Chapitre 3 : Réveil




Je me réveille dans une chambre blanche, branché à une machine qui fait des bip à répétition. Ma vue est... bizarre. Mais je n'ai pas le temps de me poser de questions, la porte s'ouvre brusquement et une femme entre. Elle, le dernier visage que j'ai vu parmi les flammes. Elle se penche sur moi, sa main froide prend appui sur mon épaule.

- Bonjour Eden. Comment vas-tu ?

- Ed... Eden ? J'articule en portant mes mains à ma tête, car ma voix résonne dans mon crâne.

- Oui, c'est comme ça qu'on t'a appelé. Ça signifie "Electronic Digital Exploration Neohuman". Reste calme. Tu as subi un gros traumatisme il y a six mois. En fait, pour être plus précise, tu as survécu à la fin du monde. Tu te rappelles, les séismes, les incendies ? Pour finir il y a eu les explosions et les nuages radioactifs. Je t'ai trouvé, et on t'a ramené ici. Tu étais entre la vie et la mort. On a dû procéder à quelques... modifications dans ton organisme. On t'a adapté pour que tu vives.

Je ne comprends pas bien ses paroles. Je les entends distinctement, mais j'ai du mal à faire le lien entre les mots. J'ai une grosse gueule de bois.

- Il faut que tu te reposes encore. Tu as été plongé dans un coma artificiel pendant 6 mois, parce que tes blessures devaient cicatriser. Et parce que nous devions t'opérer. Tu as beaucoup de chance d'être tombé sur moi. Tu aurais dû mourir. Mais je travaillais ici, au niveau -2 de l'hôpital. Et mes recherches étaient bien avancées. J'ai bon espoir que tu pourras mener une vie normale. Mais tu dois être patient et indulgent. Tu es mon premier sujet humain.

Ses beaux discours me filent la migraine. J'ai juste envie de dormir. mais ma vue est toujours aussi bizarre. Ça m'inquiète.

- Mes... yeux... bizarres.

- Oui, il te faudra un temps d'adaptation. Ton œil droit a été percuté par une structure métallique. Pour te le dire en toute franchise, c'était de la bouillie. J'ai fait ce que j'ai pu, mais le mieux était quand même de te le retirer. Il te restait un peu de nerf optique en bon état. Je t'ai donc implanté une prothèse.

- Prothèse ? Attendez, je veux comprendre. Il m'arrive quoi là ?

Cette fois, je ne dors plus du tout. Et je comprends tout ce qu'elle me dit. Je suis en plein cauchemar.

- Eden, calme-toi. Tu es convalescent. Je te laisse faire une sieste et je t'expliquerai tout à ton réveil. On va te faire une injection, ça va t'aider à dormir. Je sais que tu ne maîtrises pas encore ton nouvel œil, mais ça va aller, tu apprendras très vite à faire la mise au point. Un chimpanzé y est parvenu l'année dernière. Tu y arriveras. Courage.

J'emporte dans mon sommeil la danse de ses lèvres et de sa voix chantante, je ne lutte pas bien longtemps car l'injection est plus forte que ma volonté.

* * *

Lorsque je me réveille, je vois la pièce en vert. Tout est vert et noir. La table de chevet à côté de moi. La porte. Elle s'ouvre, et le Dr Jones allume la lumière. Au bout de quelques secondes, les couleurs reviennent à la normal.

- Ah ! Bien ! Tu es passé de la vision nocturne à la vision diurne ! Bien joué ! Tu apprends plus vite que le chimpanzé.

- Dr Jones ? C'est bien ça ? Je me rappelle quand vous m'avez trouvé. J'ai l'impression que c'était dans une autre vie.

- Oui, ça l'était réellement je crois. Le monde n'existe plus. Tout est brûlé dehors. Depuis six mois, nous envoyons des drones pour parcourir tous les continents, et nous ne trouvons aucune forme de vie. Nous sommes seuls, et l'extérieur est très hostile. Il nous faut un masque filtrant pour respirer. Enfin, on peut s'en passer, mais c'est épuisant car l'air est rempli de particules et pauvre en oxygène. Entre ces murs on est à l'aise, on a installé des filtres dans les conduites d'aération. Le manque d'oxygène nous empêche de trop nous agiter, mais au moins on est débarrassés des particules. Eh puis, tout ça évolue, la qualité de l'air a déjà commencé à s'améliorer depuis les explosions nucléaires. Il faut juste de la patience.

- On est combien de survivants ?

- Très exactement quatre-vingt-douze. Tu es le quatre-vingt-treizième.

- Même pas cent personnes !

- Exactement... Tu mesures la chance que tu as... La plupart de ces survivants étaient ici, au -2. Ou dans des lieux protégés du même type. Tu es le seul survivant qu'on a retrouvé en extérieur. Cligne des yeux.

Je m'exécute sans bien comprendre cet ordre soudain.

- Eden, ta paupière droite est un peu gonflée. Elle s'adapte mal à ton nouvel œil. Elle frotte trop dessus. Ne t'inquiète pas, il te faudra seulement quelques jours pour que ces petits désagréments se résorbent.

- Je veux comprendre, qu'est-ce que vous m'avez fait ?

- Je t'ai donné la chance de vivre. Tu étais très amoché. Tu es même mort pendant quelques minutes. Tu avais besoin qu'on modifie ton corps pour survivre. Je me suis adaptée à tes blessures. Je t'ai transformé. Ton œil droit, c'est une pièce robotique. Reliée directement à ton cerveau. Il va falloir quelques exercices pour que tu t'en serve de manière inconsciente. Les premiers temps, il faut que tu fasses l'effort de faire la mise au point, de régler la luminosité. Mais bientôt tu n'y réfléchiras même plus, ce sera instinctif, comme quand on bouge ses doigts pour taper sur un clavier : on n'envoie pas un ordre spécifique à chaque doigt de manière consciente. Ça devient un automatisme.

- Je veux me voir ! Je veux un miroir !

- D'accord. Mais fais-moi confiance, j'ai bien travaillé, ça reste discret. Tu n'as pas changé de tête, ce n'est pas choquant.

J'essaie de toucher mon visage avec ma main droite, mais je ne mesure pas ma force : au lieu de caresser ma joue, je m'envoie une grande claque à travers le visage.

- Eden ! Doucement ! Il n'y a pas que ton œil. Calme-toi, il faut que tu apprennes à maîtriser ton nouveau corps. Ton bras a également été adapté : ton biceps était déchiré, et l'os, l'humérus, écrabouillé. Je les ai remplacés par une structure de métal avec des pistons hydrauliques. Quand tu sauras t'en servir, tu découvriras que je ne t'ai pas seulement sauvé. Je t'ai amélioré. C'est le début d'une ère nouvelle pour l'humanité. Tu es une version Beta. Le premier...

- Le premier rien du tout ! C'est un cauchemar, je vais me réveiller, Solène sera couchée à côté de moi et tout sera normal.

Son visage change, elle grimace et rougis légèrement.

- Eden... Solène est probablement morte. Je vais vérifier dans la liste, mais je suis certaine que son nom ne figure pas dans mon registre. Solène comment ?

- Solène Hervik, ma copine. Je veux un miroir, bordel ! Je veux me voir !

- Tu l'aimais ? Je veux dire, vraiment ? J'ai besoin de savoir l'impact que sa mort aura sur toi. Il faut que tu sois combatif pour surmonter les épreuves qui t'attendent. Alors je dois te mettre sous anti-dépresseurs au moindre signe inquiétant.

- Je l'aimais bien, ouais. Elle va me manquer. Mais ça ira. J'ai vécu 20 ans sans elle, alors je ne vais pas m'effondrer.

- Hum, je vois, c'était pour le sexe ?

- Quoi ? Non ! Enfin, je sais pas. Je ne me rappelle pas bien, je n'ai pas les idées très claires. J'ai du mal à me rappeler de son visage en fait.

C'est la vérité. Je me souviens de son prénom, et de ses seins. Ses cheveux aussi, à bien y réfléchir. Mais surtout ses seins. Le reste m'échappe complètement. De toute façon, je n'ai pas envie de lui donner les détails. Mon passé ne regarde que moi. Aussi partiels soient mes souvenirs...

- C'est normal, sois tranquille, ça te reviendra petit à petit. Le sommeil est important dans ta convalescence.

Elle se lève et attrape une seringue qu'elle injecte dans ma perfusion.

- Eden, on fait un marché. Tu dors encore quelques heures, et à ton réveil je te donne un miroir.

- Non ! Pas d'injection ! Je veux me voir maintenant ! Maintenant !

- Calme-toi... Avec un peu de repos, tout ira mieux. Tu seras apte à raisonner. Je ne veux rien précipiter. Dors bien.

- Non ! Je veux me voir ! je veux... maintenant...

Brouillard. Salope.

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