trois

 Le soleil dore les pétales jaune orangé. Je pourrais passer des heures sur ce minuscule balcon, à contempler les plantes qui verdoient dans l'aube. Perchée depuis des heures sur ma chaise en fer forgé rouillée aux jonctions, j'aime ce cocon de couleurs qui m'entoure, ces fleurs qui me protègent de la morosité du ciel.

Je caresse du bout des doigts la tige d'un de mes tournesols, passés de l'autre côté de la vitre, dans ma chambre, pour l'hiver. Je crois que la maison est calme, derrière la protection de mes écouteurs. Je crois que je suis seule dans ce petit pavillon. J'ai le terrain et la journée pour moi. Je ne sais pas encore si je vais en profiter ou la passer à trop réfléchir sur cette balancelle.

Je devrais peut-être essayer la première option. Je mets ma musique en pause pour savourer les ronronnements des voitures et les paroles dans le lointain. J'aime comme le vent qui soupire entre les volets se mêle à ma respiration.

Je laisse le soleil me réveiller doucement, paupières closes. Je sens déjà la chaleur des beaux jours qui couvre ma peau d'une couverture de bien-être. J'aimerais que ce moment dure, mais déjà je meurs d'impatience, d'envie de me lever. J'inspire une dernière fois le doux parfum qui règne là avant de me lever.

Je ferme la porte fenêtre du balcon dans un long sifflement.

Je prends mon téléphone pour redémarrer la musique et descends dans la cuisine. Je monte sur la table pour attraper le pot d'amandes grillées, en pioche quelques-unes avant de rentrer dans ma chambre. Mon antre tapissé de photos, posters, souvenirs, feuilles blanches et dessins. J'ouvre mon placard et enfile un vieux t-shirt pulp fiction qui appartenait à mon père et un jean.

Enfin prête pour faire quelque chose. L'avenir me dira quoi.

Une amie me dira quoi.

J'envoie un message. Elle me répond tout de suite :

« Désolée, pas trop le temps aujourd'hui. Plus tard ? »

Bon.

J'imagine que je vais me contenter d'errer vaguement alors. Je croque une amande et mets le reste dans ma poche. J'arrose mes tournesols et mes œillets d'Inde avant de partir, une des seules parties de ma routine que j'adore.

Je m'étonne une fois de plus de la clarté de ce jour. Un troupeau de nuages paît dans le bleu grisé. Je pourrais presque enlever ma veste si je n'avais pas autant de trucs dans mes poches. J'aime redécouvrir ma vie, de temps en temps plonger ma main entre les pans de tissus et ressortir un bout de papier, une place de ciné ou des petites annonces, des prospectus que je n'ai pas osé refuser, que j'ai pris parce que je ne voulais pas faire de peine à celui qui me l'a tendu.

Je sors de ce désordre ma paire de lunettes de soleil jaune trop rayées et les pose sur mon nez. Une vision beaucoup plus positive de cette rue, soudain.

J'entre dans la boulangerie au coin de la rue, celle juste à côté de mon arrêt de bus. Je parle avec la boulangère en parcourant les petites annonces sur l'arrière de la caisse. J'en arrache une et la dépose au fond de ma poche, pour plus tard. J'attrape mon pain au chocolat avant de tendre mes pièces et de sortir.

Je reste ainsi quelques minutes, à me balader dans cette rue, à observer les passants et le ciel. Je crois même qu'une heure passe avant que je n'arrive dans le centre-ville, en me perdant de nombreuses fois dans les rues pourtant droites. J'ai la secrète intuition que mon sens de l'orientation n'est pas le meilleur qu'on ait vu, même si j'aime affirmer le contraire.

Une goutte s'écrase sur mon nez. Une seconde sur ma main. La pluie s'abat sur la ville.

CHANSON DU CHAPITRE

(dans les écouteurs de Roxane)

Ophelia - The Lumineers

https://youtu.be/pTOC_q0NLTk

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