniser entre elles ? J'imaginais que là seule, résidait la beauté de la mélancolie. Par chance, les salles de travail étaient déjà ouvertes. Je m'introduis dans l'une d'entre elle et occupai mon esprit dans la tonne de leçons que je devais rattraper. Même les écrits de Pak Chonghong semblaient plus plaisant que laisser mes pensées s'égarer. Argg, pourquoi je ne comprends qu'un mot sur deux ? Comme si le coréen n'était pas assez compliqué ! Les premières têtes matinales apparurent les unes après les autres. Les premiers éclats de rires retentirent accompagnés des premiers râles de mécontentement à l'insu des emplois du temps. Mon premier cours ne débutait que dans une heure, soit assez de temps pour retourner à l'ouvrage du philosophe. Cependant, mon regard fut facilement distrait par un visage familier.
Lyana (parlant anglais) : Hey Yuan !!!
Pak Chonghong était un homme sage, il aurait compris l'importance de saluer un ami à défaut de son œuvre.
Yuan (parlant anglais) : Oh Lyana, tu es déjà là ?!
Lyana (parlant anglais) : Oui, j'avais le sommeil perturbé, alors je suis venue tôt
Yuan (parlant anglais) : Je suis content de te voir, tu viens manger avec nous ce midi ?
Lyana (parlant anglais) : Ouais, on se retrouve à la cafèt' ? Ma pause est à 12h30 je crois.
Yuan (parlant anglais) : Ouais ok, on te gardera une place.
Lyana (parlant anglais) : Super, je vais y aller, c'est bientôt l'heure de mon cours et je dois traverser le campus.
Yuan (parlant anglais) : Tu as philo c'est ça ?
Lyana (parlant anglais) : Yep, je comprends pas pourquoi je dois me taper des cours pareils alors que j'ai choisi la filière économie sociale !
Yuan (parlant anglais) : Certainement pour le côté sociale, développer ton sens critique te permet de garder l'esprit ouvert et de mieux gérer les relations humaines.
Lyana (parlant anglais, dépitée) : Tu es obligé de toujours répondre aussi sérieusement et d'avoir raison ? Tu peux pas juste râler avec moi, pour que je me sentes mieux face à la difficulté ?
Yuan (parlant anglais) : Ah pardon je recommence. - s'éclaircit la voix - Ouais ta grave raison, c'est vraiment de la merde.
Lyana (parlant anglais, retenant son envie de rire) : Super merci ! Tu as été au top !
Yuan (parlant anglais, et lui donnant un clin d'oeil) : Quand tu veux Lyana !
C'était étrange de retourner dans ces grands amphis, m'assoir à une place comme-ci rien n'avait changé, attendre sagement le professeur pour un cours qui m'ennuyait d'avance. Tout était pareil et je détestais ça. Je pris alors conscience que je devais faire face à cette nouvelle difficulté, vivre la même vie sans leur présence, comme-ci les avoir retirer du jeu n'en changeait pas les règles.
Professeur (parlant coréen) : Bonjour à tous ! J'espère que vous avez lu les premiers chapitres du Dongsa de Heo Mok car nous allons passer beaucoup de temps à analyser son ouvrage.
Quoiii ?!!! Depuis quand on a changé de philosophe ? Déjà que Pak Chonghong était difficile à suivre, alors un penseur de 1680... J'étais foutue. Malgré mes efforts, le cours demeurait aussi pénible que je l'imaginais. J'avais le sentiment d'avoir une décennie de retard et plus l'écart se creusait, plus ma motivation s'évaporait. Ce sentiment ne s'arrêtait pas à la philosophie, les cours sur l'économie et l'histoire coréenne de l'après-midi me répulsaient tout autant. Finalement, je restais une paumée dans tous les domaines.
12h30. Cafétéria
Harry (criant en anglais) : Hey Lyana !!! On est là.
Lyana (parlant anglais, honteuse) : Mais chut Harry ! Je t'avais vu, on entend que toi !
Harry (parlant anglais, se moquant de son état de gêne ) : Non mais c'était pour être sur.
Lyana (parlant anglais) : Je te jure.
En m'installant, je sortis mon téléphone de ma poche pour le poser à mes côtés, ainsi je pouvais garder un œil sur celui-ci. Peut-être qu'il finirait pas se décider à sonner...
Mathilda (parlant anglais) : C'était horrible ce matin, Mme Kim était encore en retard pour son cours sur le code pénal, et comme la moitié était déjà partie, elle nous a collé une petite interro surprise, avec un zéro pour les absents ! Sérieux ? Elle a le droit de faire ça ?
Alejandro (parlant anglais) : C'est un vrai tyran celle-là ! Mais je doutes que ça passe. Foutre un zéro à autant de monde ferait flancher le taux de réussite de l'école, alors qu'en plus elle est fautive.
Mathilda (parlant anglais) : J'en sais rien. Elle est tellement lunatique.
Yuan (parlant anglais) : T'inquiète pas babe', je suis sûr tu as assuré.
Mathilda se mit à rougir, mal à l'aise par les petits surnoms affectueux.
Yuan (parlant anglais et sursautant) : Aie ! Mais pourquoi tu me pinces ?
Mathilda (chuchotant à Yuan en anglais) : Tu sais pourquoi, arrêtes de m'appeler comme ça en publique !
Yuan ricana de la situation, ça l'amusait de la taquiner. Ils étaient mignon ensemble. J'enviais cette relation qu'y était la leur, pendant que moi j'avais gâché la mienne.
Harry (parlant anglais à Lyana) : Tu attends un appel ?
Lyana (parlant anglais) : Hein ?! Ah euh non non. Pourquoi ?
Harry (parlant anglais) : Tu arrêtes pas de regarder ton téléphone.
Lyana (parlant anglais) : Non en faite, je regardais l'heure. Je pense pas rester cette aprèm.
Alejandro (parlant anglais) : Pourquoi ?
Lyana (parlant anglais) : J'ai pris beaucoup trop de retard, et pour être honnête ça me démoralise carrément.
Yuan (parlant anglais) : Mais plus tu t'absentes, plus tu auras à rattraper.
Lyana (parlant anglais) : Je sais bien. Mais je n'ai aucune motivation pour les cours, je sais même pas si j'ai vraiment envie de continuer. Au pire des cas je peux toujours redoubler. J'aimerais réfléchir un peu à ce que je veux faire.
Yuan (parlant anglais) : Je vois.
Mathilda (parlant anglais) : Tu as du temps. Profites-en, si c'est pour t'entêter dans quelque chose que tu détesteras toute ta vie, c'est pas la peine.
Néanmoins, vivre sans un quelconque appui solide m'angoissait. Je vivais dans un pays qui n'était pas le mien, dans une langue étrangère, sans but précis et sans mes réels proches. Je paniquais, je me serais accrochée à n'importe quoi tant que ça pouvait me donner une perceptive. Sur mon chemin du retour, je trainais les pieds. Autour de moi, plus rien ne faisait sens, j'imaginais que c'était à ce moment là que les gens font un point sur leurs vies, mais je n'en avais pas le cœur. Le vérité était que j'attendais que mon fichu téléphone daigne sonner pour envisager l'avenir. Alors, pour m'accompagner dans cet arrêt temporel que je m'imposais, je m'assis face à mon vieille ami. Je ressentais le besoin de m'exprimer, sans créer le chaos autour de moi. Jouer restait la manière la plus douce que je connaisse. Je m'échauffai sur quelques incontournables que je connaissais par cœur, j'avais vraiment besoin de dégourdir mes doigts. Je me donnais à l'exercice aussi assidument que possible, cette bulle que je formais tout autour de moi ressemblait à un havre de paix. Apaisée par la sécurité de mon univers, mes doigts se mirent à pianoter sans partition. Je répétais, cherchais, effaçais puis recommençais. Les idées fusaient dans mon esprit. J'avais envie d'essayer toutes les compositions et toutes les émotions qu'elles procuraient et ce jusqu'au soir venu.
Quelques jours plus tard.
Animateur 1 : Ils sont beaux, ils sont jeunes, et remplis de talent, je veux bien-sûr parler des BTS ! Ce premier groupe coréen à avoir conquis le monde entier ! C'est un peu notre fierté national, n'est-ce pas Eun Jung ?
Animatrice 2 : Oui tout à fait, il y a une semaine, ils revenaient d'une tournée aux USA pour promouvoir leur nouvelle album, voici quelques extraits des différents shows qu'ils ont donné.
Animateur 1 : WOuuuuuah, ils ont été incroyable et pourtant j'ai entendu dire que le groupe devrait bientôt se séparer ! Leur service militaire approchant ils vont...
"Non merci, c'est trop pour moi là." Il était préférable de garder la télévision éteinte qu'entendre une fois de plus leurs noms. Même par écran interposé, voir leurs visages me fendaient le cœur. Pourtant, je continuais d'attendre, j'épiais continuellement mon téléphone. Rien ne changeait. Alors je regardai, un dernière fois avec insistance, le petit écran noir. Je fatiguais de ma passivité, me contentant de jongler entre mon piano et la faculté. Je saisis l'appareille et me mit à écrire impulsivement.
Salut,
Je sais que tu dois certainement ne plus vouloir me voir à l'heure actuelle, mais je ne sais plus quoi faire. Je ne sais pas si je dois t'attendre silencieusement, ou tout faire pour te récupérer, même bruyamment... Et je voulais aussi savoir si tu allais bien ? Croit-le ou non, mais tu me manques.
Je fixai mon écran si intensément que j'aurais pu crever l'écran avec mes yeux. Avoir trouvé le courage d'envoyer ce message ne fut pas une mince affaire, mais attendre une réponse restait bien pire. Peu importait ce que j'entreprenais, je revenais systématiquement pour vérifier une potentielle réponse. Au bout de la énième fois, mon regard se figea, il avait lu mon message, mais ne m'avait fait parvenir aucune réponse. RM semblait décidé à m'ignorer. Je ne savais plus comment réagir, une part de moi voulait insister. Je ne voulais pas l'abandonner, je tenais beaucoup trop à lui. Mais je ne me laissai pas ce droit. Avec amertume, j'essayais, tant bien que mal, d'accepter son choix. Je pleurais ma séparation, la perte d'une personne que j'avais tant chéri et malgré tout, blessé. Mon cœur suppliait pour qu'il finisse par me répondre, mais ma raison savait, faisant rouler mes larmes sur mes joues.
Plus d'une semaine plus tard.
Vrr vrr.
L'éclairage de mon téléphone m'éblouit, me faisant grogner. Cela faisait plusieurs nuits que je ne dormais pas, ou peu. Comment osait-il interrompre l'un de ces moments qui se faisaient rare ? Alors que je m'apprêtais à le verrouiller pour stopper l'éclairage, mon œil fût attiré par la notification qui a causé la dite lumière.
Je peux venir chez toi ? J'aimerais qu'on parle.
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