LA REINE DES NEIGES

Voici que la saison décline

Voici que la saison décline,
L'ombre grandit, l'azur décroît,
Le vent fraîchit sur la colline,
L'oiseau frissonne, l'herbe a froid.

Août contre septembre lutte ;
L'océan n'a plus d'alcyon ;
Chaque jour perd une minute,
Chaque aurore pleure un rayon.

La mouche, comme prise au piège,
Est immobile à mon plafond ;
Et comme un blanc flocon de neige,
Petit à petit, l'été fond.

Victor Hugo, Dernière gerbe


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Le temps, implacable sculpteur, avait tracé ses marques sur le paysage. L'automne, saison de décadence, s'était emparé du monde, drapant les saules pleureurs de feuilles fanées. Les jours s'étaient réduits à une lueur tamisée, projetant des ombres éthérées qui dansaient sur la terre en mutation.

Les saules, telles des divas fatiguées, laissaient choir leurs parures avec une grâce résignée. Leurs feuilles, jadis flamboyantes, jonchaient désormais le sol dans une étreinte douce et froissée. Un vent capricieux chuchotait des mélodies d'adieu, emportant avec lui les murmures des jours révolus.

Sous le ciel mélancolique, la nature se préparait à sa métamorphose hivernale. Les couleurs éclatantes cédaient la place à une palette de nuances plus sombres. C'était le crépuscule d'une ère, la symphonie silencieuse d'un temps qui se retirait, laissant derrière lui un tableau empreint de mélancolie et de promesses de renouveau.

Partout, l'automne déployait sa mélancolie, porteur du poids des adieux et de la menace de l'inéluctable. Cependant, pour les âmes romantiques, c'était la saison des amours. L'automne, où tout semblait se dénouer, conférait à chaque saveur une nuance incomparable. Il fallait avoir connu un amour intense au cours de ces journées monotones, où le ciel s'abaissait, pour véritablement apprécier la beauté de cette saison. Du moins, c'était la conviction de Maëlle.

Ses boucles rousses, ébouriffées, dansaient au gré du vent automnal. Une écharpe enveloppait son cou, ses mains se perdaient dans la chaleur de sa doudoune épaisse. La rouquine observait les dernières feuilles d'un érable s'abandonner à leur descente. L'automne, à ses yeux, incarnait la plus sublime des saisons, la saison des amours, où les feuillages virevoltaient en une danse mélancolique, plongeant la nature dans un sommeil réconfortant.

Immobile sous l'érable, le regard levé vers les branches dénudées, elle attendait son amie.

Depuis leur premier match ensemble, quelques semaines s'étaient écoulées, scellant une amitié indéfectible entre les deux jeunes filles. Au lycée et en dehors, elles partageaient leurs journées. Quelques fois, elles revêtaient leur passion pour le basket, ardent soutien de l'équipe de leurs amis. Les joueurs, dont Alex et Ben, appréciaient la ferveur de ces supportrices farouches. Leurs présences ajoutaient une intensité particulière à chaque match, dissuadant arbitres et joueurs adverses de transgresser les règles, redoutant la colère d'une Hope intraitable.

La vie de Maëlle avait pris une toute nouvelle teinte depuis son amitié avec Hope. Chaque jour, elle savourait ces petits bonheurs que son amie lui offrait, impatiente de partager de nouvelles journées ensemble.

Le grondement d'une moto rompit ses pensées. Se tournant vers le son, elle découvrit Hope, silhouette décontractée sur sa moto. Elle se gara en face de Maëlle, retirant son casque avec une élégance nonchalante.

Hope, une vision de liberté incarnée, descendit de sa moto avec une aisance qui semblait défier la gravité. Ses cheveux noirs, libérés du casque, cascadaient en vagues rebelles autour de son visage. Arborant l'uniforme en vigueur à Magnolia avec une touche d'audace -des gants en cuir cloutés-, elle dégageait une aura rebelle. Chaque détail de sa tenue, captivait le regard émerveillé de Maëlle.

- Yo ! Fit-elle, un grand sourire aux lèvres. Elle tendit un casque à Maëlle.

- T'es pas en retard aujourd'hui, miracle. Fit remarquer la rouquine.

- Il n'y avait personne à la maison. Aucune tache matinale, rétorqua-t-elle fuyant le regard de son amie.

- Ne jette pas la faute sur ta sœur, fit la cuivrée, un sourcil arqué d'incrédulité, avant de mettre son casque et de monter derrière la motarde. T'es juste une grosse flemmarde doublée d'une retardataire, c'est tout.

Hope éclata de rire, un peu déçue que son amie n'ait pas cru à son petit mensonge, mit son casque et démarra son engin en trombe, en route pour le lycée.

À chacune de leurs arrivées, la moto soigneusement garée, Hope, telle une apparition magnétique, captivait tous les regards qui se posaient sur elle. Admirateurs et détracteurs confondus. Il était difficile de ne pas être ébloui par sa présence. La jeune fille dégageait un charisme envoutant, une aura de charme qui la distinguait. Sa beauté à couper le souffle la plaçaient au centre de l'admiration générale. Maëlle, malgré les changements qu'elle avait vécus, se tenait souvent en retrait, consciente de la présence éblouissante de son amie. La timidité persistante et les complexes de la rousse semblaient résister au passage du temps, créant un contraste marqué avec l'éclat naturel de Hope.

Étonnamment, Maëlle ne figurait plus du tout au centre des railleries, un changement qui ne pouvait que lui plaire. Les élèves semblaient avoir complètement oublié la jeune fille, et curieusement, elle n'était pas la seule à échapper à l'attention de tous. Les trois mousquetaires, quant à elles, s'étaient presque volatilisées. De même pour Natasha qui semblait ignorer les agissements du trio et ceux des deux amies depuis son accroc avec Hope.

Bien qu'elles demeuraient présentes, elles avaient cessé toute hostilité. Un mystère planait sur cette transformation, alors qu'il n'y avait pas si longtemps, Maëlle était pour tous le mouton préféré de ces louves autrefois agressives. Deborah, Sarah, Manuella et Natasha continuaient leur vie de divas, loin de l'orbite de Hope et de Maëlle. Par moments, des regards empreints de haine trahissaient les sentiments persistants des quatre filles envers les deux amies. Cependant, hormis ces regards, aucune violence ni hostilité n'avait émaillé leur existence depuis l'intervention de Hope. Cela dit, la rouquine restait sur ses gardes.

- Avoue, tu les as séquestrées dans ton sous-sol, et menacées pour qu'elles me laissent tranquille, lança Maëlle.

- Hein ? Mais non, qu'est-ce que tu vas chercher ? Fit Hope surprise, je leur ai simplement demandé de te laisser tranquille. Par contre, t'as beaucoup d'imagination lol.

- Et c'est tout ?

- Bah ouais...

Quelque chose demeurait en suspens, échappant à la compréhension de Maëlle. Elle pressentait qu'elle finirait par percer ce mystère, que le voile se lèverait sur cette énigme. Haussant les épaules, elle chassa mentalement ces interrogations, résolue à laisser le temps dévoiler la vérité.

Le professeur fit son entrée, orchestrant une salutation solennelle des élèves. Lorsqu'il fut temps de s'installer, d'autres individus firent leur entrée dans la classe. Maëlle eut l'impression de rêver en reconnaissant certains visages familiers.

Ben, Alex et quelques comparses de l'équipe de basket étaient là. Le souvenir de la sortie planifiée lui revint en mémoire.

- Hey, s'exclama Hope, visiblement surprise. C'est pas... Elle cherchait mentalement le prénom de celui qu'elle voulait désigner. Rah ! Mais si, le frère de Ratatouille, tu te rappelles ?

- Lui, c'est Benoit DesChamps, corrigea son amie à sa gauche. Pas "Le frère de Ratatouille".

Hope rit, puis elle se tourna vers les nouveaux venus lorsque le professeur prit la parole.

- Dans quelques minutes, la sortie pédagogique prévue va débuter, annonça-t-il. Vous visiterez l'université Orchid, et ces étudiants seront vos guides. L'un de ces étudiants va s'avancer, et les noms que je citerai devront le suivre. Il appela des élèves qui sortirent en groupe avec plusieurs guides jusqu'à ce qu'il ne resta que Ben, Alex, Maëlle, Hope, le trio maléfique, la barbie démoniaque et quelques autres élèves. Ben s'avança à son tour et quitta la classe avec son groupe, laissant Alex, avec le reste.

- Le reste, suivez Mr. Spencer que voici. Fit le professeur désignant Alex.

Le cœur de Maëlle battait la chamade. Elle avait été prise au dépourvu. Ses joues s'enflammèrent, et ses oreilles s'embrasèrent mais cette fois ci pas de peur comme les premières fois mais d'excitation à l'idée de passer toute une journée avec le garçon qui était responsable de ces états d'âme. Hope, qui avait compris, eut un sourire malicieux et un regard espiègle à l'intention de son amie. Elles rirent toutes les deux de la situation et sortir de la classe main dans la main suivant leur guide.

Dans la cour de l'établissement, le groupe de Ben et Alex se retrouva dans le même bus avec deux autres groupes. Ben, qui avait arrangé l'échange de bus avec un autre, était plus que satisfait.

- J'ai cru qu'ils avaient réussi à nous séparer, dit-il avec une excentricité hilarante. Mais notre amour a encore triomphé. Il prit la tête d'Alex entre ses mains, forma un cœur avec ses lèvres et avançait dangereusement vers son ami.

- Dis adieu à la vie si tes lèvres me touchent, fit sèchement Alex, le regard noir.

Ben mima un hoquet de frayeur, avant de lâcher son meilleur ami.

- Tu me brises le cœur, Alexou.

Quelques filles, admiratrices de longue date, témoins de la scène, étaient rouges d'hystérie. Hope et Maëlle échangèrent un regard surpris et amusé et éclatèrent de rire, les larmes aux yeux. La bande à Deborah leva les yeux au ciel avant de bousculer tout le monde pour monter dans le bus.

- Eh bah ! Pas très polies Cruella d'Enfer et c'est dalmatiens. Lança Ben perplexe.

Dans le bus, Hope et Maëlle s'installèrent côte à côte mais la dans seconde qui suivit la jeune fille aux cheveux d'ébène se tourna vers la rousse précipitamment.

- Courage ma belle. Tu vas y arriver.

- Hein ? Fit simplement Maëlle ne comprenant pas où voulait en venir son amie.

Hope se leva, prit Ben par la main, et le tira sur les sièges de derrière.

- Assis ! Ordonna-t-elle.

- Hein ? fit-il ahuri.

- Pas bouger !

Ben était tiraillé entre l'envie de pincer le petit nez de la folle à ses côtés et de chanter "Libérée, Délivrée". Il lança un regard à Alex qui haussa simplement des épaules avant de s'asseoir près de Maëlle, qui planait déjà.

Hope, surexcitée, ne tenait plus en place, offrant un large sourire à Benoit en guise de remerciement. Le jeune homme dévisageait son vis-à-vis de sa chevelure noire frisée, ses yeux étirés, ses iris marron clair, son petit nez, à sa toute petite bouche. Il la trouvait belle. Leurs regards se croisèrent brièvement quand Ben brisa le silence.

- Je sais que je suis un canon, mais tu veux bien arrêter de me dévisager de la sorte ? Tu me gênes. Dit il tout excentrique.

- Oh pardon. C'est que ce n'est pas courant de voir des œuvres d'art ambulantes, fit-elle poliment, presque timidement la tête baissée et le regard fuyant. Un gâteau de riz en guise de visage, c'est de l'art, c'est sûr ! Conclut elle en se moquant ouvertement de son interlocuteur.

Ben ne cachait pas sa surprise face à cette attaque. Il tira avec son indexe et son majeur le nez de Hope. La réaction de cette dernière engendra un éclat de rire collectif dans le bus.

Maëlle et Alex firent un face palm avant d'échanger un regard surpris puis amusé de leurs réactions simultanées. Ils pouffèrent de rire et prirent place. Elle était étrangement plus à l'aise. Elle qui pensait ne pas pouvoir s'asseoir une minute à côté de lui était agréablement surprise de son calme. Le trajet fut agréable, accentué par les joutes verbales de Ben et Hope qui amusèrent certains passagers du bus.

Le véhicule avançait à travers les rues, emportant les élèves vers leur destination. L'excitation était palpable, et même les passagers d'autres automobiles sur la route semblaient intrigués par le spectacle animé qui se déroulait dans le bus.

Hope et Ben, toujours pleins d'énergie, s'étant emparés du micro du chauffeur, rivalisaient d'extravagance pour capter l'attention annonçant des informations touristiques fictives avec un sérieux impeccable ou encore poussant la chansonnette dans le bus avec la Reine des Neiges. Maëlle, partagée entre l'hilarité et la gêne, regardait du coin de l'œil les réactions amusées d'Alex. Elle était aux anges assise près de lui.

Le trajet se poursuivait ainsi, entre rires, taquineries et moments cocasses. Les regards complices entre Maëlle et Alex démontraient une complicité grandissante. Le duo improvisé de Hope et Ben avait réussi à transformer un simple bus en une fête ambulante.

Arrivés à destination, l'établissement universitaire s'étendait devant eux.

L'université Orchid, un joyau d'architecture ancré dans le raffinement européen d'une époque révolue, évoquait une splendeur qui semblait tout droit sortie des pages d'un livre d'histoire. Ses vastes jardins soigneusement entretenus, parsemés de parterres de fleurs colorées et d'arbres majestueux, offraient un havre de paix où le savoir prospérait au cœur d'une nature sereine. Les bâtiments imposants, construits en pierre, portaient l'empreinte de l'ère napoléonienne, témoignant de l'élégance et de la grandeur de cette période. Ornés de détails architecturaux délicats, les édifices encadraient majestueusement les vastes cours intérieures. Des fontaines gracieuses ajoutaient une touche d'élégance, leurs eaux ruisselant en harmonie avec le murmure de la connaissance qui imprégnait chaque recoin de l'université. Orchid, véritable bijou du passé, continuait de rayonner, invitant ses étudiants à plonger dans l'histoire tout en façonnant l'avenir avec une éducation empreinte de tradition et d'excellence.

Les groupes se formèrent, et les étudiants-guides prirent en charge les élèves. Maëlle, Hope et les autres élèves du même groupe se retrouvèrent à marcher à côté d'Alex, discutant des différentes formations proposées par l'université. Les couleurs chatoyantes de l'automne semblaient avoir étendu leurs magies jusqu'ici, créant un décor idyllique pour cette journée d'exploration.

Au fil des visites et des présentations, Maëlle se sentait de plus en plus à l'aise. L'ombre des intimidations passées s'estompait, laissant place à une confiance nouvelle. Les rires partagés, les connaissances acquises, tout contribuait à rendre cette sortie mémorable.

Lors de la pause déjeuner, le groupe se réunit dans la cour ensoleillée de l'université. Les rires et les conversations animées remplissaient l'air. Des groupes se formèrent sur la pelouse du domaine. Maëlle, Hope, Ben et Alex profitaient tranquillement de leurs repas animés. Hope et Ben meublaient principalement les conversations avec excentricité et humour.

La visite se poursuivit, mêlant découverte académique et moments de détente. Chacun semblait apprécier l'expérience à sa manière.

La journée touchait à sa fin.

De retour dans le bus, l'atmosphère était différente. La fatigue se mêlait à l'euphorie de la journée bien remplie. Les regards complices entre les amis témoignaient du lien qui s'était renforcé au cours de cette aventure.

Alors que le bus reprenait le chemin du retour, Hope reprit sa place près de son amie et les deux filles discutèrent des moments excitants de la journée tout en contemplant le paysage extérieur. Maëlle, supportant la tête de son amie sur son épaule, lui était reconnaissante pour cette parenthèse enchantée.

Derrière elles, Ben, la tête posée sur l'épaule d'Alex, s'était laissé aller au sommeil après une journée très agitée. Le calme revenait progressivement dans le bus, ponctué par le doux ronronnement du moteur.

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