𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐬𝐨𝐢𝐱𝐚𝐧𝐭𝐞-𝐪𝐮𝐚𝐭𝐫𝐞

« De l'autre côté du miroir »

❘✶❘



Elle était là, sous leurs yeux, exactement comme le chat le lui avait promis.

Un sourire illumina le visage de Beomgyu. Elle se trouvait là, devant eux, cette porte qui lui était apparue pour l'aider dans ses heures les plus sombres. Il s'avança, d'un pas timide, se demandant tout de même si l'île se jouait encore d'eux, si cette soudaine apparition n'allait pas s'envoler sous leurs yeux. Kai voulait se persuader du contraire. Il n'avait pas affronté sa plus grande peur pour rien.

– C'est elle ? C'est notre porte de sortie ? lui demanda Yeonjun.
– Exactement.

Il jeta un regard à Soobin. Ce dernier semblait concentré comme jamais il ne l'avait été. Personne n'esquissa un pas de plus en direction de la porte en bois peinte, comme par peur de faire un nouveau faux pas. Elle trônait là, comme si elle s'y était toujours trouvée, comme si elle avait été sous leurs yeux depuis le départ, mais qu'ils n'avaient fait que l'ignorer en passant encore et encore devant elle. Devant elle, disparaissaient les rails du train, dévoilés sous l'herbe et les feuilles envolées.

 

Tu dois leur montrer la voie.



Il frissonna, persuadé que cette voix aurait fini par le quitter. Le vieillard et l'enfant l'avaient fait, eux, tout comme le placard de ses cauchemars. Ils n'étaient plus qu'eux, tous les cinq, liés par une promesse nouvelle d'apprendre du passé et d'aller de l'avant. Il n'oubliait pas les mots des uns et des autres. Ni l'affrontement mental qui avait eu lieu entre lui, et son lieu de sécurité. Elles étaient apparues en cet instant, dans des souvenirs, des moments que Kai voulait oublier. Il avait combattu leurs sourires vicieux et leurs remarques cinglantes et soudain, le vieil homme en face de lui avait cédé. L'obscurité avait volé en éclat, le libérant de tout.

Le choix était revenu, encore et toujours. Désormais, Kai savait. Tout lui avait semblé limpide à l'instant même où Soobin était tombé à genoux dans la pénombre, quand il l'avait pris dans ses bras et qu'il avait tout ressenti.

– J'y vais, trancha Taehyun.

Finalement, le garçon aux cheveux rouges s'avança, et posa sa main sur la poignée lustrée de la porte. Tous retinrent leur souffle – surtout Beomgyu – mais rien ne se passa. Pas de monstre, pas de porte qui s'efface. Il l'abaissa, les yeux rivés sur cette dernière et Kai tordit le cou, curieux de découvrir ce qu'elle renfermait. Pour Beomgyu et lui, elle était apparue comme une chambre. Que laisserait-elle entrevoir pour eux tous ? Taehyun poussa la porte, et la laissa s'ouvrir en grinçant. De l'autre côté, un blanc lumineux leur brûla la rétine dans un premier temps. Kai eut l'impression de se retrouver au bout du tunnel, avec la certitude que s'ils franchissaient tous cette porte, l'île disparaitrait à jamais pour eux.

– C'est... Une salle... Avec des miroirs.

Taehyun tourna la tête vers eux, surpris. De ce que Kai entrevit, il eut l'impression de voir une salle de danse. Taehyun recula d'un pas, soudain bien moins à l'aise. Tous s'avancèrent timidement, le regard curieux. De l'autre côté, tout n'était que silence et vide.

– Il faut y aller, murmura Kai.
– C'est l'île qui te le dit ?
– Oui. Une fois tous les cinq de l'autre côté.... Je suppose qu'elle se referma à jamais, et nous renverra à nos vies.
– Tu supposes..., constata Yeonjun.
« A-t-on vraiment une autre possibilité ? » signa Beomgyu.
– Beomgyu demande si on a vraiment le choix, traduisit Taehyun, pensif.
– Pas vraiment, maugréa Yeonjun.

Kai se sentit soulagé. Il remercia Beomgyu du regard, et Yeonjun baissa les yeux au sol, visiblement pas rassuré.

– Vous pensez... Qu'on se souviendra de tout en retournant à nos vies ? demanda Soobin d'une petite voix.
– Je ne sais pas si j'ai envie de me souvenir de tout, répliqua Taehyun.

Beomgyu attrapa l'une de ses mains et lui lança un regard apeuré.

– Je parlais des horreurs qu'on a vécues ici Gyu.

Personne ne passa à côté du soulagement dans ses prunelles. Ils se tournèrent tous vers lui, et Kai déglutit bruyamment, ne sachant quelle réponse leur apporter. Allaient-ils tous retourner à leur vie, sans que rien ne change ? L'île allait-elle demeurer comme un rêve à leurs yeux ? S'en souviendraient-ils tout du moins ?

– Je...



Ils verront. Mais je promets que tout ça sera derrière eux, si toi, tu tiens ta promesse.



– Elle te parle, c'est ça ? le questionna Taehyun.

Il acquiesça en silence.

– Alors ?
– Tout ira bien.

À peine sûr de ce qu'il avançait, Kai garda la tête haute et un sourire sur le visage. Yeonjun plissa légèrement les yeux, comme pour l'interroger du regard, et il hocha de la tête à nouveau, pour affirmer ses dires. Il s'apprêta à rassurer de nouveau Beomgyu, quand derrière lui se fit entendre un miaulement léger. Il se retourna, et distingua en lisière de forêt la petite boule de poils noirs, le fixant avec intensité. Il répéta son miaulement et Kai esquissa un sourire.

– Kai...
– Je reviens, murmura-t-il.

Il s'approcha de l'animal sans crainte, et s'agenouilla à sa hauteur, avant de tapoter le sommet de sa tête du bout des doigts. Derrière lui, les garçons lui jetèrent des regards inquisiteurs.

– On y est, c'est ça ?

Le chat lui répondit d'un miaulement plus doux que les précédents.

– Passeras-tu la porte toi aussi ?

Il crut presque le voir remuer la tête.

– Tu restes ici...

Était-il... Peiné pour l'animal ? Il lui avait presque semblé voir de la tristesse dans son regard... Et quelque chose se rapprochant du regret.

– Dis, avant que la porte se referme, j'ai une question à te poser.

Le chat sembla attendre, ses yeux bicolores plantés dans les siens.

– Était-ce toi tout ce temps ? Depuis toutes ses années ?

Le chat se redressa, et étira ses pattes avant, ravalant un bâillement. Puis, avec douceur, l'une de ses petites pattes se posa sur la main tendue de Kai. L'espace d'un instant, Kai trouva que le chat avait un regard très différent... Presque humain.

 

En quelque sorte. Je vis ici, mais je vivais aussi dans ton esprit, grâce à l'île.



– D'autres ont pu te voir, chuchota-t-il.



Parce que tu étais là, je n'existais que grâce à toi.



– Quand la porte se refermera... Je n'aurais plus tout ça, hein ? Il n'y aura plus d'île, plus de... plus de toi ?



Oui. Si c'est ce que tu souhaites, alors oui.



– Je vois. Merci. Pour tout.

 

Tu as fait le bon choix.



– Vraiment ?



Oui.



Le chat retira sa patte et lui lança un dernier regard, presque inquiet. Il se retourna, et sans rien ajouter de plus, retourna dans les bois d'où il était apparu. Kai resta un instant là, à fixer les arbres et les buissons en espérant presque le voir ressurgir à nouveau. Mais la forêt était calme, tout comme le ciel et le reste de l'île. Il savait qu'au loin, la mer entourant cet endroit de fantaisie avait fini par se calmer elle aussi. Que tout était redevenu comme ce paradis de silence et de beauté qu'il avait imaginé tant d'années.

– Kai ?
– Tout va bien. Il venait faire ses adieux, murmura-t-il.

Pas vraiment, pensa-t-il, mais aucun des quatre garçons ne voulait vraiment savoir.

– Nous pouvons partir, dit-il en revenant vers eux.
– T-a-t-il dit quelque chose pour... ça ? demanda Soobin en désignant la porte d'un geste du menton.
– Simplement que je dois être le dernier, et refermer la porte.
– Bien. Alors j'ouvre la marche, annonça Taehyun, sûr de lui.

Beomgyu, qui n'avait pas lâché sa main, opina du chef. D'un geste lent, Taehyun passa son corps de l'autre côté, aussitôt imité de l'autre garçon. L'encadrement de la porte brilla d'une lueur par deux fois. Soobin les regarda passer, le visage crispé, et Kai glissa une main dans son dos, caressant avec douceur ses omoplates.

– Ça va aller Soo'.
– C'est bon, il ne se passe rien, venez, lança Taehyun.

Yeonjun se gratta la gorge, lui lança un dernier regard légèrement paniqué, et passa la porte à son tour. À nouveau, le contour du bois s'illumina d'une faible lueur.

– Soobin ?

Soobin ne bougeait pas et Kai lui lança un regard inquiet.

– Eh...
– J'y arrive pas...
– Soobin, commença Yeonjun. Tu ne peux pas rester là.
– Et si de l'autre côté tout s'effondre... Et si on ne retrouve jamais nos vies d'avant ?
– Je te promets que tout ira bien, lui souffla Kai.

Soobin se jeta soudainement dans ses bras et, surpris, Kai le laissa faire. On a réussi Soobin. Plus rien ne t'arrivera. Il passa une main dans son dos, ses cheveux et inspira fortement son parfum unique, à peine entaché par toutes les épreuves qu'ils avaient affrontées. Ses doigts glissèrent sur le tissu autrefois doux de ce joli pull qu'il lui avait offert et Kai le repoussa avec douceur, déposant au passage un baiser léger sur sa joue.

– Allez, va. On se retrouve de l'autre côté.

Soobin lui adressa un sourire fragile, les yeux soudain brillants. L'encourageant d'un geste de la main, il le poussa furtivement vers la porte vers où il s'avança d'un pas trébuchant.



En le voyant s'avancer, Kai se demanda si la solution qui lui était apparue était finalement la bonne. Il ressentait encore ses mains sur son corps, son souffle si près de son oreille. Il se demanda ce qui se passerait si lui ne se réveillait finalement jamais, de l'autre côté. Soobin vivrait-il toujours aussi heureux ? Soobin garderait-il ce sourire qu'il chérissait tant ? Leur groupe à peine réuni s'en remettrait-il ? Une toute dernière fois, Kai repensa aux dernières soirées et après-midi de joie qu'ils avaient passés tous ensemble. Au rire étrange et étouffé de Beomgyu qui ne l'avait jamais dérangé, au contraire de tellement de ses camarades. À cette petite lueur qui brillait dans ses yeux quand il s'adressait à lui sans passer par Taehyun. À Yeonjun qu'il avait jalousé longtemps sans même s'en rendre compte. À Taehyun qui avait toujours été à ses côtés, à leurs côtés.

– Kai ?

Soobin venait de franchir la porte et à nouveau, l'encadrement de cette dernière s'illumina brièvement.

– Pardon, oui, je...

C'est fini hein, tu me le promets ? Ce que tu m'as juré ? Il apposa sa main sur la poignée, guettant la dernière réponse de l'île. La porte brilla faiblement, et cette dernière changea sous leurs regards intrigués. Son contour vira au translucide, avant qu'elle ne devienne entièrement transparente. Elle s'effaçait, refermant le passage.



Une promesse est une promesse. Ton choix est mon choix.



– J'ai fait un choix... Et elle m'a donné sa parole, leur murmura-t-il.

Ils le dévisagèrent et en une fraction de seconde, le visage des garçons se décomposa.

– Pardonne-moi Soobin, je t'aime.

La porte se referma devant lui. Au même instant, Soobin hurla. La porte close, il le vit remuer des lèvres, et son prénom, qu'il hurla de toutes ses forces en frappant la porte avec hargne, Kai l'entendit comme si plus rien ne les séparait. Les trois autres garçons se ruèrent sur lui, mais la seule chose qui lui importa en cet instant, ce fut lui. Lui et son visage dévasté, ses yeux inondés de larmes. La porte s'effaça sur son visage, lui laissant entrevoir ses amis une toute dernière fois et puis, plus rien.



Mais tu sais Soobin, j'ai compris.

Fais-moi confiance, une dernière fois. S'il y a certaines choses qui peuvent changer, pour moi, dans ce lit d'hôpital, rien ne changera. J'ai compris quand je vous ai vu. C'était moi, ou le garçon que tu aimes plus que tout au monde. Elle me l'a promis. Et elle tiendra ses promesses, je le sais. J'ai voulu venir ici, depuis le départ. J'ai fait ce choix dans la voiture, et c'est écrit ainsi.





Sa main retomba mollement le long de son corps, et les lèvres pincées, les yeux humides, Kai regarda l'endroit où la porte était apparue un peu plus tôt. Il resta longtemps debout, les bras le long du corps, à fixer l'étendue des bois devant lui, à sentir l'air frais sur ses joues. Et puis, plus rien. Il se laissa tomber au sol, d'abord à genoux, avant de s'étaler sur le dos, les yeux rivés sur ce bout de ciel orangé. Il espéra que, de l'autre côté de la porte numéro dix-sept, tout avait réussi. Sentant son corps tout entier devenir plus léger, Kai ferma les yeux. Il abandonna ce joli ciel, les feuilles au-dessus de sa tête. Autour de son corps étendu se dessina un parterre de fleurs. Tout lui avait semblé limpide au moment de refermer la porte. Une larme lui échappa, et roula sur sa joue, dévalant sa peau pour s'échouer sur cette terre si confortable. Désormais, il se sentait bien.





Quel est le choix que tu me proposes, hein ?


Un petit choix.


Crache le morceau.


Je vous offre une chance d'être heureux.


On a déjà réussi. Toutes nos peurs, tous les traumat-


Je ne parle pas de cela Kai. Je suis généreuse.


Dis-moi.


Je t'offre un choix, qui embellira ta vie. Ou celle de deux de tes amis.


Comment ça ?


Tu sais ce qui le rendrait heureux ?


J'accepte.


Tu ne m'as pas laissé finir.


Et j'accepte tout de même.


Tu refermeras la porte toi-même.


Je le ferais, oui.


Tu resteras ici.


Oui.


Tu n'as pas entendu ce que j'avais à offrir.


Je m'en doute, je te fais confiance. Tu nous as aidés, non ?


Oui.


En revanche, je veux savoir quelque chose en échange !


Oui ?


Est-ce que je peux penser à elle maintenant ?


Oui.






– Je t'ai promis Jiwon... Je ne t'ai pas oubliée, jamais.













─ 𝐊𝐔𝐊𝐈𝐇𝐈𝐌𝐄 𝐓𝐈𝐌𝐄 ─

Bon et bien... Pour les garçons et l'île, on dirait que c'est terminé :') Croyez moi, écrire ce chapitre m'a fait quelque chose, vraiment. Quand j'ai imaginé maze, j'avais cette scène précise en tête, et l'écrire il y a quelques semaines a été un soulagement... J'espère que ce chapitre vous aura plu, vous vous doutez qu'il en reste encore un peu, je ne vais pas vous laisser là-dessus ! Je vous dis à la semaine prochaine pour la suite, prenez soin de vous <3

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