𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐭𝐫𝐞𝐧𝐭𝐞 𝐜𝐢𝐧𝐪

« Phtonos »

❘✶❘


     Kai regardait la pluie avec un mélange de dégoût et de peine intense. On ne voyait rien au-delà de deux mètres tant elle demeurait intense et forte. Debout à ses côtés, les bras le long du corps, Yeonjun ne disait rien depuis une dizaine de minutes. Taehyun avait disparu, leur avait tourné le dos en un claquement de doigts, et bêtement, Kai se disait que ce dernier finirait bien par revenir. Au fond, il se trompait, et le savait bien. Taehyun était parti pour de bon, et Kai n'avait rien fait pour l'en empêcher. Il l'avait regardé avec angoisse et colère, et un peu de peur aussi, partir seul sous la pluie d'un air décidé. Il était venu pour les réunir, et leur groupe était désormais en miette. Assis dans un coin reculé de la grotte, Soobin ne disait plus un mot à son tour. Il avait ramené ses genoux contre sa poitrine pour pleurer en silence, et Kai avait compris que son moment n'était pas encore venu. Il se demandait ce qui était passé par la tête de Yeonjun, puis de Taehyun. Il se demanda quels mots les deux garçons avaient bien pu échanger au fil de leur corps à corps pour en venir à une séparation aussi brutale. Bien évidemment, l'échange juste avant la dispute tournait en boucle dans son esprit. Et Kai ne parvenait pas à s'ôter les mots de Taehyun et Soobin de la tête.

Comment avait-il pu ignorer cela pendant tant d'années ? Il n'était pas en colère, ou même jaloux. Ces deux maux n'avaient pas lieu d'être. Kai était simplement surpris. Et sa surprise avait pris le pas sur tout le reste. L'espace d'un instant, il s'était retrouvé à nouveau à côté de Soobin, le jour de sa rentrée au lycée. Il se revoyait le regarder des pieds à la tête. Taehyun l'avait regardé étrangement ce jour-là. Pareil pour le premier repas qu'ils avaient partagé tous les trois. Sur le coup, Kai s'était simplement dit que Taehyun et son amabilité à faire peur avaient été un frein à ce que lui et Soobin communiquent plus franchement. Mais à aucun moment, au fil de leurs années de lycée et d'amitié, l'un des deux n'avait laissé paraître quoi que ce soit. Ils avaient enterré ce secret si profond que Kai ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi. À cause de Yeonjun ? Parce qu'ils n'avaient jamais pu assumer leur relation éphémère ? Parce qu'il n'y avait pas eu que ça cet été-là ?

Il soupira, et tourna un peu la tête pour jeter un regard à son meilleur ami, dépité. Plus que jamais, Soobin ressemblait à un enfant que l'on avait blessé, puis puni et exclu des autres.

– La tempête n'est pas prête de se terminer, souffla-t-il.

À ses côtés, Yeonjun était tendu. Kai n'avait aucun doute sur le fait que les éclairs qui zébraient le ciel de temps à autre y étaient pour quelque chose. Il se demanda où était Beomgyu, et s'il avait pu s'en sortir. Les mots du vieillard dans le train résonnaient encore dans son esprit. Quelque part, au fond de lui, Kai en était certain : il était vivant, et avait pu échapper à son cauchemar. Il ressentait en lui cette certitude, elle ne le lâchait pas, et comme depuis le début ses pressentiments s'étaient toujours avérés justes, il préféra s'y fier. Il se demanda si avouer aux deux garçons son lien avec l'île était une bonne idée. S'il leur disait tout, il les perdait. Mauvaise idée... Il tourna le dos au rideau de pluie pour venir s'installer aux côtés de Soobin et passa une main sur son épaule.

– Eh, Soo...
– Mmm ?
– Ça va aller, d'accord ? C'est un garçon intelligent. Il va s'en sortir.

Soobin renifla, et Kai se retint d'essuyer ses joues avec les manches de son sweat-shirt. Il détestait le voir ainsi. Le voir malheureux, c'était le devenir aussi à son tour. Son coeur se compressa un peu dans sa poitrine, et il continua ses légères pressions sur son épaule.

– Tu ne m'en veux pas toi ?
– Pour une histoire qui s'est passée il y a six ans ? Sérieusement ? Pourquoi je t'en voudrais...
– Tu sais pourquoi...

Kai esquissa un sourire gêné.

– Soobin, je t'avais moi-même dit de contacter ce type à l'époque, je m'en souviens comme si c'était hier. J'me sens un peu idiot maintenant que je sais que c'était Taehyun depuis le début ! Aller, viens là...

Soobin l'accueillit avec plaisir dans ses bras et Kai profita de cette étreinte pour se redonner du courage.

– J'avoue que je ne pensais pas l'apprendre sur une île maudite, coincé dans une grotte...

Soobin esquissa un vague sourire. Il voulait détendre l'atmosphère au maximum, mais il fut forcé de constater que la tâche était plus ardue que prévu.

– Nous gardons tous nos secrets Soo... C'est juste que, tu sais comment est Yeonjun. Il est facilement irritable.

Il n'en revenait pas de prendre sa défense, après tout ce qui s'était passé.

– Et tu sais encore plus comment il est avec toi. Et avec Taehyun... Il a débloqué.
– Cette île le rend malade, souffla Soobin.
– Quoi ?
– Cette île, elle le rend malade. Il n'est pas comme ça. Il a ses défauts, mais... J'ai l'impression, qu'ici, tout s'amplifie.

– Tu crois ?
– Kai, cet endroit nous veut du mal. Je ne sais même pas si on arrivera à s'en sortir tous ensemble ou vivant.

Kai déglutit, et reporta son attention sur le bout de ses chaussures humides.

– On ne peut pas faire un pas sans que le passé, nos cauchemars ou nos craintes se réveillent. Beomgyu avait raison en disant qu'elle nous testait. Mais on va finir par tous y rester. J'ai peur de te perdre Kai.
– Je te promets de tout faire pour me battre jusqu'au bout.
– Non, Kai, tu ne comprends pas.. Sur la plage Taehyun m'a raconté, tu n'étais pas là. Tu n'étais pas là non plus dans mon cauchemar. Et si... Et si c'était un message Kai, hein ?
– Et Yeonjun ?
– Yeonjun était présent dans le mien, mais pas dans celui de Taehyun.

Soobin renifla à nouveau et Kai passa une main dans ses cheveux sombres. C'est normal Soobin. J'étais dans le train. À continuer de créer ce monde cauchemardesque sans même m'en rendre compte.

– Laisse tomber, je commence à faire des suppositions à deux balles. Je crois que je devrais simplement arrêter de chercher.

Kai détourna légèrement le regard. Yeonjun se tourna vers eux, et Soobin baissa les yeux, refusant de croiser les siens. Dehors, un nouvel éclair illumina le rideau de pluie, et Kai se figea.

Il y avait une petite silhouette, là, sous la pluie. Celle d'un enfant à n'en pas douter.

– Kai ?
– J'ai... J'ai cru voir quelque chose dehors.

Yeonjun recula précipitamment de l'entrée de la grotte.

– Putain, dis pas des choses comme ça !

Un frisson lui parcouru l'échine, et Kai plissa des yeux, espérant distinguer entre ce rideau de pluie la petite silhouette qu'il avait aperçue. Il avait bien une petite idée de qui il était, mais refusait d'imaginer le pire : il l'avait semé. Il l'avait vu tomber en poussière en sautant du train. Il ne pouvait plus être là.

– Désolé, souffla-t-il.

Yeonjun lui lança un drôle de regard avant de venir s'asseoir à leurs côtés.





Ils restèrent là un long moment, à regarder la pluie tomber sans s'arrêter. Aucun des trois n'osa reprendre la parole, se risquer à dire quoi que ce soit sur ce qui s'était passé avec Taehyun et son départ prématuré. Kai avait défendu Yeonjun d'aller le chercher, une nouvelle fois, et ce dernier avait lâché l'affaire. Désormais, il avait cette désagréable sensation qu'ils n'étaient plus que tous les trois, pour le meilleur comme pour le pire.

Taehyun lui manquait déjà.

Beomgyu encore plus.

Il sentit une larme solitaire rouler sur l'une de ses joues, puis une seconde, une troisième, et Kai ne chercha même pas à camoufler le fait qu'il se soit mis à pleurer en silence. Plus que jamais depuis son arrivée sur l'île, il se sentait vide. On lui avait arraché deux piliers de sa vie en trop peu de temps, et quelque part en lui, ces deux pertes avaient creusé un trou béant. Les images de Taehyun tournant les talons et disparaissant sous le rideau de pluie se rejouaient encore et encore dans son esprit, et il renifla, les yeux piquants. Ce fut la main de Soobin qui le réconforta, et il se força à sourire, sans daigner tourner la tête vers lui.

– Il va s'en sortir, murmura Soobin d'une voix à peine audible.

Kai ne sut pas trop s'il cherchait à se convaincre lui-même, ou à les rassurer.

– Il va s'en sortir, répéta-t-il une nouvelle fois. Il ne nous abandonne pas...

Kai sentit Yeonjun se tendre légèrement, mais lui interdit du regard d'ouvrir la bouche pour essayer de le faire taire. Il posa une main sur le genou du brunet, et lui lança un regard compatissant qu'il ne lui rendit pas. Soobin avait toujours la tête contre ses genoux, le souffle saccadé.

– Il est intelligent, hein, il va le retrouver et puis il...

Le reste de sa voix se noya dans sa gorge et Kai raffermit sa pression sur son genou.

– Soobin...
– Tu n'as pas pu t'en empêcher, hein ?! s'écria Soobin en relevant la tête vers lui et Yeonjun.

Ce dernier entrouvrit la bouche, avant de la refermer immédiatement, la mine sombre.

– Putain ! Pourquoi il n'y a jamais rien qui va dans ma stupide vie, hein ?

Kai le regarda d'un air interdit, blême. Je suis là, moi.

– À quoi cela sert que tu viennes t'excuser, pour venir tout foutre en l'air juste après, hein Yeonjun ?
– Je...
– Merde quoi ! C'est quoi ton excuse cette fois-ci ?
– Je ne le fais pas exprès, murmura Yeonjun.
– Sérieusement ?

Soobin semblait exaspéré. Et Yeonjun, curieusement sincère. Coincé entre les deux – qui refusaient de se regarder en face – Kai se sentait mal à l'aise. Il avait l'impression qu'il n'avait rien à faire là. Qu'il venait de se faire éclipser, une nouvelle fois. L'île aussi venait de l'atteindre.

Dehors, l'orage gronda de plus belle et un nouvel éclair creva le ciel.


Tu devrais te contrôler, Kai.


Il releva la tête et cligna des yeux, alors qu'autour de lui, deux esprits s'échauffaient. Il chercha des yeux le chat, le vieillard, l'enfant, n'importe qui ou quoi qui aurait justifié à nouveau la présence de cette voix dans sa tête, et sentit un frisson désagréable lui parcourir l'échine.

– C'est ton meilleur ami, merde !

La voix de Soobin, puis celle de Yeonjun se brouilla. Il cligna des yeux plusieurs fois, peinant soudainement à les maintenir ouverts.

– Je pensais réellement que tes excuses étaient sincères Yeonjun !
– Elles l'étaient !

Kai n'en pouvait plus. Il avait l'impression que sa tête allait exploser.

– Je suis désolé que tu l'aies appris de cette manière, d'accord ? Que tu l'aies appris tout court d'ailleurs !
– Je -

Soobin s'emportait trop. Son coeur se serra.

– Taehyun et moi vivions très bien ainsi, cela ne nous avait jamais posé de soucis, jamais ! Tu n'as pas idée de ce que nous vivions à l'époque, ni de pourquoi ça s'est passé, alors arrête ! Arrête d'être jaloux comme ça de tout !

Sa vision se brouilla une nouvelle fois. Il essaya de se relever, pour les laisser parler. Se disputer. C'était du pareil au même à présent. Son cœur battait plus fort à mesure que la voix de Soobin se haussait. Cette voix n'était pas la sienne. Soobin avait une voix douce, réconfortante. Sa voix était son repère. Elle ne pouvait pas se muer en quelque chose de plus colérique.

– Je ne suis pas jaloux putain !
– Oh, c'est vraiment ce que j'en ai déduit tiens !

Ni l'un ni l'autre ne sembla faire attention à lui, qui se dirigeait à pas lent vers l'entrée de la grotte. Il lui sembla que le ciel était devenu plus noir, plus menaçant.

– Tu veux savoir si je pensais ce que j'avais dit dans mon message l'autre jour, hein ? Et bien laisse-moi te le dire Yeonjun !
– Soobin, murmura Kai d'une voix faible.

Devant lui la pluie tangua. Il avait l'impression que son coeur allait exploser, à n'importe quel instant. Arrête de t'énerver, tu me fais si mal... si tu savais... Il tomba à genoux, les deux mains sur sa poitrine. Soobin pleurait, hurlait, le visage déformé par la tristesse d'avoir perdu deux de ses amis, mais aussi par la colère. Le bourdonnement dans ses oreilles s'accentua, jusqu'à lui faire mal, et Kai plaqua alors ses mains sur ses oreilles, en se pliant en deux. Des mains lui agrippèrent les épaules, sans qu'il ne les sente vraiment. On lui parla, sans qu'il n'entende réellement. Il se sentit secoué, d'avant en arrière, et ses paupières papillonnèrent, avant de se fermer contre son grès.

❘✶❘


– Où suis-je ?

La chambre dans laquelle il se trouvait lui était totalement inconnue. Il ne reconnaissait pas là l'endroit où il avait grandi durant des années. La décoration était sobre, enfantine. On avait aimé l'enfant qui avait grandi ici, aimé d'un amour inconditionnel. Ainsi, alors qu'il se réveillait puis se relevait, Kai comprit qu'il rêvait de nouveau. Il se demanda s'il se trouvait réellement dans cette chambre, si son corps, lui, était toujours allongé inerte sur le sol de la grotte, ou s'il avait disparu pour de bon.

– Dans la chambre de Beomgyu.

La voix derrière lui lui arracha un cri de surprise, et il fit volte-face, les yeux écarquillés. Un enfant se tenait là, sur le lit, les mains posées sur ses genoux croisés.

– Que...
– Appartement numéro dix-sept !

Kai cligna des yeux plusieurs fois. Il n'avait jamais mis les pieds dans l'ancienne chambre de Beomgyu, tout comme le reste de ses amis, mais ne put s'empêcher de trouver l'endroit étrange. Elle n'avait jamais fait partie intégrante de l'île qu'il avait imaginée des centaines de fois. Alors que faisait-elle là ?

– Tu étais inquiet pour Beomgyu, inconsciemment bien sûr, alors elle lui est apparue. Je l'ai amené jusqu'ici, pour qu'il y soit en sécurité.

Son sang ne fit qu'un tour. J'ai croisé la route de Beomgyu dans les bois, tout à l'heure, juste avant de monter dans ce train. La voix de vieillard lui revint en mémoire, et le garçonnet pencha légèrement sa tête sur le côté, les sourcils froncés.

– Tu... Je me suis débarrassé de toi, chuchota Kai.

Le garçon lui répondit en riant.

– Comment pourrais-tu te débarrasser de toi-même, hein ? Je ne suis que dans ta tête Kai !

Il regarda partout autour de lui, cherchant par tous les moyens une porte de sortie. Il y en avait bien une : une grande porte en boise, bien peinte. Avec un dessin d'enfant punaisé dessus.

– Je dois les retrouver, tous les deux...

L'enfant ne répondit rien, le visage de marbre.

– Il ne va rien leur arriver, hein ? Il ne peut rien leur arriver si je le souhaite très fort ?
– Ça ne fonctionne pas comme ça Kai.
– Merde ! C'est mon île !
– Mais ce sont leurs craintes.
– Putain ! Merde, c'est pas vrai, merde, merde et merde !

Il balaya une nouvelle fois la pièce des yeux, le regard fou. Il ne comprenait plus rien à rien.

– Et Yeonjun qui devient dingue sur cette île, murmura l'enfant.
– Pardon ?
– Rien.
– Qu'est-ce que tu as dit ?
– Yeonjun. Cette île ne lui fait pas du bien. Je crois que Taehyun a été le premier à le remarquer. Toi aussi, hein ?
– C'est elle qui le pousse dans ses retranchements, hein ?

L'enfant haussa des épaules.

– Tu sais bien qu'il a changé depuis la fin du lycée. Mais qu'il s'en veut pour ce qui nous est arrivé... Comme tous les autres.
– Mon accident, hein ? lâcha Kai d'un ton railleur.
– Ne me pose pas la question, je suis toi. Je ne me souviens de rien non plus. Oh, et... Il y en a deux qui tentent de te réveiller...

– Laissez-les tranquilles !
– Moi, je ne vais pas leur faire de mal.

Il agrippa ses cheveux de ses deux mains et riva son regard sur le sol, incapable d'esquisser un nouveau geste sans sentir cette pulsion violente qui s'insinuait en lui. Il avait envie de tout casser, abîmer, de hurler sa rage dans cet endroit où il n'y avait que lui... Et lui.

– Je ne veux pas qu'il souffre...
– Tu penses qu'il souffrira plus en te perdant toi, ou lui ?

Kai releva les yeux, mortifié. Son cœur le piqua.

– C-comment ç-ça ?
– Est-ce que Soobin aime Kai, ou est-ce que Soobin aime Yeonjun ?
– Il nous aime tous les deux !
– Pas de la même manière, et tu le sais.
– Si !
– Non.
– Menteur ! Stupide menteur !!!

Il l'agrippa par le col et le souleva avec une facilité déconcertante. Le visage du gamin se décomposa.

– Tu sais ce que tu es, hein ? Un menteur. Un menteur qui ne sait rien. RIEN DU TOUT !
– Je suis t-
– Non ! Tu n'es pas moi ! Tu n'es rien ! Tu es juste dans ma stupide tête, dans mon stupide cauchemar ! Sors de là !
– Ne me s-secoue p-pas comme ç-ça !

Kai le secoua encore une fois, encore plus fort. Le garçonnet se mit à hurler, à pleurer, et la pointe de douleur qu'il ressentait au cœur s'accentua.

– Il m'aime ! Il me l'a dit ! Pleins de fois !



Pas de la même manière.

Pas de la même manière.

Pas de la même manière.

Pas de la même manière.

Pas de la même manière.

Pas de la même manière.

Pas de la même manière.

Pas de la même manière.

Pas de la même manière...

... que lui.



– Ça suffit !

L'enfant se retrouva projeté au sol, sans aucune douceur.

– Sors de ma tête !

Il détestait cette voix. La même qui le hantait depuis son arrivée sur l'île.

– T-tu ne me ferais pas de m-mal, hein ? K-kai...
– Tu crois, hein ? Tu ne m'en crois pas capable ?

L'enfant leva ses bras pour se protéger, et Kai le dévisagea, proprement dégoûté par ce qu'il avait sous les yeux.

– Tu me répugnes.

Il se répugnait. Car cet enfant, c'était lui.

– Tu ne sais faire que ça, hein ? T'écraser, encore et encore ? Te laisser bouffer par ceux qui parlent plus fort que toi ?
– N-non...
– C'est à se demander comment tu as fait pour survivre jusque là.
– G-grâce à l-lui... à eux...

Kai fronça les sourcils devant le visage apeuré de l'enfant, et soupira avant de détourner le regard. C'est à ça que je ressemblais... pas étonnant qu'elles ne m'aient jamais respecté.

– Laisse-moi me réveiller.
– C'est ta décision !
– Je n'ai pas décidé de me retrouver bloqué ici avec toi ! hurla-t-il.

L'enfant se recroquevilla de nouveau.

– Pardon, n'aie pas peur...

L'enfant releva le regard vers lui, apeuré. Pourquoi était-il incapable de se reconnaître physiquement, tout en sachant qu'il était cet enfant ? C'était comme si son cerveau refusait d'admettre qu'il voyait une sorte de souvenir lointain, une projection de son esprit d'enfant. Il avait passé tant d'années à essayer d'oublier cette facette de lui, son enfance désastreuse...


Kai ! Kai réveille-toi ! S'il te plaît ne nous laisse pas !


– Fait attention à nous Kai, murmura l'enfant.
– Où est Beomgyu ?

Les lèvres de l'enfant se tordirent.

– Où est Beomgyu ? répéta-t-il en se sentant de nouveau partir.
– Perdu avec lui.
– Lui ? Qui ça lui ?

L'enfant lui jeta un regard terrifié.

– Je ne veux plus le voir..., pleurnicha l'enfant. Il me f-fait si peur à moi a-aussi...
– Dis-moi qui il est !!

Un miaulement plaintif s'éleva, et Kai eu à peine le temps de distinguer deux taches de couleurs qu'il connaissait bien que soudain, tout d'assombris autour de lui.


❘✶❘

– Kai !

Ses yeux peinèrent à s'ouvrirent pour de bon. Au-dessus de lui, Yeonjun et Soobin le regardaient d'un air paniqué.

– Oh bon sang, Kai !

Soobin le redressa et le serra dans ses bras, aussitôt imité de Yeonjun. Surpris, il se laissa faire, sentant de nouvelles larmes couler sur ses joues.

– Je suis désolé, murmura-t-il.
– Ce n'est rien, tu es avec nous, tout va bien, lui chuchota Soobin.
– Non, je suis tellement désolé pour tout ça...
– Kai, tu es de nouveau avec nous, répéta Yeonjun.

Il secoua la tête, embarrassé et troublé par ce qui venait de se passer.

– Tout va bien ? Tu nous as vraiment fait peur...
– Pardon...

Il remarqua alors que dehors, la pluie avait cessé de tomber. Il se sépara lentement de leur étreinte et leur jeta un coup d'œil craintif. Le visage de Soobin semblait moins enflé par endroit, mais n'en restait pas moins très marqué par ses mésaventures solitaires. La colère et la tristesse étaient toujours peintes sur son visage. Quant à Yeonjun, il avait le visage d'un enfant à qui l'on venait de donner la plus grande leçon de vie. Il détourna les yeux du sang séché qu'il voyait sur ses mains et sur ses habits ; tout était de sa faute. Il porta une main à ses blessures, et Yeonjun n'eut aucun mouvement de recul, pris par surprise.

– Désolé, vraiment désolé, murmura-t-il.

Yeonjun fronça les sourcils, interrogeant Soobin du regard.

– Kai, tu es avec nous, ok ? On ne va pas se quitter, nous allons rester ensemble, et...

Kai attendit une fin de phrase qui ne vint jamais. Oui. Et ? Que faire à présent ?

– J'ai encore vu ce stupide chat, souffla-t-il.

Soobin le regarda avec des yeux ronds et il vit Yeonjun frémir.

– À chaque moment de tensions entre nous... Il apparaît. Vous vous disputiez alors...

Non, il n'en savait rien. Il ne faisait qu'émettre des hypothèses sur quelque chose qui le harcelait depuis leur arrivée sur l'île, et qui semblait étroitement lié à lui.

– Que s'est-il passé pendant que je... Enfin...
– On s'est jeté sur toi au moment où tu as tourné de l'œil. On aurait dit que tu étais en transe, tu avais les yeux grands ouverts, et...
– Tu nous as fait flipper, ajouta Yeonjun. Tu semblais presque possédé.
– Ne dis pas ça ! s'emporta Soobin.
– Je n'ai jamais dit qu'il l'était, j'ai -
– Ne vous disputez plus...

Yeonjun referma sa bouche, l'air dépité.

– Taehyun est parti par sa faute.

Yeonjun souffla très fort avant de répondre, d'une petite voix.

– Maintenant que la pluie a cessé, peut-être que nous pouvons... Quitter cet endroit ?
– On reste ensemble. Quoi qu'il arrive, on reste ensemble. Je ne veux perdre aucun de vous deux de vue, c'est compris ? ordonna Soobin.

Soobin l'aida à se relever, et Kai épousseta ses habits, déjà noircis, trempés, tachés de partout. Soobin et Yeonjun n'avaient pas meilleure allure que lui. Tous portaient les stigmates d'heures (ou de jour ? Personne ne savait comment le temps s'écoulait ici) de l'île. Le ciel était encore gris et lourd, mais la pluie avait bel et bien cessé. L'air était très humide, presque irrespirable, et Kai s'inquiéta soudain de l'état respiratoire de Yeonjun : il connaissait suffisamment son ancien camarade de classe pour savoir qu'il n'hésiterait pas à dissimuler son mal être au cas où, pour ne pas les inquiéter. Soobin lui attrapa la main, d'un air décidé, avant de demander :

– Où va-t-on ?
– Dans la chambre de Beomgyu, répondit Kai.
– Nous n'avons aucune idée de l'endroit où elle se trouve, et de si elle existe réellement, lança Yeonjun.
– Si, elle existe. C'est là que je me suis retrouvé pendant que vous tentiez de me réveiller.



Et au loin, la chambre attendait. La grande porte numéro dix-sept restait close, en attendant les cinq garçons qu'elle devait accueillir, tous ensemble cette fois-ci. Devant cette dernière, le petit félin au pelage sombre s'était assoupi, comme le gardien des secrets qu'elle avait autrefois renfermé.





─ 𝐊𝐔𝐊𝐈𝐇𝐈𝐌𝐄 𝐓𝐈𝐌𝐄 ─

Hello ! Me revoilà ! Je suis très heureuse de recommencer à poster sur MITM après cette courte pause :3 J'ai réalisé il y a peu que cela faisait désormais un peu plus d'un an que j'écrivais sur cette fiction (car j'ai commencé bien avant de la poster ici) et cela me rend vraiment super fière de voir où j'en suis aujourd'hui, et les personnes qui suivent ce récit. ♥ À la semaine prochaine tout le monde ! 

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