𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐭𝐫𝐞𝐧𝐭𝐫𝐞-𝐬𝐢𝐱
« Promesse perdue »
❘✶❘
Taehyun avait à peine remarqué que la pluie avait cessé de tomber. Au-dessus de sa tête, l'orage s'était atténué, puis calmé, avant de totalement disparaître. Les branches étaient moins agitées, et le vent avait cessé de lui fouetter le visage avec force. Mais Taehyun, lui, n'avait pas cessé de marcher pour autant. Il n'avait aucune idée de l'endroit où il se rendait, ni pourquoi il continuait de marcher sans but dans ces bois épais qui avaient prouvé à de nombreuses reprises leur dangerosité. Un pas après l'autre, il continuait d'avancer sans s'arrêter. Il s'interdisait de se poser, de réfléchir, d'autoriser son cerveau à cogiter sur tout ce qui s'était passé.
Mais le problème de Kang Taehyun était que tout cela lui était parfaitement impossible.
S'arrêter de penser n'était pas dans ses habitudes. Arrêter de vouloir faire au mieux, lâcher prise, prendre du recul lui avait toujours été difficile. Et aujourd'hui plus que jamais il en payait les frais de plein fouet. Les yeux rivés sur le semblant de chemin qu'il suivait depuis de longues minutes, il ne sentit pas la texture du sol changer sous ses pieds, passant de la terre légèrement humide à quelque chose de plus mou. Il s'enfonçait jusqu'aux chevilles à chaque pas, sans même y prêter attention. Pourtant, tout en lui lui hurlait de faire demi-tour et d'arrêter de s'enfoncer dans cette partie des bois qui, jusque-là, était restée dans l'ombre. Mais Taehyun avait lâché prise, et toutes ses émotions lui revinrent en pleine figure. Un hoquet lui échappa et les larmes lui grimpèrent aux yeux.
Incapable de faire le tri dans ses pensées, de se focaliser sur autre chose que le visage défait de Soobin dans la grotte, le regard horrifié de Yeonjun et l'expression indéchiffrable de Kai, il trébucha, et se rattrapa avec ses deux mains en avant. À genoux dans cette bouillasse épaisse qui recouvrait le sol il laissa échapper un hurlement d'horreur et de colère.
Il ne parvenait pas à faire taire cette voix qui lui hurlait qu'il était coupable de tout, ni à stopper ses souvenirs qui revenaient en masse le hanter. Des images pures et innocentes de leur bande au lycée. Les sourires des garçons qui avaient su illuminer ses journées. Celui de Yeonjun, dans lequel brillaient mille étoiles dès lors qu'ils étaient tous les cinq. Pardon Yeonjun, pardon mille fois. Je t'avais promis de toujours être là. De ne jamais te quitter. Pardon Yeonjun, mais je ne peux plus. Il était parti en lui confiant ce qu'il avait décidé de lui cacher pendant des mois, sans aucune autre explication. Il était parti en laissant planer un suspens qui le rongerait. Et Taehyun le savait. Je suis un putain d'égoïste. Les yeux rivés sur ses doigts engloutis par la boue, il renifla, sentant la sueur perler sur son front, et une goutte lui échapper du nez.
Kang Taehyun se détesta en cet instant.
Kang Taehyun voulait disparaître à tout jamais.
Il ravala un nouveau sanglot, et se recroquevilla, à genoux, les mains plaquées sur son ventre qui hurlait de douleur. Il y avait bien cette petite voix, lointaine, qui lui hurlait de continuer à se battre... Mais aussitôt, cette dernière se trouvait engloutie par le reste de ses humeurs. Et le visage de Beomgyu s'inscrivait à nouveau dans ses rétines humides, la culpabilité revenait au grand galop. Je n'avais qu'une chose à faire, et c'était de t'écouter. Cette fois-ci il n'y avait plus de Soobin pour lui remonter le moral, comme cet été-là. Il n'y avait plus de Yeonjun pour lui changer les idées. Plus de Kai pour lui rappeler toutes les raisons qu'il avait de se battre quotidiennement pour réussir. Il n'avait plus personne. Parce qu'il leur avait tourné le dos, au bout du rouleau. Pour la première fois de toute son existence Kang Taehyun avait décidé d'en avoir marre, pour de bon, et de jeter l'éponge. Et que pour la seconde fois, il était blessé au plus profond de lui-même.
Les doigts crispés sur le tissu qu'il avait sur le dos, il ferma les yeux, en essayant d'oublier la douleur qui revenait. C'était une douleur lointaine, perdue, qu'il n'avait pas ressentie depuis des années. Une douleur qu'il avait choisi de s'infliger tout seul, et qui revenait maintenant. La même que lorsqu'il était parti. Que ce matin, où il avait attendu à cet arrêt de bus où ils s'étaient donné rendez-vous. La même qu'il avait ressentie quand, en fin de journée, Beomgyu n'était toujours pas venu. Sa mère l'avait retrouvé, assit, stoïque, sur ce petit arrêt de bus. Elle avait fondu en larmes en le voyant ainsi, attendant quelqu'un qui ne viendrait pas. Elle l'avait supplié de rentrer chez eux, il avait refusé. Elle lui avait hurlé dessus, pour la première fois depuis toujours, pour qu'il revienne à lui. C'était la mort dans l'âme et les yeux brillants qu'il avait fini par la suivre.
Et la douleur était revenue le lendemain, quand Beomgyu n'était pas venu non plus. Il avait espéré s'être trompé de date, d'heure. En vain. Il n'avait ni numéro, ni aucun moyen de le joindre. Résigné il s'était décidé à se rendre dans cet endroit que Beomgyu n'avait jamais voulu lui montrer. Et la voisine des Choi avait eu les paroles de trop : ils sont partis hier matin, nous n'avons jamais vu un déménagement aussi rapide ! Le petiot était en pleurs, j'espère qu'il va bien ! Taehyun l'avait remerciée, à demi-mots. Puis il était rentré chez lui, avait expliqué brièvement la situation à sa mère. Et la douleur avait explosé.
Elle était trop grande, trop brutale. Elle l'avait traversé de part en part avant de tordre son cœur dans tous les sens. Il avait l'impression d'être de nouveau ce petit Taehyun qui avait perdu son père, bien trop tôt, bien trop vite. On lui avait arraché son nouveau repère, ce sourire qu'il aimait tant, et cette joie de vivre qui lui avait donné envie de se battre pour lui. Il avait feint de passer au-delà. Après tout, Kang Taehyun ne ressentait pas grand-chose, c'était un fait admis de tous. Et le lendemain, les vacances d'été avaient débuté, sans lui. Il avait jeté à la poubelle tous les plans qu'il avait pris soin d'élaborer pour de futures escapades ou visites de musées que Beomgyu avait toujours rêvé de faire. Il avait essayé de le retrouver sur quelques réseaux sociaux, en vain ; il n'était qu'un fantôme parmi d'autres.
Le lendemain il s'était retrouvé avec du sang sur les doigts, et une petite douleur en moins. Il n'avait jamais vraiment voulu en finir, simplement arrêter de penser au garçon qu'il avait perdu. Il avait gardé la petite lame pendant des semaines dans sa table de chevet. Et puis, un matin, la douleur avait disparu. Il avait jeté la lame, sans un retour en arrière. Au fond de lui, il était persuadé d'y être parvenu : il n'avait plus mal.
Les cicatrices sur ton ventre, elles viennent d'où ?
La voix de Soobin résonna dans ses oreilles, et Taehyun releva la tête, jetant des regards apeurés autour de lui. Un silence pesant lui répondit. Tu as toujours su Soobin, avant même de poser la question. Même ce jour-là, sur le pont, tu n'as pas voulu me blesser en me le disant... Je m'en souviens. Comme si c'était hier. Quelques jours avant ce putain d'accident avec Kai. À genoux dans la boue, il souleva un pan de son haut et grimaça légèrement en effleurant la peau abîmée de son ventre.
Et avec horreur, il constata qu'elles étaient de nouveau là.
Elles qui s'étaient presque effacées avec le temps, demeurant à peine visibles : elles étaient de nouveau rouges et sanguinolentes comme au premier jour. Sa vision se troubla, et Taehyun essaya de se relever maladroitement, en vain. La souffrance le clouait au sol, sans qu'il ne puisse y faire quoi que ce soit, et un gémissement de douleur franchit la frontière de ses lèvres.
Elle l'avait forcé à tout avouer, à tout révéler à Yeonjun. Et maintenant, elle se jouait à nouveau de lui.
L'île avait gagné.
Sur ces terres, Taehyun n'était plus rien. Il n'était plus maître de lui-même et de ses émotions. Elle lui avait soufflé une idée, l'avait encouragé à confier l'un de ses secrets les plus précieux pour mieux les diviser. Ou les tester, tout simplement. Mais le test avait échoué. Le secret qu'il avait couvé pendant des années avec Soobin n'en était plus un. Il était seul avec ses tourments, et ses blessures du passé. Il pressa les doigts sur son ventre, dans l'espoir d'arrêter ses saignements, et ne parvint qu'à s'arracher un nouveau râle de douleur avant de basculer sur le côté. Il releva ses mains, constatant le sang qui s'était mêlé à la boue qui les recouvrait déjà, et les premières larmes lui échappèrent.
– Tu as gagné... Quoi que tu sois, tu as gagné, laisse-moi juste partir, s'il te plaît...
Ses paupières devinrent lourdes, et, incapable de rester éveiller, Taehyun se sentit partir lentement. Les mêmes sensations de malaise qu'il avait expérimenté maintes fois par le passé revirent au grand galop. Ce fut avec un sourire en demi-teinte que Taehyun reposa sa tignasse rouge sur le sol boueux, espérant une bonne fois pour toutes se réveiller de cet affreux cauchemar.
❘✶❘
Taehyun ne se réveilla pas dans la forêt. Ni même sur l'île. Il se réveilla dans son appartement, à Séoul. Dans un rêve, il en était certain. Il était lui, mais tout lui criait que rien de tout cela ne se passait réellement. La date sur le calendrier, posé sur la table de son salon, lui donna le vertige. Ce n'était pas vraiment un rêve mais un souvenir. Il revivait exactement ce moment où sa vie d'adulte avait pris un tout nouveau tournant. Il regarda ses mains avec effrois, constatant qu'elles n'étaient ni boueuses ni pleines de sang. Il était le lui de l'époque. Le lui qui ne connaissait rien de la souffrance et de l'angoisse sur l'île.
– Beomgyu ?
Il avait parlé contre sa volonté, avec les mots qu'il avait employés autrefois. Son corps se mut légèrement en avant et, spectateur, il se laissa porter. Il se souvenait de ce moment. Et les larmes lui grimpèrent aux yeux. Il en avait presque oublié la décoration très austère de son appartement avant que Beomgyu ne vienne vivre avec lui.
– Tu veux de l'aide Beomgyu ?
Calé dans l'encadrement de sa porte de chambre, Taehyun lança un coup d'œil au garçon assis sur son lit, à côté d'un carton miteux. Je ne veux pas revoir ça, fut la première chose à laquelle il pensa. Pourtant, ses pas le menèrent en face du brunet. Ses yeux se posèrent sur le deuxième carton en bas du lit et il grimaça. Deux cartons pour toute une vie. C'était tout ce qui lui restait.
– Mets-toi à l'aise, d'accord ? Prends la place dont tu as besoin.
Son cœur se serra à nouveau, comme ce jour-là.
On ne l'avait jamais préparé à ça.
Ni lui, ni Beomgyu.
Mais désormais, ses parents n'étaient plus là pour lui.
« Je ne vais pas rester longtemps, elles peuvent rester dans le carton » signa le garçon.
Et Taehyun soupira.
« Demain je chercherais une solution. »
– Non, tu restes ici jusqu'à pouvoir voler de tes propres ailes. Je refuse de te laisser dans la merde, c'est compris ?
Beomgyu secoua la tête et Taehyun vint s'asseoir à ses côtés.
– Gyu, je suis sérieux.
Il ne signa rien en retour. Il soupira et essaya d'attraper sa main. Beomgyu le laissa faire et leva vers lui un regard triste. Ne me regarde pas comme ça. J'ai échoué. Je.. Je n'ai pas su prendre soin de toi sur l'île Beomgyu. Je suis tellement désolé... Si tu savais tout ce qui allait se passer, si tu savais ! Je ferais tout pour te garder ici, et t'empêcher d'aller travailler ce jour-là. Je nous aurais emmenés loin d'ici, loin de ce démon qui nous a tous les deux tués. Beomgyu lâcha sa main, et esquissa un sourire peiné.
« Merci Taehyun. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi. »
– Moi non plus, répondit Taehyun en esquissant un sourire.
Là.
C'est là, n'est-ce pas ?
J'ai raté quelque chose à ce moment-là ?
C'était juste un regard qui voulait tout dire. Une brève hésitation de la part de ce garçon qui était amoureux de lui et qui ne lui avait jamais rien dit. Il avait plongé son regard dans le sien, puis louché sur ses lèvres avant de mordiller les siennes. Et puis...
« Je vais ranger. »
Il s'était repris. Beomgyu s'était levé, et avait commencé à sortir ses affaires une à une des cartons.
C'est cela, hein ? Il aurait voulu me le dire ce soir-là... Ce soir et tous les autres.
– Je ne te laisserais jamais Gyu.
Beomgyu releva la tête, intrigué.
– C'est une promesse que je te fais.
Le sourire qui illumina son visage fit fondre son cœur. Il avait chassé sa propre tristesse en un clin d'œil, avec une facilité déconcertante.
« Alors fais-moi confiance pour m'en sortir ! » signa Beomgyu.
Taehyun ouvrit de grands yeux, et autour de lui, la scène se flouta. Beomgyu n'avait jamais signé une chose pareille. Il se souvenait avec précision de ses gestes ce soir-là. Merci pour tout Taehyun, merci du fond du cœur. C'était ça. C'était les mots qu'il avait signés. Il regarda ses mains, se sentant de nouveau partir. Elles étaient de nouveau sales et blessées. Alors une dernière fois avant qu'il ne disparaisse, Taehyun jeta un regard vers l'autre garçon. Beomgyu n'avait pas cessé de sourire. Il dépliait son linge et posait ses livres sur son grand lit, appliqué. Tout dans ses gestes et ses regards hurlait qu'il n'avait d'yeux que pour lui. Et il en prenait pleinement conscience maintenant. Il avait toujours su, oui. Mais désormais les œillères qu'il avait enfilées tant d'années n'étaient plus. Taehyun aurait aimé lui répondre, ce soir-là, que lui aussi l'aimait plus que tout.
❘✶❘
L'odeur de la terre humide lui piqua le nez, et Taehyun réalisa qu'il était bel et bien de retour dans les bois, sur l'île. Alors fais-moi confiance pour m'en sortir ! Il était vivant, quelque part. L'île venait de lui faire parvenir un message. Il renifla et essaya de se lever, les bras tremblotants. Son corps tout entier lui hurlait de se reposer. La douleur le lançait toujours au niveau de son ventre, et lui fit serrer les dents. L'une de ses mains s'aventura à nouveau sous son tee-shirt autrefois blanc et il grimaça à nouveau en sentant ses vieilles plaies sous la pulpe de ses doigts. Depuis combien de temps n'avait-il pas prêté attention à elles ?
Pas assez longtemps.
Pourquoi me les remémorer alors ? Pourquoi me faire endurer cela à nouveau ? Sans doute parce qu'elles étaient liées à lui, d'une certaine manière, et qu'il le savait pertinemment. À lui, et à tant d'autres choses... Mais il avait été l'élément déclencheur sans le savoir. Sa vision se troubla à nouveau, à bout de bras, il se redressa.
– Que...
Un hoquet de dégoût le prit quand il réalisa la posture dans laquelle il se trouvait, et son état général. Il sentait toujours le sel de mer dans lequel il s'était noyé, odeur à présent mêlée avec celle des bois, de la transpiration. De toutes ses peurs. Sa propre saleté lui donna envie de vomir. Tout ce que son corps lui faisait ressentir était l'accumulation de ce qu'il avait enfoui pendant des années et qu'il ne supportait plus. Taehyun se sentait vidé de toute énergie vitale, de toute envie de continuer. Il souffrait jusqu'au bout des doigts, et quand il se redressa et que sa vision se troubla une nouvelle fois, un gémissement d'inconfort lui échappa.
Un pas après l'autre, Kang Taehyun se remit à marcher comme un corps à qui on avait ôté toute l'énergie.
Il voulait redevenir, l'espace d'un instant, ce garçon de quinze ans. Celui qui avait perdu son plus grand ami, mais celui qui avait réussi à oublier le temps d'un été toutes ses peines et ses tracas. Il voulait de nouveau être ce Taehyun qui n'était pas lui. Ce Taehyun qui avait voulu aller au-delà de ses limites. Ce Taehyun qui avait voulu être comme tous les garçons de son âge. Il ne se souvenait d'aucun nom, d'aucun visage de cet été-là. Il avait oublié toutes les bêtises qu'il avait faites avec d'illustres inconnus, un soir après l'autre. Il avait oublié les soirées trop alcoolisées avec cette pauvre fille au bord de la plage. Il avait oublié les regards lubriques de ce garçon clairement plus âgé. Il avait oublié son premier baiser et sa première fois, aussi pathétique l'un et l'autre. Oubliables, comme tout le reste. Oubliables, comme les gestes désespérés qu'il avait eus quelques semaines avant ses vacances d'été. Oubliables, comme tous les défis qu'il s'était donnés pour l'oublier.
Il n'avait jamais réussi à l'oublier lui.
Il avait gardé en mémoire son sourire, sa gentillesse. Toute la lumière qu'il avait apportée dans sa vie et qu'il n'avait jamais pensé mériter un jour.
Et puis, il y avait eu cette rencontre avec cet autre garçon aux cheveux trop longs et au regard fatigué. Il avait semblé aussi perdu que lui. Et sans qu'il ne sache trop pourquoi, Taehyun avait décelé en lui quelque chose qu'il avait cherché pendant longtemps. Pour la première fois depuis le début de l'été, rien n'avait été oubliable. Pour la première fois depuis qu'il était parti, il avait souri honnêtement à une autre personne que sa propre mère et sa petite sœur. Il s'était senti moins différent, moins à la ramasse, moins bizarre. Il avait eu l'impression de compter, de s'être trouvé un nouvel ami. Juste pour été. Tout simplement pour quelques semaines. Mais cela avait été suffisant. Avec lui, il n'avait rien oublié de leurs discussions, de leurs promenades au bord de la plage ou bien des parfums de glace qu'ils avaient dévorés pendant des jours et des jours. Il lui avait rappelé ce garçon qu'il aimait tant sous certains aspects, avec son air rêveur et sa faculté à voir le monde sous ses meilleurs angles. De cet été, Kang Taehyun avait choisi de tout gommer, sauf lui.
Crac.
Un drôle de bruit derrière lui le figea instantanément, et il se retourna, le regard las. Il revint sur terre, et le visage de Soobin s'effaça progressivement de sa rétine.
– Bon courage si tu veux me faire peur, murmura-t-il.
Il ne sut pas trop s'il s'adressait à l'île, ou au potentiel monstre qui se dissimulait derrière lui, mais Taehyun laissa échapper un rire. Ses jambes ne le portaient plus, il avait l'impression qu'elles étaient engourdies, bien trop lourdes pour qu'il continue à marcher ainsi, sans savoir où il se rendait.
– Je ne suis pas comme eux tu sais, lança-t-il, un peu plus fort.
Je n'ai pas peur d'être seul, oppressé ou des orages.
Je n'ai pas peur des araignées.
Je n'ai pas peur des monstres de mon enfance.
– Tu sais déjà de quoi j'ai peur, alors bon courage pour continuer à m'enfoncer ! hurla-t-il.
L'île lui avait déjà pris Beomgyu. L'île lui avait déjà fait revivre une bribe de son passé avant de le noyer. Il possédait plein d'autres peurs, que l'île ne pouvait pas manifester. Cependant, elle avait fait ressurgir sa plus grande, et cela était bien assez.
C'est idiot, hein...
Avoir peur de tomber amoureux.
Taehyun soupira. Yeonjun l'avait exposé sans même le savoir devant deux de ses plus proches amis. Il avait mis à nu quelque chose qu'il avait toujours soigneusement gardé enfoui de tous. Il fut pris d'un nouveau hoquet en y repensant de nouveau.
Crac.
Cette fois-ci, quelque chose remua derrière lui. Et doucement, un félin au pelage sombre s'extirpa d'un buisson. Taehyun se figea, les yeux plissés, les prunelles rivées dans celles bicolores du petit animal qui s'avançait sans aucune crainte vers lui. Un miaulement plaintif lui échappa, et Taehyun recula d'un pas.
– C'est toi hein ? C'est toi qui nous suis partout, souffla-t-il.
Le chat miaula à nouveau, et Taehyun se raidit en le sentant frotter son corps mince à ses mollets. Il n'osa plus faire un seul geste, à peine laisser échapper un souffle. Si ce chat était le même qui harcelait Yeonjun depuis leurs débuts sur l'île (ce dont Taehyun était persuadé) alors il était en danger. Le chat portait sur lui une drôle d'odeur ; de pluie, mais aussi de sang séché et d'une autre chose bien moins agréable et puante. Pourtant, son pelage demeurait sec, à l'exception de ses pattes, couvertes de terre et humides. Du bout de ses pattes, le félin tapota ses chaussures trempées et Taehyun osa à peine le regarder. Puis, après un nouveau coup de patte sur le mollet, il le regarda s'éloigner en trottinant.
Suis-le, tu n'as plus rien à perdre, lui souffla son instinct. Alors Taehyun s'exécuta. Il suivit le chat sans sourciller, presque hypnotisé par ce pelage noir comme la nuit qui se faufilait sur ses chemins jusque-là inexplorés. Il en oublia son errance, la douleur sur son ventre. Et puis, quelque chose captura son attention. Le chat marquait des pauses. D'abord au milieu d'une petite clairière entre quelques arbres. Puis contre un tronc. Avant de se remettre à marcher, la tête et la queue basse, comme si la peur s'était emparée de lui à nouveau.
Sur le sol, il y avait des traces de luttes. Et des traces de pas.
Beomgyu.
– Attends !
Son cœur fit de nouveau un bond dans sa poitrine. Beomgyu était quelque part. Beomgyu n'était pas loin de lui. Le chat se stoppa en face d'un trou, à peine recouvert de branchages et de feuilles. Une crevasse. Vide. Taehyun s'y pencha avec toute la prudence dont il était capable et fronça les sourcils. Quelqu'un était tombé dans cette crevasse, avant de s'en extirper il ne savait trop comment. Il connaissait assez Beomgyu pour savoir qu'il n'en avait pas la force, alors qui ?
– Où es-tu Gyu...
Un miaulement déchirant s'échappa de la bouche du petit animal et Taehyun releva les yeux vers lui, anxieux.
– I-il ne lui a pas fait de mal... Hein ?
Sa voix tremblait. Un nouveau miaulement triste lui répondit.
– Il m'a dit qu'il allait s'en sortir...
Le chat ne bougeait plus, se contentant de le fixer, la tête légèrement inclinée sur le côté.
– Beomgyu n'est pas mort, n'est-ce pas ?
Sans même s'en rendre compte, Kang Taehyun s'était remis à pleurer. La pression l'avait de nouveau submergé, et la panique aussi. Il avait peur que le chat ne lui confirme ce qu'il craignait déjà. À quoi rimait la vision qu'il avait eu si Beomgyu n'était plus ?
– Elle se jouait encore de moi, hein...
Cette fois ci, le chat inclina la tête et Kang Taehyun éclata en sanglots.
─ 𝐊𝐔𝐊𝐈𝐇𝐈𝐌𝐄 𝐓𝐈𝐌𝐄 ─
Coucou, comment allez-vous ? Pour moi c'est compliqué en ce moment, mais publier mes petites histoires sur wattpad m'aide beaucoup à faire face. J'espère que ce chapitre vous aura plu, il n'avait pas été facile à écrire, vraiment pas, c'est un de ceux que j'ai du écrire sur plusieurs jours/presque deux semaines :') Quoi qu'il en soit je suis contente de vous livrer cette facette de ce petit personnage. Je vous dis à la semaine prochaine, prenez soin de vous !
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