Me pardonneras-tu?
Allongé sous un arbre gigantesque, je contemplais les branches se mouvoir au gré du vent. Le soleil resplendissait dans le grand ciel bleu parsemé de nuages. Le petit parc était désert à ce moment de la journée : ma montre affichait à peine midi.
De toute façon, personne n'allait jusque dans ce coin reculé du parc. Et pourtant, c'était magnifique. Des dizaines de fleurs multicolores entouraient cet arbre immense dont les racines noueuses couraient sur la terre. Quelques pas plus loin, des cygnes majestueux suivis par les regards admiratifs des canards évoluaient gracieusement sur le lac. Autrement dit, un petit coin de paradis...
Le vent soufflait délicatement sur mon visage. Je fermai les yeux pour mieux ressentir cette douce sensation.
Je sentis alors une présence devant moi. J'ouvris mes yeux et lui fit un clin d'œil.
Cette personne m'adressa en retour un tendre sourire.
- Tu rêves Hunnie?
- Je profite du beau temps, répondis-je en me levant.
Je l'enveloppai dans une douce étreinte.
- Et toi Lu? repris-je. Tu n'es pas censé être au lit? Tu n'as pas beaucoup dormi hier soir...
- Je ne suis pas fatigué, et puis quand je me suis réveillé la seule chose que j'ai vu était un bout de papier avec un mot dessus... Pas de Sehun dans les parages alors je suis venu.
Il se décolla de mon étreinte et plongea son regard dans le mien.
Je regardai autour de nous afin de m'assurer qu'il n'y avait personne aux alentours. Seules les ombres des arbres nous épiaient, mais aucune présence humaine ne troublait le calme paisible de cet endroit.
Je pris alors délicatement possession des lèvres de mon petit-ami.
Quelques instants plus tard, je rompis le baiser. Mes yeux se posèrent sur son visage que je ne me lassais jamais de contempler.
- Tu veux rester ici ou rentrer?
- On reste encore un peu? Il n'y a personne, et puis autant profiter de notre petit coin de paradis !
J'acquiescai en souriant et m'assis sur l'herbe, adossé au tronc du saule pleureur. Luhan s'installa entre mes jambes et posa sa tête contre mon torse. J'aimais être ainsi avec lui, son corps tout près du mien, nos souffles résonnant à l'unisson. Aucune parole, juste la présence rassurante de l'être aimé. Tous les deux, nous laissions notre regard se perdre dans les ondulations à la surface du lac.
Ce lac représentait beaucoup pour nous. C'était notre jardin secret, un endroit que seuls nous connaissions et où l'on se retrouvait pour passer des moments d'une douceur exquise. C'était également l'endroit où j'avais fait ma déclaration à Luhan, un beau jour d'été qui transformait cet endroit en un paysage idyllique, féerique. A l'abri des regards indiscrets, sous les longues branches rassurantes du saule, je lui avais murmuré trois petits mots magiques. D'abord surpris, il avait ensuite bredouillé un "moi aussi" maladroit et touchant. Ce jour marquait le début de notre relation.
Je glissai mes doigts dans les cheveux blonds et soyeux de mon amant. Je savais qu'il adorait cela. D'ailleurs, sa respiration devint lente et régulière quelques minutes après. Je compris qu'il s'était endormi et déposai un baiser sur sa tempe.
Je me levai avec la discrétion caractéristique des vampires, pour ne pas le réveiller. Mon regard se posa sur ses cheveux si soyeux. Leur couleur semblait venir tout droit de la rencontre entre les châtaignes si délicieuses qu'on ramaissait sur le sol tapissé de feuilles orangées, en automne; et d'un miel aux reflets ambrés.
Je secouai la tête, comme pour me sortir d'un rêve. Si je continuais à l'observer, je pourrais rester des heures ainsi. Je m'accroupis et glissai mes bras sous ses genoux et sa nuque. Je le portai avec toutes les précautions du monde, veillant à ne pas le réveiller et me rendis chez nous. Les portes étaient restées ouvertes - heureusement que personne ne passait dans ce coin...
Je déposai Luhan sur le lit, comme on pose un bijou précieux sur son écrin. Il paraissait plongé dans un sommeil profond, perdu dans des rêves auquels je n'aurai jamais accès. Je le laissai se reposer et me dirigeai vers la cuisine pour préparer le déjeuner.
Je n'étais pas particulièrement doué pour cela, n'en ayant pas besoin. En effet, ma nourriture différait quelque peu de celle que renfermaient les tiroirs de cette pièce...
Une vingtaine de minutes plus tard, je retournai dans la chambre, un plateau en mains. Luhan ouvrit des yeux ensommeillés, attiré par le fumet qui se dégageait de la soupe des ramens.
- Je t'ai préparé ton repas, rien que pour toi! déclarai-je avec un sourire fier.
- Comme c'est mignon, répondit-il, rieur.
Je roulai des yeux. Il pouvait montrer plus de reconnaissance, tout de même!
Je le vis s'emparer des baguettes et goûter au plat.
- Merci Sehunie, c'est délicieux ! s'exclama-t-il de sa voix si craquante qui portait encore les traces du sommeil. Mais... tu ne manges pas ?
- Non, je... je n'ai pas très faim, j'ai bien mangé ce matin, bafouillai-je.
Je n'avais pas encore eu le temps de chasser aujourd'hui, et pourtant je me nourrissais ce jour-là, une fois par semaine en moyenne. Je jouais avec le feu, j'en étais conscient. Mais je ne pouvais prendre le risque que celui qui représentait tout pour moi découvre un jour ce que j'étais réellement. Alors je me contentais de prendre le sang d'animaux dans la forêt attenante à notre maison, comme un rituel hebdomadaire.
Luhan me lança une moue dubitative puis s'attela à la dégustation de son repas. Perdu dans mes pensées, je ne remarquai pas qu'il avait terminé et s'était glissé dans la salle de bain. Je cillai et pris le plateau pour le débarrasser. Une sensation bizarre emplissait ma gorge, comme un tiraillement. Je me servis un verre d'eau, mais cela ne fit qu'empirer les choses. C'était comme si les parois de ma gorge se resserraient petit à petit.
Une petite voix me siffla que cette sensation ne m'était pas si inconnue... Et que de l'eau ne m'aiderait en aucun cas. Je chassai cette idée de ma tête et le rejoignis ensuite.
Il se tenait devant le grand miroir, décoré d'un grand cadre de bois simple. En bas de ce miroir se trouvait un évier, entouré de produits de toutes sortes. Luhan se pencha pour attraper sa brosse à dent, m'offrant une vue magnifique sur son cou d'une peau blanche et laiteuse.
Une vive douleur vrilla mon crâne et je grimaçai. Les yeux fermés, je ne remarquai pas le regard inquiet de Luhan.
- Ça va, Hunnie ? la voix de Luhan me parvint comme étouffée. Tu es tout pâle...
- Je... Oui, soufflai-je.
Une main se posa sur ma joue blafarde. Je rouvris les yeux, et tentai un sourire - vu le regard affolé de Luhan, c'était raté. Il rompit prestement le contact de sa main sur ma peau.
- Tes... tes yeux, balbutia-t-il. Ils sont rouges !
Le miroir me renvoya le reflet de mon regard rouge carmin. Je fronçai les sourcils et cillai, mais mes yeux ne voulurent pas reprendre leur teinte brune factice. Mon souffle devint irrégulier. Il ne devait pas voir qui j'étais réellement!
J'entendis le pas de Luhan retentir sur le carrelage froid de la salle de bain. Il s'éloignait, prenait de la distance.
Je tendis la main vers lui dans un geste désespéré.
- Ne prends pas peur, je...
Il repoussa doucement mon bras.
- Je crois que j'ai besoin de prendre l'air, murmura-t-il.
Et il tourna les talons.
Erreur.
Son cou s'exposa de nouveau à mon regard assoiffé. Une onde de souffrance me frappa et je me mordis la lèvre inférieure. Sous mes paupières étroitement fermées, je sentis Luhan s'arrêter sur le pas de la porte.
Mes canines s'allongèrent sans que je puisse les contrôler. Elles déchirèrent la peau fine de mes lèvres. Mes pieds se dirigèrent d'eux-mêmes vers cette proie que représentait mon petit-ami.
- Tu me le pardonneras, Lu? soufflai-je.
- Sehun, que... que fais-tu ?! balbutia-t-il, se retournant face à moi.
Erreur fatale.
La dernière once de raison qui n'avait pas déserté mon esprit égaré s'envola. Ma main se posa dans le creu de la nuque de Luhan, là où, quelques heures auparavant, elle se tenait lorsque je l'embrassais.
Seulement, ce ne furent pas les douces lèvres de mon amant que les miennes rencontrèrent, mais son cou. Mes canines se chargèrent de marquer sa peau. Un flot de sang se déversa sur ma langue, mon palais, emplirent ma bouche d'un goût unique et savoureux. Je me sentis lentement perdre la raison et la notion du temps.
Il n'y avait plus que Luhan, son corps contre le mien, et son sang dans mes veines.
Même son gémissement de douleur - presque un cri - n'atteint pas mon esprit enivré par cet elixir pourpre.
Cette illusion cessa brusquement lorsque je sentis son corps glisser de mes bras. Un bruit sourd retentit et sous mon regard effaré, celui auquel je tenais plus que tout au monde se laissa choir sur le sol.
Tu n'es qu'un monstre.
Je poussai un hurlement d'horreur. Un tremblement incontrôlable agita mes mains tandis que je contemplais un mince filet de sang s'écouler du cou de Luhan, depuis les deux petites traces de morsures. Ce liquide visqueux atteignit les jointures du carrelage, créant un sillage sanglant. Ce flux vermeil captivait mon regard, le hantait, me paralysait. Qu'avais-je fait ?
Mes genoux heurtèrent le carrelage. Une onde de choc se propagea dans mon corps et me sortit de mes pensées obsessantes. Je devais agir, ou je perdrai la raison.
Je soulevai le corps inanimé de Luhan, en prenant soin de ne pas le blesser. Ce n'est qu'après l'avoir déposé sur l'édredon que je m'autorisai à reprendre ma respiration. Je reculai de quelques pas et observai son visage figé par le masque du sommeil. Cette scène me rappelait ce même masque, porté par la Belle au Bois dormant, n'attendant qu'un baiser pour se réveiller. Mais je n'étais pas sûr que c'était le souhait de Luhan, qui devait sûrement me détester maintenant...
Je soupirai et quittai la chambre, fermant la porte. Puis, je me laissai choir sur le canapé du salon, recouvert d'une couverture devenue râpeuse avec le temps. Ma tête enfouie dans la paume de mes mains, je fermai les paupières. J'aurais dû m'en douter, ne pas repousser mes limites. Je savais pourtant qu'il me fallait ma dose de sang hebdomadaire... Mais voilà, j'avais préféré chérir des moments précieux avec celui que j'aimais plutôt que d'aller chasser et assouvir mes besoins primaires. Qui pouvait m'en blâmer?
Mais j'avais perpétré un acte impardonnable : j'avais blessé, sérieusement, l'être aimé. Nous en porterions tous deux la cicatrice encore bien longtemps, sûrement même à tout jamais. Certes, les traces physiques de ce terrible accident disparaîtraient dans quelques jours tout au plus. Mais le dégâts émotionnels pourraient bien être irréversibles...
Après tant d'années à lui dissimuler ma nature de suceur de sang, voilà qu'il la découvrait dans la pire des situations !
Je perçus le froissement des draps de notre lit, grâce à mon ouïe surdéveloppée. Je me hâtai de rejoindre la chambre. Mais arrivé devant la porte, alors que mon bras se posait sur la poignée, je suspendis mon geste. Allait-il me rejeter ? Cette réaction serait logique, mais néanmoins destructrice...
Je pris une longue respiration et pénétrai dans la pièce. Je restai sur le seuil de la porte, le souffle coupé. La vision qui s'imposa à mes yeux me paralysa. Luhan s'était éloigné le plus loin possible, le dos pressé contre la tête de lit, prostré. Son attitude était clairement celle d'une proie terrifiée : recroquevillé sur lui-même, les mains autour du cou dans un geste défensif, et un tremblement agitant tout son corps.
Je fis quelques pas hésitants et lents, pour ne pas l'apeurer un peu plus.
Sa voix, blanche et chevrotante, fusa aussitôt :
- Ne... ne t'approche pas de moi !
- Lu, s'il-te-plaît... Laisse-moi t'expliquer.
Je fis quelques pas dans sa direction.
- Je t'ai dit de ne pas t'approcher ! Sors, je ne veux pas te voir !
Ses mots tranchants me transpercèrent le cœur comme des millions de couteaux acérés. Je baissai la tête, figé. En même temps, à quoi m'attendais-je ? A ce qu'il me saute dans les bras en me suppliant de le mordre de nouveau ? Un rire nerveux s'échappa de mes lèvres.
Tu n'es qu'un monstre. Tu es pathétique.
- Je reviens, je vais te chercher quelque chose. Tu as besoin de sucre.
Je réussis à maîtriser ma voix mieux que ce que je pensais, mais ma tentative de sourire rassurant échoua lamentablement - Luhan écarquilla les yeux et se tassa un peu plus au fond du lit.
Ceci m'offrait une occasion en or pour me défouler. Je savais qu'il y avait un petit magasin spécialisé dans la vente de boisson juste à l'entrée du parc, soit à deux bons kilomètres de la maison. De plus, je connaissais des petits chemins que personne n'empruntait. Parfait. Je tournai les talons et, dès que je fus sûr de ne plus être dans son champ de vision, mes jambes se mirent d'elles-mêmes à courir à une vitesse inhumaine.
Les arbres autour de moi ne devenaient plus que des ombres mouvantes, dont mon corps évitait les branches pointues. Tout se brouillait aux bords de ma vision, pour que mes yeux se concentrent sur ce qui se trouvait devant. Je ne sentais plus la terre sous mes pieds tant je prenais de la vitesse. C'en était presque grisant et me permit de faire le vide dans mon esprit. Je me laissai enivrer par les odeurs boisées, et envoûter par les petits bruits produits par les minuscules insectes qui serpentaient sur la terre, les troncs des arbres, les pierres bordant le chemin. Ma bouche s'entrouvrit et le vent déposa les senteurs de la forêt sur mes papilles.
Mais ce court instant hors du temps s'interrompit - trop vite à mon goût. En effet, j'arrivais à la fin du parc et je devais ralentir pour ne pas me faire repérer. Je me forçai à reprendre une allure humaine. Ma condition vampirique me permettait de ne pas être essoufflé après une course de trois kilomètres, même à cette vitesse. Don ou malédiction ?
Chassant ces pensées, je poussai la porte du magasin et les odeurs variées de boissons innombrables assaillirent mes sens. La propriétaire, une femme aux mèches brunes striées de quelques cheveux blancs et au sourire chaleureux, m'accueillit avec un sonore "Bonjour !". Je répondis à sa salutation et elle me tendit les habituels bubble teas au taro et chocolat.
- Aujourd'hui, ce ne sera que celui au taro, merci.
Elle marqua un temps d'arrêt, étonnée, puis se ressaisit et accepta le billet que je lui tendais. Elle me rendit la monnaie ainsi que la boisson, et je quittai son échoppe après lui avoir souhaité une bonne continuation. Nous allions très souvent ensemble à ce magasin, ou parfois l'un de nous deux se chargeait de prendre les boissons. Ce devait bien être la première fois que j'y allais seul...
Je secouai la tête et rentrai au pas de course. Pendant quelques instants, je me permis de remplir mes pensées de nature rassurante. Mais bientôt, notre petite maison surgit devant moi. Certes, cette petite bâtisse qui appartenait jadis aux grands-parents de Luhan commençait à veillir. La peinture s'écaillait par-ci, par-là, mais elle était loin de tomber en ruines. Cela nous suffisait amplement.
Je pris une longue inspiration et entrai dans ce foyer. Je repris une démarche humaine - bien plus lente, beaucoup plus lourde et bien moins discrète. Arrivé devant la chambre, je frappai à la porte mais n'attendis pas de réponse pour rentrer. Luhan sursauta.
- Comment tu as fait pour rentrer aussi vite ?! (Il marqua une pause, puis reprit :) Ah oui, c'est vrai...
- Je t'ai pris l'habituel bubble tea au taro.
Je ne reconnus pas ma voix. Elle semblait plus appartenir à un robot privé d'émotions...
Je lui lançai la boisson, me doutant qu'il ne voulait pas avoir de contact direct avec moi. Il la rattrapa et l'observa avec méfiance.
- Tu n'as rien mis de bizarre dedans ?
Cette méfiance qui suintait de sa voix me glaça. Je me sentis profondément blessé par ses soupçons. Piqué à vif, je répliquai :
- Luhan ! Tu pensais vraiment que j'allais t'empoisonner ? Après t'avoir fait subir ça ? Je suis certes un monstre, mais pas à ce point.
Ce n'est qu'en voyant Luhan tressaillir que je me rendis compte que j'avais prononcé ces mots d'une voix dure.
- N...non je suis désolé je ne voulais pas..., bafouilla-t-il.
Il baissa la tête, honteux et apeuré. Il marqua une pause et reprit, dans un filet de voix :
- Je pense que j'aurais besoin de quelques jours pour réfléchir sur... tout ça. J'ai besoin d'être seul.
Ma vision se brouilla d'un voile de désespoir. Je hochai la tête d'un air. Je trébuchai plus que je ne marchai en dehors de la chambre.
Je me laissai glisser le long du mur, abattu. Mes mains s'accrochèrent à mes cheveux, les malmenèrent. Ce n'était qu'un signe de ma détresse.
Qu'allais-je faire s'il ne voulair vraiment plus de moi ? Comment allais-je réagir si, au bout de ces jours de réflexion, il me chassait de la maison définitivement en me traitant de monstre ? Qu'allais-je devenir ? Mes vieux démons finiraient forcément par me rattraper. C'était inévitable.
Comme un fantôme, je me traînai hors de notre maison et errai dans le parc. Je ne regardais pas où mes pas me menaient. Je ne voulais sentir que le vent dans mon crâne, l'odeur des pins dans mes narines, le goût de la forêt dans ma bouche et la sensation de la terre qui craquelait sous mes pas. Je voulais oublier quelques instants la présence de Lu, son toucher, son parfum et sa voix. Mais même la nature ne pouvait combler le vide béant dans mon cœur que créait son absence.
Les heures passèrent, et bientôt seules les étoiles furent les témoins de mon errance dans ce parc désert. Même la lune ce soir se sentait trop faible pour luire de sa pâle lueur.
Je perdis la notion du temps et me retrouvai sans même m'en apercevoir dans les rues animées de la ville voisine du parc. Les bâtiments me surplombaient de toute leur hauteur, comme s'ils rêvaient d'atteindre les astres. Toute la population semblait s'être réunie ici. Les hommes d'affaire en costume strict qui rentraient chez eux, en affichant une mine pressée, côtoyaient les jeunes adultes déjà ivres. Les conversations fusaient de toutes part et créaient un brouhaha infernal qui résonnait dans mon crâne. Des millions de lumières émanaient des enseignes des magasins, des phares des voitures, des écrans de téléphones des passants, des grands buildings. Mais le pire était sûrement les odeurs : la transpiration abondante de ces humains, l'odeur des détritus en tous genres - canettes de bière, cigarettes encore fumantes, et autres aliments en décomposition -, l'essence qui s'échappait des pots d'échappements des taxis ; tout ceci se mélangeait en un lieu trop étroit.
Ces odeurs contrastaient tellement avec celle, douce et accueillante, de Luhan.
Penser à lui réveilla en moi une douleur aiguë. Toutes ces sensations me vrillaient la tête, il fallait que je m'éloigne, que je respire. J'allais devenir fou. Sans le vouloir, je bousculai un homme qui me lança un regard noir. Sa cravate était de travers, et sa chemise, froissée. Il empestait lui aussi la transpiration - celle acquise après les plaisirs charnels. D'ailleurs, une femme, bien plus jeune que lui et habillée d'une robe rouge moulante à outrance s'accrochait à son bras comme si sa vie en dépendait. Ou plutôt, son portefeuille.
Je m'éloignai d'eux mais me retrouvai prisonnier de cette foule cosmopolite et repoussante. Dès que je vis une ouverture, je me faufilai entre les corps et débouchai sur une ruelle - puante, elle aussi. Coincée entre deux bâtiments gigantesques qui la couvraient d'une chape d'ombre, elle était déserte. Parfait. Je m'enfonçai dans l'obscurité. De toute façon, je n'avais rien à craindre. Je ne rencontrai qu'un jeune homme à la démarche hésitante qui me tendit une cigarette à l'allure suspecte. Je la pris et la portai à mes lèvres. Je l'entendis ricaner avant de disparaître. Le goût, fort et âcre, envahit mes papilles. J'en pris une bouffée et relâchai un nuage de fumée grisâtre dont les voluptes s'élevèrent dans le bleu profond de la nuit. Je les suivis du regard. La drogue n'avait aucun effet sur mon organisme, et c'était bien regrettable. J'étais condamné à rester lucide et ressasser mes noires pensées.
Je continuai toute la nuit mon périple dans ces lieux nauséabonds.
Le temps se déroula en un tourbillon flou. Je n'aurais pu dire précisément combien de jours j'étais resté dans cette ville puante. Ce qui était sûr, c'est que j'avais erré pendant au moins deux jours et deux nuits. Partout, le fantôme de Luhan me hantait. Je voyais son visage à chaque fenêtre, je sentais sa peau à chaque contact avec un être humain, j'entendais sa voix dans chaque conversation et l'air semblait être imprégné de son parfum.
Vint le moment où je ne fus plus capable de résister. Mes jambes se mouvèrent d'elles-mêmes vers ce lieu si familier que je pouvais le rejoindre les yeux fermés.
Alors que j'approchais de cet arbre majestueux, j'apperçus une silhouette recroquevillée contre le tronc. Des frissons agitaient son corps, et des sanglots s'échappaient de sa bouche. Je fermai les yeux. J'aurais préféré ne jamais entendre à nouveau ces soupirs, surtout lorsque je savais que j'en étais l'unique coupable.
- Luhan..., soufflai-je.
Pendant un court laps de temps, je crus qu'il ne m'avait pas entendu.
Mais il releva la tête doucement et tourna enfin son visage ravagé par les larmes vers le mien. Ses yeux rouges et gonflés par les pleurs exprimaient un mélange d'émotions saisissant. Une tristesse profonde, le remords et le soulagement se mêlaient dans son regard brun.
Je lui tendis la main. Il s'y accrocha et d'une impulsion, se remit sur pieds. Aussitôt, ses bras vinrent encercler ma taille avec une force insoupçonnée. Un sourire se déposa sur mes lèvres alors que sa tête se déposait dans le creux de mon cou.
Quelques minutes plus tard, il vint sceller son regard au mien.
- J'ai bien réfléchi pendant ces derniers jours. Je ne vais pas te mentir : tu m'as fait peur. Mais tu m'as manqué. Alors, j'ai pensé à une solution.
Je levai un sourcil interrogateur, l'encourageant à continuer.
Il prit une inspiration, et déclara :
- J'accepte de te donner mon sang lorsque tu en auras besoin. (Son index se dressa, et il prit un air sérieux :) Mais à certaines conditions! Tu me préviens avant de perdre le contrôle, et tu ne me mens pas à ce sujet !
Abasourdi, ma mâchoire s'en décrocha.
- Mais Luhan, je ne peux pas accepter! Tu as bien vu ton état tout à l'heure, et ce n'est pas la pire chose qui puisse t'arriver... C'est bien trop risqué !
- Je te fais confiance, Sehun. Et puis, si tu prends du sang toutes les semaines, tu ne perdras pas le contrôle, n'est-ce pas ?
- Mais...
- Pas de discussion !
Je plongeai mon regard dans le sien et retins ma respiration.
- Tu serais prêt à faire ça, malgré ce que je t'ai fait? Tu me fais confiance, même si je suis un monstre?
- Tu sais, ta nature m'importe peu. Tu n'y es pour rien! Mais tu as réussi à devenir une personne généreuse, respectueuse et aimante. Je t'aime, non pas pour ce que tu es mais pour qui tu es!
Je ne trouvai rien à répondre. Parfois, les mots ne suffisent pas. Mon visage se rapprocha du sien et nos lèvres se rencontrèrent, comme une évidence.
C'est sous cet arbre majestueux que notre histoire commença, et sous cet arbre aussi qu'elle prit un nouveau départ.
●•●•●•●•●•●•●•●•●•●•●•●•●•●•●•●•●•●•
Bonjour!
Effectivement nous sommes encore en vie.
Cet OS était prévu pour vous faire patienter le temps de la publication d'un nouveau chapitre de "Change the legend" mais finalement nous ne sommes même pas sûres de continuer l'histoire.
Tout dépendra de notre temps vu qu'on sera en terminale, notre inspiration et surtout notre disposition à toutes les deux.
En tout cas on espère que cet OS vous a plu et que vous nous pardonnez notre loooooonnnnnngue absence.
De la part de D&N
Petite histoire :
Cet OS est tiré d'un jeu de Role Play, donc à la base c'était juste pour le fun.
Mais une amie qui a lu nous a donné l'idée d'en faire un OS.
Donc ce petit HunHan est dédicacé à
Kpopovore ♡
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top