13. T.M.I.

— Tu penses qu'elle est toujours en train de pleurer, là ?

— Je n'en sais rien, Iseul. Arrête de parler

— Tu chiales devant l'Attaque des Clones, Iseul. Tu n'as pas de leçon à donner.

Ophir secoua la tête et ramassa un autre bout de céramique cassé. Il faisait partie du petit groupe qui nettoyait les dégâts dans la chambre de Darcy tandis que cette dernière se trouvait dans la sweat lodge avec le Fennec et Duchesse.

— Si tu dis un gros mot devant moi encore une fois, Mozart, je le dirai à Makar et il...

— Qu'est-ce que tu as l'intention de me dire, Iseul ?

Ophir sursauta et, en se relevant trop vite, se heurta la tête contre une planche de la bibliothèque démantibulée.

— Oh, Ophir, mon pauvre petit. Est-ce que tu t'es fait mal ?

Le sourire du Russe, nota Napoléon qui cherchait un moyen de réparer la bibliothèque si chère aux yeux de Darcy, était d'une sincérité terrifiante.

Oppa ! Est-ce que Maryam...

Cette fois, Makar fronça les sourcils :

— Non, Iseul. Tu arrêtes. Ou je me fâche.

— J'allais dire la même chose, Iseul ! Maintenant tu arrêtes tes bêtises !

— Napo ! J'ai pas fait de bêtises !

— Graham ne serait pas avec Savannah si tu n'avais pas commencé à raconter toute ton origin story. Maintenant soit tu aides à ranger, soit tu files en entraînement.

— J'aide à ranger !

— Tu restes à au moins deux mètres de moi, Iseul, réclama Makar en levant un sourcil.

— Elle est quand même très sensible, cette fille, marmonna Ophir tout en déchiffrant le résumé d'un livre qu'il venait de ramasser. Elle craque juste parce que Emmy lui raconte sa vie. Qu'est-ce qu'il va se passer quand elle va se retrouver face à Latif ? Maryâm n'a qu'à la mettre sous antidépresseurs et la renvoyer à Manchester.

— Tiens, en parlant de l'instructeur Latif, sourit Iseul qui venait de se glisser dans la salle de bain pour s'emparer d'un seau et de produits nettoyants au hasard. Nab m'a raconté qu'il te fait tellement peur que tu n'avais pas fait caca pendant une semaine complète pendant un stage.

Bonaparte laissa échapper un rire amusé et Makar adressa à la petite Coréenne un regard approbateur.

— Em ! glapit Ophir dont les bras tombèrent de part et d'autre de son corps. Tu abuses !

— Quoi ? C'est vrai ou pas ?! Et tu as bien fini par faire caca, Ophir.

ISEUL, PURÉE ! ARRÊTE !

— Il faut avouer que Latif peut avoir parfois un effet rétenteur, admit Bonaparte. Mais ça ne t'a pas fait de mal, Ophir, avoue-le.

— Nab a même dit que tu as dû lui demander de l'aide quand...

Mozart, humilié et en désespoir de cause, lança le livre qu'il tenait à la main sur Iseul dont le ton clinique ne trahissait pas l'hilarité intérieure. Black Stag intercepta le missile d'un mouvement bref et darda sur l'Israélien une œillade sombre :

— On ne joue ni avec la nourriture, ni avec la littérature, Ophir Sakal.

— Dis-nous comment s'est terminée ton aventure côlonique, ô grand Mozart, l'encouragea Bonaparte avec un immense sourire.

— Ntèli revenait du Gabon, il avait de la nourriture de chez lui et il m'a cuisiné quelque chose qui, selon lui, était radical chez la plupart des Blancs.

— C'était quoi ?

— Un truc à base d'aubergines locales.

— Les aubergines te font faire caca ?

— Iseul, tu me fais chier.

— Ah. Pas que les aubergines, donc.

Ophir coula un regard suppliant à Bonaparte qui éclata d'un grand rire ravi.

— La vraie question est : est-ce que Ntèli cuisine bien ? demanda Makar.

— Oui. C'était super bon, mais je n'ai pas eu le temps de finir mon assiette.

— Moi, c'est les pains de manioc que je n'arrivais pas à digérer au début, quand j'étais en mission en Guinée, fit remarquer Iseul. J'adore ça, mais ça...

TMI Alert (1), murmura Makar en secouant la tête.

— Attends, Makar, je raconte. Ça me donnait une de ces courantes ! Comme j'étais avec Latif, à ce moment-là, il m'a obligée à prendre plein d'argile pour que j'arrête de passer mon temps aux toilettes.

— Ben quand Ntèli t'invitera à manger du poisson fumé aux aubergines, décline, ronchonna Ophir.

— Vous saviez qu'il y a des gens qui sont addicts à l'argile, dans certains coins d'Afrique ?! fit Iseul.

— Au kaolin ? demanda Bonaparte.

— Ben heureusement qu'on en trouvait, du kaolin, parce que quand j'allais aux toilettes, j'avais l'impression que...

— Lee Iseul, claqua une voix sèche. J'ai rarement eu une occasion si belle de te demander de la boucler.

Ophir et Iseul se redressèrent aussitôt, le menton légèrement levé.

— Bonjour, Latif, salua Makar en fixant le nouvel arrivant des yeux.

L'homme qui avait interrompu le flot d'anecdotes médicales de la jeune coréenne affichait un air de dégoût prononcé.

— Toi, le Russe, je ne te parle pas, rétorqua-t-il en fronçant le nez. Qu'est-ce que tu fous là ?! Je croyais que tu ne vivais pas sur le campus.

— Il faut savoir, Latif el-Kafir, tu me parles ou tu ne me parles pas ?

— Bon. Lee Iseul, tu m'expliques pourquoi tes camarades sont en train de pomper pendant que tu fais un exposé international sur tes aventures fécales ?

— Mais...

— Et tu m'expliques pourquoi tu n'es pas déjà dans le couloir au triple galop pour rejoindre tes camarades sur les tatami ?

— J'y vais, chef, j'y vais... ronchonna Iseul qui passa le plus loin possible de Latif mais n'échappa pas à un coup de pied aux fesses. AÏ-EUH !

— Et j'ai la même chose en réserve pour toi, Sakal, menaça l'instructeur en tendant l'index vers Ophir. Ça fait trop longtemps que je ne t'ai pas vu à l'entraînement.

— Oui, chef Latif...

— Quant à toi, Makar Arkhangelsky, je te rappelle simplement que je n'ai jamais donné mon accord pour que tu fasses partie des Mayhem's Men.

— Quant à moi, je peux t'assurer, Latif el-Kefir, que si tu acceptes que nous partions en mission ensemble ne serait-ce qu'une semaine, ton opinion se rangerait à celle de mes plus fervents amis.

— Il faudrait soit s'appeler Lee Iseul, soit être un grand dégénéré pour vouloir partir en mission avec toi. Et si j'apprends que Lee a encore eu plus de trente secondes d'interactions avec toi, je brûle ton manoir des caves au grenier, kuss um'mak !

Latif cracha aux pieds de Makar qui secoua la tête avec un fin sourire en le regardant partir. Napoléon, qui s'était assis sur le lit pour suivre l'échange avec intérêt et patience, pencha la tête sur le côté et adressa le sourire le plus faux possible à Ophir Sakal qui perdit ses couleurs :

— Bon ! Eh bien j'imagine que c'est le timing rêvé pour parler des candidats au Mentorat de Darcy Graham ?

*

(1) « Too Much Information » : Alerte à l'excès d'information.

*

Merci pour votre lecture ! J'espère que ça vous plaît :-)

Au risque de recevoir un label "TMI" de la part de Black Stag : de nombreuses anecdotes de ce chapitres sont bien sûr inspirés de faits réels... ^^

Bisous 

Sea

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