Chapitre 17 : Finny
- Ne fais pas attention à lui ! Il est toujours de mauvaise humeur le midi. C'est parce qu'il a faim !
Une petite voix nasillarde, tout ce qu'il y a de plus horripilant. Mais je lui adresse quand même un sourire forcé, et me masse la nuque en soupirant :
- C'est pas comme ça que j'envisageais mon premier échange avec les autres survivants...
Elle pouffe de rire et me reprend :
- On dit Résidents. Pas survivants. C'est trop flippant comme mot. Tu débarques vraiment toi.
- Oui, pardon. En fait, je me suis réveillé il y a quelques jours, et j'avais dormi pendant plusieurs mois alors...
- Je sais, t'inquiète ! Viens, on va faire les présentations avec les autres, assure-t-elle de sa voix décidément trop aiguë.
Elle m'attrape la main et me devance à l'intérieur. Tous se sont installés sur leur lit, et ils se reposent ou discutent à voix basse.
- Eh oh ! Bloc 3 ! Regardez, c'est le nouveau ! Annonce-t-elle avec beaucoup trop d'entrain à mon goût.
Tous les regards se figent sur moi. Je n'ai pas souvenir d'avoir déjà été aussi mal à l'aise. Je me sens comme un alien fraîchement posé sur une planète hostile. Mais je souris. Comme un demeuré, je souris.
- Moi c'est Finny ! Et toi, dis-nous ton nom !
- Pas la peine, coupe la brute tatouée, on connaît déjà son nom, bande d'abrutis. C'est Eden, articule-t-il en prononçant mon nom d'une voix efféminée.
Dans d'autres circonstances, je suis certain que je lui aurais sauté à la gorge et infligé une bonne correction. Même si je n'ai pas énormément de souvenirs de ma vie d'avant, je sens que je suis un sanguin, ça aurait été plus fort que moi. Mais dans le cas présent, je dois faire profil bas si je tiens vraiment à me faire des amis : c'est pas comme si je pouvais les ignorer et sympathiser avec quelqu'un d'autre... Le sort a décidé que c'était ceux-là qui devaient survivre. Je vais devoir faire avec. je tente d'apaiser mon rythme cardiaque qui a fait une embardée, je me racle la gorge et confirme :
- Oui, Eden, c'est bien ça. Je suis content de parler enfin avec des gens !
- Oui... nous aussi, on est contents, répond une jeune femme brune à la voix suave.
- Il faut qu'on t'explique, reprend Finny de sa voix de crécelle, ici tu es dans le bloc 3. Et figure-toi que la moyenne d'âge c'est 21 ans. On est un peu le bloc des gamins quoi !
Elle part dans un rire qui me vrille les tympans. Il faut qu'elle se calme :
- Je vois... Et je parie, Finny, que ce n'est pas toi qui fait monter la moyenne. Tu dois avoir quoi, à peine 12 ans ?
Tous les résidents allongés sur leurs lits se redressent pour me regarder avec surprise, et des rires francs me parviennent de tous les côtés. J'ai visé juste : cette fille est la tête de turc, celle qu'il faut vanner pour se faire accepter. Ça explique pourquoi c'est elle qui s'est précipitée sur moi : elle cherche un ami, un allié. Je vais sûrement la décevoir, mais si je veux m'intégrer je vais devoir entrer dans le jeu du groupe.
- Bien envoyé, Eden, me félicite la brune à la voix grave. Finny fait plus jeune que son âge, mais c'est en effet la petite dernière des Résidents. Elle a 16 ans. Elle était stagiaire à quelques étages d'ici avant que tout parte en vrille.
- Ok... je peux connaître vos prénoms ? Vous avez l'air de savoir pas mal de choses sur moi alors faudrait rééquilibrer...
- Ouais, moi c'est Léna, me répond-t-elle. 20 ans, ancienne femme de ménage de l'hôpital, quinze heures par semaine, pour payer mes études de pharma. Désormais je bosse au -5, au laboratoire. Mais je suis en bas de l'échelle, une sorte d'assistante bonne à tout faire...
- Je vois. Tu as eu accès à mon dossier ? C'est pour ça que vous savez des choses sur moi ?
- Non, pas du tout, je ne travaille pas sur des projets aussi ambitieux que ceux du Dr Jones... Moi je soigne les bobos du quotidien, je fais parfois des prises de sang, je distribue de l'aspirine... des choses comme ça quoi.
- Ah les fillettes, c'est l'heure d'aller à la cafétéria. Vous papoterez plus tard, s'agace le mec qui m'a bousculé en arrivant.
Léna lève les yeux aux ciel et m'explique :
- Ce mec antipathique, c'est Vlack. Il est aigri et souvent désagréable. C'est le plus âgé d'entre nous. Il ne pense qu'à faire des pompes et à aboyer sur les gens. Mais bon, on l'aime bien quand même...
Mes six colocataires s'agitent et se frayent un chemin dans le couloir surpeuplé, tandis que je jette mon sac en toile sur mon lit à la dérobée. Les Résidents du service de midi regagnent leurs blocs pour se détendre avant de retourner travail, je suppose, tandis que ceux du service de 13h sortent. J'essaie de ne pas perdre Léna de vue, car je veux en apprendre plus sur les autres. L'ascenseur vomit une quinzaine de personnes, et nous montons dedans. Je suis nerveux de me retrouver confiné dans ce petit espace avec tous ces gens, moi qui vit seul depuis mon réveil. Je manque vraiment d'air.
Je tourne la tête vers Léna et hume son parfum discrètement. Malgré ses vêtements standards informes, je devienne sa jolie silhouette aux courbes féminines. Elle dégage un charme hispanique plutôt "caliente". J'ai bien remarqué les regards masculins qui se sont aimantés sur son passage, dans le couloir.
Finny s'est accrochée à mon bras comme une sangsue, et elle me dévore de son regard pétillant d'admiration. Je parie qu'elle n'a pas croisé souvent un type à moitié robot. On dirait que ça lui plait, c'est bien ma veine !
La voix standardisée nous annonce l'étage -3, et nous sortons en troupeau organisé. Chacun prend un plateau, et se fait servir une portion. Le menu est le même pour tout le monde : viande caoutchouteuse et pommes de terre. Comme presque tous les jours. Une part de gâteau gélatineux en dessert. Je m'installe à la même table que mes colocataires, qui ne réagissent absolument pas. En revanche, tout la population du réfectoire m'observe à la dérobée. Ils murmurent tous en me regardant. Je ne sais pas si c'est dû à mon œil robotique, qui semble les impressionner, ou au simple fait qu'un "nouveau" est forcément l'attraction de la journée.
Je fais comme si je ne remarquais pas cette attention qu'on me porte, et je me concentre sur mes compagnons de tablée. Il faut que j'en apprenne plus sur eux, que je découvre ce que Jones leur a dit me concernant, et quels sujets elle leur interdit d'aborder avec moi. Mais surtout, je dois savoir pourquoi.
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