𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐜𝐢𝐧𝐪𝐮𝐚𝐧𝐭𝐞 𝐞𝐭 𝐮𝐧
« Fracture »
❘✶❘
Il y a quatre ans.
Sa mère n'était pas revenue une seule fois sur la présence de Yeonjun chez eux, et encore moins sur la posture dans laquelle elle les avait retrouvés. Et Soobin s'en était retrouvé immensément soulagé. Elle avait appris depuis le temps à ne pas se mêler de ce genre d'affaires : Soobin s'en était assuré des années auparavant. Yeonjun était devenu distant la semaine qui avait suivi, le rendant nerveux par la même occasion. Il s'en était douté pourtant, à l'instant même où ils s'étaient quittés ce soir-là. Il avait eu beau essayer de le rassurer par message tout le reste de la soirée, Yeonjun n'avait rien voulu entendre, paralysé par la peur que leur relation soit exposée au grand jour.
Avachi sur son lit, Soobin guettait le moindre message de Yeonjun. Mais ce dernier devait être en cours, ou en pleine révision, il ne savait plus trop. En parallèle, Kai ne cessait de s'angoisser à mesure que le jour de son spectacle de théâtre se rapprochait, et peinait à rester calme. Ils avaient eu beau se voir presque tous les soirs de cette semaine, passer la nuit ensemble chez Soobin, rien n'y faisait : Kai l'inquiétait. Il y avait l'angoisse de sa première scène, et Kai restait un garçon timide, Soobin le comprenait. Mais il lui semblait percevoir autre chose aussi. Il avait un sommeil agité. Il dormait mal. Et l'ambiance chez lui était de plus en plus épouvantable depuis l'accident de sa grand-mère. Pourtant, Kai s'entêtait à dire que tout allait bien. Il y avait bien ces moments, en cours, où il le surprenait à rêvasser en souriant. Et dans ces moments-là, Soobin se permettait de souffler un peu.
Son portable vibra et immédiatement, il se redressa sur son lit. Un sourire fin étira ses lèvres en voyant son surnom fraîchement donné à l'écran, et il s'empressa d'aller lire son message.
Jun à 17h10.
Taehyun est d'accord pour la maison au fait, si ça te tente toujours bien évidemment. :)
Il cligna des yeux plusieurs fois, craignant avoir mal lu. Comment Yeonjun s'était-il débrouillé pour l'avoir ? Il se le demandait bien. Taehyun était une sacrée fouine, il le savait capable d'enquêter de son côté pour connaître le fin mot de l'histoire ; à l'avenir, ils devraient se montrer prudents.
Jun à 17h11.
Aussi, je suis encore désolé pour l'autre jour. Et si tu veux, mes parents ne sont pas là demain soir, ils ne rentrent que le lendemain matin.
Il leva un sourcil, de plus en plus surpris par la tournure que prenait la discussion.
Jun à 17h11.
On pourrait aller manger dans ce restaurant que tu aimes bien ? Et on finit la soirée chez moi ?
Les joues en feu, Soobin s'empressa de répondre avant que, de son côté, Yeonjun ne se fasse des idées.
Soobin à 17h12.
Bien sûr que je suis toujours d'accord, tu crois sérieusement que je vais refuser une chose pareille ? Je ne sais pas comment tu as fait pour vendre la chose à Taehyun, mais tu es un petit génie.
Soobin à 17h13.
Et il en va de même pour le restaurant demain soir, je suis tout à toi <3
Il l'imagina aisément sourire lui aussi derrière son écran
Jun à 17h13.
Bon, super ! On se retrouvera chez moi alors !
Soobin à 17h14.
Faisons ça ! <3
Jun à 17h14.
Arrête avec tes cœurs partout...
Soobin à 17h14.
Mais je les aime, mes cœurs partout...
<3<3<3<3<3
Jun à 17h15.
Que tu es épuisant !
C'est comme ça que tu m'aimes ! Il effaça ce dernier message avant de le retaper, autrement, après un moment d'hésitation.
Soobin à 17h16.
À demain soir ~
Le cœur léger, il reposa son téléphone sur sa table de chevet. Déjà, le film de sa soirée prochaine se jouait dans sa tête. Il lui en avait toujours fallu très peu pour imaginer le plus niais des scénarios, de leurs retrouvailles jusqu'au moment où ils dîneraient ensemble dans cet endroit qu'il aimait tant, juste avant de rentrer chez lui, et de passer à une tout autre activité qu'il adorait. La main sur son cœur qui battait la chamade, il esquissa un sourire béat, heureux, réfrénant une nouvelle fois son envie de tout confier à son meilleur ami.
❘✶❘❘✶❘❘✶❘
Souvent on avait fait la réflexion à Soobin qu'il rêvait bien trop. Il avait la tête dans les nuages, dans ses jolies histoires à l'eau de rose, dans un univers qui finalement, lui échappait totalement. On lui avait répété plus d'une fois que plus grandes seraient ses rêveries, plus dure serait la chute. Et des chutes, Soobin en avait fait un tas.
Il était parti loin Soobin. Il n'était plus concentré pour un sou sur ses cours de rattrapage. Il avait la tête dans les étoiles, déjà prêt pour son rendez-vous du soir même. Il avait envie de se téléporter près de lui, et esquissa une petite moue en se rappelant qu'à cette heure, Yeonjun déjeunait avec ses camarades d'université et lycée de l'année inférieure avec qui il avait gardé contact. La simple idée de le savoir simplement de l'autre côté de la rue, attablé à une terrasse lui donnait envie de tout plaquer pour le rejoindre. Il lui avait aussi confié vouloir danser un peu ce soir, et avec plaisir Soobin lui avait assuré qu'il filmerait la moindre de ses prestations.
Et alors que le cours de mathématiques avancées terminait pleinement de l'achever, la poche arrière de son jean vibra. Ni une ni deux, à l'abri du regard de son professeur, Soobin jeta un coup d'œil. Le nom de Kai le fit sourire.
Kai à 15h02.
Tu ne t'ennuies pas trop, ça va ?
Soobin à 15h02.
Non, ça va ! Je ne me suis pas encore endormi !
Kai à 15h02.
Je suis en train de retoucher nos costumes pour le spectacle ! J-3, j'ai tellement hâte ! Une des filles ne pouvait pas rentrer dans sa jupe, sa fermeture éclair était mal cousue, je suis en train de réparer tout ça et j'ai réussi !
Soobin à 15h03.
Plus talentueux que je ne le serais jamais ! :')
Kai à 15h03.
Je suis en train de la passer pour voir. J'ai aussi refait le bas, elle est bien mieux comme ça, tu veux voir ?
Soobin à 15h03.
Vas-y balance !
Kai à 15h04.
[image jointe]
Dis-moi si tu vois des défauts !
Soobin à 15h04.
Tellement canon là-dedans
Taehyun à 15h05
Les gars, vous vous êtes trompés de conversation...
Beomgyu à 15h05.
C'est notre conversation de groupe ^^
Le téléphone manqua de lui échapper des doigts quand il réalisa, lentement mais sûrement que Kai et lui venaient de converser sur le mauvais groupe de conversation. Que Kai avait désormais une photo de lui trop personnelle exposée aux yeux des trois autres garçons qui ne savaient rien de ses passions.
– Putain de merde.
– Monsieur Choi !
– Je suis désolé monsieur.
– J'espère bien, reprenons !
Il se redressa sur sa chaise, les joues en feu, le cœur battant de plus en plus vite. Dans sa poche, son portable s'affolait. Sans aucun doute Kai qui tentait de se justifier. En vain.
❘✶❘
Avec horreur, Kai réalisa ce qui venait de se produire. Il porta une main à sa bouche, avant de sentir les larmes lui monter aux yeux. Non, non, non ! Avec horreur il continua de regarder les messages arriver, le visage se décomposant un peu plus à chaque seconde qui défilaient.
Beomgyu à 15h06.
Elle est très joliment cousue ta jupe ! Je ne savais pas que tu savais coudre !
Trop paniqué pour réellement voir toutes les bonnes intentions derrière ce message, Kai continua de faire défiler les messages avec horreur. Ils avaient tous vu. Tous. Et même si Yeonjun n'avait pas encore répondu, il n'y avait aucun doute pour que lui aussi n'ait pas échappé aux messages échangés par lui et Soobin. Il laissa échapper un gémissement d'inconfort et regarda partout autour de lui, soudain paniqué de voir des gens débarquer dans cette salle d'ordinaire toujours vide quand il s'y trouvait.
Taehyun à 15h06.
J'ai jeté un froid, pardon. Mais très joli travail Kai ;)
Kai ne répondit rien. Il verrouilla son téléphone, avec la désagréable sensation que son cœur allait se décrocher pour de bon. Il lui sembla s'écouler des heures entières avant que son cerveau ne reconnecte à la dure réalité.
– Kai ?
Il releva la tête de ses affaires, de son tas d'habits sur lequel il travaillait depuis deux heures maintenant. Il regarda autour de lui, puis la porte de la salle de théâtre, la boule au ventre. Ce n'était ni la voix de Soobin, ni d'aucun autre des garçons. Et son sang ne fit qu'un tour.
– Eh, jupette, t'es là-dedans ?
Il ne se demanda même pas comment d'autres gens que ses amis avaient bien pu être mis au courant de sa présence – et de sa tenue – ici, que déjà, il s'empressa de se jeter sur son sac pour attraper ses affaires. Pitié, non, pas ça... tout sauf ça... Mais derrière lui déjà, la porte de la salle s'ouvrit en grand et un éclat de rire bruyant le fit sursauter.
❘✶❘
Kai à 15h18
Soobn s'il tz plait, j'ai beso8n d'aide
Il n'avait fallu qu'une fraction de seconde à Choi Soobin pour réagir à ce message truffé de fautes de frappe. Une fraction de seconde où son professeur le vit quitter son cours sans demander son reste, sans s'excuser. Une fraction de seconde avant qu'il se retrouve dehors, à taper une réponse au plus vite.
Soobin à 15h18.
Où es-tu ???
Kai à 15h18.
Ils mempeche d3 sortir toilette
Sans même s'en rendre compte, Soobin s'était mis à courir. Et au détour d'un couloir, il se stoppa brusquement en voyant Taehyun et Beomgyu arriver face à lui.
– Soobin ?
– Oui je euh, les gars je n'ai pas le temps d'en parler, on se voit plus tard !
– Où vas-tu comme ça ?
– Kai ! leur lança-t-il avant de recommencer à courir.
Seulement, derrière lui, Taehyun et Beomgyu s'étaient empressés de le suivre, pressentant la situation urgente. Les messages de Kai refusaient de le lâcher. Il avait ressenti sa détresse sans même l'avoir en face, et plus les secondes s'écoulaient, plus il craignait le pire pour son ami. Il ouvrit la porte des premières toilettes venues, qui se révélèrent être vides.
– Celles du deuxième ! lui lança Taehyun qui avait terminé par comprendre de quoi il retournait.
Beomgyu lui lança un coup d'œil perplexe, et sans perdre un instant de plus Soobin se remit à courir.
❘✶❘
Tout va bien se passer, respire, tout va bien se passer. Les mains rivées sur ses oreilles, les genoux ramenés contre son torse et les yeux clos, Kai s'efforçait de reprendre une respiration normale. Les bruits sourds contre la porte, la porte qui tremblait sous ses yeux... Tout disparaissait progressivement pour laisser place à cet endroit dans lequel il avait pour habitude de se réfugier en temps de crise. Cependant, là, Kai n'ouvrit pas les yeux. Il se contenta de humer les parfums des fleurs, de sentir la brise fraîche dans ses cheveux. Il voulait se concentrer sur le bruit du vent qui passait entre les branches des arbres qui l'entouraient. Se concentrer sur cet endroit qui ne le trahissait jamais. Contre ses jambes nues, il sentait l'herbe effleurer sa peau, et soudain, tous les bruits autour de lui se turent.
Seul dans sa bulle, il laissa échapper une larme de frustration et de colère. Sous ses paupières closes se peignit tout autre chose, une ambiance plus sombre, moins accueillante. Arrête. N'y pense pas. Tu es bien là, n'y pense pas. Il eut l'impression de se sentir étouffé, comme bloqué par les parois d'une grotte trop étroite. Et tout à coup, la fraîcheur de l'herbe et l'odeur des fleurs s'évaporèrent pour le laisser dans cet endroit horrible. À mesure que les sons du dehors lui revenaient, les parois se rapprochaient. Il les sentait sur sa peau, griffer ses membres découverts par le tissu. Il sentait cette odeur d'humidité qu'il avait en horreur. Tu n'y es plus, tu n'y es plus, ce n'est pas ta forêt, ce n'est pas...
Il n'y était plus. Il nageait en plein cauchemar.
Et au moment où Kai se mit à hurler à plein poumon, la porte de sa cabine cessa de trembler brusquement, manquant de s'ouvrir.
– Il est complètement timbré !
– Il parle tout seul putain...
– Tu l'as en photo ?
– Qu'est-ce que vous foutez ?
– Soobin arrête !
Soobin.
La voix de Taehyun le fit revenir sur terre immédiatement. Tremblant comme une feuille, tétanisé, il ouvrit de grands yeux, en position presque fœtale contre la cuvette des toilettes.
– Cassez-vous !
Il se boucha de nouveau les oreilles, paniqué. La voix de Soobin était déformée. La voix de Soobin n'était jamais déformée. Remonte dans le train. Il sursauta en l'entendant appeler son prénom à plusieurs reprises. Tu n'y es plus. Sous la porte, il distingua plusieurs ombres, trois, et Kai se demanda où étaient partis les autres garçons qui l'avaient tiré ici en hurlant et en rigolant.
– Kai ? Kai c'est nous, Taehyun, Beomgyu et moi... Ouvre cette porte s'il te plaît.
Ses doigts restèrent suspendus devant la poignée. Et si... ? Et s'il divaguait encore ? Et s'ils n'étaient pas vraiment là ?
– T-tout va bien..., se murmura-t-il.
Pourtant ses yeux rouges et ses joues humides indiquaient tout le contraire. Mais Soobin ne devait en aucun cas le voir ainsi.
– Kai, s'il te plaît.
– Je ne v-veux pas sortir dans c-cette tenue...
– Je.... On va aller chercher ton sac avec ton uniforme, ok ?
– Ils me l'ont pris..., murmura-t-il en réprimant un nouveau sanglot.
– Bordel.
Il réprima un frisson violent et baissa de nouveau les yeux sur ses genoux exposés, en tirant au maximum le tissu de sa jupe. Rouge de honte et de gêne, il ne prit même pas le temps de se demander comment les autres garçons avaient su. Il les avait vu débouler sans comprendre, des têtes familières, d'autre non. Et Kai avait fui. Il s'était empressé de se terrer ici, où tous l'avaient suivi en le huant et en rigolant. Il entendait d'ici la voix de sa mère, clamant qu'il l'avait bien cherché une fois de plus.
– Ne bouge pas, d'accord ? Taehyun va rester avec toi, je vais... Je vais trouver une solution.
Il renifla et cacha une nouvelle fois son visage derrière ses mains. Ne pas pleurer. Jamais devant eux, c'était une règle d'or que Kai s'était toujours imposé.
❘✶❘
Suivi par Beomgyu, Soobin écumait. Il retourna dans la salle de théâtre, le visage rouge de colère, en croisant quelques camarades qui lui jetèrent de drôles de regard, peu habitués à le voir dans un tel état. Dans sa tête, absolument tout se bousculait. Le comment du pourquoi, le comment allait-il faire sortir de Kai, allait-il retrouver ses affaires, quelles allaient être les répercussions... Il marchait si vite qu'il en loupa la porte de la salle, et ce fut Beomgyu qui le tira avec douceur par la manche. Il le remercia d'un signe de la tête avant de rentrer. Il balaya la pièce du regard et soupira. Les affaires de théâtre étaient toujours là : des tissus et des décors en vrac. Il s'approcha et tomba sur le sac de cours de son meilleur ami. Vide de tout vêtement de rechange bien entendu.
– Putain...
Il releva la tête vers Beomgyu.
– Tu vois des pantalons ou des shorts dans les costumes ?
Beomgyu fouilla quelques instants avant de secouer la tête, dépité.
« Non, ce sont des tissus pour des capes, et les jupes des rôles féminins... »
– C'est pas vrai..., soupira-t-il. Il faudrait retrouver ces types, ou aller demander au secrétariat un autre uniforme...
« Il faut que Kai y vienne en personne, ou un de ses parents. Rappelle-toi le jour où je... »
Beomgyu baissa les yeux et Soobin lui tapota l'épaule avec gentillesse. Lui comme Beomgyu se souvenait encore précisément de cette après-midi où Beomgyu avait fini coincé dans les mêmes cabinets. La scène avait soudainement un goût amer de déjà-vu.
« J'ai peut-être une idée ? »
Soobin leva un sourcil, intrigué.
« Je ne suis pas sûr qu'elle te plaise. Mais Kai ne sortira jamais des toilettes dans cette tenue, et on le sait. Sauf s'il n'est pas tout seul. »
Soobin ouvrit de grands yeux. Il n'eut pas besoin de plus d'explications de sa part.
– Putain Gyu t'es génial. Attrape ce qu'il nous faut, prends-en pour Taehyun aussi.
« Si tu arrives à lui en faire porter, tu es fort. »
– Oh non, si toi tu y arrives.
Beomgyu laissa échapper un semblant de rire gêné. Et alors que Soobin s'empressait de remballer les affaires de Kai, il le sentit tapoter son épaule d'un air timide.
« Des photos ont fuité sur le mur de notre classe » signa-t-il avec dépit.
– Oh c'est pas vrai...
« Taehyun va les supprimer, ne t'en fait pas. »
– Comment ça ?
« Tu as oublié que c'était le modérateur de la page ? »
Béni sois-tu Kang Taehyun.
❘✶❘
Taehyun n'avait pas lâché un mot depuis le départ de Soobin hormis un « ça va aller, tu vas voir » d'un ton plat, mais que Kai savait encourageant. Il tripota son bas, les yeux humides, en se demandant dans combien de temps il pourrait quitter ces cabinets. Les étudiants étaient encore bien trop présents dans l'établissement en ce moment même. Quant à attendre la fermeture... Il frissonna en s'imaginant marchant devant l'intégralité du lycée ainsi et rentrer du lycée dans cette tenue. Ses parents allaient le pourrir, et il le savait. Il imaginait sans mal la scène qu'ils lui feraient dès le pas de la porte franchie. Une nouvelle larme lui échappa.
Un bruit de porte se fit entendre, et la voix de Taehyun se fit de nouveau entendre.
– Ah, vous voilà ! Vous avez trouvé quelque chose pour Kai ?
– Pas vraiment, lança Soobin.
Et Kai se raidit. Il était fini.
– Sort Kai, ça va aller...
– Je ne peux pas.... Pas comme ça...
– On a trouvé une solution, ok ?
Il secoua la tête avant d'enfouir de nouveau son visage entre ses mains.
– Ah bon ? Laquelle ? demanda Taehyun.
– Eh bien... Reste calme surtout.
– Pourquoi j'ai peur soudainement ?
Il eut un silence nouveau silence, et quelques bruits de fermetures éclaires se firent entendre.
– C'est... Vous êtes sérieux ?
– C'est l'idée de Beomgyu. Et elle est géniale.
Il eut un nouveau silence, pendant lequel Kai l'imagina sans mal signer quelque chose à Beomgyu pour lui demander des explications.
– Je vais tous vous tuer. Si ça me vaut une mauvaise appréciation ou quoi que ce soit...
– Ça veut dire que tu es d'accord ça ?
Kai se demanda bien ce qui était en train de se dérouler derrière la porte.
– Bien sûr, sombre crétin... C'est tous ensemble ou rien, on ne laisse personne de côté ici. Il ne veut pas ramener son cul Yeonjun ?
Il entendit Soobin lâcher un rire jaune.
– Est-il seulement au courant de ce qui se passe ? railla-t-il.
Il y eut quelques soupirs bruyants. Des bruits de porte, de vêtements qui se froissaient les uns après les autres, et des rires gênés. Et Kai fronça les sourcils, de plus en plus curieux.
– Kai, sors maintenant. Fais-nous confiance s'il te plaît.
Il inspira profondément, essayant d'oublier la pointe de douleur dans sa poitrine. Il abaissa la poignée et tourna le verrou doucement. Il avait toujours fait confiance à Soobin, depuis le premier jour, alors...
Il se stoppa dans ses mouvements et les regarda avec des yeux ronds.
– Qu'est-ce que vous...
– Ouais, aucune remarque, pitié, grinça Taehyun en plissant sa jupe du mieux qu'il put.
Beomgyu le regardait avec un sourire si grand que Kai eut du mal à déterminer si cela résultait d'une joie pure, ou tout simplement d'une volonté de l'encourager.
« Il n'y avait que ça de disponible ! »
– Ensemble dans cette galère ou rien, clama Soobin.
– Vous allez...
– Oui oui, on sait, les gens vont rire. Mais vois les choses d'un autre œil, l'attention ne sera plus sur toi uniquement, lança Soobin.
Les voir dans des tenues pareilles lui semblait irréaliste. Taehyun semblait au bord de la crise de nerfs, et Kai eut envie de se jeter à son cou pour le remercier du fond du cœur. Il eut envie de leur dire à tous qu'il les portait à merveille, leurs belles pièces de costumes réalisées pour cette représentation à laquelle il tenait tant. Beomgyu ne semblait pas particulièrement mal à l'aise, au contraire des deux autres.
– Vous pouviez garder vos pantalons en dessous, murmura-t-il.
– Et toi alors ? Certainement pas non.
Taehyun leva les yeux au plafond et remit son sac sur les dos, avant de lui tendre le sien qu'il attrapa penaud.
– Ils vont tous se moquer...
« Les gens se moquent déjà de moi » signa Beomgyu.
– Moi je m'en fous, honnêtement, je ne suis pas à ça près, soupira Soobin. J'ai des jambes d'exception, il est tant que les gens le sachent.
Taehyun manqua de s'étouffer avec sa propre salive et Kai esquissa un sourire immense.
– Ouais, et moi..., soupira Taehyun. Ça va le faire. T'inquiète paupiette.
T'inquiète paupiette. Taehyun était définitivement perturbé. Il savait ô combien son image lui tenait à cœur, mais aussi ô combien les gens seraient tout bonnement effrayés de lui dire quoi que ce soit en retour.
À ce moment-là, la porte des toilettes s'ouvrit, et un petit groupe de lycéenne, Jiwon à sa tête, s'y engouffra en pouffant. Elles se stoppèrent immédiatement devant ce drôle de conciliabule. Jiwon les regarda un par un, visiblement surprise de les trouver là, et haussa un sourcil. À l'instant même où leurs regards se croisèrent, il baissa les yeux, rouge de gêne et de honte. Oh non... Jiwon l'avait vu. Jiwon qui avait pourtant une haute estime de lui. Jiwon savait. Jiwon était là, sous ses yeux. Il eut envie de retourner se terrer dans sa cabine pour ne plus jamais en sortir. Quelque chose en lui venait de s'effondrer à nouveau.
– Euh..., commença l'une d'entre elles.
– Ouais ouais, on sait, râla Taehyun.
– Kai ? Tu es au courant que ta photo -
– Il a vu, la coupa Soobin.
Non, il n'avait rien vu, mais il imaginait le pire à présent. Une photo de lui avait donc circulé ? Incapable de se concentrer sur autre chose que ses baskets, il pensa à Jiwon, en face de lui, et toujours muette. Je ne suis pas bizarre Jiwon, promis. S'il te plaît, ne me jette pas toi aussi.
– Nous sommes désolées pour toi..., lança l'une d'entre elles.
Et enfin, Jiwon se décida à sortir de sa torpeur et Kai releva les yeux.
– Vous sortez ensemble habillés comme ça, c'est ça le but ?
Beomgyu opina du chef.
– Je vous suis.
Ses amies la dévisagèrent longuement, et elle leur répondit d'un haussement d'épaules.
– Ça vous botte les filles ?
– Carrément !
Soobin se tourna vers lui les yeux ronds, peinant lui aussi à réaliser ce qui était en train de se passer.
– Plus on est, plus on rit ! lança-t-elle.
Il eut envie de lui hurler qu'elle était la plus parfaite des personnes de ce lycée. Et sans demander son reste elle attrapa sa main. Encadré par Jiwon et Soobin, suivis de Taehyun, Beomgyu et du groupe improvisé, il lui sembla soudain que plus rien ne lui était impossible.
On aura tout fait avec vous, avait maugréé Taehyun avant qu'ils ne sortent tous ensemble des toilettes. Et pourtant, en cet instant, Kai se sentit invincible. Il serra fort la main de Soobin dans la sienne, incapable de le lâcher, et ce dernier lui répondit par un sourire réconfortant. Et durant cette traversée improvisée du lycée, absolument plus rien ne parvint à l'atteindre. Il n'y avait que lui, que eux. Que la resplendissante Jiwon qui ne le lâchait pas. Que Beomgyu qui marchait, si sûr de lui, Taehyun qui fusillait du regard le moindre élève les regardant de travers. Et ces camarades qu'il ne connaissait pas vraiment, mais qui s'étaient jointes à eux sans plus se poser de question. Envers eux tous, il était reconnaissant. Ils étaient comme des ailes déployées qui le protégeaient du monde extérieur.
Et comme Soobin le lui avait dit, son prénom ne fut pas le seul murmuré. Les chuchotis, les regards de travers, les sourires mais aussi les regards compatissants, juste curieux... Kai ne les percevait plus. Il n'était focalisé que sur la porte de sortie, non loin d'eux. Que sur la présence de ces personnes qu'il aimait plus que tout. Il en avait oublié les insultes dans les toilettes, et les remarques déplacées. Il en avait oublié sa peur soudaine de rentrer chez lui. Et toute la honte qui s'était abattue sur lui. Il avait les jambes légères, quoique tremblantes, mais ne s'arrêta pas de marcher d'un air assuré pour autant. Le visage rouge, un sourire rigide plaqué sur le visage, il laissa Soobin passer une main par-dessus ses épaules pour l'encourager à nouveau. Et il cessa d'avoir peur.
❘✶❘
Il pleuvait fort quand Soobin arriva en retard chez Yeonjun ce soir-là. Il avait laissé Kai chez lui pour la soirée, lui assurant qu'il serait de retour tôt. Pourtant, Yeonjun ne lui en tint pas rigueur quand il ouvrit la porte de son appartement et esquissa un sourire immense en le voyant enfin. Face à lui, Soobin tenta de garder la tête haute. Il essaya de conserver son sourire, tout son entrain, et de ne pas laisser filer le peu de joie qu'il ressentait en cet instant. Il entra, sans le quitter des yeux, sans cesser de se demander ce qu'il avait bien pu rater depuis le départ. Yeonjun se hissa sur la pointe des pieds pour lui déposer un baiser timide sur le coin des lèvres. Il ne mit que quelques secondes à comprendre que quelque chose le tracassait. Et quelque part... Soobin aurait aimé le serrer contre lui, sans aucune rancœur. L'embrasser comme il en avait rêvé la veille. Se blottir contre lui pour regarder un film et dormir un peu dans ses bras avant de repartir. Mais désormais ? Cette idée le repoussait tout bonnement.
– Quelque chose ne va pas ?
– À ton avis.
Il détestait entendre cette voix sortir de sa bouche. Yeonjun le regarda sans comprendre et il réalisa. Oh bon sang, tu es aveugle à ce point, hein ? Sa bouche se tordit légèrement et il réfréna son envie de fondre en larmes sous ses yeux.
– Soo, tu me fais peur là...
– Pourquoi tu lui as fait ça ?
– De qui tu parles bon sang...
– Kai. Je parle de Kai. Tu sais, Kai, ton ami, mon meilleur ami.
Yeonjun fronça les sourcils et Soobin eut envie de lui hurler que cela ne servait plus à rien de faire semblant. Beomgyu et Taehyun n'en savaient rien évidemment, et Kai n'avait jamais pensé un seul instant que tout partait de lui. Mais Soobin n'était pas idiot. Jamais personne ne venait dans la salle de théâtre hormis les habitués, et les garçons qui avaient humilié son meilleur ami n'en étaient pas. Il en avait fait une déduction déplaisante, qu'il s'en était voulu immédiatement d'imaginer.
– Ça t'a fait marrer de montrer la photo à tes potes, hein ?
Il vit son visage se décomposer immédiatement, et sa bouche s'entrouvrir. Il avait vu juste. L'espace de quelques secondes, il avait espéré du fond du coeur s'être trompé.
– Je... je n'ai pas...
– Te fous pas de moi bon sang !
– Ils étaient à côté de moi quand j'ai ouvert mes messages !
– Et alors ! Bordel Yeonjun !
– Je ne pouvais pas les empêcher de voir bordel !
– Tu pouvais les empêcher d'aller traîner Kai dans les chiottes et de le bizuter, merde ! Putain, Yeonjun !
Il se referma aussitôt, le visage sombre. Je t'en supplie, dis-moi que je rêve. Que je me suis trompé, hein Yeonjun ? À quel moment cette pression que tu t'infliges quotidiennement pour polir ton image a-t-elle pu primer sur lui ?
– Quelle idée aussi, maugréa-t-il.
– Pardon ?
– Quelle idée aussi de se fringuer comme ça au lycée !
– Ne pars pas là-dessus. Ce n'est pas le problème Yeonjun.
– Bien sûr que si ! Arrête de le surprotéger comme ça aussi, tu -
– Tu vas la boucler oui ?!
Yeonjun le regarda avec des yeux ronds. Le surprotéger. Il se sentait trahi, blessé, incompris. Et pire que tout, puisque tout cela venait de lui. Les oreilles bourdonnantes, il peinait encore à ne pas perdre complètement le contrôle et exploser face à lui.
– Je n'arrive même pas à croire que tu ne sois pas venu.
– J'avais des cours et-
– Mais putain ! Yeonjun tu...
Il était trop tard, déjà, il sentit ses yeux s'humidifier et une première larme lui échapper.
– Il... Il ne sait pas que c'est de ta faute... Et si je lui disais, ça le détruirait de savoir que tu n'as rien fait.
Yeonjun ne répondit rien, le visage blême et crispé. Il le voyait de nouveau, son air d'enfant coupable. Le même que Yeonjun arborait quand il se demandait réellement s'il venait de commettre une erreur ou non.
– C'est réglé, non ? marmonna-t-il.
– Pas grâce à toi. On peut remercier Taehyun d'avoir supprimé les photos de la page de notre classe. On peut remercier Beomgyu et Jiwon d'avoir été là ouais. Mais pas toi. On avait tous besoin de toi Yeonjun.
– J'suis désolé, d'accord ?
– C'est pas à moi qu'il faut dire ça.
Et sous ses yeux ébahis, il le vit lever les yeux au ciel.
– Je crois que tu ne te rends pas compte, murmura Soobin. De tout le mal que ça lui a fait, et que ça va lui faire. De l'impact que cela va avoir sur ses prochaines semaines à la maison si cela se sait jusqu'à chez lui, et ça se saura.
– Eh bien va le voir, marmonna Yeonjun. Reste pas là, casse-toi le réconforter, perds pas ton temps avec moi.
– Ne sois pas comme ça, siffla-t-il.
– C'est pas compliqué bon sang, choisi, passe ta soirée avec moi, ou va sécher ses larmes ! Mais j'ai jamais voulu lui faire de mal bordel...
– Choisi ?
Il détesta son regard à ce moment-là.
– Je ne suis qu'une perte de temps de toute façon ! La porte est derrière toi.
Oh si j'avais su ce que ces mots voulaient dire pour toi.
– Tu veux juste me voir partir, c'est ça ?
– Si c'est pour parler de ça toute la soirée, ouais.
– Très bien.
Il essuya ses joues humides. Il se considérait comme une perte de temps. Leur relation était une perte de temps. Il renifla, en colère, et essuya une joue d'un geste rageur de sa manche.
– Va te faire foutre Yeonjun. Reste seul dans ton placard surtout. Ne compte pas sur moi pour revenir.
Il pivota et sentit à peine sa main se poser sur son épaule.
– Qu'est-ce que tu racontes...
– J'arrête tout.
Qu'est-ce que je suis en train de faire...
– Pardon ?
– Toi et moi, c'est terminé.
Trop tard, c'est dit.
– Soo, tu peux pas...
Il ouvrit la porte sans demander son reste, sans un seul regard en arrière. Il avait eu envie de l'embrasser, jusqu'au dernier moment. De le serrer dans ses bras, de ne jamais le quitter : de le garder auprès de lui pour toujours. Mais il y avait cette montagne de non-dits, de secrets, de honte qui venait d'exploser en lui et qui ne lui donnait aucune envie de revenir sur ses paroles. Ce fut Yeonjun qui s'agrippa à son bras, le visage défait. Il le tira contre lui pour l'étreindre, la tête nichée contre son épaule.
– Ne pars pas... On ne peut pas tout arrêter...
– Ah ouais ? On va voir les choses autrement alors Yeonjun, murmura-t-il.
Un jour, tu accepteras de dire à tes parents que tu sors avec moi ? Est-ce que tu arrêteras de jalouser Kai pour rien ? Est-ce que je pourrais tenir ta main en public ? Est-ce que tu accepteras de me dire pourquoi tu es triste à chaque fois qu'on se voit ? Est-ce que tu me traiteras vraiment comme une vraie relation ? Il y avait tant de questions, tout un monticule d'interrogations que Soobin avait gardé pour lui depuis des mois.
– Est-ce que tu m'aimes ?
C'était la question la plus importante, la première et la seule véritable à poser. Et il connaissait déjà la réponse. Il se détacha de lui, et Soobin baissa le regard. Le visage de Yeonjun termina par perdre le peu de prestance qu'il lui restait et il laissa échapper un rire sans joie.
– Ouais, c'est bien ce que je me disais.
─ 𝐊𝐔𝐊𝐈𝐇𝐈𝐌𝐄 𝐓𝐈𝐌𝐄 ─
Hello ! Comment allez-vous ? Bon, euh, j'en conviens, ce n'est pas la chapitre de la joie, mais tout le monde ici savait que ça allait fatalement arriver ;-; J'espère néanmoins que le chapitre vous aura plu, et je vous dis à bientôt pour un retour sur l'île <3
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