Chapitre 13 : Visite


Nous traversons un sas grâce au badge de Jones, et nous arrivons dans une salle immense, abritant différentes citernes. Et une bonne vingtaine de personnes. Je suis si ému de voir des êtres humains s'agiter dans le bruits ronronnant des machines, que j'ai pratiquement les larmes qui me montent aux yeux. Nous surplombons cette petite usine depuis une passerelle métallique. A mes pieds, toute cette fourmilière s'active. Après avoir vécu dans l'espace relativement restreint de ma chambre blanche, j'éprouve une sensation de vertige. Les stimulus visuels et sonores affolent mes sens encore convalescents. J'attrape la rambarde métallique pour que la pièce arrête de tourner.

- Eden ! Tu vas bien ? Demande Jones en m'agrippant le bras. C'est encore trop tôt, retournons à ta chambre.

- Non ! non, ça va. Je veux voir.

Je suis impressionné par cette grande salle et par-dessus tout, je meurs d'envie de rencontrer ces gens. Je ne les connais pas encore, mais je me sens proche d'eux par le simple fait qu'on ait survécu ensemble. Je voudrais voir leurs visages, mais ils sont trop loin. Une femme approche, en contre-bas, face à nous. Dans un effort de concentration extrême, je plisse les yeux et tente de percevoir les traits de son visage. Je voudrais savoir si elle est jeune, vieille... Je voudrais tout connaître d'elle. Et son nez m'apparaît subitement en gros, comme si elle avait été à cinq centimètres de moi. Cet agrandissement intempestif me fait l'effet d'une claque, je bascule en arrière et tombe à la renverse. Jones se précipite à mes côtés pour me harceler de questions.

- Eden ? Tu as fait un malaise ? Qu'est-ce qui se passe ? Parle-moi !

Elle sort son stéthoscope de sa poche et écoute mon cœur. Ma vue revient à la normale, tandis que je la repousse gentiment :

- Ça va ! Ça va ! Je crois que j'ai zoomé ! Mon œil a fait la mise au point !

- Ah, ce n'est que ça ? Tu m'as fait peur !

- C'était pas rien non plus, ça fait un drôle d'effet. J'ai perdu tous mes repères d'un coup.

- Ok, on retourne à ta chambre.

- Hors de question ! Je vais m'y habituer. Expliquez-moi plutôt comment fonctionne ce service.

Elle se lance alors dans un long monologue, m'expliquant que ces gens étaient pour la plupart du petit personnel médical, ils ont été affectés au service de traitement des eaux. Sur Terre, l'eau est très polluée. Elle arrive ici par de gros tuyaux et elle passe dans différentes citernes puis bassins. A la sortie de ces traitements chimiques, elle est potable. Les différentes étapes ne me passionnent pas outre-mesure, je l'écoute d'une oreille distraite.

Je m'extasie intérieurement en testant mon nouvel œil. J'agrandis et réduis l'image comme un gosse à qui l'on offre son premier appareil photo. Rien ne m'échappe : je distingue même le titre sur un document que les agents se passent de main en main. "Norme de potabilité échelon 4".

- Bien, pour être honnête, je ne pense pas que tu passeras beaucoup de temps dans ce service. Allons voir l'étage du dessus, le -5. C'est le laboratoire. C'est là que tu as été créé.

Nous rebroussons chemin et laissons derrière nous le bruit des machines. L'ascenseur nous conduit un étage plus haut. Les portes s'ouvrent sur un enchevêtrement de petites pièces séparées par des cloisons de verre. En zoomant, j'aperçois mon chimpanzé cyborg, Jim. 

Jones avance et déverrouille plusieurs sas. Nous pénétrons finalement dans une salle où il fait particulièrement froid, et elle m'invite à regarder la pièce adjacente à travers un hublot.

- Là, voici le bloc opératoire. C'est ici que tu as subi tes nombreuses interventions chirurgicales. 

J'ai beau essayer, je ne me rappelle de rien. Aucun souvenir ne me revient.

- Tu as vécu ici plusieurs mois, dans cette pièce où nous sommes. Tu étais branché de partout et au plus près du bloc, en cas de problème. Ton cœur s'est arrêté plusieurs fois. J'ai passé des heures à tes côtés en espérant que tu survivrais. Tu es un sacré miracle tu sais !

- J'imagine... Vous n'étiez pas seule sur ce projet tout de même ?

- Non, je ne maîtrisais pas tous les domaines nécessaires à moi toute seule. Je vais te présenter l'équipe.

Elle m'attrape par le bras et m'entraîne d'un bureau à l'autre. Nous croisons plusieurs blouses blanches qui me saluent avec émotion. Deux sont notamment intervenues sur mon cas : Dr Vanck et Dr Stend. 

Un peu plus loin, j'aperçois un médecin qui semble affairé. Il a accroché plusieurs radios sur un écran blanc et observe les os avec attention. Jones l'interrompt dans son travail d'une voix joviale :

- Bonjour Charles. C'est le grand jour, Eden découvre le labo.

L'homme au cheveux poivre et sel se tourne vers nous. Il semble avoir un peu moins de cinquante ans. De grandes lunettes carrées lui donnent un air intello et froid, mais son sourire franc suffit à me le rendre sympathique.

- Bonjour Eden, content de te voir sur pieds, lance-t-il en me serrant la main vigoureusement.

- Merci, c'est un plaisir de vous rencontrer, docteur... 

Je laisse ma phrase en suspension, ne sachant pas comment je dois le nommer. Jones poursuit tranquillement :

- Charles est chirurgien dans cet hôpital depuis trente ans, et c'est lui qui a créé cette unité de recherches. Tu lui dois beaucoup, il a pratiqué lui-même la majeure partie des interventions à partir de mes travaux. Tu peux l'appeler Charles, c'est plus simple car nous portons le même nom.

- Docteur Jones ?!

- Eh oui Eden, poursuit-elle, je te présente le deuxième docteur Jones. Mon mari. 

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