𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐭𝐫𝐞𝐧𝐭𝐞-𝐬𝐞𝐩𝐭
« Le garçon qui était invincible »
❘✶❘
Il y a quatre ans.
Yeonjun n'avait pas remis les pieds à l'intérieur de son lycée depuis la fin de ses études ici. Il avait été pris de nostalgie et, avec l'autorisation de l'un de ses anciens professeurs, il était revenu pour quelques papiers administratifs. Cependant, sa curiosité et son envie de remuer le passé l'avaient mené ici, dans cette salle où il avait passé des heures à danser seul, ou avec Jiwon. Il avait espéré ne pas la croiser, oubliant presque qu'elle se trouvait toujours ici, entre ces murs. Jiwon avait été là à chacune des étapes de la fin de son lycée, lui faisant oublier bien souvent qu'il lui restait encore une année à faire, avant de le rejoindre dans son école. Il fallait dire que la jeune femme avait tout planifié des prochaines années de son avenir, de leur avenir, et que Yeonjun se sentait encore mal du tournant qu'avait pris leur relation. Il l'aimait, évidemment. Il l'aimait comme une amie qu'il avait envie de chérir, qu'il avait peur de perdre. Seulement, de son côté, Jiwon continuait d'espérer que tout revienne dans l'ordre. Que tout redevienne comme avant. Qu'ils redeviennent ce couple qu'elle affectionnait tant...
Et Yeonjun la laissait espérer.
Parce qu'ainsi, il se sentait rassuré. Parce qu'ainsi, il avait la sensation d'avoir une roue de secours, d'être assuré de ne jamais finir seul. Une petite voix lui soufflait que Soobin pouvait lui offrir tout autant que Jiwon, mais Yeonjun refusait de l'écouter.
Presque machinalement, il déposa son portable par terre avec un peu de musique, et étira ses bras puis ses jambes face au grand miroir qui se trouvait là. Il connaissait les horaires de la salle sur le bout des doigts, savait qu'en cette période de creux scolaire, peu d'étudiants s'y rendaient. La musique ne tarda pas à le happer totalement et, après de longues minutes d'échauffement, il esquissa quelques mouvements de danse. Il avait mis de côté sa passion après avoir quitté le lycée, par manque de temps et d'endroit où l'exercer mais aujourd'hui, la tentation avait été trop grande pour passer à côté d'une occasion pareille.
Il se sentait revivre, enfin, jusqu'au bout des doigts. Tout lui revenait avec facilité et si naturellement que Yeonjun n'eut pas l'impression un seul instant de s'être arrêté un jour. Il avait ça dans le sang, Jiwon le lui avait répété des centaines de fois. Et Soobin aussi.
– Yeonjun ?
Il n'entendit pas immédiatement la voix derrière lui qui hélait son prénom. Trop emporté par un tourbillon d'efforts et d'émotions, les paupières mi-closes, Yeonjun vivait dans son petit monde. Il ne faisait plus attention à rien, en dehors de ses mouvements et au rythme que lui imposait la musique. La voix répéta une deuxième, troisième fois son prénom avant qu'il ne finisse par broncher qu'il n'était plus seul. Il sursauta en distinguant dans les miroirs de la salle une grande silhouette derrière lui. Le jeune homme manqua de trébucher, et se jeta sur son portable pour couper le son de ce dernier.
– Soobin ?
– Désolé, je ne voulais pas te faire peur, rigola le noiraud. Je ne m'attendais pas à te voir ici...
Il était essoufflé, et son coeur peinait à se remettre de ses émotions.
– Je venais récupérer de la paperasse... Et toi, que fais-tu là ?
– Je suis venu aider à peindre la salle de théâtre avec Kai. Ils en profitent, puisque la salle est inutilisée pour le moment...
– D'où les tâches bleues sur les doigts ?
Soobin ricana, amusé.
– Voilà !
– Où est Kai ?
– Oh... Il devait aller chercher ses sœurs je ne sais où... Il a reçu un coup de fil peu agréable de sa mère, et tu sais comment elle est...
– Démoniaque.
– C'est plutôt bien résumé.
– Il a filé. Mais je suis resté pour donner un coup de main jusqu'au bout.
– J'espère que ça ira pour lui, murmura Yeonjun.
Soobin chuchota quelque chose semblant se rapprocher de moi aussi, moi aussi, et s'approcha de quelques pas.
– Tu veux de l'aide pour te filmer ?
– J'devrais pas rester ici, mais c'est gentil, merci.
– Comme tu veux.
Soobin avait glissé ses mains dans les poches, sans doute pour lui cacher ses tics nerveux, et Yeonjun l'imita, lui aussi un peu gêné.
Ils n'avaient pas vraiment eu l'occasion de se croiser rien que tous les deux depuis la soirée chez Taehyun, depuis leur nuit chez Soobin où Yeonjun avait bien cru que son coeur allait le lâcher tout du long de la soirée. Il y avait bien eu ces quelques sorties de groupes, ces quelques regards un peu plus longs que les autres échangés entre eux, mais rien de plus. À mesure que les jours passaient, que ses discussions virtuelles avec Soobin devenaient de plus en plus fréquentes, Yeonjun paniquait. Il était troublé par l'impatience qu'il ressentait à chaque fois qu'il attendait une réponse de sa part. Par le sourire horriblement niais qu'il avait sur le visage quand Soobin mettait ses petits émoticônes adorables à la fin de ses messages, ou quand il lui envoyait une photo de lui.
– Je devrais y aller, dans les faits, j'ai pas le droit de me trouver ici, lança-t-il.
– On rentre ensemble ? Enfin, on peut faire un bout de chemin tous les deux, si tu en as envie...
Soobin semblait peser le moindre de ses mots. Et Yeonjun eut bien du mal à contenir le sourire naissant sur son visage.
– Je suis venu à vélo, se sentit-il obligé de préciser.
Mais Soobin se contenta de hausser les épaules.
Ils marchaient l'un à côté de l'autre sans un mot, en se contentant simplement de quelques regards et des bruits des rues environnantes. Noyé dans son gros sweat-shirt noir Yeonjun marchait, concentré, les doigts crispés sur le guidon de son vélo qu'il tenait fermement. Les températures avaient de nouveau chuté dans la capitale sud-coréenne, et le jeune homme avait volontiers accepté sa défaite face au froid. Les rues dans le quartier de Soobin étaient désertes, et quand Yeonjun réalisa qu'il l'avait ramené jusqu'à chez lui, Soobin reprit la parole.
– Tu n'étais pas obligé de venir jusqu'ici, lui dit-il d'une voix calme.
Yeonjun laissa échapper un rire nerveux, et agita sa main de libre pour lui intimer de se taire. Le raccompagner était une excuse pour passer plus de temps avec lui, et au fond, il savait que Soobin l'avait très bien compris.
Devant la porte de son appartement, ils s'arrêtèrent, et Soobin farfouilla dans ses poches quelques instants à la recherche de sa carte magnétique. Au-dessus de leurs têtes, la faible lueur du lampadaire ne l'aidait pas beaucoup mais il s'en contentait, sous le regard sérieux de Yeonjun.
– Bon eh bien, bonne soirée je suppose ?
Il n'était pas tard, à peine dix-huit heures, mais l'hiver avait des journées plus courtes, plus rudes, et Yeonjun avait l'impression d'être au beau milieu de sa soirée.
– Oui, voilà je... Ouais.
Il se trouva un peu pathétique, à bégayer de la sorte, mais fut presque hypocritement soulagé de voir que de son côté, Soobin n'en menait pas large. Et alors que le noiraud se pencha pour passer sa carte, Yeonjun agrippa la manche de son manteau.
– Attends Soobin...
Il se retourna, les sourcils levés, surpris par son geste et Yeonjun laissa échapper un soupir léger. Il jeta quelques regards furtifs autour d'eux, s'assurant qu'ils étaient seuls et rapprocha son visage du sien, se hissant légèrement sur la pointe des pieds. Son visage s'enflamma, et le brûla quand ses lèvres se posèrent sur ses joues rondes, faute de trouver celles de son vis-à-vis. Il se recula immédiatement après, les yeux rivés sur le sol, manquant le sourire heureux du garçon en face de lui.
– Désolé.
– De quoi donc ?
– Je n'y arrive pas.
À t'embrasser en dehors de quatre murs qui nous protègent du reste du monde, avait-il envie d'ajouter. Soobin se racla la gorge, et Yeonjun y décela une pointe d'amusement. Voulant fuir ce regard devenu trop pesant il fléchit ses genoux et trifouilla ses lacets quelques secondes, espérant que Soobin profiterait de cet instant pour enfin rentrer dans son immeuble. Son vélo en équilibre chuta et Soobin éclata de rire, lui faisant grimper le rouge aux joues encore plus vite. Quelques secondes plus tard, il s'était accroupi en face de lui, souriant.
– Franchement, Yeonjun...
Il ne lui répondit rien, les yeux rivés sur ses baskets. Une nouvelle paire de mains se mêla aux siennes pour renouer ses lacets et il frissonna.
– Nous sommes tout seuls.
Il releva timidement les yeux, les sourcils froncés.
– Je peux ?
Il ne répondit rien, la bouche pâteuse, et releva le nez en se demandant où Soobin voulait en venir. Lui aussi ne disait plus rien, en attendant une réponse que Yeonjun n'était pas certain de formuler à voix haute. Il opina du chef, en se demandant comment les choses pouvaient basculer aussi vite avec Soobin.
– Choi Yeonjun, tu me rends dingue..., murmura-t-il.
Il aurait voulu lui demander pourquoi, prendre son courage à deux mains et lui dire que lui aussi, le rendait dingue. Mais au lieu de ça il resta muet, et consentit à laisser Soobin l'embrasser. Comme la première, et la deuxième fois, Yeonjun se surprit à trouver le baiser plus agréable que tous ceux qu'il avait pu expérimenter jusque-là. La sensation des mains sur sa joue le confortait, celle de sentir que Soobin tenait à lui aussi. Il s'autorisa à fermer les yeux, envoûté, oubliant l'endroit où ils se trouvaient. Il aurait voulu continuer à l'embrasser sous ce lampadaire pendant des heures, sans se soucier de quoi que ce soit d'autre, mais ce fut Soobin qui brisa ce moment, le regard brillant. Il souriait, et le noiraud se fit la réflexion que Soobin avait le plus adorable des sourires.
– On se revoit bientôt?
– Que tous les deux.
Il avait voulu poser une question, mais son intonation avait choisi tout autre chose. Surpris, Soobin haussa un sourcil avant d'esquisser ce sourire en coin qu'il aimait tant ; celui qui faisait ressortir cette fossette adorable qu'il possédait.
– Avec plaisir.
Son coeur battait à tout rompre, il n'entendait plus que lui résonner dans tout son être.
– Bonne nuit Yeonjun.
– Bonne nuit Soobin.
Il eut un dernier regard, un dernier sourire, et Soobin s'engouffra dans son immeuble.
Quand Yeonjun rentra chez lui ce soir-là, ce fut avec un sourire béat sur le visage. Il plia son vélo, le rangea dans l'espace prévu à cet effet et ôta ses chaussures. Il salua son père, sa mère et se glissa à côté d'elle sur le canapé, tout sourire. Les images de Soobin et lui devant son immeuble refusaient de le lâcher, pour son plus grand plaisir.
– En voilà un qui a passé une bonne journée !
Yeonjun opina du chef et sa mère l'attira contre elle, passant une main dans ses cheveux.
– Comment tu vas mon chéri ? Oh, tu as de la peinture bleue sur la joue !
Elle lui essuya d'un geste du pouce, tandis que son sourire ne cessa de s'agrandir.
– Bien, bien !
– Ta fatigue ?
– Maman, je vais bien... Dis-moi plutôt ce qu'il en est pour toi.
Elle esquissa un sourire immense et Yeonjun se força pour maintenir le sien. Elle passa une main sur son ventre, les joues roses et déposa un baiser sur son front.
– Nous nous portons à merveille !
Grand bien. Il se leva, prétextant devoir ranger ses affaires dans sa chambre, et Yeonjun fila au plus vite. Il voyait ô combien sa mère était heureuse à mesure que les semaines défilaient, et que l'enfant qu'elle attendait grandissait. Il se réjouissait autant qu'il se morfondait en l'attendant, lui aussi. Au moment où il attrapa son téléphone pour contacter Soobin – l'envie lui avait pris subitement – le nom de Jiwon apparut sur son écran. Toute son excitation retomba, et il passa une main sur cette joue où Soobin avait laissé un peu de sa peinture bleue, quelques minutes auparavant. Il serra légèrement les dents et décrocha, non sans hésitation.
« – Coucou Yeonjun ! Comment vas-tu ?
– Salut toi, je vais bien !
– Dis, je voulais te poser une question... Est-ce que ça te dirait d'aller boire un verre avec moi un de ces jours ?
– Oh euh...
– Entre amis, évidemment ! Je ne veux pas que... Enfin, que la situation soit étrange entre nous, sauf si tu penses que toi et moi ça pourrait de nouveau... »
Il eut un drôle de blanc.
« – Enfin, tu vois ?
– Je ne sais pas Jiwon...
– Pour le verre ou pour nous ?
– Aucun souci pour le verre. »
Ils restèrent en suspens l'un et l'autre, sans prononcer un mot de plus. La sensation des lèvres de Soobin sur les siennes était toujours véritablement présente. Il esquissa un nouveau sourire, léger, mais heureux. Si tu acceptes ça, tu te tires une nouvelle balle dans le pied. Tu n'as pas besoin de te compliquer la vie avec ça Yeonjun...
« – Ça me ferait vraiment plaisir de te voir Jiwon.
– Oh...
– Envoie-moi tes disponibilités, d'accord ?
– Je fais ça dès que je raccroche !
– Je dois te laisser, souffla-t-il.
– À bientôt Yeonjun, prends soin de toi, et passe le bonjour à tes parents !
– Toi aussi Jiwon ! »
Et ils raccrochèrent. À peine une vingtaine de secondes plus tard, il reçut les disponibilités de la jeune femme, et poussa un long soupir. Il ne lui avait rien précisé. Il l'avait laissée consciemment mariner, dans le flou. Parce que ne rien clarifier l'arrangeait. La culpabilité commença à poindre et Yeonjun passa une main dans ses cheveux, soudain agacé. Il répondit assez rapidement à son message et posa son portable sur sa table de chevet, las. Son envie de parler à Soobin s'était dissipée, aussi vite que la joie qu'il avait éprouvée sur le chemin du retour.
Pourtant, alors que la fatigue le gagnait peu à peu, ce fut en pensant à lui qu'un sourire timide apparut sur son visage.
❘✶❘❘✶❘❘✶❘
Kai regardait un peu partout autour de lui les couples agglutinés devant les vitrines de magasin, les nombreuses poches dans leurs mains, les décorations de l'hiver un peu partout dans cet immense centre commercial. Soobin l'y avait traîné pour acheter un cadeau pour sa mère, avec pour seule raison de vouloir la gâter un peu plus. Ils avaient hésité entre des habits, des bijoux, des parfums, avant de se dire qu'elle avait déjà beaucoup de tout ça. Au final, les deux garçons tournaient en rond dans le centre commercial, à la recherche de la perle rare. Soobin se perdit au rayon des manteaux longs, en cherchant le plus voyant et le plus excentrique pour que sa mère ne passe pas inaperçue partout où elle se rendrait, et Kai décida de fureter un peu de son côté.
Il se fit la réflexion que les habits de ce magasin lui plaisaient bien et marqua de nombreux arrêts devant ces derniers. Il aimait la manière dont les coutures étaient faites, les lignes des vêtements, le choix des couleurs... Un léger sourire naquit sur son visage alors qu'il effleurait du bout des doigts les différents tissus, tous plus agréables les uns que les autres.
– Pour elle ou pour toi ?
La voix de Soobin le fit sursauter.
– Euh je...
Il s'empressa de retirer sa main, sous le regard curieux de son meilleur ami. Il n'avait pas songé un seul instant à Madame Choi portant cette jupe.
– C'est trop sobre pour elle. Toi, ça te plaît ?
Maladroitement, il lui fit signe de baisser légèrement son ton, stressé par le regard de deux jeunes femmes dans le rayon juste à côté.
– Pardon, murmura Soobin.
– Elle est trop chère de toute façon, marmonna Kai.
– Je te l'offre !
– Soobin, s'il te plaît... Je ne rentrerais jamais dedans, elle n'a pas été cousue pour ma morphologie.
Il lui jeta un regard triste avant de tourner les talons et Soobin l'agrippa par la manche.
– Eh, ne dis pas n'importe quoi. Avec une taille au-dessus, elle t'irait à merveille.
Kai lui adressa un sourire timide, comprenant ce que Soobin essayait de faire. Oui, il mourrait d'envie de l'essayer, là, maintenant, tout de suite. Il crevait d'envie de voir ce qu'elle donnerait sur lui, avec l'un des beaux pulls amples que son meilleur ami lui avait offerts pour Noël. Sa couleur crème s'accorderait à merveille avec le tissu sombre de la jupe et...
– Tu sais quoi ? Je la prends, et si ça ne va pas, on viendra la changer.
– Je...
– Kai, je viens pour acheter des fringues pour ma mère. Si c'est ça qui te gêne, personne ne saura jamais que c'est pour toi.
– D'accord.
Tout sourire, Soobin la jeta sur son avant-bras, par-dessus un manteau à la couleur pétante. Les deux jeunes femmes du rayon voisin ne les avaient pas quittés des yeux, un drôle de sourire sur les lèvres. Et comme à chaque fois, Kai ne put s'empêcher de penser au pire. Que pensaient-elles ? Avaient-elles compris ? Où souriaient-elles pour tout à fait autre chose ? Sa tendance à interpréter le moindre regard, le moindre geste revenait au grand galop, et le mettait mal à l'aise. Pour essayer de penser à autre chose, il reporta son attention sur le manteau que Soobin avait choisi.
– Tu vas lui prendre ça ?
– Elle n'avait pas encore de violet dans sa garde-robe. Ça ira avec ses nouvelles mèches de cheveux en plus.
Kai pouffa, amusé. La mère de Soobin était un phénomène, et son fils la connaissait si bien...
– Merci Soo'.
Soobin haussa les épaules, tout sourire.
– Je t'ai déjà dit que je me fichais de tout ça Kai. Je te le répéterais autant de fois qu'il le faudra.
❘✶❘
– Putain, je galère avec le papier cadeau !
Debout face au miroir de la salle de bain, Kai pouffa en entendant Soobin jurer à nouveau à propos de ce maudit manteau. Voilà dix bonnes minutes qu'il râlait en essayant de l'emballer proprement, et Kai savait très bien comment la chose allait se terminer : avec le manteau dans sa poche d'origine, et un gros nœud pour fermer cette dernière, et un petit mot agrafé dessus. Il avait assisté suffisamment de fois à ce genre de scène pour savoir comment tout allait se dérouler.
– Et toi, ça va ?
– Elle me va parfaitement !
– Je te l'avais dit ! Sors de là que je vois ! le héla Soobin.
Hésitant, il plissa sa nouvelle acquisition du bout des doigts, un sourire timide sur le visage. Il aimait le reflet qu'il avait en face de lui. Celui d'un garçon qui bravait ses peurs, qui osait. Le pull de Soobin allait, comme il se l'était prédit, à merveille avec le reste de sa tenue. Il aimait les épaules fines que le pull lui faisait, la coupe de son nouvel habit et le fait qu'il s'accorde aussi bien avec son corps ; elle cachait le haut de ses jambes qu'il ne parvenait pas à assumer, et le rendait heureux. Il poussa timidement la porte de la salle de bain, et regagna la chambre du plus grand. Il le retrouva avec le manteau sur les genoux, visiblement agacé par ce dernier.
– J'laisse tomber, je vais le remettre dans la poche et faire un gros nœud et je... Oh.
– Oh ?
– Oh purée mec t'es canon ! Tu vois, je te l'avais dit !
Kai se sentit immédiatement rougir.
– Elle te va comme un gant. Bonne idée avec ces chaussures et ce pull ! Tourne-toi pour voir ?
Il adorait l'application que Soobin mettait à chaque fois qu'il dévoilait une nouvelle tenue. Il était rassuré par le regard qu'il lui portait, plein de gentillesse et de bonnes intentions. C'était tout Soobin. Jamais un regard ou un mot de travers, simplement des encouragements et des compliments qu'il savait sincères. Il se tourna avec lenteur, les joues toujours aussi rouges.
– Je ne vois pas de quoi tu avais peur !
Il passa une main dans sa nuque, gêné.
– Merci Soo'... Je pourrais, la laisser ici avec le reste de mes affaires... ?
– Mon armoire est tienne ! s'exclama-t-il.
Soobin se leva du lit pour déposer la grande poche avec le manteau dans un coin de la pièce, et lui désigna d'un geste du bras l'immense meuble dans lequel leurs habits étaient entreposés. N'y tenant plus, il se jeta dans ses bras. Soobin le réceptionna avec maladresse, mais lui rendit son étreinte au centuple.
– Merci Soobin, merci...
Soobin gloussa et lui tapota le dos, comme pour lui signifier que ce n'était pas grand-chose. Mais pour Kai, il était essentiel. Des petites larmes salées, trop longuement contenues par le trop-plein de pression quotidienne, s'agglutinèrent au coin de ses yeux et Kai ferma les paupières, serein. Comme à chaque fois qu'il serrait Soobin dans ses bras, ce dernier le laissait faire, aussi longtemps qu'il le souhaitait. Il savait – tout comme les autres garçons – toute l'importance que Kai accordait aux contacts physiques, à comment la moindre tape amicale sur le bras était essentielle pour lui, aux significations que chaque étreinte avait à ses yeux.
– Je t'aime tellement Soo, si tu savais.
– Je t'aime encore plus, je te l'ai déjà dit. Andouille.
Ce fut à son tour de pouffer dans son cou. Il se sentait plus léger, plus fort, plus heureux. Plus aimé. Quand ils se séparèrent enfin, il déposa un baiser léger sur sa joue, juste au coin de ses lèvres. C'était presque une habitude qu'il avait, de l'embrasser sur cette joue-là quand il était heureux, mais jamais aussi près. Soobin sursauta, surpris, et ouvrit de grands yeux.
– S'il te fait du mal Soobin, je te jure que je lui rendrais. Au centuple.
– Kai...
Il savait de qui il voulait parler. Ce n'était plus un secret entre eux depuis des mois. Il voyait la manière dont Soobin avait de le regarder, tout le temps. De penser à lui, tout le temps. De s'imaginer qu'un jour peut-être, Yeonjun ferait attention à lui. Et Kai savait. Il savait que de son côté, Yeonjun avait compris. Il aimait Yeonjun, comme il aimait tous ses autres amis. Mais il y avait ce petit quelque chose chez lui qui le dérangeait profondément. Cette désagréable sensation qu'il blesserait Soobin sans même s'en rendre compte.
– Il ne te mérite pas.
Personne ne mérite un garçon comme toi.
Il pencha légèrement la tête sur le côté, et esquissa un sourire soudain radieux, qui trancha nettement avec le ton sérieux qu'il avait eu, quelques secondes auparavant.
– On commande à manger ? demanda-t-il guilleret.
– Si... Si tu veux.
Soobin lui adressa un drôle de sourire, que Kai lui rendit, encore plus large.
– Oh, je crois que le chat est de retour..., ajouta Kai.
Soobin fronça les sourcils.
– Je n'ai rien entendu...
– Il gratte derrière la porte.
Et puis, Soobin se fendit d'un sourire plus heureux, presque soulagé. Kai le regarda s'éloigner pour aller grattouiller ce petit animal qui avait pris pour habitude de venir quémander des caresses uniquement devant la porte de son appartement. Profitant de l'absence de son meilleur ami, Kai se planta devant le large miroir de sa chambre, et plissa le tissu de sa jupe sombre avec application.
Tu vois, tu peux le faire.
Il laissa échapper un rire, ravi.
Tu vois, il t'aime.
Et cette constatation le rendit heureux. Si Soobin l'aimait, d'autres pouvaient le faire. Si Soobin l'aimait, il était invincible.
─ 𝐊𝐔𝐊𝐈𝐇𝐈𝐌𝐄 𝐓𝐈𝐌𝐄 ─
Eyooo ! Comment allez-vous ! Petit chapitre flash-back qui fait du bien au milieu de toute cette agitatio sur l'île ♥ j'espère qu'il vous aura plu ! je suis tellement heureuse d'arriver à cette étape de la fiction où la relation entre Yeonjun et Soobin devient réellement plus clair 8D
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