Chapitre 12 : Sortie
L'eau brûlante dégouline dans ma nuque, et mes muscles se relâchent complètement. Je souffle pour évacuer toute tension. Je n'ai jamais été du genre à cogiter tout seul sous la douche, mais cette fois les idées se bousculent franchement dans ma tête. J'ai hâte de découvrir cette base dans laquelle l'espèce humaine tente de survivre. Mais maintenant que je comprends de quoi mon nouveau corps est capable, j'ai vraiment peur. Peur de blesser quelqu'un, ou de m'arracher la tête en essayant de me raser le matin. Et pourtant, jusqu'à présent, je ne me suis pas blessé dans mes gestes du quotidien. Quand même, Jones aurait pu m'expliquer tout ça plus tôt... J'aurais pu me faire du mal involontairement, ou même la blesser. Je devrais me réjouir de ce cadeau, et me sentir supérieur aux autres, un peu comme un super-héros. Au lieu de ça, j'ai la trouille. Pathétique.
J'entends qu'on ouvre la porte de ma chambre. Je parie que c'est déjà elle. Parfait, j'ai besoin qu'on me change les idées. Je vais m'amuser un peu et la laisser me rejoindre dans la salle de bain.
- Eden ? Tu es prêt ?
- Pas tout à fait. Je ne maîtrise pas encore très bien mon corps, alors je crois que j'aurais bien besoin d'un coup de main, sous la douche.
- Très drôle, dit-elle en entrant dans la salle de bain. Je pense que tu peux réussir à te savonner tout seul.
- Si vous le dîtes... Après tout, vous maîtrisez ce corps mieux que moi...
Elle me tend une serviette, que je n'attrape pas. Elle insiste, me la présentant sous le nez. Au lieu de saisir la serviette, j'attrape son bras et la précipite sous la douche avec moi.
- Eden ! hurle-t-elle d'une voix aiguë. Tu as perdu la tête ? A quoi tu joues ? Nous avons du travail et...
J'ai planté mes yeux dans les siens et ne la lâche pas du regard. Elle rougit très légèrement, ne sachant pas où poser ses yeux pour se défaire de mon regard sans pour autant souligner ma nudité. Amusé, je demande :
- Ça va, l'eau n'est pas trop chaude ?
- Idiot, tu es content de toi ? questionne-t-elle en riant.
- En principe, on se déshabille avant d'entrer dans une douche.
J'attrape le bas de son pull à col roulé blanc, et poursuis :
- Mais peut-être voulez-vous un peu d'aide ?
Ses yeux fixent alors mes lèvres, c'est le feu vert que j'attendais. Je l'embrasse brusquement, la repoussant contre le mur de carrelage froid. Alors que je m'écarte d'elle, ses mains accompagnent les miennes pour retirer son pull.
- Nous sommes... commence-t-elle en respirant de façon saccadée, attendus pour la visite.
- Ah... Je vais faire vite alors.
Alors qu'elle m'embrasse à pleine bouche, mes angoisses refont surface : c'est bien beau de jouer les jolis cœurs, mais y a t-il un risque que je la blesse ? Visiblement, elle n'est pas inquiète. Et après tout, elle connaît bien sa machine. Si elle n'a pas peur de mes gestes, c'est qu'il n'y a pas de quoi s'en faire.
Son pantalon blanc tombe au sol, sans que je n'y sois pour rien. J'attrape ses fesses et la hisse à ma hauteur, tandis que ses jambes encerclent ma taille. Je suis surpris de la facilité avec laquelle je la soulève, faisant porter tout son poids sur mon bras droit. Mais je n'ai pas le temps de m'étonner de mes capacités hors-normes : nos corps s'ajustent dans un assemblage parfait, que mes mouvements rendent discordant. Le carrelage froid dans son dos ne semble pas l'indisposer. Chaque à-coup lui arrache un gémissement qu'elle contient de moins en moins facilement, et comme promis, je ne tarde pas à me répandre.
Je pose mon front contre le sien tandis que l'eau continue de ruisseler dans mon dos. Je la repose finalement au sol puis recule suffisamment pour que l'eau passe sur mon torse. Elle baisse les yeux, un peu mal à l'aise.
- Je retourne à mes appartements. Je me change et je reviens te chercher, murmure-t-elle en enfilant à la hâte ses vêtements trempés.
Je ferme les yeux pour profiter de cet instant de plénitude sous l'eau chaude. J'entends la porte se refermer derrière elle. Je me lave et me sèche, avant d'enfiler à mon tour ces horribles vêtements blancs.
Elle arrive alors que je boutonne ma veste. J'ai vraiment hâte de sortir de ma chambre et de visiter cet étrange refuge de l'humanité. D'autant plus que je me pose énormément de questions sur l'organisation de ce groupe. Elle me sourit et m'encourage :
- En avant, il est temps que tu comprennes ce que nous vivons depuis plusieurs mois. Nous allons commencer par l'avant-dernier niveau, le service de traitement des eaux.
Nous progressons dans le couloir à un rythme désespérément lent. Je meurs d'envie de courir. J'ai l'impression d'être une boule d'énergie. Jones déverrouille toute une série de portes coulissantes grâce à son badge. Je trouve ça louche que l'on ne puisse pas circuler comme on le souhaite. Elle semble percevoir ma méfiance :
- Ne t'inquiète pas, je te donnerai un badge à ton nom qui te permettra de circuler partout.
- Et pourquoi j'aurais ce droit, et pas les autres survivants ?
- Parce que tu n'es pas un survivant ordinaire.
- Il y a donc une hiérarchie dans cette base ?
- Je n'appellerais pas ça comme ça. Disons plutôt que chacun à ses attributs et ses spécificités.
Devant nous, les portes d'un ascenseur s'ouvrent sans bruit. Je monte derrière Jones. Elle semble un peu nerveuse, mais tente de le dissimuler derrière un sourire de façade. L'illusion ne fonctionne pas sur moi, car j'entends très nettement les battements rapides de son cœur. Je ne saurais pas dire comment je fais, mais je les ressens. C'est très perturbant.
Elle appuie sur le niveau -6. L'avant-dernier, d'après ce qu'elle m'a dit. Je me demande pourquoi nous ne commençons pas par le dernier. Ou par le premier. Un peu gêné par le silence qui s'est installé, je me racle la gorge.
- Eden, as-tu expérimenté tes nouvelles capacités ? As-tu découvert certains de tes nouveaux talents ?
- J'entends votre cœur. Enfin, je perçois les vibrations dans votre cage thoracique je crois.
- Bien, c'est normal. Tu as une audition plus sensible que la moyenne, parce que j'ai modifié ton oreille gauche, au niveau de l'organe de Corti. Mais là aussi, tu apprendras vite à moduler le son qui te parvient et à te concentrer sur certaines vibrations en délaissant les bruits trop parasites.
Les portes s'ouvrent, et une voix féminine standardisée annonce "niveau -6 : station d'épuration".
- Allons-y Eden.
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