𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐜𝐢𝐧𝐪𝐮𝐚𝐧𝐭𝐞-𝐪𝐮𝐚𝐭𝐫𝐞
« Au plus noir de la nuit »
❘✶❘
Taehyun refusait de le lâcher. Sentir Beomgyu contre lui, c'était revivre. Et revivre, il ne s'en serait jamais cru capable après sa disparition. Le corps de Beomgyu était gelé, sentait la terre, l'humidité et le sang mais peu lui importait en cet instant : ils étaient de nouveau réunis. Il laissa ses joues devenir humides sans aucune retenue, le corps tremblant et resserrant un peu plus son étreinte. Il avait l'impression d'avoir été séparé de lui pendant des siècles, perdant sa notion du temps sur cette île où tout semblait défier les lois physiques.
Il avait réussi. Ils avaient réussi. Il ne savait plus trop. Mais quelques secondes auparavant, Taehyun le savait, il avait manqué de mourir dans les eaux noires du lac derrière eux. Il avait senti son cœur ralentir, ses paupières se fermer... Avant que tout ne bascule. Avant que tout ne fasse sens pour la première fois, et qu'il ne réalise pleinement que les doutes qu'il nourrissait depuis quelque temps étaient véridiques.
– ... Hyun...
Il ouvrit de grands yeux, stoppé dans ses réflexions et se redressa, non sans quitter ses bras. Avait-il... Mal entendu ?
– Pardon ?
Beomgyu le regardait avec un drôle d'air qu'il ne lui connaissait pas. Quelque chose clochait, il en était certain, alors, d'une voix mal assurée, il continua :
– Tu viens de...
– ...eux parler ...tenant...
Il eut l'impression que le sol boueux se déroba sous leurs deux corps. Beomgyu parlait. Ou plutôt, Beomgyu tentait de parler, avec une voix mal assurée et encore timide. Ce n'était que des bouts de mots, qu'il comprenait à peine, mais à ses traits crispés et ce sourire qui semblait figé sur son visage, Taehyun devina tout l'effort qu'il y mettait.
– C-comment... Comment tu... Ta voix...
C'était impossible. Beomgyu ne pouvait pas retrouver la même facilitée de langage qu'il avait autrefois eu. Il le savait, en était intimement persuadé. Rien n'avait été fait pour lui au bon moment, et son langage... Son langage demeurait perdu. Pourtant, en cet instant, c'était bel et bien Beomgyu qui s'exprimait à voix haute. D'une voix grave mais douce, semblable à celle du Beomgyu aux cheveux d'or. Une sueur froide lui traversa le dos et il frissonna.
– Comment... tu... ouves... ? Ma... oix ?
Et malgré tout ça, ce sourire figé et rigide sur son visage, cette impression de ne pas faire face au garçon qu'il avait toujours connu, Taehyun ne voyait que lui. Il laissa son cœur influencer le peu de jugement qu'il lui restait, et posa une main sur l'une de ses joues, un sourire attendri sur le visage.
– Aussi belle que celle que j'avais imaginée.
Non, mille fois mieux, avait-il envie de rajouter.
Il fallait dire qu'inconsciemment, il lui était arrivé de se demander, au tout début de leur relation, comment Beomgyu s'exprimait. Il avait été curieux, comme beaucoup de choses à son sujet, mais sans jamais forcer les choses. Peu à peu, l'envie de se faire une idée précise de sa voix lui était sortie de la tête : Beomgyu était tel qu'il l'était, et il l'aimait ainsi.
Le sourire que Beomgyu lui fit en retour – moins forcé, plus naturel – illumina son visage. Il l'attira à nouveau contre lui, trop heureux de pouvoir le sentir de nouveau. Son esprit était confus, partagé entre l'envie d'écouter son instinct qui lui hurlait de se méfier, et son cœur qui s'était enfin remis à battre.
– On ne se quitte plus, ok ? On reste ensemble, quoi qu'il arrive.
Beomgyu agita frénétiquement sa tête contre son épaule.
– Je suis désolé de t'avoir laissé.
– Pas t... aute...
Taehyun fronça légèrement les sourcils en entendant de nouveau cette voix qui ne lui était en rien familière.
– Gyu... Comment as-tu... Enfin, ta voix... ?
En face de lui, l'autre garçon plissa les yeux et l'espace de quelques secondes, Taehyun se demanda s'il ne venait pas de le vexer sans le vouloir. Un drôle d'air passa dans son regard, et Beomgyu le lâcha enfin avant de soupirer bruyamment. Il le vit hausser des épaules, avant de river son regard vers le sol, comme s'il venait de se plonger soudainement dans une profonde réflexion.
– Gyu ?
Un rire étrange lui échappa et Taehyun recula très légèrement, mais assez pour que le brunet s'en aperçoive. Aussitôt, il se rua sur l'une ses mains qu'il attrapa, le visage empli de détresse.
– Pas ...eur ! N'ai... as... eur !
– Je n'ai pas..., commença-t-il avant de réaliser que si, soudainement, il avait peur.
Quelque chose n'allait pas. Et la joie des retrouvailles passée, Taehyun s'en rendait compte. Oui, Beomgyu était en face de lui. Oui, Beomgyu était plus vivant que jamais. Mais Beomgyu parlait, et si Taehyun était persuadé d'une chose plus que tout, c'était bien que son ami ne pouvait pas recouvrer la parole ainsi, en un claquement de doigts. C'était impossible. L'île était capable de beaucoup de choses, mais d'un miracle pareil ? Il avait des doutes envers cette entité qu'il avait enfin réussi à cerner. Il y avait un prix sur tout pour l'île, et cela, Taehyun le savait.
– Tae... hyun... 'il... te... ait !
Il détesta soudainement qui il avait en face de lui, et par réflexe, se dégagea rapidement de son emprise. Le visage de Beomgyu s'était lentement mué en un visage auquel il n'avait jamais su résister. Celui de ce lycéen perdu, qui avait besoin de lui ; celui d'un ultime appel au secours.
– Tu n'es pas toi... hein ?
– Si !
Il se releva précipitamment, et Beomgyu l'imita, en craquant ses doigts dans un geste nerveux. Taehyun avait toujours eu horreur des gens qui craquaient leurs doigts. Et Beomgyu aussi.
– Alors comment. Comment tu peux parler, hein ?
Il prenait sur lui pour ne pas s'effondrer totalement. Pour ne pas céder à cette panique noire et sournoise qui s'insinuait lentement dans ses veines jusqu'à faire palpiter son cœur un peu trop vite. Mais dans sa tête, absolument tout se mélangeait. Il tenta de décrypter la moindre de ses mimiques, ses petits haussements de sourcils irréguliers, ses doigts qu'il ne cessait de triturer. Tout en Beomgyu hurlait la nervosité, et Taehyun recula d'un nouveau pas, les sourcils froncés. En face de lui, le garçon laissa échapper un rire qu'il catalogua comme gêné, et leva une main vers lui, comme pour le rassurer. Et l'air du Beomgyu apeuré s'envola immédiatement. À la place, un visage plus mature et sombre qui ne lui ressemblait en rien.
– C'est... Un cadeau.
Il parlait mieux et, soudainement, Beomgyu pencha la tête sur le côté, s'arrêtant seulement lorsque son oreille toucha la pointe de son épaule. Son cou craqua alors et Taehyun réprima un violent frisson. Ok, reste calme, ok... reste calme... Tu n'es pas mort, c'est bien pour une raison. Elle n'en a pas fini avec toi... Tu dois... Tu dois survivre, alors... Oh Bordel, j'ai peur.
– De l'île.
Taehyun n'aima pas le sourire immense qui le dévisagea en cet instant. Il n'aimait pas non plus la lueur malsaine qui se mit à danser au fond de ses pupilles. Et encore moins ce petit rire anxieux qui échappa à Beomgyu. Son regard doux s'était éclipsé pour laisser place à autre chose de plus dangereux, et Taehyun déglutit.
– C'est un cadeau... Et tu as dit que tu l'aimais !
Il manqua de trébucher à nouveau dans le lac en entendant cette voix déformée s'adresser à lui. La tête de Beomgyu bascula de l'autre côté, les traits crispés et une expression indéchiffrable sur le visage.
– N-ne t'approche pas..., bégaya-t-il malgré lui.
Beomgyu se recroquevilla légèrement, le dos vouté.
– Je ...eux pas... aire de... al...
Il était de retour, le Beomgyu craintif et nerveux. Taehyun ne comprenait plus rien.
Il analysa rapidement ce qui l'entourait. Pas grand-chose, en réalité. Un sol humide, mou, parfaitement désagréable pour courir et s'échapper rapidement. Le lac, dans lequel il ne mettrait pas un seul de ses orteils. Et pas si loin de lui, à quelques mètres à peine, la forêt dans laquelle il voulait volontiers retourner. Il n'y avait pas, proche de lui, d'arbustes suffisamment solides pour en arracher une branche capable de le défendre.
Et Beomgyu esquissa un premier pas vers lui, menaçant. Il lui sembla entendre le bruit désagréable d'un os qui craque et se redresse et il réprima un nouveau frisson. Alors sans perdre une seconde de plus, Taehyun attrapa la seule première chose qui lui vint à l'esprit. Face la pierre qu'il brandissait devant lui, Beomgyu se figea un bref instant avant de se redresser, passant une main dans ses cheveux.
– Tu lui ferais du mal, Taehyun ?
Il détestait la voix qu'il entendait là. C'était la même que celle de Beomgyu, la fatigue et l'usure en plus. Elle devenait caverneuse et rauque, vieillissant immédiatement le corps du jeune homme en face de lui.
– Sois réaliste, tu ne toucherais pas à un seul cheveu de sa misérable tête.
– V-vous...
– J-je... Je ?
Taehyun crut défaillir en l'entendant ainsi se moquer, les sourcils arqués.
– Pauvre Beomgyu, il a pleuré en espérant te revoir, tu le sais ça ? Tout seul, dans la grotte où il a eu peur à s'en pisser dessus... Tout seul, dans les bois où il s'est cassé les os. Pauvre Beomgyu. Il t'a attendu, où étais-tu ? Il a essayé d'empêcher la catastrophe mais ce parfait crétin leur a montré ce qu'il gardait pour lui depuis si longtemps...
Il le regarda frapper son torse avec effarement, et sortir de la poche avant de sa salopette salie des bouts de papiers humides et illisibles.
– Tout le monde sait que Soobin rêverait de tout recommencer, de a à z. Tout le monde sait que Kai aimerait enfin être lui. Tout le monde sait que Yeonjun va mourir plus tôt que tout le monde. Que Beomgyu n'a jamais eu le courage de t'avouer ses sentiments. Et toi Taehyun, tu voudrais sauver tout ce petit monde ?
– Ferme-la.
– Taehyun, tu ne peux pas sauver tout le monde. Je pensais que ton psychologue te l'avait fourré dans le crâne.
Sa terreur se mua en surprise à l'instant même où ses mots franchirent la barrière de ses lèvres. Le Beomgyu devant lui était monstrueux. Le Beomgyu devant lui remuait des souvenirs qu'il ne voulait pas voir remonter à la surface. Ce n'était plus Beomgyu.
– Comment...
– Que Beomgyu et toi ayez des peurs d'enfances si proches, s'en est presque adorable.
Cours Taehyun. Sauve-toi, lui hurla son instinct. Pourtant ses pies refusèrent de lui obéir, et il recula à peine quand Beomgyu termina d'avancer et se planta devant lui, le visage démoniaque. Il s'attendait à l'entendre de nouveau, à ce qu'il remue de nouveau le passé mais au lieu de ça, un cri immonde lui échappa. Il tomba par terre, empoignant les bretelles de sa salopette. Courbé comme un animal souffrant, Beomgyu crachait et hurlait comme un beau diable, sous ses yeux tétanisés.
Cours, lui hurla de nouveau son instinct.
Et cette fois-ci, Taehyun n'hésita pas un seul instant. Il manqua de déraper plusieurs fois sur le sol impraticable, cherchant des yeux une sortie, n'importe quel endroit autour de cette clairière lui semblant propice pour s'échapper de Beomgyu qui continuait de hurler derrière lui. Pardon Beomgyu, pardon mais... Ce n'était plus lui. Et désormais, seule son envie de survie guidait ses gestes. À sa suite Beomgyu laissa échapper un hurlement strident et se mit à courir lui aussi. Les larmes aux yeux et le souffle rapide, Taehyun ne s'arrêta pas un seul instant pour jeter un regard en arrière. Il était trop tard à présent. Il avait réellement cru, l'espace de quelques minutes, l'avoir retrouvé, pouvoir le chérir de nouveau et se sauver enfin de cet enfer. Il avait déchanté. Une nouvelle fois, la vie lui riait au nez ; Beomgyu n'était plus, et un nouveau hoquet d'horreur s'empara de lui quand il le réalisa. Taehyun glissa sur le sol humide, et manqua de s'étaler de tout son long quand soudain, un cri se fit entendre. Beomgyu venait de se jeter en avant, l'agrippant par les chevilles et s'écrasant sur lui de tout son poids.
– TU AS PROMIS !
Taehyun se débattit de toutes ses forces, écrasant ses doigts sur ce beau visage qu'il avait tant aimé par le passé.
– Arrête ! Putain, lâche-moi !
– On reste ensemble Taehyun ! Tu m'as promis ! TU AS DIT QUE TU LA TROUVAIS BELLE !
Il hurlait et pleurait en même temps, de cette voix déformée et horrible qui ne lui ressemblait pas. Ses yeux injectés de sang manquèrent de lui faire tourner de l'œil, mais son élan fut coupé quand un liquide épais et noir dégoulina le long de son menton. La chose – le monstre – était là. Il se manifestait.
– Tu ne veux plus de moi, hein ? siffla-t-il en agrippant son cou.
– Lâ-
L'odeur affreuse qui se dégageait de lui, lui fit tourner la tête. Un mélange de sang et d'odeurs d'hôpital que Taehyun trouva immonde. Ses doigts se resserrèrent autour de sa gorge et il s'étouffa, les yeux exorbités. Il lui tapa la tête contre le sol mou et Taehyun en eut le souffle coupé. Incapable de garder les idées claires, il se contenta juste de se débattre encore et encore, s'agitant dans tous les sens, sentant sa respiration devenir de plus en plus chaotique à mesure que les secondes passaient.
Et soudain... L'air autour de lui changea.
Sa vision se troubla quand tout à coup, Beomgyu fut dégagé de son corps. Avec effarement il le vit voler sur deux bons mètres, et le visage de Kai apparaître juste au-dessus de lui paniqué.
– Taehyun !
– K-kai... ?
– Je... Je ne sais pas comment j'ai fait ça mais je...
Derrière lui, Soobin et Yeonjun semblaient essoufflés eux aussi. Un peu plus loin, Beomgyu se releva en grommelant, sonné. Moi j'ai bien une idée de comment tu as réussi à faire ça... Mais avant qu'il ne puisse articuler le moindre mot, Yeonjun se jeta dans ses bras. Par réflexe, il le serra aussi immédiatement contre lui. Il ne rêvait pas, ils étaient bel et bien là. Tous ensemble.
– Putain j'ai cru qu'on ne te retrouverait jamais, murmura le plus âgé des garçons.
─ 𝐊𝐔𝐊𝐈𝐇𝐈𝐌𝐄 𝐓𝐈𝐌𝐄 ─
Hellooo ! J'espère que vous allez bien ! Je suis en plein déplacement et je poste ce chapitre directement via l'application, alors j'espère qu'il n'y aura pas trop eu de bugs de mise en page, mais surtout que vous l'avez apprécié ! Je vous dis à la semaine prochaine pour la suite, en attendant, prenez soin de vous <3
ps: oui, oui vous ne rêvez pas, ils sont enfin tous les cinq réunis ~
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