𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐧𝐞𝐮𝐟
« Beomgyu rencontre Taehyun »
❘✶❘
Il y a huit ans.
– Ne t'en fais pas mon bébé, ça va aller !
Sa mère lui colla une grosse bise sur la joue et Beomgyu se dégagea, gêné qu'elle fasse un tel geste devant son tout nouveau collège. Elle éclata d'un rire sonore qui lui colla une honte certaine et lui ébouriffa les cheveux avec un sourire immense.
– Je suis sûre que tout va bien se passer ici !
Beomgyu la regarda, désemparé. Bien sûr que non, rien n'allait bien se passer. Il arrivait dans un nouveau collège, en avant-dernière année, sans connaître personne, dans une classe qui allait le juger en moins de deux minutes. Mais ses parents s'accrochaient à l'espoir qu'un jour, leur fils rentrerait dans les mêmes petites cases étroites que ses camarades de classe. Et Beomgyu voulait y arriver. Il ne voulait pas les décevoir encore une fois. Cette fois-ci, il allait y parvenir. Il ajusta son sac sur son dos et prit une profonde inspiration.
– Je vais t'accompagner à l'accueil !
Avec un sourire gentil et timide, il embrassa sa mère sur la joue et lui fit comprendre qu'il pouvait gérer la suite tout seul. Il avait treize ans, bientôt quatorze, il n'était plus cet enfant incapable de se débrouiller par lui-même dans des situations délicates.
– Bon, prends soin de toi mon bébé, tu appelles maman si quelque chose ne va pas !
Quelques élèves ricanèrent dans son dos et Beomgyu s'empourpra. Pourtant, il la regarda partir et s'éloigner lentement avec un regard plein de tendresse. Il ne tourna les talons à son tour que lorsqu'elle grimpa à nouveau dans sa vieille voiture cabossée.
Il prit une grande inspiration pour se diriger vers l'accueil, qui, prévenu de son arrivée, avait dépêché une personne maîtrisant le langage des signes pour lui faire un tour de l'établissement et lui expliquer son fonctionnement, avant de le conduire à sa nouvelle classe. On l'assit au premier rang, sous le regard sévère de son professeur qui n'avait pas l'air très enchanté de voir un nouvel élève arriver en cours d'année et Beomgyu lança un regard désolé à son voisin de table. Il s'en voulut immédiatement de s'asseoir ici, à cette place près de la fenêtre, où il s'était très certainement installé, seul, pour avoir la paix.
Il avait des yeux immenses, qui le scrutaient sans s'arrêter depuis cinq bonnes minutes et Beomgyu tira nerveusement sur les manches de sa chemise. En voyant la montre qu'il avait au poignet et les bijoux à l'autre main, il se félicita de porter l'uniforme du lycée en sa présence. Il planqua ses baskets usées sous sa chaise, sentant le regard de son voisin de table descendre pour continuer de l'analyser comme un vulgaire mannequin en vitrine.
– Taehyun va le terroriser, plaisanta une voix féminine derrière eux.
Et le dénommé Taehyun se retourna à peine pour lancer un regarder mauvais à la fille qui se tut immédiatement.
– Tu ne sors pas tes affaires ?
Beomgyu se sentit idiot, et sortit immédiatement sa trousse et son cahier, de l'ancien collège, ce que ne manqua pas de remarquer son voisin qui leva un sourcil. Pendant les deux heures qui suivirent, Beomgyu eut envie de fuir cette atmosphère étouffante. Il n'avait jamais aimé les ambiances scolaires. C'était toujours les mêmes classes sobres, silencieuses, ou personne ne bronchait. Toujours les mêmes endroits où il ne parvenait jamais à trouver sa place. Et quand enfin la cloche sonna, il se rua dehors, sans demander son reste.
Exceptionnellement mon bébé, il faudra que tu manges sur place. Mais les autres jours, maman viendra te chercher. Il laissa échapper un gémissement plaintif en repensant aux paroles de sa mère le matin même et se dirigea à contre cœur vers un distributeur mis à disposition des élèves. Il évita le regard de certains de ses camarades qu'il reconnut dans le couloir, et fouilla dans son sac à la recherche de la monnaie que sa mère lui avait laissée le matin-même. Constatant que ce n'était clairement pas assez pour se nourrir correctement, il soupira en songeant que cette dernière avait dû prendre le gros de son argent de poche pour acheter ses cigarettes. Il fit tomber une petite barre de céréales et une boisson dans le distributeur et alla se caler quelque part où personne ne viendrait l'embêter pour manger son repas en paix.
Malheureusement, ses espérances ne furent pas entendues.
– Je peux ?
Oh non, pas toi... Le garçon effrayant était de retour. Il se décala légèrement pour lui signifier que la place à côté de lui sur le banc était libre. Il le regarda sortir son petit plat, sans doute fait maison et ouvrit des yeux ronds devant ses aliments découpés à la perfection, et sans doute à la même taille les uns que les autres. Ce type avait compartimenté par couleurs ses aliments. Était-il tombé sur un perfectionniste ? Il garda la tête haute, sans quitter son sourire habituel. Ce garçon était peut-être un élève important ; il devait faire bonne figure...
– Tu ne parles jamais ?
Beomgyu secoua la tête. Pourquoi voulait-il manger ici ? Il y avait suffisamment de place ailleurs pourtant...
– Tu es muet ?
Beomgyu opina du chef, en tâchant de garder son sourire, ne sachant pas trop comment prendre ce ton... Pédant.
– Oh, je vois.
Son sourire se figea un instant avant de voir que l'autre garçon ne partait pas.
– Je suis désolé, je ne parle pas la langue des signes.
Beomgyu agita les mains et s'empressa de sortir son cahier avant de griffonner un « ce n'est pas grave ! » sur l'une des pages de la fin. Taehyun leva un sourcil, étonné, avant d'esquisser un sourire.
– Je m'appelle Kang Taehyun au fait.
Il griffonna son identité sur la même page et Taehyun lui serra la main, avec un air très sérieux sur le visage.
– Enchanté Choi Beomgyu !
❘✶❘
Malgré sa fin de journée plutôt agréable, Beomgyu n'avait eu aucune envie de retourner au collège le lendemain. Il redoutait toujours autant les regards lourds et pesants de ses camarades, et les moqueries qu'il entendait sur son passage. En rentrant, il avait demandé à son père une nouvelle paire de basket, moins miteuse que celles qu'il avait au pied, et à présent, Beomgyu essayait de marcher avec les siennes, sans avoir l'air d'un abruti. Les miennes sont neuves, je te les prête pour la journée si tu veux épater la galerie ! Beomgyu l'avait remercié en silence, avant de les enfiler, et de se dire qu'il lui manquait deux tailles pour être confortable avec. Il l'avait pris dans ses bras, avant de le voir allumer sa première cigarette de la journée. Et il s'était mis en route, en se sentant moins minable que la veille.
J'étais juste trop jeune pour me rendre compte que mes parents ne voulaient faire aucun effort.
Et qu'ils m'avaient déjà trop donné par le passé.
Quand il s'installa ce matin-là, Taehyun n'était pas encore arrivé. Il lui laissa sa place près de la fenêtre et sortit ses cahiers et sa trousse. Rêveur, il attrapa le livre qu'il avait commencé un peu plus tôt dans le bus l'amenant au collège, et s'y plongea totalement pour ignorer les bruits parasites autour de lui.
Plongé dans les aventures chevaleresques du héros de son roman, il ne sentit pas le petit tapotement sur son épaule. Un raclement de gorge le fit sortir de sa lecture et il leva la tête vers Taehyun qu'il salua immédiatement d'une légère inclinaison. Et sous ses yeux ébahis, Taehyun lui signa une phrase complète.
« Salut Beomgyu, comment vas-tu aujourd'hui ? »
Il nota que quelques personnes autour d'eux s'étaient tournées, intriguées par son manège, et Beomgyu ne sut pas vraiment s'il devait répondre en signant, ou en écrivant à nouveau sur son cahier. Alors qu'il s'apprêtait à opter pour la deuxième option, Taehyun lui ôta le stylo des mains. Perplexe, il lui répondit donc en quelques gestes.
« Bien, et toi ? »
« Très bien ! »
Visiblement très fier de lui, Taehyun prit enfin place à ses côtés et sortit ses affaires. Beomgyu ne le lâchait pas des yeux, encore sous l'effet de la surprise qu'il lui avait réservé. Sentant sans nul doute son regard insistant sur sa personne, Taehyun lui lança un regard amusé.
– J'ai appris ça hier soir, je me suis dit que ça serait sympa. J'ai demandé à ma mère de m'inscrire à des cours de langues. On pourra communiquer comme ça !
Et pour la première fois depuis qu'il avait perdu l'usage de la parole, Choi Beomgyu eut envie de pleurer devant la gentillesse d'un parfait inconnu. Il ne sut pas réellement si le geste était intéressé, curieux ou profondément gentil, et il se doutait qu'il n'en saurait jamais rien, mais ses yeux se mirent à briller et ce détail n'échappa pas à Taehyun, dont le sourire se fit encore plus grand. Il le regarda sortir ses affaires, toujours en se demandant s'il ne venait pas de rêver ce moment, ou si ce garçon venait réellement de lui confier qu'il comptait prendre des cours pour lui parler. À lui. Qu'il ne connaissait que depuis la veille.
Il n'osa pas lui poser la question, de peur d'être déçu, alors Beomgyu se contenta de lui rendre son sourire au centuple.
❘✶❘
– Méfie-toi mon bébé, lui lâcha sa mère d'une voix plate.
Beomgyu baissa les yeux sur son plat de nouilles, sentant sa joie de la journée redescendre aussitôt. Ses parents étaient perplexes face à l'attitude de son nouveau camarade de classe. Son père leva un sourcil, et piocha de nouveau dans le plat au milieu de la table.
– Il veut juste faire son intéressant, donne lui deux jours, et il abandonnera.
– Ton père a raison, reste concentré sur tes cours, tu n'as besoin de d'autres gens, d'accord ?
« Je voudrais me faire des amis. »
– Oui, chéri, tu peux, mais... Je ne le sens pas ce garçon.
« Vous ne le connaissez pas. »
– Toi non plus, soupira sa mère.
Et Beomgyu ne trouva pas quoi répondre. Oui, ils n'avaient pas tort. Peut-être qu'une fois de plus, il s'était fait de fausses idées ?
Il termina son repas sans rien ajouter à la discussion, qu'il savait perdue d'avance. Puis il grimpa dans sa chambre après avoir embrassé ses parents et s'allongea péniblement sur son lit et lâcha un soupir à fendre l'âme. Il étira son bras pour venir allumer sa lampe de chevet et attrapa un livre qu'il feuilleta sans grand intérêt. Toutes ses pensées étaient tournées vers Taehyun. Il ne parvenait pas à s'ôter de la tête l'idée qu'il se lançait dans l'apprentissage d'une nouvelle langue rien que pour lui. C'était bien trop beau pour être vrai. Alors, n'y tenant plus, et poussé par le discours de ses parents, il attrapa son portable pour lui envoyer un message. Taehyun avait eu l'air d'hésiter avant de lui demander son numéro de téléphone, comme s'il avait eu peur d'être trop intrusif. Mais maintenant, Beomgyu se félicitait de l'avoir pris.
Moi à 22H00.
Salut Taehyun, c'est Beomgyu, ton camarade de classe. J'espère que je ne te dérange pas. :)
Et Beomgyu soupira en attendant une réponse qui tarda à venir.
Kang Taehyun à 22h45.
Salut, non tu ne me déranges pas ! Désolé de répondre aussi tard, j'étais en cours du soir !
Moi à 22h45.
Aucun souci, ne t'en fais pas !
Kang Taehyun à 22h45.
Tu avais une question à me poser ?
Beomgyu prit une profonde inspiration avant de commencer sa réponse. Il se demandait comment bien tourner les choses sans paraître agressif, ou désespéré. Il ne voulait pas lui donner l'impression d'avoir été vexé par son geste, ou celui d'avoir été pris en pitié. Taehyun avait-il tout simplement pitié de lui ?
Kang Taehyun à 22h47.
Beomgyu ?
Moi à 22h47.
Pardon.
Moi à 22h48.
J'ai un léger retard en cours de mathématique, je voulais savoir si je pouvais savoir ce que vous avez fait exactement cette année pour que je puisse rattraper.
Il se sentait idiot. Alors c'était ça, il était incapable de lui poser la question ?
Kang Taehyun à 22h48.
Je t'envoie mes cours si tu veux ! Tu as une adresse mail ?
Moi à 22h49.
Je n'ai pas d'ordinateur, mais je pourrais les consulter dans un café ou à l'école, je veux bien, merci !
Kang Taehyun à 22h50.
Je te fais ça alors ;)
Moi à 22h51.
Merci beaucoup, c'est très gentil.
❘✶❘
Taehyun avait encore appris pendant la nuit. Et Beomgyu se demanda une nouvelle fois s'il ne nageait pas en plein délire. Et quand ce dernier lui posa une pile épaisse de feuille sur le nez, il l'interrogea du regard.
– Ce sont mes cours de maths de cette année, avec les compléments de mes cours du soir, expliqua-t-il tout en accompagnant sa parole de quelques signes qu'il avait appris.
Affolé de voir qu'il lui avait imprimé autant de documents, Beomgyu s'en voulu immédiatement. Le geste n'avait échappé à personne dans la classe, et seul un garçon au visage plutôt atypique ne semblait pas réellement choqué par le geste. Il n'avait pas le même regard moqueur que ses autres camarades, et Beomgyu se fit la réflexion que peut-être, ce dernier connaissait Taehyun et qu'ils étaient amis.
Taehyun lui présenta brièvement Kai, en fin de semaine, un camarade de classe avec qui il s'entendait et avec qui il réalisait quelques projets de groupe. Il devint son premier ami. Son meilleur ami comme il aimait le qualifier auprès de ses parents. Les jours s'écoulèrent, les semaines après eux, puis les mois... Et Taehyun ne le lâcha pas. Deux mois plus tard, il pouvait tenir des discussions complètes avec lui, sans hésiter sur les mots. Beomgyu avait l'impression que l'autre garçon avait parlé cette deuxième langue toute sa vie. Et jamais Beomgyu n'osa demander pourquoi lui. Pourquoi Choi Beomgyu ? Qu'avait vu Taehyun en sa personne qui l'intéressait tant ? Par peur d'être déçu par sa réponse, ou bien parce qu'il craignait de perdre un être cher en la posant, Beomgyu garda pour lui ses interrogations. Taehyun était un être complexe, que les gens ne parvenaient pas à saisir complètement, mais Beomgyu se surprit à très vite se sentir proche de lui. Taehyun perça un peu sa carapace, et Beomgyu fit de même. La fin de son année scolaire passa bien plus vite que ce qu'il avait espéré.
❘✶❘ ❘✶❘ ❘✶❘
Il y a six ans.
Beomgyu tirait nerveusement sur une mèche de ses cheveux bruns. Il n'était pas prêt, il en avait la certitude. Il jeta un regard en biais à sa mère qui trottinait presque à côté de lui, un sourire immense sur le visage. Il avait eu beau insister, que l'accompagner jusqu'aux portes du lycée n'était pas nécessaire... Elle n'avait rien voulu entendre. Quand ils arrivèrent, il s'empressa de l'enlacer et de lui rendre son baiser mouillé sur la joue, avant de l'essuyer une fois sa mère au loin. Et puis, il la vit. Cette voiture noire aux vitres teintées s'arrêter non loin de son nouvel établissement. Il tordit légèrement le cou pour en voir sortir son passager, qu'il connaissait déjà, et poussa un soupir. Taehyun était avec Kai. Il hésita un bref instant, se demandant s'il devait briser la glace maintenant et venir vers lui, ou attendre la répartition des classes et le discours du doyen. Finalement, il resta en retrait, se contentant de l'observer de loin. En un an, il avait considérablement changé. Adieu coupe au bol qui n'avait jamais vraiment rendue grâce aux traits fins de son visage. Taehyun avait considérablement grandi, tout comme l'autre garçon à côté de lui qui semblait immense dans cette foule de nouveaux lycéens.
Il avait peur de croiser son regard. D'être proche de lui à nouveau. La veille, il s'était rendu sur l'ordinateur neuf de son père et avait supplié ses parents de le laisser se créer un compte sur un réseau social. Ils avaient fini par céder, tout en surveillant étroitement ce qu'il faisait. Il l'avait épluché pendant des heures, en espérant le retrouver, et avait fini par mettre la main sur son compte. Il lui avait envoyé un message lui signifiant qu'il était de retour, et qu'il se rendait au lycée, il avait reçu une réponse presque sèche en retour. Et Beomgyu n'avait pas pu s'empêcher de sentir les larmes lui monter aux yeux.
C_Gyu à 18h30
Salut Taehyun, je ne sais pas si tu te souviens de moi, Choi Beomgyu. Nous étions dans la même classe pendant une année de collège. J'ai déménagé à la fin de cette année, dans le sud du pays, et je suis désolé de ne pas avoir donné de nouvelles, je n'en ai pas eu l'occasion... Je rentre au lycée demain, et je me disais, peut-être que nous pourrions nous revoir un de ces jours ? Si tu es toujours sur Séoul, évidemment !
Il s'était senti minable en l'écrivant. Taehyun n'allait jamais le croire.
☼ Taehyun_Kang à 19h00
Hey. Bien sûr que je me souviens de toi.
Ok pour un café quand j'aurais le temps.
Un an. Un an loin du seul ami qu'il ne s'était jamais fait. Un an loin de la seule personne qui ne le prenait pas en pitié, ou qui traînait avec lui pour se donner bonne figure.
Quand ses parents avaient subitement choisi de déménager à la fin de son année de collège, il avait eu le sentiment de tout perdre. Ils avaient revendu beaucoup de ses affaires, son téléphone portable sans même lui demander son avis, pour lui en redonner un autre moins cher, et ses habits les plus neufs. Si on ne fait pas quelques sacrifices, tu ne pourras pas avoir de cours dans ton école, Beomgyu. Et Beomgyu avait eu envie de hurler. Il avait perdu tous ses contacts, n'avait pas eu le temps de prévenir Taehyun, et avait disparu du jour au lendemain. Il ne voulait plus de cette école qui avait fait de l'œil pendant des années. Il ne s'était jamais senti heureux qu'avec lui.
Et pour quoi ? Pour ne pouvoir étudier qu'un an avant que les frais ne deviennent trop coûteux, et qu'ils dilapident de nouveau tout pour revenir au point de départ. Beomgyu se sentait pire que tout. Il eut envie de hurler en voyant qu'ils se retrouvaient en prime dans la même classe et avança, la tête basse, vers la grande salle où leur proviseur allait tenir un discours de bienvenue.
Absorbé par la petite estrade devant lui, et les professeurs s'y rangeant avant le discours, il ne vit pas la chaise à côté de lui être tirée. Ce fut seulement quand la personne assise à côté de lui lui tapota le bras qu'il broncha. Taehyun le fixait, impassible et Beomgyu ouvrit de grands yeux avant de rougir jusqu'à la racine de ses cheveux. Il le salua timidement, d'un signe de la tête, avant de se demander s'il n'était pas en plein cauchemar. Lui qui avait pensé rester inaperçu jusqu'à au moins regagner leur classe...
« Tu m'as manqué », signa Taehyun en le mimant avec ses lèvres.
Il lui avait manqué. Les mots mirent un certain temps à s'inscrire dans son cerveau, puis à être pleinement compris. Ses joues s'empourprèrent légèrement. Il. Lui. Avait. Manqué. C'était tout ? Où étaient les reproches ?
« Moi aussi. Je suis désolé de ne pas avoir donné de nouvelles. Je te dois des explications. »
– Pas la peine Beomgyu...
« Si, si, j'insiste, je t'expliquerais ça ! »
Taehyun haussa les épaules et étira ses bras en avant.
– Je me doute bien que ce n'était pas de ma faute. S'il s'était passé quelque chose de grave, tu me l'aurais dit, parce que tu es comme ça. Alors je sais que c'est contre ton grès que tu n'as rien pu faire pendant des mois. Ce qui compte, c'est que tu sois de retour, non ?
Il baissa les yeux, sentant sa gêne revenir au grand galop. Pourquoi comprenait-il toujours tout, et si vite ?
❘✶❘
Taehyun s'installa à côté de lui le plus naturellement possible une fois dans leur nouvelle classe. Beomgyu fut amusé de voir que désormais, ils faisaient la même taille. Taehyun ne l'avait pas lâché des yeux, comme s'il faisait le bilan de ce qui, en un an, avait changé chez lui. Et Beomgyu trépignait. Il avait hâte de finir les cours de la journée pour pouvoir enfin lui expliquer son calvaire et son déménagement précipité. Et alors que leur professeur commença son cours, on frappa à la porte, et machinalement, il se retourna pour voir le nouveau venu.
– Certains commencent bien l'année. Votre nom ?
– Choi Soobin, fit-il en se courbant, Je m'excuse pour mon retard.
– Asseyez-vous à côté du jeune homme tout à gauche.
Beomgyu regarda Kai, qui semblait à peine avoir capté qu'il s'agissait de lui et lui adressa au passage un signe timide de la main. Kai se leva, lui tira la chaise et quelques rires s'élevèrent dans la salle, Beomgyu trouva le geste très attentionné. À côté de lui, Taehyun semblait s'être figé un court instant, avant de se reprendre. Il plissa les yeux, comme pour le détailler encore plus profondément et Beomgyu ne sut pas réellement quoi penser de cette attitude. Taehyun se retourna d'un coup, comme si de rien n'était et se focalisa sur le tableau vierge devant eux, le regard soudain très concentré. Beomgyu l'interrogea du regard, et il se contenta d'un sourire qui le rassura un peu.
Quelque chose avait changé chez Taehyun, mais Beomgyu ne parvenait pas à mettre le doigt dessus. Physiquement, il voyait bien que Taehyun prenait des formes plus adultes, que son visage d'enfant s'effaçait peu à peu. Mais il y avait quelque chose sur ses traits, dans sa manière d'être qui avait évolué.
– Tu veux venir chez moi après les cours ?
« Je n'ai plus de portable, je ne pourrais pas prévenir mes parents... »
Taehyun leva un sourcil.
– Je téléphonerais avec le mien. On aura le temps de parler, comme ça. Mes cours du soir ne débutent qu'en fin de semaine.
Il hésita une petite seconde, en se demandant s'il était prêt à se rendre chez lui après une année complète de séparation. Et puis, Beomgyu se fit la réflexion que jamais Taehyun ne lui aurait proposé si cela l'embarrassait.
« Oui, je veux bien ! »
Le sourire de Taehyun fut suffisant pour illuminer le rester de sa journée.
❘✶❘
La maison des Kang n'avait pas changé. Sa petite sœur, elle, en revanche... Ne ressemblait plus à la petite fille qu'il avait connue il y a un an. Elle lui sauta dans les bras et Beomgyu la réceptionna avec un peu de mal avant que Taehyun la chasse d'un geste de la main en rigolant.
– Ma mère travaille tard aujourd'hui, mais il faudra que tu viennes la voir, elle sera heureuse de te revoir, lui lança-t-il.
Cette maison lui avait manqué. Atrocement. Il avait été grandement intimidé la première fois qu'il s'était rendu ici ; par l'immensité des pièces et le luxe flagrant qui transparaissait par endroit. Mais comme tous les membres de sa famille, Taehyun faisait disparaître cette façade en un claquement de doigt : son attitude snobinarde ne restait jamais en place avec Beomgyu.
Sa chambre, en revanche, avait changé du tout au tout. Il y avait toujours autant de livres de cours dans tous les sens, un bureau immense avec des stylos triés par taille et par couleur (ce détail l'avait toujours beaucoup amusé). Il avait cependant retiré le seul poster de sa chambre pour une photo immense de forêt.
– Ça m'apaise, lâcha-t-il en guise d'explication.
Beomgyu hocha de la tête et se rapprocha des petites photos punaisées sur son mur.
– Oh, oui, je me suis essayé à la photographie cet été ! Tu en penses quoi ?
« J'aime beaucoup, j'aimerais beaucoup pouvoir essayer aussi ! »
– Je te prêterais mon appareil.
Il savait que Taehyun était terrorisé par les profondeurs, les endroits de baignade où il ne voyait plus ses pieds et par la noyade, aussi il s'étonna de voir autant de cliché pris sur une plage ou une crique.
« C'est votre maison ? »
Taehyun lâcha un rire amusé.
– Non, elle est abandonnée depuis des lustres ! Je la trouvais juste jolie. Je ne pourrais jamais vivre dans une baraque perchée sur une falaise, tu es fou !
Beomgyu haussa les épaules. Et pourquoi pas, le lieu de vie devait être paisible. Il s'installa sur son lit et écouta Taehyun lui parler de ses vacances avec enthousiasme. Taehyun était allongé à côté de lui, toujours assit, et agitait ses mains dans tous les sens en lui expliquant son apprentissage de la photo, tout en veillant bien à toujours articuler un maximum pour qu'il puisse comprendre au mieux. Beomgyu rigola doucement en l'entendant grimper dans les aigus au fil de son récit, et captura l'une de ses mains qui s'agitait un peu trop, amusé de le voir se comporter de la sorte. Taehyun l'interrogea deux secondes du regard avant de replonger dans son récit. Il avait ramené sa main contre sa poitrine, le laissant sentir les battements de son cœur, et Beomgyu esquissa un sourire. Tout était si bien. Tout était comme avant.
C'était ça.
Finalement, il réalisa que rien n'avait changé. Il avait comme cette drôle d'impression que Taehyun l'avait tout simplement attendu avant de sourire et de se montrer heureux à nouveau. Il ressentait son besoin de parler, de vider son sac, de tout lui raconter de ses vacances, et Beomgyu le regardait avec des étoiles pleins les yeux. Lui qui n'avait rien à lui raconter. Rien de beau, rien de fantasmagorique, rien d'incroyable. Lui fuyait sa vie morne en écoutant la sienne.
─ 𝐊𝐔𝐊𝐈𝐇𝐈𝐌𝐄 𝐓𝐈𝐌𝐄 ─
Ma passion dans la vie, écrire des flash-back dans mes histoires... Plus sérieusement, j'espère que ce chapitre vous auras plus, j'avais a-do-ré l'écrire ! La dynamique entre ces deux-là me rend niaise...
ps: à l'heure où je poste ce chapitre, on célèbre déjà les 2 ans du groupe qui a débuté le 04 mars 2019 ♥ c'est une joie immense et une grande fierté pour moi de les suivre depuis ce temps !
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