𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐭𝐫𝐞𝐧𝐭𝐞-𝐡𝐮𝐢𝐭
« Un garçon à la mer »
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Beomgyu marchait sans trop savoir où il se rendait. Il était poussé par cette volonté, qu'il ne comprenait pas, à s'extirper des bois dans lesquels il errait depuis des heures. Il ne reconnaissait rien des chemins qu'il suivait, des coins dans lesquels il passait. Ses paupières étaient mi-closes, alourdies par la fatigue d'un corps fatigué et usé, qu'il n'avait même plus l'impression de maîtriser totalement. Il déambulait comme un zombie, un corps sans âme, sans trop savoir quoi faire de ses mains, de ses pieds. Dans sa tête, tout était flou. Une petite partie de lui lui soufflait qu'il devait continuer à se battre. Mais contre quoi ? Une autre, qu'il devait trouver un point d'eau. Sa propre odeur lui donnait la nausée, tout comme l'état général de son corps.
C'est vrai que tu es répugnant. Il faut aller laver tout ça.
Nouvelle poussée en avant, et Beomgyu pressa le pas, enjambant avec plus de facilité les branches qui obstruaient le passage. Il courrait presque, les yeux désormais rivés sur ses mains, et ses ongles, qui n'avaient jamais été aussi noirs. Le dos voûté, ses cheveux poisseux devant les yeux, Beomgyu n'était que l'ombre du garçon souriant et toujours propre sur lui qu'il s'était efforcé d'être ces dernières années. Il trébucha un peu, s'insulta mentalement de ne pas être capable d'aligner un pied devant l'autre, et reprit sa route.
– Maudite forêt, pesta-t-il entre ses dents.
C'était bon, de pouvoir dire ces choses-là à voix haute. Étrange, mais jouissif.
Tout à coup, l'ambiance dans l'air et autour de lui changea. Un pas après l'autre, le sol sous ses pieds se mua en quelque chose de différent, et la terre humide laissa place à quelque chose de plus granuleux sous ses semelles. Du sable. Il y avait à nouveau du sable sur le sentier. Nullement inquiété par ce changement pourtant soudain, il continua de foncer, tête baissée. Et ce fut au bout d'un énième détour dans les bois, que le soleil perça à nouveau à travers les branchages, et l'aveugla un court instant. Il plaqua ses deux mains sur ses oreilles, agressé par le bruit violent des vagues qui s'écrasaient sur les rochers non loin de lui.
Cet endroit lui disait quelque chose. Il était déjà venu ici, avec les garçons. Les garçons... Ils sont peut-être là... Peut-être qu'ils m'attendent. Il retira lentement ses mains de ses oreilles, cligna plusieurs fois des yeux pour s'acclimater à la nouvelle luminosité et avança d'un pas presque timide sur la plage. Ses prunelles sombres rivées sur les vagues, Beomgyu avança avec la ferme attention de s'approcher du rivage. Il renifla, et se dirigea vers les rochers. Sa fatigue avait repris le dessus, et les forces qui l'avaient accompagné dans la forêt semblaient le quitter peu à peu.
Retourne dans les bois. Trouve un lac, ça sera bien mieux.
– Non.
La fermeté dans sa voix le fit frémir. Il eut soudain l'impression que la lourdeur dans ses jambes s'accentua, l'empêchant de marcher comme il en avait réellement envie. Depuis combien de temps son corps n'avait-il pas été au repos ? Il avait l'impression que son dernier vrai sommeil remontait à plusieurs semaines. Il leva les yeux vers le ciel, les sourcils froncés.
– Depuis combien de temps..., murmura-t-il.
Depuis combien de temps ils te cherchent ?
– Oui...
Une semaine.
Beomgyu se figea. Une semaine ?
– Ce n'est pas... possible... Le ciel... Le ciel ne change pas...
Parce que l'île ne connaît pas de nuit, pas de jour. Elle est tout à la fois, lui susurra la voix. Beomgyu cligna plusieurs fois des yeux, abasourdi. Il n'avait pas dormi. Ou du moins, il n'en avait pas eu l'impression. Il fronça les sourcils en réalisant soudain qu'il était incapable de se souvenir exactement à quoi il avait occupé ses dernières heures, sa dernière journée... Comment le temps se déroulait-il ici ? Soudain pris de sueurs froides, il se demanda si le temps s'écoulait de la même manière dans sa vraie vie. Dans un geste nerveux, mais surtout de peur, il agrippa ses cheveux et se recroquevilla, accroupi dans le sable.
– Non... Les autres...
Ta vraie vie est ici. Vous êtes ici depuis longtemps.
– Lon-longtemps ?
Beomgyu regarda ses chaussures humides et mordilla ses lèvres, paniqué.
– C'est dans ta t-tête B-beomg-gyu... dans t-ta stup-pide t-tête...
Pourtant, il le savait, ils le savaient tous les cinq, il n'avait plus aucun repère sur l'île. Il releva la tête, lentement, et lâcha sa chevelure sombre, les doigts tremblants. Que ferait Taehyun ? La question tournait en boucle dans sa tête. Beomgyu, respire calmement. Il était certain que ces mots seraient les premiers que Taehyun prononcerait. Avec difficulté, il essaya de reprendre son souffle, et se redressa, et essaya de s'avancer un peu plus vers les rochers. Respire, allez, respire.
Les images chaleureuses de lui dans son petit salon s'imprimèrent dans son esprit. Il se revit, un épais livre entre les mains, en train de conter une nouvelle fois à Taehyun l'histoire qu'il était en train de lire. Il lâchait son livre toutes les deux pages pour lui signer l'intégralité des chapitres qu'il venait de dévorer, des étoiles dans les yeux. Et Taehyun suivait, comme toujours. Comme le garçon attentif et passionné qu'il était, Taehyun ne le coupait jamais. Souvent, Beomgyu se demandait comment l'autre garçon faisait pour ne pas perdre patience, ou le fil même de ce qu'il lui expliquait avec passion. Mais jamais Taehyun ne l'avait empêché de lui raconter ces histoires qu'il aimait tant.
C'était de ses souvenirs là dont il se servait pour garder le cap. Pour se souvenir de qui il était.
Le souvenir des yeux remplis d'étoiles de l'autre garçon. De son sourire, timide mais honnête à chaque fois que Beomgyu finissait de lui raconter sa journée, ses lectures ou ses petites anecdotes de travail, drôles et quasi quotidiennes. Beomgyu était amoureux de ces moments, autant qu'il l'était de ce garçon qui avait toujours été là pour lui. Il ne voulait pas oublier ces quelques soirées où Taehyun s'était endormi, épuisé par ses longues journées, la tête sur ses genoux. Il ne voulait pas oublier cette après-midi entière qu'ils avaient passée à aménager sa chambre avec de nouveaux meubles, et surtout, sa première bibliothèque. Il n'oubliait pas les battements de son coeur qui s'était accéléré en l'entendant dire « hors de question que tes livres restent dans ton carton ». Beomgyu n'avait jamais jeté ce carton. C'était un beau carton customisé que Taehyun lui avait donné, avec quelques bricoles à l'intérieur quand il était au lycée. Et comme tous les cadeaux de Taehyun, Beomgyu avait refusé de s'en séparer.
Tout ça, c'est le passé.
Beomgyu ouvrit de grands yeux, et hoqueta. Il effleurait à présent le sable du bout des doigts, et la surface rocheuse des rochers qu'il tentait de gravir. Il n'avait qu'à se hisser sur l'un d'entre eux, et tremper ses jambes pour débuter... Tout lui semblait si simple. Il retira ses baskets en grimaçant devant leur état pitoyable. Il défit avec peine les boucles de sa salopette, les doigts tremblants. La retirer lui sembla affreusement long. Il avait l'impression que son tissu lui collait à la peau, aux os. Il prit soin de retirer les mots, et de les déposer sur le rocher, calé sur sa paire de chaussures. Il retira son tee-shirt rouge avec la même lenteur que le reste et lui jeta un regard dégoûté. Désormais uniquement vêtu de son sous-vêtement, il descendit avec prudence de son rocher, pour tremper ses habits dans l'eau. En voyant la noirceur qui s'en dégagea, Beomgyu fronça son nez, proprement répugné.
Tu vois comme tu étais immonde ? Lave donc tout ça...
Il craqua ses doigts, agacé de voir que tout ne partait pas. Il s'agenouilla dans les clapotis gelés de cet océan ou cette mer, sans tenir compte de l'eau froide qui s'invita sous le dernier tissu qu'il lui restait, et qui lui glaçait les pieds et les mollets. Il frotta avec force le tissu autrefois blanc de son habit, puis s'attaqua à son tee-shirt, avec la même énergie. L'eau autour de lui sembla s'obscurcir, et Beomgyu fronça un peu plus les sourcils.
– Allez... Allez...
Pressé, ses gestes se firent plus nerveux. Les tâches ne partaient pas intégralement, et Beomgyu souffla, agacé. Il les lâcha, énervé, et envoya valser son tee-shirt un peu plus loin. Il frotta sa salopette avec du sable, contre les rochers, sans cesser de grommeler dans sa barbe inexistante. Il frottait à en user le tissu et le bout de ses doigts, et dérapa un peu plus entre les rochers. Il grimaça, en sentant sa peau frotter contre la surface dure et rocheuse. Le regard fou, il releva le nez vers le ciel, qui s'était mué en quelque chose de bien trop paradisiaque pour le moment cauchemardesque qu'il vivait. Il trempa ses bras, frotta ses mains, ses mollets et ses cuisses, perdant le fil, oubliant ses habits qui flottaient autour de lui.
– Pourquoi... ça ne part pas...
Le sable lui arracha sa peau déjà sensible par endroit, et à mesure que Beomgyu frottait, la douleur semblait s'envoler.
Encore.
Les doigts en sang, il s'aspergea le visage, qu'il plongea dans l'eau glacée. Le sel de la mer lui brûla les yeux et il s'empressa de les frotter avec énergie. Plusieurs démangeaisons désagréables lui parcoururent le corps, et Beomgyu serra les dents, résistant à l'envie de se gratter avec plus de force.
Frotte, frotte, frotte.
Et il frottait, à en oublier de respirer. Il recommençait, encore et encore, en pestant, en pleurant. Les mots se noyaient dans sa gorge, dans un fouillis incompréhensible qui restait entre lui et les flots. Le visage de Taehyun imprimé dans son esprit, il renifla un peu plus fort.
– C-calme t-toi...
Ses beaux souvenirs avaient du mal à revenir. Les odeurs délicieuses de la cuisine qu'il faisait, en essayant de suivre les recettes données par cette émission culinaire qu'il aimait tant. La moue de Taehyun en voyant les aliments grossièrement découpés et le plan de travail en désordre. Parfois Taehyun ne disait rien, et se contentait juste de lui pousser un petit récipient d'épice ou de sauce, comme pour lui suggérer de sauver son plat avec ces dernières. Il n'y avait jamais eu de paroles moqueuses, rien que des sourires d'encouragement. Souvent il y avait eu ces regards, un peu plus longs que les autres, et Beomgyu s'était questionné. Il s'était demandé s'il se faisait des films, avant de se réprimander mentalement de penser à des choses pareilles. Non, Taehyun ne se pencherait jamais pour l'embrasser. Non, il n'était pas dans l'un de ses films à l'eau de rose où tout se déroulait bien, dans le meilleur des mondes. Non, il ne vivait pas l'un de ses scénarios amoureux dont il était accro dans ses séries favorites. Non, comme toujours tout finissait par un sourire immense, et deux garçons qui continuaient sur autre chose.
Tu lui en veux, hein ?
Non. Il ne lui en avait jamais voulu. Pas une seule fois, pas un seul instant.
C'est aussi un peu de ta faute... Personne ne veut d'un garçon comme toi. Tu aurais pu, un peu... Forcer les choses entre vous.
– F-forcer... ?
Il glissa de son rocher et tomba à quatre pattes dans l'eau, entre les rochers, au milieu de ses habits désormais imbibés d'eau, et l'eau marronnasse. Sonné il ne bougea plus, les yeux rivés sur ses mains qu'il percevait à travers l'eau autrefois translucide, à présent complètement trouble. Il avait essayé de pousser Taehyun vers cette fille. Sa charmante collègue qu'il aimait beaucoup. Elle était mignonne, intelligente, et terriblement débrouillarde. Elle était fascinée par les chiffres, passionnée par le domaine médical. Il lui avait semblé comme une évidence qu'elle pouvait bien s'entendre avec Taehyun. Mais aucune de ses propositions n'avaient jamais abouties. Il les avaient vues échouer, les unes après les autres, en se demandant encore et toujours pourquoi.
Et puis, il y avait eu cette journée. Une merveilleuse journée où tout avait si bien commencé et qui avait fini de la pire des manières. Il ferma les yeux, en essayant de se concentrer sur cette matinée-là, la dernière avant qu'ils ne se réveillent tous sur l'île. Celle où il s'était levé avec la conviction et l'envie, pour la première fois depuis des années, de tout lui avouer. Il s'était réveillé seul dans son lit, avait déjeuné avec les restes que Taehyun avait déposés pour lui sur la table de sa cuisine. Il ne se faisait jamais à cette habitude que Taehyun avait de toujours faire un petit déjeuner pour deux personnes, même en se levant aux aurores. Il avait déjeuné, devant une de ses émissions favorites, et était parti travailler, le sourire aux lèvres.
Toute sa matinée s'était bien passée. Il se voyait encore réceptionner les toutes nouvelles commandes de livres jeunesse, les ranger dans la réserve, trier les stocks et faire un inventaire rapide de ce qu'il leur restait à écouler. Et puis, son portable avait vibré, et son coeur avait loupé un battement. Taehyun arrivait dans dix petites minutes. Comme à chaque fois quand cette heure là de la journée arrivait, Beomgyu était seul en caisse. Sa partenaire de choc prenait sa petite pause repas, et depuis peu, lui laissait la gérance totale de la caisse. Il n'y avait jamais eu d'incident, ou de clients rudes, et pour l'heure, Beomgyu avait appris à gérer son stress, et à garder son calme seul dans la boutique. Il s'était répété mentalement des centaines de fois les mots qu'il devait lui dire. Pourquoi ici, pourquoi pas chez eux ? Pourquoi pas dans un parc ou un restaurant ? L'idée de se déclarer à la librairie où il travaillait lui avait semblé plus rassurante. Entouré de ses amis de papiers, il se sentait plus serein, plus à l'aise.
Sa collègue était revenue de sa petite pause déjeuner, et Taehyun était arrivé au même moment. Comme toujours, elle lui avait adressé un sourire immense, il avait pris de ses nouvelles, et Beomgyu était parti déposer son tablier de travail en vitesse avant de le retrouver planté au milieu des hauts rayonnages, scrutant les nouveautés qu'il y avait déposées le matin même. Ce livre a l'air pas mal, lui avait-il dit. Et sans qu'il ne sache trop pourquoi, Beomgyu avait senti que son moment était venu. Ce moment qu'il repoussait depuis qu'il avait un mis un mot sur ses sentiments. Un moment qu'il avait rêvé des milliers de fois. Il s'était approché timidement, et Taehyun avait effleuré le livre du bout des doigts. Tu me le conseilles ? lui avait-il demandé avec ce sourire qu'il aimait tant. Beomgyu avait opiné du chef sans même prêter un œil au titre de l'ouvrage qui avait capté son attention. Il avait noué ses doigts derrière son dos, et Taehyun avait levé un sourcil, visiblement intrigué. Qu'est-ce qui se passe ? Il semblait avoir vu l'atmosphère changer autour d'eux. Alors Beomgyu avait pris son courage à deux mains, et avait redressé le menton, un air déterminé sur le visage. Je dois te dire quelque chose d'important. Taehyun avait ouvert de grands yeux. Ça fait longtemps que j'y pense en fait... Il n'avait aucune idée de s'il avait deviné ou s'il s'attendait au pire, mais il ne l'avait pas coupé.
Un miaulement plaintif s'en était chargé.
Ils avaient sursauté tous les deux. Beomgyu avait froncé les sourcils, avant de se retourner, cherchant d'où provenait le son. Et, soucieux de découvrir où s'était faufilé ce maudit chat, il avait tourné les talons. Taehyun l'avait suivi, tout aussi curieux. Et ils l'avaient retrouvé. Acculé contre les cartons dans la réserve. Beomgyu avait tendu la main vers lui, aussitôt imité de Taehyun. Ils s'étaient retrouvés comme hypnotisés par ce regard si surnaturel. Puis, le décor de la réserve s'était effacé. Ils avaient quitté l'ambiance chaleureuse de sa librairie qu'il aimait tant. Il avait eu l'impression de se faire aspirer dans une drôle de spirale sombre, avait senti son corps dans son intégralité se faire happer comme s'il n'était rien. Il s'était réveillé dans cette forêt terrifiante, totalement paniqué. Il s'était réveillé avec l'intime conviction qu'une nouvelle fois, tout s'était mis en travers de son chemin. Taehyun à ses côtés l'avait dévisagé sans comprendre. Et Beomgyu avait jeté l'éponge, ravalé ses larmes de frustration. Quelque chose avait une nouvelle fois tenté de lui faire comprendre qu'ils n'étaient certainement pas faits pour être ensemble.
Et tu avais raison, regardes, maintenant, tu es tout seul. Nous sommes bien mieux ensemble.
Beomgyu ouvrit de grands yeux et regarda partout autour de lui. Nous ? Son coeur loupa un battement et scruta les horizons, à genoux dans l'eau salée. Il porta une main à sa poitrine, confus.
– J-je suis tout s-seul, murmura-t-il d'une voix chevrotante.
Il pencha la tête vers l'eau et distingua avec difficulté son reflet. Celui d'un garçon perdu et confus. Celui d'un garçon aux cheveux sales qui tombaient en mèches désordonnées sur son front. Celui d'un garçon qui avait peur, et qui ne comprenait pas un tiers de ce qu'il lui arrivait depuis qu'il avait mis les pieds sur l'île. Un garçon terrifié, tout simplement. Il lui rappelait cet autre petit garçon qu'il avait été, fut un temps. Après l'accident. Avant Taehyun. Il frissonna et passa une main dans ses cheveux noirs.
– Tu as fait beaucoup de chemin Beomgyu, chuchota-t-il.
C'était les mots qu'il avait eu usage de se répéter, souvent, devant le miroir minuscule de la salle de bain de ses parents. Des mots qui lui avaient donné le courage de continuer à avancer la tête haute, en effaçant progressivement son passé.
Il faut retourner dans la forêt. L'eau n'est pas notre élément.
Il ne supportait plus sa propre voix dans sa tête. Il n'avait pas envie de retourner dans les bois. Il était bien, avec l'eau fraîche jusqu'au nombril. Ses habits - qui flottaient toujours autour de lui - n'étaient pas propres. Il avait déchiré un peu le bas de son tee-shirt rouge dans la précipitation et s'en voulut immédiatement. Il s'aspergea une nouvelle fois le visage, non content de titiller cette petite voix désagréable dans sa tête.
Tu veux jouer à ça, hein ?
Beomgyu ricana et craqua ses doigts, amusé. Ce changement d'humeur soudain le choqua à peine. Plus les minutes - les heures, les jours ? - passaient, moins il avait l'impression de se reconnaître. Affronter le monstre avait changé quelque chose en lui, il en était persuadé. Il se sentait différent, plus fort aussi. Et sans prévenir, il plongea sa propre tête sous l'eau, les deux mains autour de sa gorge.
Tu veux voir ce que l'eau peut te faire ?
Beomgyu hurla sous l'eau, et n'eut que le silence de la mer en guise de réponse. Incapable de relever la tête, il se débattit du mieux qu'il put. Au bout d'une dizaine de secondes, l'emprise le relâcha et se retrouva projeté en arrière sur les rochers. Un gémissement de douleur lui échappa. Stop, stop... j'ai compris...
Non, je ne pense pas.
Il se leva, les jambes flageolantes et abandonna le recoin dans ses rochers, à l'abri des vagues pour s'avancer un peu plus vers l'immensité bleue. Il voulait retourner dans sa petite crique rassurante, mais son corps en décida autrement. Il n'avait jamais vraiment eu peur de l'eau ou des environnements maritimes en général. Il avait appris à nager très jeune, il n'avait jamais eu de soucis avec cela. Mais aujourd'hui, quelque chose le terrifiait dans cette mer. Un drôle de pressentiment, et la sensation qu'il ne contrôlait vraiment plus son corps. Il avançait malgré lui, malgré son appréhension, et soudain, ses genoux flanchèrent. Cette fois-ci, son séjour sous l'eau lui sembla différent. Long. Angoissant. Silencieux. Il ouvrit les yeux, paniqué de ne pas pouvoir remonter à la surface. Il respirait. Il respirait sous l'eau, et Beomgyu était encore assez lucide pour savoir que cela n'était pas normal.
Et puis, au loin, une drôle de silhouette se détacha des profondeurs. Un corps svelte, avec une chevelure qui lui sembla presque dorée. Elle nageait vers lui, et, à bout de souffle, Beomgyu battit des cils une dernière fois avant de sentir ses mains se poser sur ses épaules. Un visage familier se distingua progressivement sous ses yeux et Beomgyu ouvrit de grands yeux. Il lui sembla qu'autour d'eux, le temps se figea. Il était là. Juste là, en face de lui. Avec une peau brillante et des yeux si particuliers, presque fantastiques. Le visage encadré de beaux cheveux blonds, l'autre Beomgyu lui adressa un sourire désolé. Quelque chose en lui essaya de le repousser. Quelque chose en lui avait peur de ce nouveau venu. Il essaya de lui hurler de partir, de le repousser, mais l'autre garçon - qui lui semblait plus jeune - resta stoïque devant lui, à le dévisager.
Ils vont arriver et te sortir de là.
Beomgyu cligna plusieurs fois des yeux en comprenant les mots qu'il venait de mimer avec ses lèvres. Et puis, l'autre s'avança d'un coup, et le tira à la surface. Il n'eut pas le temps de se débattre, de le chasser, même si le contact sur sa peau le brûla instantanément. Pourtant, en lui, quelque chose se déchaîna pour repousser cette vision de lui-même. Le garçon aux cheveux d'or posa ses deux mains sur son visage et esquissa un sourire, presque désolé.
– Tiens bon Beomgyu, tiens bon, d'accord ?
Sans trop savoir quoi faire, il hocha de la tête. Son corps tout entier semblait le consumer, et il résistait à l'envie de lui hurler de retirer ses sales pattes de son visage.
– Je lui ai promis que l'on se retrouverait, et que nous serions enfin heureux tous les deux. Alors vis, s'il te plaît. Tu n'as pas le droit d'échouer comme moi.
Confus, mais aussi à deux doigts de l'évanouissement, Beomgyu s'agita à nouveau dans l'eau, les jambes s'agitant dans le vide. Et enfin, la bête en lui explosa. Il hurla à s'en percer les tympans et l'autre recula effrayé. Il se débattait comme un diable, dévisagé par le regard perçant du blond. Son visage le perturbait. Il ne pouvait pas exister. Il ne pouvait pas être là, avec cette tête, plus jeune, en face de lui. Il n'était qu'un drôle de mirage qu'il ne comprenait pas. Il continua de se débattre contre lui-même, complètement hystérique et avala de l'eau à plusieurs reprises, complètement paniqué. Il semblait fou, à s'agiter ainsi dans l'eau, ses pieds frôlant à peine le sol par instant. Il était hors de contrôle, hors de lui-même. Différent. Sa vision se flouta, et il lui sembla le voir pleurer, juste là, en face de lui, la tête à peine hors de l'eau.
S'il te plaît, résiste-lui, pour toi, pour nous. Pour Taehyun.
─ 𝐊𝐔𝐊𝐈𝐇𝐈𝐌𝐄 𝐓𝐈𝐌𝐄 ─
Bonjour ! ♥ J'espère que vous allez bien, et que ce chapitre vous aura plu! :3 Je vois de plus en plus de nouvelles bouilles dans mes notifications pour MAZE IN THE MIRROR, et ça me fait vraiment super plaisir ('。• ᵕ •。') ♡ Alors un grand merci aux nouveaux et aux anciens de tout l'amour que vous donnez à cette fiction ! (っ˘з(˘⌣˘ ) ♡
(et pour celleux suivant les actualité de tomorrow by together, bon visionage de FROST aujourd'hui ! (″ロ゛) )
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