Chapitre 1 : Prologue


Ah... Mon réveil n'a pas sonné. 

Je donnerais tout ce que j'ai pour l'entendre sonner comme autrefois. Mais aujourd'hui, l'heure, franchement, je m'en balance. Je mets ma veste. Et je sors.

Ciel noir. Comme d'habitude. Air lourd. Comme d'habitude. Rue déserte. Comme d'habitude.

Je me mets à siffler pour meubler ma solitude. Les façades écorchées des rues parisiennes me renvoient ma musique en écho. C'est comme si nous étions plusieurs à siffler, finalement. Sauf qu'il n'y a que moi. Je pensais que je finirais par parler tout seul. Mais non, je n'ai pas prononcé un mot depuis un bon bout de temps. Je me demande si mes cordes vocales en seraient encore capables. Je me racle la gorge et m'apprête à faire un essai. Mais quoi dire ? hum...

- RADIOACTIF ! Je suis RADIOACTIF !

De nouveau, l'écho me répond. Puis un gros bruit sourd. Je ne sursaute même pas : je sais que je suis seul. Encore un truc qui s'est effondré, rien de plus. Il n'y a jamais eu rien de plus. Ma voix fonctionne. Elle est plus grave que dans mes souvenirs. Un homme, un vrai. Les filles vont toutes me tomber dans les bras. Je ricane. Je suis vachement drôle parfois. 

- EH ! LES FILLES !! PAS VRAI QUE JE SUIS DRÔLE ?

Echo de merde. 

A force de marcher, je suis devant un magasin. Franprix. Parfait. C'est l'heure du ravitaillement. Le rayon des conserves commence à faire la gueule. C'est au moins le troisième Franprix que je vide. Mais je sais que je serai mort de vieillesse avant d'avoir fait le tour de Paris. Je me sers. Cassoulet. Encore. Il y a un petit canard dessus. J'essaie de me rappeler les canards que j'ai vus en vrai. Ce n'est pas si évident, parce que je n'ai jamais trop fait attention à eux. Pour moi c'était juste des piafs. Je pensais qu'ils seraient toujours là. Et pas seulement en dessin sur les boîtes de cassoulets.

La luminosité baisse. C'est le matin, mais il fait presque nuit : je crois qu'il va pleuvoir. Je dois rentrer au galop. Je sors du Franprix, et je fais la mise au point avec mon œil droit pour repérer mon bunker. J'estime à environ 15 minutes le trajet jusqu'à mon chez moi. Un vieux char blindé, rouillé mais parfaitement hermétique si on ferme bien la trappe. Je marche rapidement. Si je me fais surprendre par les premières gouttes, je vais le sentir passer. Je contourne quelques voitures abandonnées. J'enjambe une racine qui a percé le bitume. Perdu dans mes pensées, je n'y avais pas fait attention à l'aller. 

Une goutte me tombe sur la main. Bordel ! Ce que ça fait mal ! Immédiatement ma peau rougit et se creuse de quelques millimètres. Je ferme la trappe derrière moi avec précipitation, en entrant dans le char. J'entends alors des trombes d'eau frapper la carcasse de mon loft parisien. Un temps de chien. Mais il y a bien longtemps qu'on n'a pas vu un chien dehors.

Mon œil droit me gène. Je l'ai remarqué en faisant la mise au point tout à l'heure : j'ai une poussière dedans. Mes perceptions sont troubles. 

Une goutte d'huile, et il sera comme neuf.

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