𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐪𝐮𝐚𝐫𝐚𝐧𝐭𝐞-𝐜𝐢𝐧𝐪
« Le monstre en lui »
❘✶❘
Le feu peinait réellement à le réchauffer. Les yeux rivés sur la braise ardente et les flammèches qui dansaient devant lui, Yeonjun essayait en vain de se sentir mieux. Les mains tendues devant les flammes, il soupira, peinant à retrouver des forces. À côté de lui, Soobin lui jetait de temps à autre des regards inquiets, le sondant du regard au passage. Il le savait alarmé, il le lisait sur chaque trait de son visage. Il avait alors à coeur de ne pas croiser son regard, de peur d'y lire ce qu'il avait fui et craint pendant des années : de la tristesse. De la peine. De la pitié. Autant d'émotions qu'il avait toujours détesté voir chez lui. Maintenant ? Tout était pire : Soobin savait. Il se renfrogna, une moue sur le visage et jeta un rapide coup d'œil à Kai, étrangement calme depuis qu'ils s'étaient installés autour de son feu. Ce dernier semblait plongé dans ses pensées, bien loin de l'île et de tous ses cauchemars. Non loin d'eux, Beomgyu se tenait à une distance raisonnable du feu et ne le lâchait pas du regard. Mal à l'aise, Yeonjun avait tenté à plusieurs reprises de fuir ses prunelles, de lui faire détourner ces dernières : en vain. Beomgyu avait ses yeux sombres rivés sur sa personne, comme s'il essayait de lire en lui et Yeonjun n'aimait pas la sensation étrange qu'il commençait à ressentir. Il se sentait étrangement nu à ses yeux, comme une proie qui n'avait plus aucune issue.
– Tout va bien Yeonjun ?
La voix de Soobin le fit sursauter et enfin, le contact visuel fut brisé. Beomgyu détourna les yeux, et les riva sur un point un peu au-dessus de leur tête. Tout à coup, il le vit se lever et s'éloigner de quelques pas pour se laisser glisser contre un arbre un peu plus loin, plongé dans la pénombre de la forêt qui bordait la plage. Soobin s'apprêta à dire quelque chose, mais Kai le reprit immédiatement :
– Laisse...
– Mais, il...
– Laisse je te dis...
– Il me fait flipper, murmura Yeonjun.
– À moi aussi, lui répondit Kai.
Et Yeonjun lui lança un regard étonné. Il avait l'impression que certains rôles venaient de s'inverser.
– Je voudrais essayer de me reposer, leur confia Yeonjun. Mais j'peux pas avec Beomgyu qui...
– Je vais rester réveillé, lui glissa Kai.
– J'ai peur qu'il se barre, j'ai un mauvais pressentiment.
– Pourquoi partirait-il ? demanda Soobin.
– Sérieusement... Son comportement depuis que je l'ai repêché te semble... Normal... ?
– On ne sait pas ce qui s'est passé avec cette chose...
Et au fond, Yeonjun ne savait pas vraiment s'il avait envie de savoir ce qui s'était réellement passé. Il l'avait vu, aussi bien que les autres. Il avait vu cette masse informe terrifiante capturer Beomgyu. Il avait vu ces longs doigts épais et difformes s'agripper à ses chevilles. Il avait senti son souffle terrifiant sur son corps, repousser Taehyun. Il avait entendu le cri muet de son ami, vu une dernière fois ses yeux baignés de larmes, tout simplement terrifié par ce qui lui arrivait.
Ce n'était plus le même regard ; ce Beomgyu là semblait éteint. Mal à l'aise donc, il essaya de s'installer confortablement sur le sol légèrement sableux. Soobin l'imita, et Kai s'installa dos contre le gros rocher, bien en face de Beomgyu qui semblait de nouveau les observer avec intensité. Il essaya de fuir ses œillades brillantes dans le noir, et se retourna pour faire face à Soobin, préférant faire face à son regard.
– Tu vas mieux ?
– Ça commence, ouais, souffla-t-il.
Soobin sembla soulagé.
– Et, Soobin...
– Oui ?
– À propos de tout à l'heure...
– Yeonjun, s'il te plaît.
L'amertume dans la voix de Soobin, teinté de tristesse, se sentait. Alors il se braqua, et se contenta de hocher de la tête, en silence. J'ai envie de tout t'avouer maintenant, mais c'est idiot hein, pas maintenant que tu sais tout... Il se fit la réflexion que de remettre ce sujet sur le tapis était peut-être de trop. Le mal était fait, et désormais, tout le monde savait. Et plus rien ne pouvait être fait. L'île avait remporté une nouvelle manche, diluant un peu plus leurs liens déjà fragiles. Pourtant, alors qu'il se persuadait que tout était désormais perdu, il sentit une paire de mains tièdes attraper les siennes, et releva discrètement le regard.
– Essaye de dormir un peu, d'accord ?
Il regarda leurs mains jointes dans le plus grand des silences, et sentit ses joues se réchauffer quelque peu. Son corps tout entier lui hurlait de tout abandonner et de se laisser aller dans les bras de Morphée. Il se sentait fourbu, usé, brisé. Il ne sentait plus son dos, en miette, et son corps tout entier lui lançait des piques de douleur à intervalle régulier, comme pour lui remémorer qu'ici aussi, la mort pouvait pointer le bout de son nez. Lentement, ses paupières s'alourdir. Ce fut la légère caresse des pouces de Soobin sur le sommet de ses mains qui le fit sombrer doucement.
Son pseudo sommeil fut agité d'images désagréables tout d'abord de l'île puis de la grotte. Il se retrouva l'espace d'un instant à nouveau seul, dans ce noir complet, et cette humidité qui lui avait fait perdre tous ces moyens. Il n'était pas réellement endormi, et le savait pertinemment : le crépitement du feu parvenait toujours à ses oreilles, ainsi que les murmures échangés entre Kai et Soobin, qui n'avait toujours pas lâché ses mains. Pourtant, sous ses paupières closes, défilaient les images de son séjour sur l'île. Celles de l'incendie lui revinrent tout à coup. Soobin l'avait sauvé cette fois-ci. Tout comme il l'avait sauvé avec Taehyun pour sortir de cette grotte terrifiante. Soobin avait toujours gardé un œil sur lui, en permanence. Soobin ne le détestait pas. Il aurait aimé en sourire, se sentir soulagé, mais cela ne fit que le rendre plus nerveux. Soobin savait tout, et pourtant, Soobin était encore là. Il ne lâchait pas ses mains, qu'il serrait et caressait de temps en temps, comme pour le rassurer pendant son pseudo sommeil. Soobin n'avait rien oublié, et ne lui avait peut-être pas pardonné, mais il restait à ses côtés. Inconsciemment, son corps se rapprocha du sien tandis que sous ses paupières closes défilaient le reste de ses cauchemars.
La grotte refusait de le lâcher. À nouveau, il ressentait ce sentiment de solitude et de peur primaire qu'il avait ressenti une fois seul au monde. Il essaya de le refouler, en vain. De se réveiller également, en vain. Son sommeil le maintenait presque paralysé contre le corps de Soobin, corps contre lequel il s'agitait légèrement, le suppliant de ne pas le laisser.
Yeonjun ?
La voix lointaine du noiraud peina à l'atteindre. Autour de lui les murs semblèrent se resserrer à nouveau et il étouffa un gémissement plaintif. Pas encore, par pitié... Pourtant, dans ce songe qui lui semblait si réel, Yeonjun s'y trouvait de nouveau.
Yeonjun !!
Un hurlement strident lui échappa quand une main lui agrippa un peu plus fermement l'épaule. Il se redressa d'un seul coup, la respiration sifflante et le front trempé. À ses côtés, Soobin ne lâcha pas son épaule, un air inquiet sur le visage. Kai s'était rapproché lui aussi, paniqué, et du coin de l'œil Yeonjun sembla remarquer l'air vaguement intrigué de Beomgyu, toujours planqué un peu plus loin dans la pénombre.
– Est-ce que ça va ?
– Tu nous as fait peur..., ajouta Kai. On a cru que tu allais nous faire une crise ou je ne sais quoi...
– J-je... J'étais dans la grotte et...
La mine de Kai sembla s'assombrir, et celle de Soobin se renfrogna.
– Ça va aller, d'accord ? Tout ça, c'est derrière toi.
Il frotta ses bras et ses épaules, encore engourdis par la sensation des parois rocheuses contre lui, et réprima un violent frisson. La panique qu'il avait ressentie pendant son bref sommeil ne désemplissait pas, et il sentait son cœur battre toujours aussi vite, incapable de se calmer lui aussi. Et puis il y avait cette paire d'yeux posée sur lui, qui le dévisageait depuis un coin, et Yeonjun n'aimait pas ça. Il fronça les sourcils, cherchant à intimider vainement Beomgyu qui se tapissait dans l'ombre, les bras enroulés autour des genoux.
– Il n'a pas esquissé un geste depuis qu'il s'est installé là, souffla Kai.
– Quelque chose ne tourne pas rond, ajouta Soobin.
Et Yeonjun réalisa avec effarement que ce qu'il commençait à ressentir n'avait rien à voir avec la panique de son rêve : c'était de la peur, pure et simple.
– Tu dis ça parce que tout est trop calme ? Ou parce que Beomgyu nous regarde comme son prochain repas ? murmura Yeonjun.
Soobin lui lança un regard terrifié et se retourna un vague instant vers l'autre garçon isolé. Ce dernier sembla se recroqueviller légèrement sur lui-même, et baissa les yeux sur ses chaussures pleines de sable.
– J'vais essayer de lui parler, ajouta-t-il.
– Yeonjun...
– Quoi, l'un de vous deux à envie de tenter son coup ? Je n'ai plus rien à perdre de toute façon, siffla-t-il.
Il se redressa, encore un peu secoué, et s'avança prudemment de Beomgyu, une main légèrement tendue en avant. Il n'avait aucune idée de quoi lui dire, ni de quoi faire, mais il devait en avoir le coeur net : que s'était-il passé avec le monstre ?
– Beomgyu, commença-t-il d'une voix calme.
Ce dernier leva un regard méfiant vers lui. Un semblant de regard qui ressemblait bien à celui que son ami avait en temps normal.
Taehyun saurait quoi dire et quoi faire, lui.
Il ferma les yeux, peiné par sa voix intérieure qui lui remémorait une toute nouvelle fois qu'il n'était plus là à cause de lui. À la faible lueur des flammes le visage de Beomgyu semblait encore plus grave et cerné. Ses traits étaient bien plus durs que ceux du garçon que Yeonjun avait toujours connu. Il n'y avait plus l'ombre d'une douceur sur ce visage qui pourtant, l'avait été si longtemps. À la place il y avait le visage d'un jeune adulte fermé, blessé, et qui n'était plus tout à fait lui. Derrière eux, Kai et Soobin n'avaient pas esquissé un geste, mais Yeonjun les sentait rester sur leur garde, juste au cas où.
– Est-ce que te sens prêt pour me raconter ce qui s'est passé ?
Une lueur délétère s'alluma dans le fond de son regard et Yeonjun déglutit. Beomgyu secoua la tête et Yeonjun aperçut rapidement le bref mouvement de ses doigts, comme s'il cherchait à nouveau à communiquer avec lui.
– Dis-nous simplement s'il est encore là, quelque part Beomgyu...
À nouveau, il secoua la tête et Yeonjun soupira.
– C'est important, tu comprends ?
Il sursauta quand, au même moment, le noiraud darda sur lui un regard mauvais. Et avant qu'il ne puisse répliquer quoi que ce soit, sa main agrippa son avant-bras, avec une force qu'il ne lui connaissait pas. Derrière lui les deux garçons sursautèrent à leur tour, avant de se rapprocher, catastrophés.
– Lâche-moi Beomgyu...
Mais sa prise se raffermit un peu plus, et Beomgyu se redressa en face de lui, menaçant. Il rapprocha un peu son visage du sien, trempé par la sueur, les sourcils froncés. Et ce fut là qu'il le remarqua enfin. Ses lèvres. Ses lèvres qui s'agitaient dans le vide.
– Hein ?
– Lâche-le ! Lança Soobin.
– Non, attends ! Beomgyu ?
Son visage se crispa d'un seul coup, comme pendant un effort insurmontable. Et devant lui, ses lèvres s'agitèrent de plus belle, laissant échapper des sons à peine audibles. Il plissa les yeux, tentant de déchiffrer ce que le garçon proche de lui tentait de lui communiquer. Et tout à coup, Beomgyu le lâcha, et se gifla brutalement. Il détourna son regard comme un chien battu et se leva, avant de se rouler en boule au coin du feu, comme un chiot apeuré. Sonné et complètement sous le choc Yeonjun regarda son avant-bras légèrement meurtri par lui et, les lèvres tremblantes, se tourna vers Soobin.
– Il essayait de me dire quelque chose...
❘✶❘
Yeonjun avait cessé de compter les heures. Ils n'avaient pas quitté ce coin tranquille proche de la plage, inquiets de retourner dans les bois, ou trop près des eaux. Kai semblait plus rassuré ici, Soobin également et quant à lui... Sa priorité était devenue l'autre garçon qui dormait – encore – près du feu éteint et des braises encore chaudes. De temps en temps, il le voyait remuer dans son sommeil, et Yeonjun percevait ses sourcils se froncer légèrement, et sa bouche se tordre en un rictus de mal-être.
– Nous devrions nous remettre en quête de la chambre, soupira Kai.
Soobin opina du chef.
– Quelqu'un se porte volontaire pour le réveiller ?
– Attendons qu'il se lève de lui-même, répondit Yeonjun. Il est épuisé.
Kai haussa des épaules et Soobin ne répliqua rien et se contenta de reporter son attention sur Beomgyu. Diminué par leurs mésaventures, Yeonjun se cala contre la roche et enroula ses bras autour de ses genoux, ramenés contre son torse. L'humidité des lieux n'aidait pas réellement à ce qu'il se sente de nouveau en forme, mais il devait bien avouer que le pull prêté par Soobin aidait considérablement.
– Tu n'as pas froid ? lui demanda-t-il d'une petite voix.
– Non, c'est bon.
Kai ne loupait aucun de leurs échanges, le regard braqué sur eux.
– Je ne voudrais pas -
– Yeonjun, c'est bon. Je vais survivre.
Il referma sa bouche et laissa dériver son regard sur la cime des arbres.
Va-t-on réellement s'en sortir, hein ? La question tournait en boucle dans sa tête. Mais plus les minutes, les heures et les jours s'écoulaient, plus Yeonjun perdait foi. Il perdait foi en l'espoir d'un jour se réveiller de cet affreux cauchemar. Il perdait foi de continuer à vivre ailleurs que sur cette île. Allaient-ils tous rester bloqués ici ad vitam æternam ? Que devaient-ils réellement faire pour s'en sortir ? Il avait arrêté de se demander comment une telle chose était possible, comme l'île en elle-même pouvait exister. Ce qui comptait désormais, c'était sa survie. Leur survie. Ce qui comptait c'était de quitter cet enfer, et de l'oublier à tout jamais.
Et quand bien même ils y parvenaient, garderaient-ils toutes les séquelles de l'île ?
Il frissonna en y songeant et au même moment Beomgyu se réveilla, frottant ses yeux lourds de fatigue.
– Beomgyu ? Tu vas mieux ?
Ce dernier hocha de la tête, et Yeonjun crut, l'espace d'un bref instant, revoir pleinement le Beomgyu qu'il avait toujours connu.
– Il faut que l'on s'y remette, lança Kai. Nous devons trouver la chambre au plus vite.
Et, le voyant regarder un peu partout autour d'eux, Soobin ajouta :
– Taehyun n'est pas là. Mais.. Mais il est au courant tout comme nous pour la chambre, peut-être que nous allons le retrouver là-bas...
Beomgyu secoua la tête et Kai soupira. Il le regarda se lever, et s'étirer, craquer ses doigts et Yeonjun sentit une chair de poule légère s'installer sur ses avant-bras.
Quelques minutes plus tard, ils progressaient à nouveau dans les bois. Kai avait pris la tête de leur minuscule groupe, et Yeonjun fermait la marche aux côtés de Beomgyu. Marcher silencieusement à ses côtés avait quelque chose d'étrangement oppressant. Il sentait, de temps à autre, son regard fuyant et apeuré, typiquement Beomgyu, se poser sur sa personne avant de rapidement se reprendre et de se remettre à fixer le sol qu'ils foulaient. Il se retenait de le questionner, de lui demander si tout allait bien, conscient que de toute évidence, aucune réponse ne lui parviendrait. Et par-dessus tout, Yeonjun mourrait d'envie de s'excuser une nouvelle fois. De lui dire que tout était de sa faute pour Taehyun. Qu'il s'en voulait plus que n'importe qui ici de sa disparition. Que son meilleur ami lui manquait, mais plus encore, il savait que sa perte était significative pour lui, Beomgyu.
Ce fut de longues minutes plus tard que soudainement, sa main se cramponna à la sienne, et Yeonjun laissa échapper un cri de surprise. Aussitôt, les deux garçons devant eux se stoppèrent.
– Beomgyu ?
Il recommençait. À nouveau Beomgyu semblait figé, le regard dans le vide. Il ne bougea pas pendant de longues secondes, tétanisé par quelque chose qui échappait totalement au plus âgé. Soudain ses lèvres se remirent à remuer sans qu'aucun son n'en sorte. Son état de transe le fit reculer d'un pas, et sa poigne se resserra un peu plus. Paniqué, il sentit son pouls s'emballer et jeta un regard désespéré aux deux autres. Et alors qu'il s'apprêtait à lui hurler de le lâcher, Beomgyu releva ses yeux sombres vers lui. Ils commencèrent à briller dangereusement quand, enfin, Yeonjun réalisa qu'il répétait muettement les mêmes mots en boucle.
Des mots qui achevèrent de le faire se liquéfier sur place.
Aidez-moi.
– Bord-
Et soudain, plus rien. La poigne serrée de Beomgyu le quitta. Le souffle coupé, Yeonjun se retrouva projeté en arrière en une fraction de seconde. Quand il retomba sur le sable humide, non loin du chemin, sa vision se brouilla quelques secondes. Kai et Soobin avaient disparu de son champ de vision, et seul Beomgyu, debout au milieu du chemin de terre se tenait là en le dévisageant. Il demeurait raide comme un piquet, les bras le long du corps, la tête légèrement inclinée. Complètement sonné, il essaya de se redresser avec maladresse quand une main lui empoigna le col pour le tirer de nouveau en arrière.
– Ne... t'approches... pas...
Il reconnut la voix de Soobin derrière lui, et se retourna brièvement pour les voir tous les deux et lire l'effroi dans leurs regards.
– Ce n'est pas lui, souffla Kai.
Et avant même qu'il ne puisse répliquer quoi que se soit, Beomgyu éclata de rire.
Le visage du plus âgé se décomposa immédiatement, et il esquissa un mouvement de recul, terrifié par le garçon qu'il avait en face de lui. Beomgyu riait, et ce n'était pas normal. Beomgyu riait, à gorge déployée, sans plus s'arrêter, d'un rire rauque et guttural qui ne ressemblait en rien à quelque chose d'humain. Un craquement atroce retentit dans l'espace à l'abri du vent où ils avaient trouvé refuge, et le dos de Beomgyu s'arqua en arrière sous ses yeux horrifiés. Devant la vision terrifiante de ce corps qui se tordait dans tous les sens possibles, Yeonjun trébucha à nouveau avant de retomber sur son séant. À ses côtés Soobin avait perdu toute prestance, le visage liquéfié.
Il hurla, et un nouveau silence glaçant s'imposa. Beomgyu – ou ce qui lui avait semblé être son ami – ne bougeait de nouveau plus, n'esquissait plus un geste vers eux, et pourtant, semblait plus menaçant que jamais. Des pleurs se mêlèrent aux rires sur son visage qui désormais, n'avait plus rien de doux et amical, plus rien de Beomgyu. Il était décomposé, inhumain, tiré de tous les côtés possibles. Il le vit tomber à quatre pattes, les genoux dans le sable, les doigts crispés sur le sol, comme s'il cherchait à en arracher une partie, et Beomgyu releva ses yeux fous en leur direction. Ce fut à ce moment précis qu'un cri étranglé lui échappa, aussitôt suivi de Kai. Il recula précipitamment, oubliant momentanément tout le reste. Ce qui comptait, c'était Beomgyu. Beomgyu qui se tordait sur le sol, qui hurlait de nouveau, à s'en déchirer les cordes vocales. Il semblait lutter de l'intérieur, empoignant son propre col, se frappant le torse puis le visage.
Sa voix était affreuse. Elle semblait usée, tout droit sortie des enfers, et ne ressemblait en rien à la voix d'un garçon de vingt-et-un ans. Il n'avait jamais réellement essayé d'imaginer la voix de son ami mais jamais Yeonjun n'avait pensé l'entendre un jour de ce contexte horrifique. Ce fut à peine si la voix paniquée de Kai lui parvint, lui hurlant de reculer encore et de se relever.
– B-beomgyu...
Il reconnut à peine sa voix chevrotante. Il se releva avec peine et un nouveau cri terrifiant transperça l'air autour d'eux. Un liquide noir et épais s'échappa de la bouche du noiraud, qui se tenait la gorge comme s'il cherchait à empêcher quelque chose de sortir. Il le vit se redresser comme un pantin à qui l'on avait soudainement redressé tous les fils et soudain, le calme s'abattit autour d'eux.
– Beomgyu ?
Les gémissements apeurés de Soobin lui semblèrent lointains. Il se redressa, avant de tendre une main mal assurée en avant. Seul un vent glacial effleura le bout de ses doigts, l'incitant à les replier sa main.
– Beomgyu, est-ce que tu m'entends ?
Un râle rauque lui répondit. Le liquide sombre et épais continuer de couler sur son menton, comme une bave qu'il peinait à contenir à l'intérieur de lui. Il eut un éclat dans son regard, un pincement de lèvres, et tout à coup, Beomgyu tourna les talons.
Il marchait avec difficulté, comme s'il s'empêchait lui-même de faire demi-tour. Une partie de son corps semblait irrémédiablement attiré par eux, tandis que l'autre, ses jambes, luttaient pour avancer.
– NE T'APPROCHE PAS DE LUI YEONJUN !
La voix de Soobin lui parvint soudainement plus claire. Quelqu'un le ceintura par l'arrière et le tira, l'empêchant de héler de nouveau le garçon s'éloignait en claudiquant sur le chemin.
– Lâche-moi !
– Non !
– Putain mais lâche-moi !
– YEONJUN !
Beomgyu se mit à courir, laissant échapper des râles de plus en plus rauques.
– Ce n'est pas lui !
D'un geste brusque, il se dégagea de son étreinte et se retourna vers lui, essoufflé, sentant son sang pulser jusqu'au bout de ses doigts.
– Vous ne comprenez rien hein ?! hurla-t-il.
Soobin recula, effrayé.
– C'est en lui ! Cette immondice, cette... cette horreur, elle est là depuis le début !
Kai secoua la tête, les deux mains plaquées sur ses oreilles comme s'il refusait d'entendre l'évidence. Il gémissait et se mit à pleurer comme un enfant à qui l'on venait d'apprendre la pire des nouvelles. Sans doute était-ce le cas, en ce moment même.
– Qu'est-ce que tu...
– Il n'a jamais réussi à l'affronter. Le monstre est en lui, Soobin, souffla-t-il d'une voix chevrotante. Et il est hors de question que je le laisse comme ça.
─ 𝐊𝐔𝐊𝐈𝐇𝐈𝐌𝐄 𝐓𝐈𝐌𝐄 ─
Bonjour ou bonsoir 8D L'île vous avait manqué ? J'espère que ce chapitre vous aura plu alors ! Comme toujours avec ce genre de chapitre, je me suis éclatée à le rédiger ! Je tenais aussi à faire un tir groupé et à vous remercier pour les retours que j'ai eu sur le long chapitre précédent <3 Prenez soin de vous, et pour celleux que je ne croise pas ailleurs que sur cette fiction, de bonnes fêtes de fin d'année par avance, et à la semaine prochaine !
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