10. Blow
— Hey ! Oh, désolé, c'était ouvert. Attends...
Ophir avait pris un peu d'avance pour aller présenter ses excuses à Darcy. La Murène était loin d'être celui qui lui avait le plus reproché son attitude envers la nouvelle recrue au réfectoire : Nab et Styx avaient été les plus virulents. Pollus non plus n'avait pas été très tendre avec lui. L'Israélien ne souhaitait plus qu'une chose : réussir à obtenir quelque chose qui ressemblait plus ou moins à un pardon de la part de l'Anglaise. Il avait surpris cette dernière et le mug de thé noir qu'elle venait de se verser s'était écrasé au sol.
— Et merde... je suis désolé. Attends, non, t'es pieds nus. Mais non ! Et voilà ! Tu écoutes quand on te parle ?!
Darcy avait eu une réaction instinctive en voyant l'agent se précipiter vers les lieux du drame et avait reculé sans réfléchir, marchant de tout son poids sur les éclats tranchants. Des traces de sang apparurent sur le sol et le visage de Mozart s'allongea, déconfit.
— Attends, bouge pas !
Le jeune homme, sans l'once d'un centième de réflexion sensée, saisit l'adolescente par la taille pour la lancer mollement sur le lit, tenant à tout prix à éviter qu'elle se blesse davantage. Ophir, satisfait de sa décision, s'apprêtait à nettoyer le sol lorsqu'il sentit une brusque tension sur sa chemise. Plus précisément : quelqu'un venait de faire irruption dans la chambre pour le saisir par le col et le projeter en arrière, droit sur la bibliothèque. Cette dernière, lorsque Mozart étourdi fit quelques pas en avant, oscilla et s'écrasa dans le dos de l'Israélien, le faisant tomber au milieu du thé noir et de livres en pagaille. La bibliothèque était en miettes et Mozart, en dessous, n'était pas loin de dresser le même bilan.
Darcy reconnut en un coup d'œil le visage félin de l'inquiétant Black Stag. Il était à peine décoiffé et son visage ne transmettait aucun signe de colère. Le Russe se pencha et, en quelques gestes rapides, écarta les planches et livres étalés sur Ophir. La jeune Anglaise aurait pu les laisser régler leurs comptes entre eux, mais deux inconvénients poussèrent Darcy à intervenir : le premier était que si les deux hommes se battaient ici et maintenant, sa chambre – à laquelle elle tenait particulièrement – ressemblerait à un chantier qui aurait été traversé par des hippopotames en furie. La deuxième était que Black Stag tenait dans la main gauche quelque chose qui ressemblait vraiment à un couteau.
— Hé ! Hé ! Non ! – Aïe ! – J'ai dit NON !
Darcy avait sauté à pieds joints sur des éclats de mug, mais avait attrapé le bras armé de Black Stag pour y peser de tout son poids.
— Je vais vous mordre ! Je vais vous mordre si vous lâchez pas ça !
Sentant les muscles durs comme la pierre du Russe se tendre – et constatant qu'il n'avait pas lâché le couteau – la jeune fille planta les dents dans le biceps bandé de son adversaire et serra de toutes ses forces. Elle entendit un juron échapper des lèvres de Black Stag, puis un ordre :
— Darcy ! Lâche-le ! Lâche-le ! Black ! Makar ! Lâche ton couteau ! DARCY, ARRÊTE DE LE MORDRE ! Mais c'est pas possible ! Ophir et Makar, vous me faites chier, tous les deux – et Ophir je sais que tu comprends ce que je dis !
Bonaparte ramassa le couteau que Black Stag avait fini par laisser tomber et il ceintura l'Anglaise pour l'évacuer de force de sa propre chambre.
— Mais regarde-moi ce bazar ! Etzel ! ETZEL ! ET-ZEL ! VIENS RÉCUPÉRER TON ROOKIE ! BLACK ! SORS DE LÀ ! Balam, tu es là...
Le Fennec venait de débouler, un écouteur infra dans la main, les yeux exorbités.
— MAKAR ! rugit le géant, faisant sursauter à la fois Darcy et le Français qui la ceinturait toujours. TU SORS DE CETTE CHAMBRE !
Il n'eut même pas besoin d'entrer pour que Ophir, rapidement suivi par Black Stag, évacuent les lieux.
— Non ! Vous restez ! TOUS LES DEUX ! explosa le Mexicain, faisant tomber son second écouteur par terre. Makar, n'essaie même pas de filer, ou je m'assure que tu partes en mission humanitaire avec M99 !
Il projeta les deux belligérants contre le mur, manquant d'ajouter davantage de destruction à la chambre de Darcy.
— Ne dis pas ça trop fort, marmonna Bonaparte qui avait passé un bras sous les jambes de Darcy pour pouvoir la soulever et la porter comme un bébé. Si Emmy t'entend dire ça, elle va devenir absolument insupportable.
— Maintenant, quelqu'un va m'expliquer pourquoi cette gosse est couverte de sang ! continua le Fennec. Ophir !
— Je voulais m'excuser et... ça s'est mal passé mais ses pieds, c'est un accident.
— Oui, c'est un accident, confirma aussitôt Darcy. Mon mug est tombé et j'ai marché sur des morceaux : il... euh... Beethoven...
— Mozart, corrigea l'intéressé en levant les yeux au ciel avant de noter l'éclair de sarcasme dans les prunelles de la jeune fille. Oh, très spirituel.
— ... Mozart m'a juste jetée sur le lit pour éviter que je me blesse. J'imagine que euh... Black Stag a cru que Mozart m'attaquait et qu'il a voulu euh... me défendre ?
— Mozart, avec quoi tu lui as fait ça ?! gronda le Mexicain en saisissant le bras blessé de Black Stag.
Il déchira la manche de la chemise du Russe et dévoila énorme bleu circulaire auréolé de tâches rougeâtres sanglantes.
— Tu aurais pu me demander de l'ôter, Balam...
— Elle était déjà déchirée et tachée de sang.
— Tout de même.
— Ophir ?
— Je ne me souviens pas vraiment d'avoir fait ça, rétorqua l'Israélien en haussant une épaule. Mais dans le feu de l'action...
— C'est moi, avoua précipitamment l'Anglaise en resserrant les doigts autour du cou de Napoléon qui ricana. Je... euh...
Elle faillit mentionner le couteau mais préféra s'abstenir d'incriminer qui que ce soit. Elle était un peu trop douée pour se faire des ennemis.
— J'ai paniqué.
— Ben voyons, fit Bonaparte. Je l'emmène à l'infirmerie. J'espère que tu n'es pas chatouilleuse.
Le Fennec, Mozart et Black Stag attendirent une bonne minute avant de soupirer. L'Israélien fut le premier à grogner :
— Je croyais qu'il n'était pas censé utiliser d'arme ?
— Black, Mozart a raison : qu'est-ce que c'est que cette histoire de couteau ?
— J'ai vu une occasion en or. Je l'ai saisie, rétorqua le sombre personnage.
— En tout cas, on peut dire qu'elle est loin de la jouer perso, l'ignora Mozart. Elle a couvert les pulsions meurtrières de Black Stag.
— Et elle s'est littéralement placée entre toi et mon poignard, Ophir. Quelle chance tu as d'avoir une si précieuse amie.
— J'étais sérieux au sujet de M99, Makar : essaie encore une fois de profiter de la situation pour régler tes comptes avec Ophir et je te colle avec elle jusqu'à la fin de tes jours.
Le Russe leva les mains en signe de reddition :
— J'avais bien le droit d'essayer.
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