10

Quand Maya, Zoé et Cloé entrèrent dans la boutique d'herboriste, elles entendirent des voix qui se chamaillaient.

Surprises, elles se regardèrent. Qui pouvait être en train de se disputer ici ? Surtout que le bruit provenait du premier étage, là où il y avait l'appartement de Lucille et celui de Séguéron. Séguéron était le grand-père de Maya, mais pas biologique. En effet, il avait adopté Julia, la mère de Maya. Julia avait connu une enfance difficile : à peine sortie du berceau, elle avait été abandonnée dans un orphelinat chinois. Elle fut adoptée par un couple anglais et vécue ses dix premières années heureuse. Lors d'un voyage en France, la petite famille eut un accident de voiture et seule Julia survécut. Elle fut alors placée dans un pensionnat pour enfants abandonnés et trop vieux pour l'adoption. A cause de ses origines, les autres enfants ne l'aimaient pas et s'amusaient à la dénoncer pour des fautes qu'elle n'avait pas commises. Les adultes étaient strictes et faisaient faire des corvées aux enfants le plus souvent possible, à Julia en particulier. Quand elle eut seize ans, elle fit la rencontre de Séguéron, qui voyageait dans la région. Celui-ci la prit sous son aile. Il l'adopta et l'emmena à Paris. Quatre ans plus tard, Julia se mariait. Un an de plus et Maya naissait.

Bien que Séguéron ne l'ait pas élevée, Julia le considérait comme son père. D'autant plus que même quand Julia se fut mariée et eut des enfants, le vieil homme resta toujours dans les environs.

-Je ne reconnais pas ces voix, dit Zoé en regardant par l'escalier.

- Moi, non plus, répondit sa sœur, on n'a qu'à sonner !

Elle s'approcha du comptoir et agita la clochette. Les chamailleries s'arrêtèrent d'un coup et une grande dame, qui n'était autre que Lucille descendit pour venir les accueillir.

Maya était toujours étonnée en voyant Lucille, même si elle la connaissait depuis qu'elle était petite. Il faut dire que Lucille n'était pas ordinaire. Elle ne sortait quasiment pas de sa boutique, et cela soulageait Maya : si elle allait dehors, les gens la dévisageraient.

Pour commencer, Lucille avait de longs cheveux bleus avec des mèches plus ou moins foncés, légèrement ondulés et qui descendaient jusqu'aux hanches. Ses yeux bleus étaient entourés par un maquillage bleu. Cela lui faisait comme une sorte d'aile dessinée et coloriée autour de chaque œil. Ses lèvres étaient bleues et ses ongles aussi. Elle portait une longue robe à manches longues et qui cachait ses pieds. Cette robe était magnifique : les bordures du bas, des manches et celle autour du cou étaient bleu marine et le reste de la robe était fait de plein de petites spirales bleues les unes collées aux autres sur un fond blanc. Elle avait aussi une longue cape de velours bleu et des escarpins bleus. De plus ses mains étaient couvertes de tatouages bleus qui avaient pour motifs les mêmes spirales que celles de sa robe. Enfin, elle avait autour du cou un long collier de perles bleu azur et portait des boucles d'oreilles avec les mêmes perles. Elle était aussi belle qu'étrange, et Maya trouvait qu'elle ressemblait bien à ce qu'elle était : une voyante, une herboriste, une guérisseuse, une chamane...

-Joyeux anniversaire mes petites nièces adorées ! s'exclama Lucille en embrassant Zoé et Cloé. Comment allez-vous ? Vous êtes toutes blanches !

-On va très bien ! assura Zoé. Il y a juste le collège qui a brulé mais sinon tout va bien !

-Votre collège ? C'était donc ça l'alarme et les cris des élèves...

Maya sourit à son tour quand la tante de ses amies se tourna vers elle.

-Bonjour Maya ! Tu as l'air épuisée.

-J'ai couru ! répondit Maya d'un ton assuré.

Lucille la regarda, étonnée. Fornuisse s'approcha de Maya et dit tout doucement comme si elle avait peur que quelqu'un d'autre que Maya et les jumelles ne la voie :

-La tante des jumelles de la Terre n'a pas l'air de croire ma maîtresse... Mon conseil est que vous lui fournissiez une réponse plus complète.

Puis elle retourna vers le fond de la pièce, là où les autres chepsels se trouvaient.

Lucille avait eu l'air de froncer les sourcils lorsque Fornuisse s'était approchée. Sans doute parce qu'elle pensait que Maya lui mentait, il n'y avait aucun rapport avec le fait que des créatures bizarres se trouvaient ici.

Mais quand Maya vit le regard de Lucille suivre la petite créature jusqu'à l'endroit où les autres chepsels se trouvaient, elle eut un doute. Elle n'était pas censée les voir. Ils ne s'étaient rendus visibles que pour les trois eyriniens.

Le regard de Lucille revint vers elles. Les chepsels se mirent à chuchoter entre eux avec des airs perplexes.

-Ce sont des chepsels ? demanda la chamane comme si ces créatures étaient aussi connues que les chiens et les chats.

-Mais... commença Cloé.

-Comment peux-tu les voir ? continua Maya.

-Et comment connais-tu leur espèce ? termina Zoé.

Les trois filles étaient stupéfaites. Lucille aussi, mais elle ne devait pas avoir les mêmes raisons.

-En tant que chamane, je peux percevoir bien plus que l'apparence. Je peux percevoir les esprits et les auras de chaque créature vivante. L'invisibilité ne dissimule pas cela, vu que de toute façon, rares sont les personnes assez ouvertes d'esprit pour les apercevoir. Etre chamane m'a permis de développer cette capacité et depuis plusieurs années, avec l'aide du bon professeur qu'est le grand-père de Maya, j'ai appris à entendre et à voir la silhouette des personnes invisibles. Même si je les vois uniquement vaporeuses.

Les chepsels, qui avaient arrêté de parler pendant l'explication de Lucille, recommencèrent leur chuchotement une dizaine de secondes et arrêtèrent quand Roalia s'avança. Baanach et Fornuisse la suivirent à contre cœur. Le trio s'arrêta devant Lucille et s'inclina devant elle. Ils devaient venir de se remettre visibles car Lucille eut l'air de moins forcer pour voir leurs silhouettes. Elle les observa longtemps.

-Ce sont bien des chepsels ! annonça-t-elle en se redressant.

-La tante de ma maîtresse devrait dire ce qu'elle sait et devrait ôter toute méfiance de sa tête. Ce que vous croyez et bien vrai ! assura Baanach à la chamane.

-Quoi ? dit Cloé. Comment sais-tu que ce sont des chepsels et que crois-tu ?

-Je sais que ce sont des chepsels car je vis justement avec certains d'entre eux, ainsi que d'autres créatures qui viennent de Eyrini.

Les trois filles se regardèrent. Comment connaissait-elle Eyrini ?

-Je connais Eyrini car je connais un homme qui est de là-bas et qui me laisse ses créatures quand il fait ses voyages pour retrouver les deux jumelles qui l'accompagnaient. C'est marrant qu'elles vivent juste à côté alors qu'il les croyait dans un autre pays. En plus, c'est moi qui retrouve leur piste en même temps que je découvre certaines des futures gouverneures. Oui, il m'a tout raconté, et oui je le sais depuis que je le connais, répondit Lucille comme si elle avait lu dans les pensées de ses trois visiteuses. C'est-à-dire il y a plus de vingt ans, cinq ans avant que sa petite-fille naisse.

Les trois filles étaient choquées : les jumelles, car leur tante connaissaient leur origine ; Maya, parce qu'elle pensait connaître l'identité de l'homme. Même si c'était vraiment trop fort.

-Cet homme, commença-t-elle, c'est mon grand-père ?

-Tu es de quel élément?

-Feu...

-Alors c'est super! Vu que c'est le père de l'ainée du feu qui est elle-même ta mère biologique, oui. C'est ton grand-père biologique.

-Ce que je veux dire, dit Maya, c'est que mon grand-père, le père adoptif de ma mère, est vraiment mon grand-père biologique !! Séguéron ! continua-t-elle en haussant le ton à chaque phrase.

Maya regarda Lucille et se calma.

-N'est-ce pas ?

-En effet... finit par dire Lucille. Ton grand-père maternel est en fait ton vrai grand-père. Mais il ne savait pas que tu étais eyrinienne. Je pense qu'il n'était même pas au courant que tes parents avaient dû recourir à la fécondation in-vitro.

Les jumelles se regardèrent et eurent un éclair d'illumination.

-La coïncidence est quand même hyper drôle ! s'exclama Cloé.

On entendit des bruits d'objets qui tombent et des jurons.

-Oh ! dit Lucille en se tournant vers le dressing d'où venaient ces bruits. Je crois que Séguéron vient de rentrer de son voyage. Il rentre toujours par la porte de derrière.

En effet, un homme sortit du dressing en s'appuyant sur sa canne. Il était grand, avait de longs cheveux et une longue barbe blanche, ses yeux étaient noirs... Malgré son apparence, il n'avait pas le visage d'un vieillard. Comme Hélène et Delphine, sa peau était lisse, aucune ride. Quand il vit le petit monde qui l'accueillait, il s'arrêta.

-Qu'est ce qu'il se passe ici ? demanda-t-il en regardant tour à tour les trois eyriniennes, Lucille et les chepsels.

-Eh bien, commença la chamane, on dirait bien que nous avions les autres eyriniens à côté de chez nous.

-Qui est-ce ?

-De ceux que tu connais, il y a Zoé, Cloé, Louis, Will, Liam et moi, répondit Maya. Et on sait qui sont les autres !

Séguéron paru bouleversé, ce qui était rare chez lui.

-Et de quelle famille êtes-vous ?

- Zoé et Cloé sont de la Terre... Moi je suis du Feu...

*

Samedi, tout le monde alla chez les vieilles jumelles. Séguéron retrouva ses anciennes amies et Lucille fut officiellement acceptée pour les aider. Les deux herboristes avaient emmené les créatures qu'ils possédaient en les fourrant dans des malles à leurs grandes protestations.

Ils attendaient tous impatiemment que les trois Bichon arrivent pour pouvoir commencer les présentations.

-Plus que trois minutes ! annonça Will en regardant sa montre. Ah ! Plus que deux minutes !

A trois heures pile on sonna à la porte. Liam se précipita et ouvrit. Trois personnes entrèrent. Le plus grand, qui devait être Félix, était blond vénitien. Il avait des taches de rousseur sur tout le visage, des yeux gris, des épaules carrées, il était légèrement trapu. Ses cheveux courts étaient un peu bouclés. Félix était un peu petit pour un garçon de seize ans, mais avait l'air d'être plus mature.

Olivia, elle, avait des cheveux bruns, coupés au carré. Ses yeux noisette scintillaient. Comme son frère jumeau, elle était petite. Ce qui était normal vu qu'ils avaient juste treize ans. Théo avait les mêmes yeux et les mêmes cheveux que sa sœur, mais il avait une coupe au bol.

Quand les présentations furent faites, ils s'installèrent tous dans un grand salon. Séguéron commença :

-Eh bien maintenant que nous sommes tous réunis, nous allons pouvoir commencer ! Je crois que mes petits-fils se sont occupés de vous envoyer tout ce qu'ils savaient par messages ? dit-il aux trois nouveaux.

-Oui ! répondit Liam avant que l'un des trois ne puisse ouvrir la bouche. Tout ce que nous savons, je le leur ai envoyé !

-Très bien. Voilà une bonne chose de faite !

-Monsieur... fit Olivia. Vous êtes le grand-père de Maya, Will et Liam ?

-Le vrai? dit Paul. On ne m'a pas mis au courant !

-Mais Paul ! répliqua Pauline. Si c'est l'homme qui était avec Hélène et Delphine c'est qu'il est leur grand-père biologique, en plus d'adoption.

-Il faut savoir qu'il n'est pas uniquement le grand-père de la famille du feu, annonça Delphine, il est aussi le grand-oncle de la famille de l'air !

-Quoi ! s'écrièrent en cœur les adolescents.

-Ca veut dire qu'on est cousins avec Martine, Pauline et Paul ! dit Will. Cool!

-Eh bien, oui en effet, répondit Séguéron mal à l'aise avant de se tourner vers Martine, Paul et Pauline. Mon frère est le père de votre mère, l'ainée des gouverneurs de l'air.

-Sympas de nous mettre enfin au courant... marmonna Paul

-Bon ! coupa Maya après un blanc. Je propose qu'on passe à autre chose ! On apprend peut-être au fur et à mesure nos origines et nos liens de parenté, mais là on a d'autres choses à faire !

-Tu n'es pas étonnée ? lui souffla Zoé. Tu viens quand même d'apprendre que tu avais des cousins au collège !

-Ça fait un petit bout de temps que plus rien ne m'étonne. Alors ? Ces créatures ? demanda-t-elle à son grand-père.

-Oui, oui... dit-il en ouvrant la malle. On va commencer par les chepsels que j'ai, déclara-t-il, il y en a six. Sortez de là les chepsels ! ordonna-t-il aux créatures dans la malle.

Six chepsels en sortirent d'un bond. Il y avait deux filles et quatre garçons dont deux qui avaient un air plus jeune et qui se ressemblaient.

« Sans doute des jumeaux... » pensa Maya.

-Voici Noubi, Craalne qui est mon chepsel depuis des décennies, Vaana et ses deux jumeaux Poti et Tifi qui sont nés avant le passage.

-Il est où le père ? demanda Cloé.

-Il a été assassiné pendant la prise de pouvoirs de Mark.

-Oh...

-Et voici la dernière, Faani. Elle est la chepsel de Lucille. Bien qu'elle appartienne à l'espèce humaine, Faani la considère comme sa maîtresse, amie, soeur de coeur et tout le tralala.

Les enfants le regardaient avec de grands yeux, attendant qu'il continut. Mais alors qu'il allait ouvrir la bouche, la première troupe de chepsels débarqua dans le salon et s'arrêta en voyant leurs congénères. C'est là qu'un évènement extraordinaire se produisit. Les enfants en avaient entendu parler mais ne pensaient pas qu'ils seraient un jour spectateurs de cette scène...

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