VÉRITÉS
- Si tu me promets que j'aurai toutes mes dents une fois chez moi, tu me déposes sans soucis.
Les yeux de Hope s'ouvrirent grands de surprise, étincelants. Un large sourire illumina son visage, dévoilant deux jolies dents de lapin. Brandissant ses bras au-dessus de sa tête, elle s'apprêtait à sauter de joie quand un membre de l'équipe l'interrompit.
- Par contre, si tu continues de faire cette tête, elle risque de prendre ses jambes à son cou, fit Ben, s'immisçant dans la conversation.
Hope, les bras toujours levés, et Maëlle, sursautant de surprise, fixaient perplexe cet étrange énergumène qui s'adressait à elles comme si de rien n'était.
- Euh, j'ai quelque chose sur le visage ? s'enquit le garçon, voyant qu'elles ne réagissaient pas, il continua. Ah, je comprends ce qui se passe.
- Et qu'est-ce qui se passe, le gâteau de riz ? demanda Hope, un sourcil arqué.
- C'est si rare d'être face à la perfection... Mais Aïe ! s'interrompit-il quand quelqu'un lui asséna un coup derrière la tête.
- Oui, on sait que tu es irrésistible, Benoit, fit Alex, ébouriffant la tignasse de ce dernier. Tu as fait ce qu'on t'as demandé ?
- Mais arrête avec mes cheveux, se plaignit Ben. C'est Ben, pas Benoit. Et de quoi tu parles ? Le regard exaspéré d'Alex sembla remettre au bouclé les idées en place. Aaahhh, de ça. Oui oui, je m'apprêtais à le leur dire avant que tu essaies de m'assommer. Cria t-il presque à la fin.
Hope et Maëlle se lancèrent des regards pleins d'incertitudes, ne comprenant pas très bien de quoi pouvait bien parler les deux garçons.
- Et on peut savoir de quoi vous parlez tous les deux ? s'enquit Hope qui commençait à s'impatienter.
- Avec les autres, nous souhaiterions vous inviter pour vous remercier de vos encouragements, répondit Alex. Venez s'il vous plaît, finit-il par dire, le regard passant de Hope à Maëlle.
Le regard de la rouquine croisa celui d'Alex une fraction de seconde qui sembla durer un long moment. Elle sentit ses joues s'enflammer et ses oreilles s'embraser de nouveau, baissant immédiatement la tête lorsque le garçon lui offrit un sourire. Hope, qui ne ratait rien de la scène, eut un sourire malicieux.
- Cool, fit-elle toute excitée. Bien sûr qu'on vient. N'est-ce pas, Maëlle ? Elle s'était précipitée vers sa nouvelle amie, la prenant par le bras, un large sourire aux lèvres.
Toute confuse, Maëlle tenta de dire un mot quand Hope lui chuchota quelque chose à l'oreille.
- Bon bah la naine a réussi à la convaincre. Content ? dit Ben, regardant son ami, un sourire taquin étirant ses lèvres. C'est un coup encore plus violent que l'autre qui effaça ce sourire. Sérieux, tu veux me défigurer ou quoi ?
Alex tirant Ben, les garçons s'en allèrent dans les plaintes de ce dernier. Maëlle se détachait de son amie et lui lança un regard interrogateur, se rappelant de ce qu'elle lui avait chuchoté plus tôt.
- Comment ça, tu as prévu quelque chose ? lui demanda-t-elle.
- J'ai bien vu les regards que tu lançais à l'ami de la tête de gâteau de riz, Maëlle, surprise ne comprenant pas où elle voulait en venir. Et si vous deveniez amis pour commencer ?
- Je ne sais pas si j'y arriverai, réajustant ses lunettes sur son nez, Maëlle ressentait sa peur de sociabiliser compresser sa poitrine à l'idée de tenir une conversation avec le garçon qui lui plaisait tant.
- T'inquiète, on ira toutes les deux. Et si ça ne te plaît pas, on s'en va, lui dit Hope avec un clin d'œil, essayant de la rassurer.
La rouquine eut une étincelle dans le regard. Le sentiment qu'elle ressentait était différent de celui qu'elle éprouvait à chaque fois que quelqu'un d'autre que ses parents lui adressait la parole. C'était un sentiment plutôt agréable. Non, très agréable. De la confiance ? Elle ne comprenait surtout pas pourquoi elle se sentait si bien en compagnie de quelqu'un dont elle se méfiait farouchement il n'y avait pas si longtemps.
Elle eut peur de ce qu'elle ressentait, ou plutôt de regretter d'avoir écouté ce sentiment traître comme avec Deborah, Sarah et Manuella au début. Mais étrangement, le regard que lui lançait Hope l'empêcha de retirer la main que cette dernière lui avait prise dans la sienne. Cette fille était intrigante.
- Je peux te demander quelque chose ? S'enquit Maëlle timidement.
- Oui, bien sûr, fit Hope.
- Pourquoi ça te tient tant à cœur que je sois ton amie ? commença-t-elle. Il y a plus de cinq mille élèves au lycée. Tous beaucoup plus intéressants que moi, d'ailleurs. Je suis tellement insignifiante. Elle marqua une pause se rendant compte de sa réalité. Et toi, tu es tellement belle et beaucoup plus fascinante. Qu'est-ce que tu attends de moi au juste ?
Avec un drôle de regard, Hope lâcha la main de son interlocutrice et se recula légèrement. Les mains désormais dans ses poches, elle prit une grande inspiration avant de soupirer bruyamment. Le sourire qui se dessina sur les lèvres de Hope fit naître un frisson d'horreur dans l'échine de Maëlle. Ce sourire n'avait rien de doux, de compatissant, ni même de gentil. Et le regard qui l'accompagnait était tout aussi étrange.
- T'en as pas marre de te rabaisser à longueur de journée ? Fit Hope d'un ton sec et tranchant, ne quittant pas son interlocutrice du regard. Je t'ai bien observée depuis mon arrivée, et pas une seule fois je t'ai vue faire preuve de confiance. Tu sais, à force de marcher la tête baissée à regarder tes pieds, tu finiras comme le bossu de Notre-Dame. Et pour tout te dire, je trouve ça pathétique.
Maëlle détourna son regard vers le sol, ses pieds devenant soudainement captivants. Se mordant la lèvre inférieure, elle se mit a pressée de sa main gauche son bras droit. Une nervosité familière l'envahissait. Elle se reprochait intérieurement d'avoir un instant pensé que cette fille pouvait réellement vouloir être son amie. Qu'elle était différente de ses bourrelles. Les doutes persistants ressurgissaient, rappelant la dure réalité et la faisant payer le tribut de sa brève naïveté.
- Tu vois, tu recommences. Hope fit un pas vers Maëlle. Plongeant davantage son regard dans le sien, elle posa deux doigts sur son épaule et la poussa légèrement. J'avais raison, tu es pathétique.
Le ton de Hope se fit un peu plus glacial et son regard plus noir. Maëlle, qui se sentait oppressée, se blâmait mentalement d'avoir pu croire que quelqu'un s'intéresserait vraiment à elle. Que Hope était vraiment sincère. Elle se mit à s'en vouloir, et petit à petit, ce sentiment de culpabilité se transforma en colère. Maëlle était en colère contre elle-même de toujours se laisser faire avec autant de facilité. Elle s'en voulait d'aider tous ces gens à la rabaisser à chaque fois qu'ils en avaient envie. Une rage insoupçonnée lui brûlait la gorge. Légèrement, elle repoussa Hope, qui fit quelques pas en arrière.
- Je savais que tu étais comme les autres, commença-t-elle. Ne... ne me parle plus jamais sur ce ton, poursuivit-elle timidement, avant de prendre un ton plus dur. D'accord, je ne suis pas très sûre de moi, mais ça ne vous donne pas le droit de me marcher dessus. Je ne suis pas un paillasson, et encore moins un fichu porte-bagages. Elle essayait tant bien que mal d'empêcher ses larmes de couler. Si tu ne veux pas être mon amie, je te demande de me laisser tranquille une bonne fois pour toute et de ne plus te mêler de mes affaires.
Maëlle jetait désormais un regard embué mais empreint de colère et d'assurance à Hope. Mais étrangement, un sourire illumina le visage de cette dernière.
- C'est ça ! Fit Hope. Dis-moi, tu te sens comment maintenant ?
- P... pardon ? Balbutia la rousse troublée.
- Tu te sens comment après avoir dit tout ça ? La confusion se lisait dans le regard de Maëlle, qui ne comprenait pas où Hope voulait en venir. Écoute, chérie, si tu ne te respectes ni ne t'aimes toi-même, personne ne saura le faire à ta place, fit la jeune fille à la peau basanée d'un ton calme. Le regard d'autrui ne te définit pas. Tu es belle, intelligente, tes yeux et tes cheveux sont magnifiques. Tu as beaucoup de qualités, Maëlle. Mais tu laisses tout le monde te faire croire que tu es plus bas que terre. Assume-toi avec toutes tes qualités et tous tes petits défauts bon sang.
- Mais qu'est-ce que tu racontes ? Demanda la rouquine perplexe.
- La vérité, répondit Hope. Je veux être ton amie parce que tu n'es pas comme les autres élèves du lycée. De ta chevelure à tes lunettes à la Harry Potter en passant par ta sincérité, tout chez toi est magnifique. Je t'arrête tout de suite, ce ne sont ni des flatteries ni de la pitié. Elle sortit de ses poches ses mains pour saisir celles de son interlocutrice. Je t'ai dit toutes ces choses pour te prouver que tu as tort de te minimiser comme tu l'as toujours fait. Ni Deborah, ni sa clique, et encore moins tous les idiots de cette ville, personne n'a le droit de te faire croire que tu insignifiante. Elle soupira. Ça me ferait vraiment plaisir d'être amie avec toi, et je suis sincère. Je ne veux personne d'autre que toi comme amie. Ce ne sera pas facile, mais je t'aiderai à avoir un peu plus confiance en toi. Si tu veux bien de moi, je ne te laisserai jamais tomber. Alors, soyons amies s'il te plaît.
Maëlle ne le montrait peut-être pas, mais les mots de Hope lui firent un très grand bien. Bien que les sentiments qu'elle ressentait fussent contradictoires, il n'y avait plus aucun doute pour elle, la fille en face d'elle était sincère avec elle. Elle sentit des larmes lui venir, ne pouvant les retenir plus longtemps, elles dévalèrent simplement ses joues. C'était la première fois que quelqu'un lui disait toutes ces choses, et elle ne savait pas comment réagir.
- Hé les filles, cria Ben depuis le terrain de basket. Vous venez ?
Maëlle sécha ses larmes et prit une grande inspiration avant de répondre au garçon.
- On vous rejoint.
Hope, agréablement surprise par sa réponse, mais ne voulant pas se faire d'illusions, s'enquit :
- On... y va toutes les deux ?
- En tant qu'amies, lui répondit Maëlle en séchant encore ses larmes.
Hope, heureuse au plus haut point, prit sa nouvelle amie officielle dans ses bras et sauta et tourna sur elle-même de joie. Enfin, elle lui avait dit oui. Elles étaient enfin amies.
- Attends une minute, fit subitement Hope cessant tout mouvement. Tout à l'heure, c'est moi qu'il a traitée de naine, la tête de gâteau riz ? S'interrogea-t-elle, offusquée.
Cette réaction inattendue eut le privilège d'extirper du gosier de Maëlle un petit éclat de rire. Hope, surprise de la réaction qu'elle et son interrogation provoquaient, la rejoignit dans son éclat de rire.
Les deux jeunes filles suivirent Ben, Alex et leurs amis jusqu'à un restaurant à ciel ouvert. L'atmosphère était agréable, les plats délicieux et les discussions animées. Ils se remémorèrent les scènes de Hope durant le match avec mille et un éclats de rire. Son rire contagieux et son charme naturel envoûtèrent toute l'assemblée. Ils étaient tous suspendus à ses lèvres, éclatant de rires à la moindre de ses âneries. Ben, après avoir englouti l'équivalent de son poids en nourriture, n'était plus de ce monde. La tête sur la table, le garçon s'était abandonné dans les bras de Morphée. Alex et Maëlle, quant à eux, riaient des singeries de Hope et discutaient de temps en temps entre eux. Bien que toujours aussi timide, la rouquine appréciait la compagnie d'Alex et des autres et avait décidé que sa peur de sociabiliser ne l'empêcherait pas de profiter de sa première soirée en si bonne compagnie.
La soirée se termina sur une note douce. Le groupe se dispersa, chacun regagnant sa demeure.
Hope raccompagna Maëlle sur sa moto. Le ciel parsemé de mille et une étoiles et d'une lune aussi dodue que le ventre de Ben après le repas éclairait le chemin des deux amies. Arrivée devant chez la fille aux tâches de rousseur, la motarde offrit un large sourire à son amie avant de lui dire au revoir.
Quelques instants plus tard, allongée dans son lit, Maëlle se laissait bercer par les souvenirs d'une journée pas comme les autres. Pour la première fois depuis longtemps, la jeune fille s'endormait cette nuit-là avec un sentiment de légèreté, son cœur et sa tête en fête.
Pourtant, une ombre sournoise vint obscurcir ce petit bonheur naissant. Alors qu'elle plongeait dans un sommeil profond, la rouquine ne remarqua pas la notification qui fit sonner son téléphone, posé sur sa table de chevet. Un message provenant d'un numéro inconnu.
De inconnu :
Coucou Maëlle. Alex Spencer sait que tu es une moins que rien ?
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