4. Absyrtos, frère de Médée et prince de Colchide

Comprenez bien qu'avant l'arrivée de Jason, Médée était encore pour moi la sœur un peu bizarre et pas très sympa avec qui on arrive quand même à passer de bons moments. Oui c'est vrai, elle testait parfois des potions sur moi sans connaître à l'avance les résultats. Mais elle avait aussi réussi à me faire pousser des plumes ! Même si elle faisait peur à la plupart des habitants de l'île, elle savait faire des trucs sympa, aussi. Bon, elle avait aussi fait disparaître un gamin, une fois. Personne n'a jamais su où il était passé, mais il avait traité Médée de "sale sorcière" et lui avait affirmé qu'elle finirait au Tartare, partie de l'Enfer où souffrent éternellement les criminels. À partir de là, les gens commencèrent à avoir vraiment peur d'elle, et mon père l'envoya se former auprès de notre Tante Circé.

Mais bon, Médée l'enchanteresse par-ci, l'empoisonneuse Médée par-là... Elle terrorisait tellement les gens que pour tous je n'étais que le frère de la sorcière. Mais non ! J'avais aussi une identité propre ! Chose que visiblement, ma sœur n'avait pas compris et a cru qu'elle pouvait disposer de ma vie comme bon lui semblait...

Enfin, pardonnez-moi, je m'égare. Où en étions-nous... Ah oui, mon père venait de m'ordonner de suivre l'étranger. J'étais donc appuyé nonchalamment derrière une colonne et je tendais l'oreille pour comprendre ce qui se disait. Seule Médée parlait, d'une voix que je ne lui connaissais pas :

- ...t'en emparer sans y laisser la vie. Les épreuves de mon père t'emmèneront tout droit au royaume d'Hadès, et ce serait de la folie de tenter de la récupérer par un autre moyen.

Il y eut un silence. Je pris le risque de jeter un coup d'oeil à la scène.

Ils étaient face à face, et se regardaient fixement. Jason, de marbre, ne laissait rien paraître à part une légère curiosité. Médée, au contraire, avait le regard fiévreux. Elle semblait brûler d'amour, ce qui me déstabilisa grandement : je n'avais jamais vu ma sœur dans un tel état, et j'imaginais mal sa carapace de glace s'effondrer sous le charme d'un héros de pacotille. Ce devait être une ruse. Voilà, une ruse. Il ne pouvait en être autrement.

- Jason, laisse moi t'aider à voler la Toison.

Elle lâcha ça, comme ça. Je pensai aussitôt que ça faisait partie de sa ruse, parce qu'aider à voler la Toison était un acte de très haute trahison envers notre royaume, et elle risquait d'être exécutée ! Mais sa ruse me laissait perplexe : comment comptait-elle s'y prendre ? Et surtout, qu'espérait-elle obtenir de cet étranger en jouant à se faire passer pour une mièvre jeune fille ?

Elle l'emmena dans les jardins, et lui dit de l'attendre là. J'hésitais à aborder l'étranger, pour tâter le terrain. Mais je pensai qu'il valait mieux que je reste caché.

Au bout de longues minutes, Médée revint, avec l'air de celle qui a peur d'être prise la main dans le sac, mais aussi qui se demande un peu comment elle en est arrivée là. Et c'est avec ce regard à la fois perdu et téméraire qu'elle lui dit :

- Voilà pour toi Jason. Cette fiole contient une potion que j'ai préparé moi-même. Avant d'affronter les taureaux, bois le contenu de la fiole, et tu seras protégé des flammes. Cette pierre n'est qu'une simple pierre. Mais elle va t'être aussi utile que la potion. Lorsque les guerriers sortiront de terre, lance la pierre sur l'un, et il s'attaquera aux autres guerriers. Ils sont forts mais terriblement stupides.
- Pourquoi m'aides-tu ? Qu'est ce qui me dit que je peux avoir confiance en toi et en tes objets ?
- Je suis Médée, fille du roi Aètès. Je suis magicienne et ton seul espoir de victoire. Tu ne peux que me faire confiance aveuglément car t'emparer de la Toison d'or sans mon aide, c'est impossible.
- Pourquoi m'aides-tu ?
- Je t'aides à la condition que tu fasses le serment de m'emmener loin d'ici et de m'épouser.
- Je... après tout je n'ai rien à perdre. Si je ne tente rien et que je repars sans la Toison, je m'en voudrais toute ma vie. Alors, oui, je vais accepter ton offre, belle Médée. Par les dieux, je jure de t'emmener loin de Colchide et de me marier avec toi. Je promets de t'être fidèle, jusqu'à ce que la mort nous sépare !

Un air étrange passa sur le visage de Médée. Pendant le serment de Jason, ses yeux brillaient d'un amour... incroyablement fort et sincère. Ç'en était troublant. Mais, non. Elle ne pouvait pas être tombée amoureuse de ce Jason. Il ne lui avait promis tout ça que par pur intérêt. Et elle n'était probablement pas dupe. À quel moment allait-elle retourner sa veste ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top