1. Jason
Croyez-moi, je n'ai jamais voulu tout ça. Cette vie d'aventure qui me faisait tant rêver, je donnerai tout pour l'échanger contre une vie de routine facile et prévisible. Mais, hélas, nul ne va contre la volonté des dieux.
Je m'appelle Jason. Mon père Eson était roi de la cité d'Iolcos en Thessalie, une région de Grèce. Mais son frère Pélias, qui lui jalousait le pouvoir depuis toujours, l'avait chassé et fait poursuivre jusqu'à ce que mon père comprenne que s'il tenait à sa vie et à celle de sa femme, il avait intérêt à se faire oublier dans un pays lointain. Mon oncle s'était alors emparé du trône. À ma naissance, ma mère m'avait déclaré mort-né et abandonné sur une colline, pour que je vive, car Pélias éliminait tous les héritiers au trône.
Chiron, le sage centaure, me recueillit et m'éleva. Il m'apprit la musique, la médecine mais aussi l'art de la guerre et du combat.
Et, une fois adulte, j'étais prêt à enfin réclamer le trône qui me revenait de droit. D'un pas décidé, je me mis en route vers Iolcos.
Sur mon chemin, je rencontrai une vieille dame. Elle attendait à côté d'une rivière que ses jambes affaiblies ne lui permettaient pas de franchir. Je la pris alors sur mon dos pour lui faire traverser la rivière. Malheureusement, une de mes sandales s'enfonca dans la vase, et je fus obligé de l'y abandonner.
Lorsque je l'eus reposée sur l'autre rive, la vieille dame posa sur moi un regard comme je n'en avait encore jamais croisé, un regard bienveillant et maternel :
"Merci, Jason, de m'avoir aidé à traverser. Par ce geste de bonté, tu viens de gagner une précieuse alliée. Je suis navrée que tu aies perdu cette sandale. Tu auras bien des soucis, par sa faute. Mais les Parques en ont décidé ainsi, alors soit. Au revoir Jason, et soit sûr que tu me reverras."
Alors le vent se mit à souffler plus fort, le soleil redoubla d'éclat, le cours de la rivière s'accéléra. Et la vieille dame disparu, laissant derrière elle une plume de paon. Je compris rapidement que cette plume si parfaite ne pouvait venir que d'un paon de la déesse du mariage et de la fécondité, épouse de Zeus : Héra.
Je continuai ma route vers Iolcos, l'esprit occupé par cette rencontre peu banale. Les dieux se montrent rarement aux hommes et la visite d'Héra ne m'avait pas parut de très bon augure. Ses paroles intrigantes me préoccupaient. D'autant qu'elle avait évoqué les Parques : si les divinités du Destin avaient décidé que la perte d'une sandale me causerait des ennuis, il valait mieux me méfier. Néanmoins, je ne comprenais pas comment une sandale perdue pourrait m'attirer des ennuis, et encore moins quels pourraient être ces ennuis.
Lorsque j'arrivai enfin à Iolcos, je me dirigeai vers le palais afin de réclamer un entretien avec Pélias. J'étais plus déterminé que jamais à récupérer le royaume qui me revenait. Des gardes me conduisirent jusqu'au centre du palais, face à un homme très richement vêtu. On m'avait rapporté que Pélias était le roi le plus sournois et impitoyable que Iolcos ait jamais connu. Tout, chez lui, respirait l'arrogance et le mépris. Mais malgré l'immense dégout que m'inspirait mon oncle, je courbai l'échine et posai un genou à terre devant lui.
Je sentais les regards de l'assistance peser sur mon pied toujours nu. Les murmure fébriles serpentaient sur les dalles froides. La tête vers le sol, je ne pouvais voir le regard de Pélias devenir soudainement effrayé. Car je l'ignorai, mais on lui avait prédit que l'homme qui le détrônerait se présenterait à lui chaussé d'une unique sandale.
- Étranger ! Qui es-tu, et que me veux-tu ?
- Je ne suis pas un étranger, Pélias. Je suis Jason, le fils de ton frère lâchement exilé pour assouvir ton désir de pouvoir !
- Le fils de mon frère... Tu n'es donc pas mort-né comme ta mère me l'a fait croire... Soit. Quel bon vent t'amène à Iolcos ?
- Je viens réclamer ma place sur le trône. Je suis l'héritier légitime de ce royaume et désormais assez âgé pour gouverner.
Une lueur mauvaise brilla dans ses yeux.
- Assez âgé, peut-être. Mais es-tu suffisamment courageux, brave et valeureux ? Je te mets à l'épreuve. Ramène moi la Toison d'or. Prouve moi que tu es digne de gouverner ce royaume. Et je te céderai ma place.
Alors je repartis, bien décidé à récupérer cette Toison au plus vite. Cependant, je ne pouvais pas y aller seul, car cette peau de bête légendaire était détenue par le roi de Colchide Aétès, bien loin de la Grèce.
Je réunis les meilleurs demi-dieux que la Terre portait en ce temps-là, parmi lesquels les célèbres Castor, guerrier habile, et son jumeau Pollux, lutteur vigoureux, tous deux nés dans un oeuf et fils de Zeus ; Orphée, poète et musicien, fils de la muse de l'éloquence et de la poésie épique, bien connu pour sa triste histoire d'amour avec Eurydice ; et Héraclès, également fils de Zeus qui fut rendu fou par ma protectrice Héra. En tout, cinquante valeureux héros avaient répondu présents à mon appel, cinquante guerriers qui ne furent pas de trop pour construire l'Argo, notre navire, et affronter les redoutables obstacles. Heureusement que nous avions la bienveillance d'Héra et la sagesse d'Athéna avec nous !
Le voyage ne fut pas facile, loin de là. Nous dûmes affronter milles dangers pendant ce long périple. Mais, plein d'une idiote confiance, je m'imaginais que le voyage serait la seule épreuve que les dieux placeraient sur mon chemin. Si j'avais su !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top