𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐯𝐢𝐧𝐠𝐭-𝐞𝐭-𝐮𝐧

« Confessions »

❘✶❘


Il y a cinq ans.
– Kai ! Sors de cette salle de bain !

La voix de sa mère le fit soupirer, et il entrouvrit la porte, les sourcils froncés.

– Je me prépare maman...
– Ton ami t'attend dans le salon.
– Mon ami ?
– Oui. Soobin, ou quelque chose comme ça. Un grand dadet avec un air mollasson.

Il ouvrit de grands yeux, insultant mille fois sa mère mentalement avant de refermer la porte et de glapir un « j'arrive tout de suite » d'une voix stridente et parfaitement incontrôlée. Un grand dadet avec un air mollasson... S'était-elle vue dans un miroir récemment ? De plus, elle savait exactement qui était Soobin. Il fulminait dans son coin, tout en bataillant avec sa brosse à dents coincée entre les lèvres et le bas de son pyjama, quand sa mère le héla de nouveau, d'une voix encore plus insupportable. Il manqua de s'étouffer avec son dentifrice, qu'il cracha dans l'évier, avant de s'asperger le visage sans plus de cérémonies. Ses cheveux en bataille, il enfila son uniforme à la va-vite, oubliant le dernier bouton de ce dernier, et quitta la salle de bain. Il passa par sa chambre pour attraper son sac de cours et dévala l'escalier, le cœur battant.

Que faisait Choi Soobin dans son humble demeure ? En maintenant plus d'un an d'amitié, le jeune homme n'avait jamais mis les pieds chez lui, ou du moins, n'avait jamais passé le portail de la minuscule cours devant la maison. Kai avait toujours mis un point d'honneur à ce qu'aucun de ses amis ne vienne chez lui, et pour cause, le climat familial compliqué qui y régnait était bien loin d'être agréable pour les quelques convives qui se risquaient à venir chez eux. Ils le savaient tous les quatre. Ce n'était un secret pour personne que la mère de Kai était une sorcière, que ses sœurs étaient plus diaboliques l'une que l'autre, et que sa grand-mère était bien loin d'être la personne la plus agréable du foyer. Son père, très absent de par son travail, apportait aussi sa tâche d'ombre au tableau, en étant bien loin du père supporteur et agréable que son fils rêvait d'avoir.

Il se souvenait bien d'une fois, où Taehyun était passé avec Yeonjun ; sa grand-mère avait alors commencé à leur faire une leçon grandiose sur les bienfaits d'une éducation stricte et rigoureuse. Yeonjun était resté très poli, et muet, et le regard de Taehyun avait laissé transparaître une légère envie d'emplâtrer cette bonne femme dans le mur derrière elle. Beomgyu ne s'était jamais trop risqué à venir jusqu'ici : voir la mère de Kai au lycée, venir taper un scandale auprès de son professeur de maths pour une note qu'elle avait trouvé trop basse lui avait suffi. Ce jour-là, Kai l'avait maudite sur dix générations entières, et avait écopé d'une montagne de regards, lourds de jugement, de la part de ses camarades.

Mais Soobin, c'était un autre souci. Car sa mère, sa grand-mère, ses sœurs et son père, quand il daignait se montrer chez eux, savaient pertinemment qui était Choi Soobin. Aux yeux de sa mère, et de sa grand-mère, il était le garçon qui entraînait son fils sur une mauvaise pente. Le garçon issu d'une famille riche, qui lui avait fourré dans le crâne que sa vraie famille, c'était lui et ses parents riches, et personne d'autres. Et Kai ne cherchait jamais à discuter sur ce point : les Choi avaient été de meilleurs parents en moins de deux ans que sa famille originelle depuis qu'il avait pointé le bout de son nez.

Soobin était assis sur un petit fauteuil, minuscule, où sa grand-mère posait ses pieds fatigués en temps normal, et Kai soupira devant ce spectacle affligeant. Ils n'étaient même pas dignes de recevoir quelqu'un. Il descendit les marches de l'escalier, le cœur lourd, et le salua d'un sourire timide.

– Tu ne répondais pas à tes messages, alors je suis venu passer te prendre au passage pour aller au lycée ! lui lança-t-il en guise de bonjour.
– Ah, oui je...
– Kai s'est fait supprimer son téléphone hier soir, le coupa sa mère. Il passait son temps à recevoir des messages, l'appareil faisait bien trop de bruit, et bousculait notre repas familial. De plus, Kai passe plus de temps le nez sur son écran que levé vers sa véritable famille.
– Oh.

Soobin la regarda avec des yeux ronds. Et Kai le connaissait assez pour savoir que dans sa tête, une nuée de moqueries et de remarques déplacées s'était mise à fuser dans tous les sens. Sa mère s'avança, avant de lui rendre son appareil, et Kai l'attrapa en murmurant un « merci » à peine audible.

– Je vous remercie de votre accueil, lança Soobin en se levant, avant de se courber légèrement.
– Vous partez déjà ?
– Nous aimons bien arriver en avance pour nos cours. Pour réviser ensemble nos contrôles de la journée, vous comprenez ?

Sa mère le dévisagea.

– Kai, tu viens ?
– Mais vous -
– Ma mère est dans la voiture, devant chez vous, si je ne reviens pas elle pensera que vous me tenez en otage, rigola-t-il.

Le visage de sa grand-mère se liquéfia. L'humour de Soobin la dépassait totalement.

– Je rigolais, hein...
– Ta mère ?

Et à ce moment précis, la sonnerie de la maison retentit. Et Kai n'avait pas besoin d'ouvrir la porte pour savoir que derrière elle, madame Choi devait se tenir raide comme un piquet, inquiète de ne pas voir revenir son fils et son meilleur ami. Kai s'empressa de mettre son sac sur les épaules, de glisser son téléphone dans la poche de son jean, et la porte s'ouvrit sur la mère de Soobin, les bras croisés sur sa poitrine volumineuse.

Aussitôt, les yeux de sa mère s'agrandirent – d'effrois ou de surprise, Kai ne sut pas réellement l'interpréter – quand le spécimen qu'était madame Choi fit un pas dans l'entrée.

– Les garçons !

Elle portait un manteau long, en fausse fourrure absolument extravagant et Kai eut envie d'exploser de rire. Elle était là, dans toute sa splendeur, avec ses bijoux voyants, ses cheveux colorés qui faisaient tant jazzer et son maquillage qui laissait les gens souvent perplexes.

– Oh, bonjour, je suis la mère de Soobin ! Je me demandais ce qui prenait autant de temps... Je suis très mal garée, ça aurait été un plaisir de vous rencontrer mais...

Elle se courba plusieurs fois pour saluer tous les membres de sa famille et Kai eut envie de lui dire que faire des politesses avec eux ne servait à rien : elle était déjà cataloguée comme bimbo folle et extravagante avec très certainement un mari vieux et riche qui subvenait à ses besoins. Il connaissait par cœur sa mère et ses jugements hâtifs.

– Les garçons, le lycée n'attend pas !

Elle les pressa d'un geste de la main, et, tout sourire, Kai se précipita dehors sans un regard pour sa mère qui était sur le point de répliquer quelque chose. La mère de Soobin lui ébouriffa les cheveux au passage, et quelques secondes plus tard, ils étaient confortablement assis dans sa voiture où le dernier son en vogue à Séoul était diffusé.

– Ta mère est flippante, lâcha Soobin.
– Je sais.
– Mais ta grand-mère l'est encore plus.
– Si tu savais...

Madame Choi esquissa un sourire attendri et leur jeta une poche en papier sur les genoux.

– Votre repas de midi ! Je suis passée dans cette petite boulangerie très sympathique ce matin avant de venir chez toi ! Vous me direz ce que valent leur repas ?
– Merci m'man !

Kai s'empressa de mettre sa part dans son sac et la remercia immédiatement.

– Oh, et Kai...
– Mmm ?
– Tu sais que tu es toujours le bienvenu chez nous, hein ?
– Merci.

Du fond du cœur. Car cela faisait une semaine que sa mère lui interdisait de sortir le soir, où de dormir ailleurs que dans sa chambre. Et il n'avait pas osé le dire à Soobin.

❘✶❘

– Yeonjun !

Kai agita une main pour lui faire signe de se rapprocher, et Yeonjun arriva vers eux, le sac sur une épaule, l'autre main tenant celle de Jiwon qui trottinait à ses côtés. Le couple se posa à leurs côtés sur la table qui leur servait de repère pour manger le midi. Taehyun leur adressa un signe presque timide de la tête avant de recommencer à classer ses aliments par formes (ou par couleurs ? Kai se posait souvent la question, et ne parvenait toujours pas à comprendre le but de sa manœuvre), et Beomgyu leur adressa un sourire immense. Pour la première fois, et sous ses yeux ébahis, Jiwon lui signa une salutation, les joues rouges, et visiblement heureuse d'avoir fait un pas en sa direction. Personne ne rata les yeux ronds de Beomgyu, ni son visage qui devint cramoisi dans la seconde. Soobin pouffa gentiment avant de se décaler pour la laisser s'asseoir.

Cependant, Kai ne loupa pas son regard lourd en la voyant passer une main dans le dos de son petit ami, le tout accompagné d'un sourire tendre qu'elle avait sans arrêt sur le visage quand elle se tenait auprès de Yeonjun. Jiwon avait coupé ses cheveux au niveau de ses épaules, et Kai trouvait cette nouvelle coupe adorable. Jiwon avait toujours su mettre en valeur leurs uniformes pourpres en valeur, avec ses accessoires, broches et diverses coiffes qu'elle portait tous les jours. Il la connaissait depuis le collège, avec Taehyun, et devait bien avouer qu'elle ne l'avait jamais laissé indifférent ; comme tout le monde autour de cette table. Jiwon n'était pas le genre de personne à laisser les autres indifférents. De par son caractère en or, ses notes brillantes qui épataient les gens pensant qu'elle ne travaillait pas plus que ça, où son visage de poupée que la moitié des garçons adoraient.

– Vous allez bien les garçons ?

Elle se joignait de plus en plus à eux pendant les repas. Et Kai sentait Soobin se liquéfier un peu plus à chaque fois, comme s'il avait quelque chose à se reprocher.

– Ça peut aller, répondit Taehyun en relevant enfin la tête de son repas.

Jiwon leva un sourcil en regardant son plat et esquissa un sourire.

– Eh bien, je n'avais encore jamais rencontré quelqu'un qui coupe ses carottes de la même taille... et aussi droite.
– C'est plus esthétique, se contenta-t-il de répondre, comme si cela justifiait totalement ce toc étrange qu'il avait.

Les épaules de Beomgyu tremblèrent légèrement, signe qu'il pouffait silencieusement, et pour cause, lui était bien placé pour savoir qu'elle était bien loin d'avoir tout vu.

– Vous avez entendu la dernière ? lâcha Yeonjun.

Kai croqua dans son sandwich, qu'il trouva délicieux. La mère de Soobin avait bon goût.

– Seoho, il se tape son délégué.

Kai leva un sourcil, intrigué.

– Il n'est pas avec la fille aux cheveux qui traîne par terre ? demanda Taehyun d'une voix presque lasse.

Kai leva les yeux au ciel : Taehyun avait toujours un chic pour piocher un élément du physique des gens et pour les nommer uniquement de cette manière. Cette pauvre fille avait... Juste les cheveux très, très, très longs.

– Si, justement. C'est ça qui est drôle.
– En quoi ? demanda Jiwon.
– Ok, j'vais la refaire : Seoho, le gars qui ne jure que par sa copine parfaite, et qui clame sur tous les toits que c'est le mec idéal, se tape le délégué.

Soobin avait plongé le nez dans sa canette et Kai se demandait s'il buvait réellement, où s'il se contentait de respirer dans une cannette vide.

– C'est dégueulasse de faire ça, soupira Jiwon en croquant dans sa pomme.
– Moi j'trouve ça drôle.
– Ce n'est pas drôle Yeonjun, je me taperais un de tes amis ici présent, tu ne trouverais pas ça drôle du tout ! le réprimanda-t-elle.
– T'es pas ce genre de nana. Et mes potes sont pas comme ça.
– Heureusement pour toi, idiot, soupira-t-elle.

Beomgyu, qui en était très certainement à se demander qui était Seoho et le délégué se contenta de hocher de la tête, frénétiquement, pour confirmer ses dires.

– Eh bien c'est une nouvelle inattendue, lâcha Taehyun.

Il n'avait pas l'air surpris. Et Kai se demandait même s'il n'était pas déjà au courant. Taehyun avait le nez partout, même sans le vouloir.

– Que c'est une tapette ? Ouais, grave.
– Yeonjun, souffla Kai.
– Pardon, qu'il est homo.

Sous la table, Kai attrapa la main de Soobin qu'il sentait à deux doigts de lancer une remarque acerbe, ou de faire un malaise, au choix.

– Non, ça, ça crevait les yeux, vous n'avez juste aucun flair, ajouta Taehyun.

Soobin ne put s'empêcher de pouffer, et Kai lui adressa un sourire tendre.

– Tu savais aussi ? lui demanda Taehyun en haussant un sourcil.
– Ouais, souffla-t-il.

Il eut un drôle de silence, avant que les deux ne détournent le regard l'un de l'autre, et que Jiwon ne se gratte la gorge bruyamment.

– Bon, on s'en fiche. Merci mon chéri pour cette information de la plus haute importance, nous en voilà grandit !

Dieu qu'il aimait cette fille.

– Tu ne veux pas manger ton repas maintenant ?

Yeonjun lui adressa un sourire immense avant de manger, enfin, pour de bon son repas. Il ressemblait à un gosse quand Jiwon lui parlait de cette manière, et Kai avait toujours trouvé cette facette de sa personnalité assez étrange. Yeonjun aimait être vu comme un garçon mature. Il l'était, sous bien des points de vue. Il était le plus âgé de leur bande, et faisait son âge. Il parlait comme un garçon qui avait trente-six mille responsabilités en permanence, et ce n'était un secret pour personne que ses parents plaçaient de grands espoirs en leur fils unique quant à son futur au sein de leur entreprise. Mais, de temps en temps, Kai – comme tous les autres – percevait le reste : ce Yeonjun un peu gamin qui rigolait aux blagues un peu nulles de Soobin. Ce gosse qui préférait les gâteaux très colorés parce que la couleur était plus alléchante. Ce grand gamin qui prenait sa voix geignarde pour se plaindre d'à peu près tout... C'était cette part de lui qui avait fait que Kai était devenu son ami.

Le repas achevé, il regarda le couple s'éloigner main dans la main : Jiwon raccompagnait Yeonjun en permanence à ses cours de l'après-midi, avant de regagner leur classe, in extremis, et Kai avait toujours trouvé cette manie rigolote. N'importe qui d'un regard extérieur ou d'ami pouvait voir à quel point Jiwon avait à cœur que sa relation fonctionne.

❘✶❘


Le reste de leur journée avait filé à une allure phénoménale, et quand Soobin proposa à Kai de passer la soirée chez lui, ce dernier eut un moment d'hésitation.

– C'est à cause de tes parents ?
– Ils m'en veulent de ne plus être là.
– Je suis désolé...
– Ne t'excuse pas, ce n'est pas toi qui as rendu ma famille merdique, elle l'était avant que tu arrives dans ma vie.
– Ne te sens pas obligé de rester dormir, tu manques à mes parents je crois, c'est tout...

Kai se gratta la nuque, gêné.

– Ça me manque aussi.

Soobin pencha légèrement la tête sur le côté, surpris par sa répartie.

– Je veux dire, passer du temps seul à seul avec toi, ailleurs qu'au lycée ou sur le chemin du retour, ça me manque. Mais au-delà de ça, je me sens vraiment bien quand je suis chez toi.

Soobin esquissa un sourire qui fit disparaître ses yeux, et Kai sentit son cœur battre un peu plus vite.

C'était pour ça qu'il vivait. Pour voir ce sourire aussi radieux, sur ce visage. Il se fichait d'avoir une famille en carton. Des notes moyennes. De ne pas réussir à s'assumer tel qu'il était. Il voulait juste le voir sourire. Pour toujours. Soobin heureux était la plus belle chose que ce monde lui avait offerte, une perle rare à laquelle il se raccrochait en permanence pour ne pas couler et céder à ses humeurs noires.

– Tu sais quoi ? Qu'ils aillent se faire voir.

Soobin ouvrit des yeux ronds.

– J'ai... Toujours quelques affaires chez toi ?
– Kai, tu as la moitié de ton dressing dans le mien, rigola Soobin.
– Et -
– Et toutes les affaires qui comptent vraiment, oui.

Pris d'un élan soudain d'affection, il se jeta dans ses bras pour le serrer fort contre lui. Soobin lui rendait toujours ses étreintes. Soobin était toujours gentil avec lui. Soobin était son ancre, et ce soir, il avait des questions importantes à lui poser, et il attendait des réponses concrètes de sa part.

❘✶❘


– Soobin ?
– Mmh ?
– Est-ce que je peux essayer ça ?

Soobin releva la tête de ses devoirs et leva un sourcil en voyant ce que Kai tenait entre ses mains.

– Si tu veux.
– C'est à ta maman, ça ne va pas la gêner ?
– Elle n'en saura rien, et même si elle l'apprenait, crois-moi, elle s'en moquerait bien. Elle t'adore je te rappelle.

Il grimpa à nouveau sur son lit, sa palette de maquillage entre les mains, les yeux pétillants.

– Tu sais t'en servir au moins ?
– Ouais, j'ai regardé des tutos sur internet !

Il en avait regardé des dizaines, des vingtaines... Il ne comptait plus. Il le reconnaissait volontiers : les images dont on abreuvait les jeunes coréens depuis des années n'avaient pas aidé à refréner sa passion pour les beaux maquillages et les jolies tenues.

– Tu veux ressembler à une idole ? se moqua gentiment Soobin.

Kai lui lança un regard de travers, faussement outré. Il pouvait parler, lui. Il aurait percé dans l'industrie sans même lever le petit doigt.

– Tu trouves ça ridicule ?
– Pas du tout. J'me maquille aussi, pour rappel.

Kai haussa un sourcil.

– Ouais, bon, je ne mets pas de trucs voyants sur mes lèvres, mais sinon... Oh, et puis, Kai, ne te sens pas obligé de te justifier auprès de moi à chaque fois, hein ?

Soobin replongea dans ses devoirs, un sourire aux lèvres. Kai reporta son attention sur la jolie palette qu'il avait sous les yeux, le regard brillant. D'aussi loin qu'il se souvienne, il avait toujours adoré ça. Son goût pour les personnes soignées, tirées à quatre épingles et avec un maquillage impeccable avait toujours été présent. Il avait grandi dans une société qui vendait le maquillage comme le stade ultime à atteindre, sans jamais comprendre pourquoi on avait imposé des barrières stupides aux garçons, et non aux filles. Il se creusait sans doute trop les méninges. Plus d'une fois, Soobin lui avait gentiment dit qu'il s'en fichait, et qu'au fond, les autres aussi.


Quoi que tu fasses, les gens te jugeront. Alors autant vivre à fond.

Regarde ma mère.


Et madame Choi était en effet la définition véritable de « vivre sa vie à fond ».

La seule barrière que mon père ne lui ait jamais mise, c'est mon prénom, lui avait-il dit. Et ainsi, Kai avait appris que Soobin avait manqué de s'appeler comme l'un des héros de mangas favoris de sa mère. Son père, catastrophé, avait alors négocié. Finalement, ils s'étaient accordés sur Soobin, en hommage à l'un de leur camarade de classe commun que le temps avait éloigné d'eux.

– Dis, j'ai une question...
– Ouais ?
– T'as pas un truc à me dire ?
– À propos de quoi ?
– De Yeonjun.

Soobin referma son cahier et plissa ses petits yeux.

– De Yeonjun ? Pourquoi ?
– J'me posais juste des questions. Ce qu'il a dit tout à l'heure...
– Laisse tomber, c'pas grave. Il ne s'en rend même pas compte, j'en suis persuadé.
– Tu avais l'air vraiment mal Soo'...
– Ouais, bah...

Kai reposa son pinceau et inclina légèrement la tête sur le côté.

– Ok, il y a autre chose.
– Je le sais ça.
– Je crois que je...
– Tu craques sur lui, hein ?
– Kai...
– J'avais raison.
– J'ai pas choisi.
– Encore heureux, sinon, je t'aurais dit que tu aimais te mettre dans la merde tout seul.
– Et c'est tout. Il ne se passe rien, ne va pas te faire des films ! Je... Je ne suis pas ce genre de personne. Je ne ferais jamais ça à Jiwon et... Et puis de toute façon, ce n'est pas comme si je pouvais potentiellement l'intéresser, hein ?
– Euh, alors... Ne le prends pas mal, mais Yeonjun n'a pas l'air très -
– Voilà, tu vois ? Aller, on n'en parle plus. Dans deux mois, je l'aurais oublié.
– Je ne pense pas, mais ok.
– Tu ne penses pas ?
– Ça fait quelque temps que je me posais la question figure toi. Mais si tu veux que je fasse comme si je ne savais pas, et que cette discussion n'avait jamais eu lieu, alors je ferais ainsi.

Soobin passa une main dans ses cheveux sombres, un air fatigué sur le visage.

– Pourquoi il faut toujours que je jette mon dévolu sur des gens avec qui je n'ai aucune chance, hein ? Bon, je ne tombe pas amoureux tous les deux mois, mais quand même...

Kai laissa échapper un rire léger.

– T'aurais dû rester avec le gars de la plage.

Soobin leva vers lui des yeux ronds.

– Bah quoi, quand tu me l'as dit, tu avais l'air de te rappeler de bons moments !
– C'était purement physique.
– Peut-être, mais lui au moins ne t'a laissé que de bons souvenirs.
– Certes je... Tu as une manière de voir les choses toi...
– Tu devrais peut-être reprendre contact ?
– Impossible.
– Pourquoi ?
– Parce que. On en a décidé ainsi. Et est-ce que tu essaies sérieusement de me caler avec ma relation éphémère d'un été ?

Kai haussa les épaules.

Je veux juste que tu sois heureux.

Soobin lui attrapa la main, et passa une main dans ses cheveux.

– Je t'ai toi.
– C'est pas la même chose.
– Je m'en fiche. Je t'ai toi. Et crois-le ou non, je préfère un ami comme toi, plutôt qu'une relation bancale, un Yeonjun ronchon ou de faux espoirs.

Je préfère un ami comme toi.

Sa poitrine se gonfla de fierté. Et il serait cet ami, il se l'était promis plus d'une fois. Il ne laisserait jamais personne lui faire de mal. Il le protégerait, de tous.


Un miaulement se fit entendre, et Soobin leva les yeux au plafond.

– C'est fou ce chat qui miaule si fort qu'on l'entend à l'autre bout de l'appartement !
– D'où il vient d'ailleurs ?
– Aucune idée, il est à aucun des voisins, lui répondit Soobin.

Ils se levèrent, comme d'habitude, pour ouvrir la porte à ce petit chat qui les attendait sur le palier. Soobin s'agenouilla pour grattouiller le sommet de son crâne, un sourire gaga sur les lèvres. Et au plus profond de lui, Kai était persuadé que ce chat était celui qu'il avait vu une fois, près de son lycée. Depuis, il lui rendait visite chez son meilleur ami. Il plongea ses yeux bruns dans ceux bicolores du félin en face de lui et esquissa un sourire gêné.

Ce chat l'avait toujours un peu mis mal à l'aise.

J'avais comme l'impression de voir un mauvais présage sur le pas de la porte, à chaque fois.





─ 𝐊𝐔𝐊𝐈𝐇𝐈𝐌𝐄 𝐓𝐈𝐌𝐄 ─

Hello ! D'apparence, il ne se passe pas grand chose dans ce chapitre, mais il est essentiel pour cerner un peu mieux le personnage de Kai hihi ~  J'espère qu'il vous aura plu ** 

Passez une bonne semaine, avec les belles nouveautés que le groupe nous réserve pour la fin de semaine ♥

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