𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐬𝐨𝐢𝐱𝐚𝐧𝐭𝐞-𝐜𝐢𝐧𝐪
« Une promesse tenue »
❘✶❘
La dernière chose que Soobin vit de l'île, fut le visage souriant et confiant de son meilleur ami.
La première chose que Soobin vit en ouvrant les yeux dans l'arrière-boutique du café où il travaillait, fut Yeonjun étendu non loin de lui, complètement sous le choc. Il cligna des yeux, regarda un peu partout autour de lui et essaya de reprendre ses esprits, confus comme il ne l'avait jamais été. Là où s'était trouvé le chat source de tous leurs malheurs, se tenait désormais un emplacement vide de stock de graines de café. Yeonjun se redressa, analysant lui aussi le moindre recoin de l'arrière-boutique, avant de le dévisager avec des yeux ronds.
– Soobin...
La voix faible du jeune homme le ramena sur terre.
– Où est Kai..., murmura-t-il.
Yeonjun le regarda sans comprendre.
– Il... Il n'est pas... Il n'est pas resté... si ?
En face de lui, le visage du grisé se décomposa. Il le vit se rapprocher de lui, les mains légèrement levées.
– Soobin...
– Il n'est pas resté là-bas, affirma-t-il.
– Écoute, Kai est...
– Non.
– Je crois bien que Kai est resté là-bas.
La voix de Yeonjun se brisa à la fin de sa phrase, et Soobin sentit son cœur arrêter de battre une fraction de seconde. Il attendit le moment où il reprendrait la parole pour le conforter, lui assurer que Kai ne les avait pas laissé partir sans lui. Mais Yeonjun ne rajouta pas un seul mot. Il se contenta de le fixer, guettant la moindre de ses réactions. Ses lèvres tremblèrent un peu, imitant celles de son vis-à-vis. Ils restèrent ainsi sans paroles, sans presque respirer, les yeux dans les yeux avant qu'il n'éclate en sanglots.
Kai était resté. La porte s'était refermée entre eux, et Soobin s'entendait toujours hurler son prénom, jusqu'à le voir disparaître totalement de son champ de vision. Yeonjun ne retint plus sa peine et soudainement, l'attira contre lui. Craquant à nouveau, Soobin le serra dans ses bras. Yeonjun n'était plus le Yeonjun de l'île. Son visage ne portait plus les stigmates des cauchemars qu'elle lui avait fait endurer. Il ne sentait plus la forêt et l'humidité et le sang séché. Rien ne laissait présager qu'ils avaient été expédiés dans un autre monde, des jours, des semaines – Soobin ne savait plus – durant.
– C'est p-pas po-possible...
Yeonjun ne répondit rien, le nez dans son épaule, le corps parcouru de tremblements compulsifs. Il sentit ses doigts crispés dans le tissu de son pull rouge, les battements chaotiques de son cœur contre le sien et Soobin lâcha prise de plus belle, complètement à sa merci. Il n'y eut rien d'autre que leur étreinte et des pleurs étouffés jusqu'à ce que la porte de la réserve s'ouvre à nouveau, laissant apparaître la tenue parfaite et les bottines neuves de Jiwon.
– Les garçons ? J'étais inquiète dehors, Yeonjun ne revenait pas et ça faisait quelques minutes...
Ils sursautèrent, se figèrent, comme paralysés de croiser le regard de quelqu'un d'autre qu'eux cinq. Ce n'était pas un énième cauchemar : ils étaient bel et bien de retour.
– Que se passe-t-il ? Oh mon dieu...
– K-kai...
– Kai ?
– Il... Il n-ne...
Soobin peinait à articuler le moindre mot. À finir sa phrase, et à ses côtés, Yeonjun n'en menait pas large.
– Ça va aller Soobin, on va aller le voir si tu le souhaites, tu as bientôt fini ton service ? avança Jiwon.
Elle les dévisagea, ne comprenant certainement pas pourquoi elle les retrouvait ici tous les deux, en pleurs, eux, deux garçons qui avaient cessé de se fréquenter depuis des mois. Il agita la tête et la jeune femme lui lança un regard désolé. Il avait envie de la serrer fort dans ses bras, elle aussi. De lui confirmer que Kai ne reviendrait pas, que désormais, il savait. Son regard croisa le sien, elle fronça légèrement les sourcils et, comme si elle avait lu en lui, fouilla dans son sac pour attraper son téléphone portable.
– Je vais téléphoner à l'hôpital, et leur demander si nous pouvons passer maintenant.
– Taehyun, Beomgyu..., murmura Yeonjun.
Jiwon le dévisagea un bref instant.
– Je... Je vais les contacter..., continua-t-il d'une voix faible.
Confuse, Jiwon le regarda appeler ses amis.
– Soobin, que se passe-t-il ?
Il secoua la tête, essuyant du revers de sa manche ses yeux humides. Jiwon apposa une main sur son avant-bras, et essaya de le rassurer d'une voix douce et apaisante. Sa gorge se noua, et il s'effondra de nouveau, accroupi sur le sol de la réserve.
– Yeonjun bon sang explique-moi !
– Il faut que nous allions voir Kai... Immédiatement.
Jiwon héla un taxi à toute vitesse, à peine sortie du café. Elle se rua sur le premier qui s'avança près du trottoir, et leur ouvrit la portière, un air grave sur le visage. Soobin se laissa guider, par ses gestes précautionneux, et la main de Yeonjun sur le haut de son dos. Il entendit à peine Jiwon parler avec le chauffeur, et riva son regard sur ses mains jointes, incapable d'articuler le moindre mot. Yeonjun ne le quittait pas des yeux, inquiet, les lèvres pincées, et attrapa ses doigts qu'il cessa de tordre dans tous les sens. Son « ça va aller » lui sembla à peine sincère : il avait lui aussi assisté à la scène.
Le visage de Kai refusait de quitter son esprit. Ils n'avaient pas pu le laisser là-bas. C'était impossible, et Soobin voulait s'en convaincre. On arrive Kai. On arrive et tu vas te réveiller.
Le taxi s'arrêta devant l'hôpital, et ce fut à ce moment-là que Soobin réalisa qu'il avait laissé son tablier par terre dans la réserve. Cette pensée futile ne le quitta pas jusqu'à l'entrée du bâtiment, où elle fut chassée par Yeonjun, qui se rua sur l'accueil, complètement paniqué. Jiwon suivait, sans comprendre, l'inquiétude peinte sur son visage. Ils furent rapidement conduits dans la chambre où reposait Kai, et Soobin poussa la porte, plein d'espoir.
Son espoir s'envola aussi vite qu'il était apparu. Kai était bel et bien là, toujours allongé dans le même lit sur lequel il reposait depuis neuf mois. Et rien n'avait changé.
– Soobin, commença Jiwon.
– Il ne peut pas..., souffla-t-il.
Il s'approcha, les larmes au bord des yeux, et s'échoua sur le côté du lit, attrapant l'une de ses mains froides.
– Kai s'il te plait...
La porte de la chambre s'ouvrit en grand, et avant même qu'il ne puisse réaliser ce qui était en train de se passer, Beomgyu et Taehyun se jetèrent dans leurs bras.
– Oh mon dieu, on a eu tellement peur !
Taehyun se jeta dans les bras de Yeonjun, Beomgyu l'imita immédiatement et sous ses yeux effarés, Soobin réalisa qu'ils semblaient... Parfaitement normaux. Eux aussi ne semblaient pas avoir été impactés par l'île et ses subterfuges. Le visage de Beomgyu était le même que celui qu'il connaissait : propre, sans aucune imperfection. Sa tenue n'était plus tachée et déchirée. Exactement comme lui et Yeonjun, ses amis étaient revenus à eux dans l'état exact où l'île les avait transportés vers elle.
« Kai... Kai ne s'est pas réveillé ? »
Soobin secoua la tête, et le visage de Beomgyu se décomposa. Il s'approcha du lit, les lèvres pincées et effleura le drap blanc, l'incompréhension peinte sur le visage.
– Les garçons, que se passe-t-il..., murmura Jiwon.
– On... On a tous eu un pressentiment horrible, articula Soobin en essayant de retenir ses larmes à nouveau.
Elle ouvrit de grands yeux, et s'approcha de Kai à son tour.
– Ne dites pas une chose pareille...
Il la regarda passer une main dans ses cheveux bruns dans un geste tendre. Ses yeux dérivèrent sur son regard doux, sur cet adorable sourire qu'elle avait toujours quand elle venait ici. J'ai vraiment été aveugle à ce point, hein...
– Pardon Jiwon...
Les garçons se regardèrent, gênés.
– Je suis sûre qu'il préfère quand tu viens lui raconter tes histoires.
– Oh, je..., bafouilla-t-elle, légèrement gênée.
– Il aime tes histoires, je le sais.
Les trois autres garçons la regardèrent sans trop comprendre et elle baissa les yeux, retirant sa main des cheveux sombres du garçon alité.
– C'est gentil... Vous êtes rassurés maintenant ? Il n'y a rien de plus alarmant que d'habitude.
Jiwon ne pouvait pas savoir, et Soobin soupira. Jiwon ne devait pas savoir. Les croirait-elle seulement s'ils se mettaient à parler de l'île, des cauchemars, du chat... ?
– Désolé de t'avoir inquiétée, murmura Yeonjun.
Soobin la vit soupirer, presque de soulagement. Elle s'excusa à demi-mots, leur confiant qu'elle devait aller travailler désormais, et tous la saluèrent en silence, presque d'un air trop solennel. Soobin attendit qu'elle referme la porte pour se tourner vers ses amis, le visage défait.
– Il ne reviendra pas, hein ?
– Soobin..., commença Taehyun.
– Pourquoi tu as fait ça Kai, pourquoi ? Qu'est-ce qui pouvait être plus important que toi...
Personne ne trouva la de bonne réponse à sa question. Personne ne trouva non plus la force de répondre quoi que ce soit. Sous leurs yeux, Kai demeurait étendu, les yeux clos, l'air plus paisible que tout ce qu'il n'avait jamais été. Quelque part, Soobin lui souhaita d'avoir trouvé la paix.
❘✶❘❘✶❘❘✶❘
Un mois plus tard.
Le réveil un peu trop fort de Soobin tira Yeonjun de son sommeil profond et il releva la tête de ses coussins, confus. La grande main de l'autre garçon attrapa son portable du bout des doigts, il l'entendit râler puis éteindre la musique de plus en plus forte. Une nouvelle fois, Soobin avait dû oublier de retirer son alarme la veille avant de tomber de fatigue.
– Désolé... ça t'a réveillé... ?
– À peine, maugréa-t-il, à moitié amusé par sa question.
Soobin se pencha par-dessus son lit, et lui jeta un regard fatigué à lui, qui dormait au pied du lit sur un matelas très confortable.
– Tu as bien dormi ?
– Agréablement, comme chaque nuit depuis un mois, bailla-t-il.
Soobin esquissa un drôle de sourire et se cala là, la tête contre son matelas, son regard planté sur sa personne.
– Quoi ?
– Rien, rien...
Il le regarda laisser pendre sa main hors de sa couette et lâcha un rire.
– Soo...
– J'apprécie que tu acceptes de venir ici.
Il haussa un sourcil.
– Tu sais que je ne le fais pas par pitié ou quoi, hein ? Rassure-moi...
– Oui, bien sûr. Je suis simplement heureux de passer du temps avec toi, de nouveau.
Yeonjun sentit ses joues chauffer légèrement en l'entendant. Il hésita quelques instants à effleurer sa main du bout des doigts, avant de se raviser.
Il avait passé la première nuit après l'île ici, dans cette chambre, avec les trois autres garçons. Aucun n'avait vraiment parlé de leurs ressentis, ou de quoi que ce soit ce soir-là. Tous étaient presque restés murés dans le silence, incapable de s'exprimer comme ils l'avaient souhaité sur leurs émotions. Ce n'était que le lendemain matin que Taehyun avait fait la remarque à voix haute que sa nuit n'avait jamais été aussi agréable. Il avait senti une différence, quelque chose de nouveau, comme un poids en moins sur les épaules, une charge mentale qui avait fini par le quitter. Depuis, Yeonjun n'avait jamais cauchemardé de l'île. Il n'en avait gardé aucune séquelle physique, aucune peur déraisonnée. Il s'en souvenait, comme il se souvenait d'un souvenir lointain, mais sans pouvoir ressentir quoi que ce soit à son égard. La sensation n'était pas désagréable, elle ne laissait aucun arrière-goût amer... Simplement l'impression que quelque chose avait changé et évolué en lui. L'impression d'avoir fait un rêve un peu trop réaliste.
Il était revenu chez Soobin deux jours après. Il avait voulu s'excuser, encore, et Soobin l'en avait empêché. Un peu mal à l'aise au départ, ils avaient dîné, avant de papoter un peu de tout et de rien, comme pour rattraper le temps perdu. Yeonjun n'avait pas évoqué Kai, Soobin l'avait fait tout seul. Il avait baissé les yeux vers le sol, et Yeonjun l'avait pris dans ses bras pour le rassurer. Il avait passé une première nuit chez lui, refusant de le laisser seul dans cet état. Puis une deuxième, une troisième, une quatrième... Et les parents de Soobin avaient finalement pris l'habitude de le voir presque tous les deux jours.
Hier soir, pour la première fois depuis le lycée, Soobin et lui avaient mangé en extérieur avec Beomgyu et Taehyun. Ils avaient parlé, comme autrefois. Et dans la discussion, le prénom de Kai s'était fait une petite place parce qu'aucun des quatre ne voulait admettre que lui seul était resté sur l'île. Il avait raccompagné Soobin, et une nouvelle fois, s'était retrouvé dans sa chambre. Aucun des deux n'avait véritablement parlé d'eux. Yeonjun se le refusait. Il y avait des regards, comme autrefois, des sourires complices, comme autrefois, mais jamais rien de plus. Yeonjun s'interdisait d'y penser, mais Soobin ne lui rendait jamais la tâche facile.
– Yeonjun...
Il quitta sa main du regard, pour plonger son regard dans le sien et esquissa un sourire gêné.
– Désolé, j'étais ailleurs.
– J'ai vu ça, rigola-t-il.
Sa main remonta vers lui, et effleura l'une de ses épaules. Il se demanda à quoi il jouait, mais le laissa faire, parce qu'au fond, Yeonjun n'attendait que ça.
– Ça me manque, tu sais.
– À moi aussi, chuchota-t-il.
Pourtant, ils en restaient toujours là.
Son propre portable sonna à son tour, et Yeonjun se redressa sur son matelas, les cheveux dans les yeux.
– Merde.
– Quoi ?
– C'est mon médecin, c'est assez rare quand il m'appelle.
Soobin était devenu livide en une fraction de seconde. Trois longues secondes s'écoulèrent, pendant lesquelles sa gorge se noua : à chaque jour qui passait, Yeonjun repoussait le moment d'avouer la vérité à Jiwon. Pourtant, il le lui devait. L'île le lui en avait fait prendre conscience, et il interpréta cet appel comme un nouveau signe.
– Ça va aller...
Il décrocha, et le mit sur haut-parleur, les mains légèrement tremblantes.
« – Oui ?
– Yeonjun, est-ce que je vous dérange ?
– Du tout. Allez-y, je vous écoute.
– Pourriez-vous passer à la clinique aujourd'hui ? Ce matin de préférence ? »
Sa voix était étrange, et Yeonjun se sentit mal.
« – Je peux faire ça... Que se passe-t-il ?
– C'est à propos de vos dernières sessions d'examens.
– Très bien, j'arrive. »
Il raccrocha, pâle comme un linge. Il fronça les sourcils, essayant de relativiser. Tout allait bien depuis des semaines. Il n'y avait eu aucun signe alarmant, il ne pouvait rien se passer de pire. Les mains tremblantes, il glissa son portable dans la poche de son sac et se releva, attrapant ses affaires.
– Je viens avec toi.
– Il ne vaut mieux pas.
– Essaye de m'en empêcher pour voir...
Soobin ne voulut rien entendre, et se rua dans sa salle de bain pour brosser ses dents et rincer son visage en vitesse.
Quelques minutes plus tard, ils marchaient côte à côte d'un pas pressé. Yeonjun ne disait rien, terrifié à l'idée de lui confier que les appels en urgence de son médecin n'étaient jamais pour lui annoncer de bonnes nouvelles. Pourtant, il avait trouvé ce dernier mois encourageant. Moins de douleurs, moins de fatigue... Yeonjun avait eu envie d'y croire. À présent, ses maigres espérances venaient de s'envoler.
– Soobin...
– Je ne veux pas que tu sois seul.
Sans doute parce que lui aussi, s'attendait au pire. Il se présenta à l'accueil et très rapidement, l'homme qui s'occupait de lui depuis des années vint à sa rencontre. Incapable de traduire son regard ou la moindre de ses expressions, Yeonjun le suivit.
– Jeune homme, je voudrais –
– C'est un proche, j'aimerais qu'il reste.
– Très bien, il vaut certainement mieux de toute façon, prenez place Yeonjun.
Par réflexe, il s'installa sur la petite table d'osculation. Soobin lui adressa un signe d'encouragement. Il détestait le voir ici, dans cette salle. Il avait toujours fièrement refusé que Taehyun – jusque-là le seul au courant – l'accompagne. Soobin ne devait pas venir ici. Et pourtant... Quelque part, sa présence le rassurait.
– Vos derniers examens, remontant à trois semaines nous sont parvenus ce matin à la première heure.
Il le regarda attraper une chemise cartonnée, et en extraire des documents. Il le lui tendit, et Yeonjun les attrapa, sans comprendre. À ses côtés, Soobin sembla se figer en même temps que lui. Sans doute Taehyun aurait-il tout compris à l'instant même où il aurait eu les documents entre les mains, mais lui...
– Monsieur, sauf votre respect, je ne comprends pas grand-chose à tout ça...
– Je n'ai jamais rien vu de tel.
– Pardon ?
– Vous êtes un miracle Yeonjun.
– Un... miracle... ?
– Je ne comprends pas, et mes collègues non plus, comment une telle chose a pu se produire. Nous ferons d'autres examens, évidemment, je veux en avoir le cœur net et ne pas vous faire de faux espoir mais-
– Monsieur, le coupa-t-il.
– Yeonjun vos poumons vont parfaitement bien.
Il le regarda avec des yeux ronds, le souffle coupé.
– P-pardon ?
– Je n'ai jamais vu des poumons en aussi bon état Yeonjun.
– Mais... Je...
Il balaya des yeux les documents sous ses yeux, sans rien comprendre. Soobin s'était levé pour s'approcher et prendre sa main dans la sienne, la bouche légèrement entrouverte. Il lui sembla presque entendre son cœur s'emballer légèrement. Impossible était pourtant le seul mot lui venant à l'esprit. On ne guérissait pas – jamais – de ce qu'ils avaient découvert chez lui. Les chances n'avaient même pas été infimes, elles avaient été nulles dès le départ. Sans même s'en rendre compte, des larmes lui avaient échappé. La main de Soobin se resserra sur la sienne et il tourna son visage vers lui, perdu.
– Yeonjun...
Il secoua la tête, refusant d'y croire.
– Refaites des radios, des examens, n'importe quoi, souffla-t-il.
– C'est exactement ce que je comptais faire mon garçon. Pour comprendre.
– Parce que c'est impossible.
– Yeonjun, commença le médecin. Je n'ai jamais vu ça, de toute ma carrière. Je veux t'assurer qu'il n'y a pas eu d'erreurs de ma part, ni de celle de mon équipe. Nous effectuerons des tests mon garçon, mais à mes yeux, un miracle s'est produit. Ce n'est pas vraiment conventionnel de le penser, ni même de le dire pour un homme de ma profession mais...
Il continua de secouer la tête, sans s'arrêter, les yeux embués.
– Je dois partir quelques instants, restez ici le temps que vous souhaitez... Vous êtes un cas exceptionnel bon sang Yeonjun... Quand je vais l'annoncer aux collègues... Je vais vous caler un nouveau rendez-vous dans la semaine. Je reviens très rapidement !
Il le regarda s'éloigner et, au moment où la porte se referma derrière sa blouse blanche, Soobin l'attira contre lui. Il n'avait pas envie d'être une bête de foire. Yeonjun, un miracle ? C'était impossible. Ces deux mots n'allaient pas ensemble. Il hoqueta une fois, puis deux, avant de fermer les yeux et de laisser son corps se détendre du mieux qu'il put. Les caresses de Soobin dans le haut de son dos le calmèrent un peu, tout juste. Il refusait d'y croire. Il ne pouvait pas y croire. Quelque chose dans la vie de Choi Yeonjun prenant finalement un tournant positif ? Foutaise.
– Chhh, calme-toi, ça va aller, respire, d'accord ?
Incapable de lui répondre, il se contenta de hocher de la tête. Fébrile, il attrapa son téléphone portable et l'écarta doucement.
– Je dois... prévenir...
Il chercha le premier numéro dans ses contacts et ferma les yeux, espérant pour qu'il réponde malgré l'heure. Il devait être en cours, et le savait, mais plus que jamais, Taehyun devait décrocher. Il avait besoin de l'entendre maintenant, pour qu'il lui assure qu'il pataugeait en plein dans un rêve un peu trop dérangeant. Pour que le garçon qui avait les pieds sur terre lui confirme qu'une chose pareille était impossible.
« – Yeonjun ? Un souci ?
– Taehyun...
– Yeonjun ?
– Je... »
Soobin l'encouragea du regard.
« – Je suis à l'hôpital et –
– Oh mon dieu, Yeonjun je vais-
– Taehyun, tout va bien.
– Alors pourquoi ta voix tremble ?!
– Je vais bien. Je... Mes poumons i-ils n'ont p-plus...
– Yeonjun ? »
Soobin passa une main sur sa joue, l'encourageant à reprendre son souffle. Il lui fit signe de reprendre, doucement, en prenant son temps, et Yeonjun inspira profondément en essayant de calmer sa respiration.
« – Ils ne sont plus malades.
– Quoi ?
– Mes poumons... Ne sont plus malades.
– Mais... »
Il imaginait sans aucun souci la tête de Taehyun, de l'autre côté du fil. Sans nul doute à essayer de comprendre l'impossible lui aussi, de lui trouver une logique scientifique qui n'existait pas.
« – J'y crois pas...
– Je sais, ils vont faire de nouveaux examens, parce que c'est impo-
– C'est merveilleux !
– Pardon ?
– Yeonjun, c'est putain de fantastique ! »
Il releva la tête vers Soobin, confus. Ce dernier ne quittait plus son sourire, incapable lui aussi de retenir sa joie. Pourquoi semblait-il être le seul à croire qu'une fois de plus quelque chose clochait ?
« – Yeonjun, il faut qu'on se voie au plus vite avec les gars, ok ?
– Ok... Mais Taehyun...
– Ne me sors pas que c'est impossible. C'est aussi impossible qu'un voyage sur une île magique. Tu l'as déjà oublié ? »
Il ouvrit des yeux ronds, scié, puis acquiesça, et le salua à mi-voix en lui jurant de se retrouver dès ce soir avec Beomgyu. C'est aussi impossible qu'un voyage sur une île magique. Une idée désagréable germa dans son esprit, et Yeonjun fronça les sourcils.
– Yeonjun ?
– Tu crois que c'est elle ?
– Elle ?
– L'île. Tu crois que c'est grâce à elle ?
Soobin avait perdu un peu de son sourire. Taehyun avait soulevé un point intéressant.
– Tu veux parler de Kai. De son choix. De ce qu'il a dit avant que la porte ne se referme.
Il agita doucement la tête, les yeux soudain rivés sur ses propres pieds qui se balançaient dans le vide. Kai avait fait quelque chose. Kai avait promis quelque chose à l'île et désormais, Yeonjun en était persuadé, il vivrait.
– Je ne voulais pas..., chuchota-t-il.
– Yeonjun...
– Je ne voulais pas qu'il... Qu'il reste là-bas.
Sa gorge se noua. Les mains de Soobin attrapèrent les siennes et il lui releva la tête d'un doigt sous le menton. S'il ne souffrait plus depuis quelques semaines, c'était grâce à lui. Yeonjun eut envie de pleurer.
– Je le sais bien ça.
– Je suis tellement désolé, Soobin je-
– Arrête Yeonjun. C'est lui, c'était sa décision.
Il eut envie de lui hurler que ce n'était pas la bonne. Hurler à Kai pourquoi ce choix, pourquoi lui. Pourquoi sa vie qui ne tenait qu'à un fil importait plus que la sienne et puis... Le visage de Soobin lui donna un élément de réponse. Il se demanda s'il faisait fausse route, s'il s'imaginait des choses – encore – ou si Kai l'avait fait pour lui, mais aussi pour Beomgyu, Taehyun et le garçon qui se tenait en face de lui. Sa main était remontée jusqu'à sa joue, où il s'arrêta, un sourire léger sur le visage. Il l'interrogea du regard, les sourcils légèrement froncés.
– Je m'arrête là ?
Il secoua la tête, son regard dans le sien. Non, s'il te plait, qu'il mourrait d'envie de lui murmurer. Soobin s'approcha à peine, jusqu'à toucher ses jambes et son autre main se plaça à plat sur le lit où il était assis. Il ferma les yeux, appréhendant le moment où Soobin se déciderait à briser les dernières barrières. Il eut l'impression de se retrouver comme cette nuit-là, dans la remise de leur lycée : fébrile, et sans savoir quoi faire.
Il se demanda comment ses parents allaient réagir. Pour eux aussi, le compte à rebours prenait fin. Comment sa vie allait réellement débuter ça. S'il allait pouvoir accomplir son rêve, et ce projet qu'il chérissait avec Jiwon depuis des années. Si ses parents le laisseraient faire. Si finalement, il n'allait pas les envoyer bouler, et s'affirmer. Si finalement... Il pouvait rester auprès de lui. Il sentit ses lèvres trembler.
– Junie...
Il sentit son souffle sur ses lèvres, et frissonna.
– Regarde-moi.
Yeonjun se fit violence pour ouvrir les yeux, confronter ce regard qui lui avait tant manqué. Soobin semblait à deux doigts de pleurer lui aussi, sans doute parce que son meilleur ami n'était pas là, mais lui si.
– Il savait ce qu'il faisait, j'en suis persuadé.
Il ne trouva pas la force de répondre. Pour quoi dire ? Que son meilleur ami ne reviendrait pas, et qu'il l'avait fait pour la vie d'un autre plutôt que la sienne ? Les lèvres de Soobin trouvèrent les siennes avec douceur, lui coupant l'herbe sous le pied. D'abord hésitantes, ses mains se faufilèrent sur ses épaules et s'y agrippèrent. Le baiser tout entier lui sembla irréel. La douceur de ses gestes, contrastant avec les émotions qui le traversaient de part en part, le fit s'abandonner complètement dans ses bras. Il sentit une main dans ses cheveux, une sur le haut de ses cuisses et en redemanda, un peu. Il y eut un deuxième baiser, plus léger, et un troisième, plus furtif dans son cou, quand Yeonjun réalisa qu'ils pleuraient tous les deux. Pour la première fois depuis des années, il se sentit bien.
– Soobin...
Soobin secoua la tête, faisant s'échouer quelques larmes salées sur le haut de ses cuisses.
– Laisse-moi le dire, s'il te plait.
– Junie...
– Je t'aime.
Son sourire et les étoiles dans ses yeux rougis valurent toutes les peines du monde ; il les aurait affrontées de nouveau pour les garder gravés dans sa mémoire. Soobin avait le plus beau des sourires, le plus beau des visages à ses yeux et Yeonjun en était profondément amoureux. En cet instant, il n'eut plus aucune honte à le penser.
Pour Yeonjun et Soobin, la vie prenait un tout nouveau tournant.
Sur l'île, un garçon comprit que sa promesse avait été tenue.
─ 𝐊𝐔𝐊𝐈𝐇𝐈𝐌𝐄 𝐓𝐈𝐌𝐄 ─
Hello ! Comment allez-vous ?
Pour celleux en pleine période d'examen, bon courage à vous, je vous fais confiance pour tout défoncer ! J'espère sinon que ce chapitre vous aura plu, il délivre quelques réponses sur le choix de Kai et, je le sais, quelque chose que beaucoup d'entre vous attendez depuis le belle lurette xD Je vous dis à la semaine prochaine pour la suite :3
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