LA NOUVELLE

Elle traîna le pas derrière, les épaules alourdies par les bagages des filles. Chaque marche de l'école semblait une montagne à gravir, ses bras peinaient sous le poids de ces fardeaux qui semblaient être d'un poids équivalent au sien. Elle manqua de chuter à plusieurs reprises. Elle ne s'y habituerait jamais, pourtant cela faisait une éternité qu'elle leur servait de porte-bagages. Les sacs semblaient renforcer sa musculature avec chaque pas.

Devant sa salle de classe, elle s'arrêta un instant, reprenant son souffle, espérant ardemment ne pas être arrivée après le professeur. La sonnerie avait retenti depuis longtemps déjà. Elle entrouvrit doucement la porte et jeta un coup d'œil discret à l'intérieur. Ouf. Pas de professeur à l'horizon.

Les élèves semblaient manifestement ravis de l'absence du professeur et vaquaient à leurs occupations diverses. Son regard se dirigea naturellement vers le fond de la classe, là où siégeaient habituellement ses persécutrices. Déborah et Manuella étaient, comme à l'accoutumée, au centre d'un groupe de fidèles admirateurs. Déborah, absorbée par son téléphone, semblait totalement ignorer son environnement. Manuella, en revanche, rayonnait de sourires et éclats de rire en réponse aux louanges de ses nombreux partisans. Sarah, quant à elle, se tenait dans un coin, observant les scènes depuis sa retraite, son air menaçant et son regard pénétrant en disaient long. Un frisson parcourut l'échine de Maëlle en apercevant le visage de Sarah. Cette fille avait le don d'effrayer quiconque s'approchait d'elle, et la rousse n'était pas épargnée.

Un soupir s'échappa de ses lèvres et elle décida d'entrer dans la salle de classe discrètement pour éviter d'attirer l'attention de certains élèves qui ne demandaient qu'à se moquer d'elle. Elle déposa furtivement les sacs à leurs places habituelles et se faufila jusqu'à son pupitre, au premier rang.

- Eh, toi, l'interpella Manuella quand elle prit place. Ce n'est plus ta place ici, au fond et que ça saute !

"Comment ça, ce n'est plus ma place ? Ça a toujours été la mienne, la meilleure place pour voir clairement le tableau et comprendre les cours." Pensa t-elle en regardant Manuella, déconcertée, avec un regard interrogateur.

- Comment ça ? demanda-t-elle presque aussitôt.

- Déplace-toi, dit Sarah d'un ton sec en fronçant les sourcils, comme si elle réfléchissait profondément. À partir d'aujourd'hui, tu t'installeras derrière nous.

Elle priait pour que ce soit un mauvais rêve. Il fallait que ce soit au moins juste un mauvais rêve. Mais non, ce n'était pas un rêve, c'était belle et bien la réalité.

- Mais non, balbutia-t-elle, abasourdie par la demande. Je suis... elle finit par dire avant d'être interrompue.

- Elle se croit maligne, hein ? ricana Manuella. Obéis, c'est tout ce que tu as à faire.

Un simple regard de Sarah suffit à la convaincre de changer de place. Elle se leva, prit son sac, et se dirigea vers le pupitre que Manuella lui avait désigné.

"Sérieusement ? Le tout dernier rang, tout au fond de la salle. Je serai à des kilomètres du tableau. Elles le savent pourtant. Tout le monde sait que je suis myope. Elles savent que je souffrirai pour déchiffrer les écritures au tableau."

Maëlle ne pouvait que s'en prendre à elle-même. Ces filles étaient là pour rendre sa vie misérable.

Elle jeta un regard discret à Déborah, qui semblait indifférente à tout ce qui se passait autour d'elle, absorbée par son téléphone. Elle soupira de résignation et entreprit de finalement s'installer à son nouveau siège.

Elle contempla le pupitre pendant quelques instants, puis se décida à s'y asseoir. Sarah la regarda avec dégoût, un sourire méchant aux lèvres. Elle baissa honteusement la tête pour éviter son regard et entendit Manuella rire aux éclats, la traitant de tous les noms.

Le seul aspect positif de cette situation, car, étonnamment, il y en avait un, était la fenêtre à sa gauche. De là où elle était, elle avait une vue agréable sur le terrain de sport et les environs de l'école.

Elle repensa à son rêve de la nuit précédente, avec ses nuages de barbe à papa, ses arbres en sucettes et ses pavés de chocolat. Elle soupira et pensa à son lit douillet qu'elle avait dû quitter tôt ce matin là. Elle était dégoûtée. Elle soupira à nouveau et laissa sa tête retomber sur son pupitre.

Elle subissait leurs humiliations depuis deux ans maintenant. Elle se trouvait pathétique, incapable de tenir tête à ces filles. Que pouvaient-elles avoir de plus qu'elle mis à part leurs richesses, les renommées de leurs familles et leurs popularité ?

Toutes les quatre avaient rejoint ce lycée la même année, en seconde. Deborah, Sarah et Manuella grâce à leurs familles et Maëlle grâce à une bourse d'études secondaires. Au début, elle les admirait énormément. Elles étaient belles, intelligentes -sauf Manuella qui semblait souffrir d'une sécheresse neuronale-, douées dans leurs matières principales, semblaient gentilles, et étaient appréciées de tous. En bref, elles étaient parfaites à ses yeux. Elle n'avait jamais osé les approcher, étant beaucoup trop timide, même si elle en rêvait. Puis un jour, les trois demoiselles s'étaient tournées vers elle et lui avaient demandé si elles pouvaient être amies. Bien sûr, elle avait accepté, sans se douter un instant que quelque chose allait changer de façon radicale ces demoiselles et qu'elle deviendrait leur servante. Sans crier gare, elles devinrent cruelles. La rouquine était devenue la risée du lycée, leur faire-valoir. Tout le monde la connaissait comme la souffre-douleur de ces filles.

Maëlle n'avait jamais eu le courage de demander à ces filles de la laisser tranquille. Elle se soumettait à leurs demandes, s'abaissait dès qu'elles le lui demandaient, exécutait leurs ordres même s'ils la rendaient misérable. Incapable de trouver le courage nécessaire, elle se sentait faible et impuissante face à leur domination.

La rouquine, installée à sa nouvelle place, se laissait absorber par ses pensées. Un léger soupir s'échappa de ses lèvres tandis qu'elle se laissait emporter par cette échappée mentale. Un sursaut la traversa quand elle réalisa que des larmes coulaient sur ses joues, versées inconsciemment. Elle les essuya rapidement, priant pour que personne n'ait été témoin de ce moment de vulnérabilité. Son regard se perdit dans la pluie qui tombait doucement à l'extérieur, captivée par le spectacle hypnotique des gouttes glissant sur la vitre. Posant ses coudes sur le pupitre, elle soutint son menton dans ses mains, se laissant bercer par le doux tambourinement de la pluie.

Maëlle réalisa que le professeur avait un retard considérable. Même en consultant sa montre-bracelet, elle constata avec satisfaction qu'il ne restait plus qu'une heure de cours. Bien que compétente en maths, elle ne pouvait s'empêcher de haïr cette matière. Elle sourit timidement, heureuse de l'éventualité d'un cours écourté.

"Une matinée de plus durant laquelle le théorème de Pythagore ne m'aura servi à rien." Pensa t-elle un peu amusée.

Mathieu LeRoux, le professeur de mathématiques et professeur principal de la classe de Terminale A-2, se présentait comme une figure à la fois jeune et respectée au sein du lycée. À l'âge de 32 ans, il incarnait une approche à la fois décontractée et autoritaire envers ses élèves. Son allure attrayante cachait un côté taquin, manifeste dans ses interactions quotidiennes avec la classe. Il était proche des étudiants, cultivant un mélange de fraîcheur et de respect. Ses traits séduisants n'échappaient pas au regard secret d'admiration des jeunes. Bien que calme, il n'hésitait pas à badiner avec ses élèves pour détendre l'atmosphère, créant ainsi une dynamique unique dans ses cours.

Juste au moment où Maëlle se réjouissait de l'absence du professeur et de la possibilité d'un cours annulé, la porte de la classe s'ouvrit, révélant LeRoux et une autre personne. Tous les élèves se levèrent respectueusement pour les saluer. Elle entendit des exclamations de surprise des autres élèves lorsqu'ils virent la personne qui les accompagnait. Malheureusement, sa place ne lui permettait pas de voir clairement.

Elle maudit sa petite taille et reprit place lorsque le professeur le leur demanda. Elle était assise, la tête basse, incapable de voir la personne qui venait d'entrer avec le professeur.

Elle fut abasourdie lorsqu'elle vit finalement qui était cette nouvelle élève. C'était la même fille qu'elle avait croisée plus tôt.

La nouvelle élève s'avança lorsque le professeur l'y invita et se présenta. Sa voix douce résonna dans la salle.

- Bonjour, dit-elle, un léger sourire sur le visage. Je m'appelle Hope Awa Franklin, je suis ravie d'être dans ce lycée, et j'espère que nous allons bien nous entendre. Elle conclut sa présentation en s'inclinant en signe de respect.

- Bien, fit le professeur. Prenez place, nous allons commencer le cours.

Hope chercha un pupitre libre des yeux. Maëlle sursauta lorsque le regard de la nouvelle élève se posa sur elle. Elle crut discerner un sourire sur les lèvres de la nouvelle élève, bien qu'elle n'en fût pas sûre. Après tout, sa vue n'était pas excellente. Mais le plus surprenant fut de voir que Hope se dirigeait vers elle et s'arrêtait juste devant son pupitre. Elle la regarda, perplexe et intriguée.

- Cette place est-elle libre ? demanda t-elle.

- Euh... Je... non, répondit-elle maladroitement. Enfin si. Tu... tu peux t'asseoir.

Elle déplaça son sac de la chaise à sa droite pour laisser la place à Hope, qui la remercia et s'installa. La nouvelle élève sortit un cahier et une trousse de son sac et se concentra immédiatement sur ce que disait le professeur. Elle ne put s'empêcher de la fixer, toujours surprise qu'elle ait choisi de s'asseoir près d'elle, alors qu'il y avait d'autres places de libres plus à l'avant. Elle se demanda si la nouvelle élève avait senti son regard posé sur elle, mais elle ne montra aucune émotion, se contentant de se tourner vers le tableau.

Elle se sentit légèrement décontenancée. Pendant ce temps, son cœur battait rapidement. Elle lançait des regards furtifs à la nouvelle élève, qui était indéniablement belle. Son parfum chatouillait agréablement ses narines. Elle se sentait comme transportée sur un petit nuage.

Le prénom de la nouvelle élève, Hope, était aussi beau qu'elle. Cela signifiait "Espoir" en français, et c'était un prénom qui lui allait parfaitement. Elle était presque envoûtée par cette présence nouvelle.

Le professeur, avec sa voix autoritaire, la ramena brusquement à la réalité. Elle sursauta, comme à son habitude.

- J'ai une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle pour vous les jeunes, commença-t-il. La bonne nouvelle, c'est que vous avez une interrogation surprise. Les plaintes des élèves emplirent la classe, mais le professeur, les ignorant et sortant quelques chose du tiroir de son bureau dit, la mauvaise, c'est que c'est maintenant ! Sortez vos stylos et bonne chance, vous en aurez besoin.

"Achevez moi, pitié."

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